Intervention de Alain Fouché

Réunion du 20 juin 2006 à 21h45
Protection de l'enfance — Discussion d'un projet de loi

Photo de Alain FouchéAlain Fouché :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, mon intervention ira dans le même sens que celles des présidents de conseil général qui ont pris la parole avant moi, MM. de Broissia et Vial, et comportera notamment le chiffrage d'une telle réforme pour un département comme le mien.

Des dizaines de milliers d'enfants souffrent dans notre pays : en 2004, 19 000 ont été victimes de mauvais traitements. Le nombre des signalements à l'autorité judiciaire n'a cessé d'augmenter ces dernières années et ce sont aujourd'hui près de 270 000 enfants qui ont besoin d'aide et de protection, au titre de l'aide sociale à l'enfance.

Dans ces conditions, une réflexion sur l'adaptation de notre dispositif de protection de l'enfance s'imposait. Vous avez engagé, monsieur le ministre délégué, une large concertation avec tous les acteurs concernés, concertation dont le projet de loi qui nous est soumis est, en grande partie, le résultat.

Ce projet de loi fixe trois priorités : renforcer la prévention ; organiser le signalement pour détecter plus tôt et plus efficacement les situations de danger ; diversifier les modes de prise en charge pour les adapter aux besoins de chaque enfant.

Le conseil général devient le chef de file de la protection de l'enfance dans chaque département.

Je ne reviendrai pas sur le détail des mesures proposées, qui nous ont été fort bien présentées par le rapporteur ; je souhaiterais simplement, à l'unisson de certains des orateurs qui m'ont précédé, faire une lecture budgétaire de quelques-unes des dispositions de ce projet de loi pour vous convaincre, monsieur le ministre délégué, s'il en était encore besoin, de l'impérieuse nécessité de compenser intégralement les charges financières supplémentaires que ce texte pourrait faire peser sur les départements.

En effet, des tâches nouvelles incomberont aux conseils généraux et mon département, la Vienne, devra, comme tous les autres, mettre en place des moyens supplémentaires pour les assumer.

S'agissant du renforcement de la prévention, l'objectif est de multiplier les points de contact entre l'enfant, sa famille et les professionnels pour anticiper les difficultés et pour accompagner, aider, soutenir les familles afin d'éviter que la situation de l'enfant ne se détériore.

Ces mesures auront une incidence pour le service de la protection maternelle et infantile, incidence que nous avons évaluée à trois postes.

La mise en contact automatique, lors du séjour à la maternité, des parents avec les services de la protection maternelle et infantile ainsi que la proposition systématique à la jeune mère d'une visite de la PMI à son retour au domicile nécessiteront un renforcement des moyens du service évalué à neuf puéricultrices et un cadre.

Actuellement, 72 % des enfants de trois à quatre ans de mon département ont fait l'objet d'un bilan à l'école maternelle. Pour atteindre le taux de 100 %, il faut un renfort de sept personnes, dont deux médecins.

Vous souhaitez également aider les adolescents en souffrance par une écoute, un soutien, un accompagnement éducatif, pour prévenir les comportements à risque, fugue, errance, suicide. Il faut donc développer les lieux d'écoute, les accueils de jour, les lieux de médiation entre parents et enfants, les maisons d'adolescents.

Pour remplir cette mission, il conviendrait de renforcer les mesures éducatives en milieu ouvert et en prévention spécialisée afin d'avoir une couverture territoriale homogène et de tendre vers un ratio d'un éducateur pour vingt adolescents suivis en milieu ouvert et d'un éducateur pour quatre-vingts adolescents en prévention spécialisée.

Cette mesure nécessitera, dans mon département et d'après nos chiffrages, la création de vingt postes éducatifs et d'encadrement.

S'agissant de l'organisation du signalement, vous proposez de créer dans chaque département une cellule de signalement, lieu clairement identifié avec un numéro d'appel qui devra être connu de tous. Cette cellule sera composée de professionnels de la protection de l'enfance qui évalueront les situations et qui pourront déclencher un recours à l'aide sociale ou à la justice. Les moyens nécessaires sont ici d'ordre administratif et informatique, mais plusieurs postes devront également être créés.

Certes, d'autres mesures tout aussi utiles n'ont pas d'incidences budgétaires notoires, ce dont, pour ma part, je me réjouis, comme le partage d'informations entre professionnels du travail social et de la protection de l'enfance ou le partage des missions entre l'aide sociale à l'enfance et la justice.

Dans la diversification des modes de prise en charge, la même observation peut être formulée. Certaines mesures, qui tendent à ce que chaque enfant puisse bénéficier de la solution la plus adaptée à sa situation, n'auront pas d'impact financier pour le conseil général.

Les postes éducatifs et d'encadrement qu'il nous faudra créer au titre de l'aide aux adolescents en souffrance permettront également d'assumer le renforcement de l'assistance éducative à domicile.

En revanche, vous proposez de mettre en place un accompagnement social et budgétaire. Une nouvelle prestation sera proposée aux familles qui ont des difficultés à gérer le budget familial, situation qui peut avoir des conséquences négatives pour l'enfant.

Un accompagnement, assuré au besoin à domicile par un professionnel de l'économie sociale et familiale, doit effectivement permettre d'améliorer la situation, mais cet accompagnement nécessitera le renforcement des équipes existantes. Dans mon département, l'équipe, actuellement composée de cinq conseillères en économie sociale et familiale, devra être renforcée par sept postes supplémentaires.

Ainsi, et j'achèverai de la sorte ma lecture budgétaire du projet de loi, j'estime que l'incidence financière globale de ce texte pour le département de la Vienne s'élèvera approximativement à 2, 5 millions d'euros par an et que le nouveau dispositif nécessitera la création d'une cinquantaine de postes.

Or, nous le savons tous, les départements connaissent un contexte financier plus serré, avec la forte progression des dépenses engagées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie, des services départementaux d'incendie et de secours, du revenu minimum d'insertion, et avec la montée en charge rapide de la nouvelle prestation de compensation du handicap évoquée par Jean-Pierre Vial.

Par conséquent, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre délégué, quelles garanties vous pouvez nous donner quant à la compensation financière intégrale des charges nouvelles que votre projet de loi va engendrer pour les départements.

J'ajoute que la mise en place de cette réforme va rencontrer l'écueil du recrutement des personnels techniques par les collectivités : médecins de la PMI, sages-femmes, puéricultrices, éducateurs, conseillères en économie sociale et familiale.

Il existe déjà une pénurie dans ces métiers, et un certain nombre de postes ne sont actuellement pas pourvus, faute de candidats. Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre délégué, ce que vous comptez faire, et dans quel délai, pour traiter efficacement cette question du recrutement. À défaut de quoi, les bonnes orientations de votre réforme resteront lettre morte.

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