Le projet de loi réformant la protection de l'enfance est, comme vous l'avez précisé, monsieur le ministre délégué, un texte d'organisation. Pourtant, la clarification des missions et des compétences, ou encore la diversification des modes de prise en charge, sont autant de dispositifs qui nécessitent une logique d'accompagnement, logique qui demande des moyens matériels et humains.
L'exigence de cohérence se vérifiera en effet d'abord au vu des financements qui détermineront et pérenniseront les actions. Si le coût de cette réforme pour l'État a été chiffré, une grande inconnue demeure : la capacité financière des départements à mettre en pratique les mesures préconisées.
S'agissant, par exemple, du suivi des femmes enceintes et de l'entretien systématique au quatrième mois de la grossesse, notre collègue Bernard Cazeau, au nom de l'Association des départements de France, a déclaré devant la commission des affaires sociales qu'il n'était pas « envisageable de rendre systématique la visite des professionnels de la PMI au domicile de toutes les jeunes accouchées » et que « la nouvelle prévention sociale confiée à la PMI concernerait en fait les personnes qui se tournent déjà vers ce service pour la prévention médicale ». Nous savons bien ce que sous-entend notre collègue, qui s'en est d'ailleurs expliqué.
Ensuite, le suivi périnatal et postnatal sera-t-il imposé ? Si oui, de quelle manière le sera-t-il ? Je pose la question, monsieur le ministre délégué, parce que l'ODAS, l'observatoire national de l'action sociale décentralisée, indique que les premiers facteurs de risque pour l'enfant sont l'isolement et l'appauvrissement du lien social, et parce qu'un rapport de l'observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale fait état d'une enquête périnatale de la DRESS, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la santé, corroborant l'existence de disparités sociales tant dans le déroulement de la grossesse que dans son issue, et révélant que plus de 10 % d'ouvrières non qualifiées et 15 % de femmes sans profession n'effectuent pas la totalité des sept visites prévues par la loi ; en outre, 60 % des avis et recommandations fournis lors des bilans de santé à l'école ne sont suivis d'aucun effet.
Les enfants sont-ils en danger pour autant ? Ce point fera l'objet d'un de nos amendements.
D'autre part, la protection et la prise en charge des enfants en danger reposent autant sur les professionnels de l'intervention sociale que sur les accueillants. Or, il semble que ce sont, encore une fois, les grands oubliés du dispositif.
La loi du 27 juin 2005 avait pourtant reconnu aux assistants familiaux un véritable statut de professionnels et une meilleure reconnaissance de leur travail et de leurs responsabilités.
À l'opposé, sur un sujet aussi délicat, il n'est pas du tout certain que le secret « partagé » avec les élus contribue à la cause des enfants victimes de maltraitance. En votant pour leur édile, les administrés ne lui ont certainement jamais conféré pareille légitimité.
Les collectivités, reprenant les objectifs des contrats « politique de la Ville », ont fait d'énormes efforts dans l'accompagnement des enfants et de leur famille. Nul ne peut nier l'aspect préventif, voire parfois curatif, de ces actions.
L'empilement des dispositifs a tué la politique de la Ville et les prochains contrats de cohésion sociale, dont on sait déjà qu'ils sont aussi sélectifs, si ce n'est plus, que les contrats temps libre, permettront-ils de continuer cette politique de « prévenance », comme disent les Québécois ?
Enfin et surtout, y aura-t-il coordination avec le prochain projet de loi sur la délinquance ? Je ne suis pas seule à m'inquiéter, monsieur le ministre délégué, et cette dernière question n'est pas, vous vous en doutez, innocente. Le ministre de l'intérieur n'a-t-il pas déclaré, en une phrase lapidaire, que la sanction était la première étape de la prévention ?
Je pense à l'exemple du jeune, recruté bien souvent par un proche parent, qui sert d'auxiliaire à des revendeurs de drogues ou à des trafiquants en tous genres. Comment sera-t-il considéré ? Comme un mineur en danger ou comme un délinquant ?
Globalement, ce texte comporte des avancées. Il réforme et améliore un dispositif de protection de l'enfance devenu inadapté aux évolutions de notre société. Toutefois, certaines de ses dispositions méritent d'être précisées, et nous proposerons des amendements en ce sens.