Avec ce projet de loi constitutionnelle, il nous est proposé de moderniser notre loi fondamentale pour qu’elle soit mieux adaptée à notre époque. Afin que cette modernisation soit réelle, nous devons aussi nous attaquer aux archaïsmes qui subsistent dans le texte.
C’est pourquoi, comme mes collègues l’ont dit, notre assemblée s’honorerait en adoptant cet amendement, qui vise à supprimer le mot « race » de l’article 1er de la Constitution.
Il est utile de rappeler que ce concept de « race » a servi de pierre angulaire à des idéologies qui sont à l’origine des pages les plus sombres de notre histoire. De plus, cela a également été dit, les scientifiques ont démontré l’invalidité totale de cette notion. Les caractères biologiques, le génome sont les mêmes pour tous les humains. Il n’existe pas plusieurs races ; il existe une seule espèce humaine. Notre Constitution ne peut continuer à laisser penser le contraire.
Historiquement, la référence à la race est récente et conjoncturelle dans notre législation. Au sortir du régime de Vichy et de la Seconde Guerre mondiale, en 1946 puis en 1958, le constituant a voulu inscrire dans la loi fondamentale que la République française n’opérerait ou ne reconnaîtrait aucune distinction fondée sur l’appartenance à une race. Cet objectif était louable. Mais il existe un effet pervers de taille : en faisant de la race une catégorie juridique de valeur constitutionnelle, on valide implicitement un concept vide, et ô combien dangereux !
Le texte constitutionnel vise bien sûr à dénier toute portée au terme de « race ». Il n’en demeure pas moins que ce terme y figure dès l’article 1er, ce qui est moralement, politiquement et juridiquement dangereux.
De plus, l’article 1er mentionne la race entre l’origine et la religion. L’appartenance nationale, ethnique ou religieuse peuvent être des catégories objectives. Ce n’est pas le cas du concept de « race » : il n’a aucune portée scientifique ou philosophique.
Cet amalgame entre catégories objectives et subjectives dans notre Constitution peut créer des confusions dangereuses et valider l’idée fausse que les hommes appartiendraient à une race.
C’est pourquoi nous proposons de ne conserver dans l’article que le terme « origine », qui est le support de notre législation contre le racisme et contre les discriminations. En supprimant ce seul mot, nous ne ferons bien évidemment pas disparaître le racisme, mais nous éliminerons toute possibilité de le légitimer en faisant référence à la Constitution.
En outre, le fait de supprimer le terme de « race » n’éteindra pas le support juridique permettant de prononcer des condamnations contre les actes racistes ou les discriminations, puisqu’il figure dans notre bloc de constitutionalité, et notamment dans le préambule de la Constitution de 1946.
Cet amendement est bien sûr hautement symbolique. Mais je ne doute pas qu’il aura aussi une forte valeur pédagogique. En supprimant le mot « race » de notre loi fondamentale, nous affirmerons enfin que notre République n’accorde aucune portée à cette catégorie et qu’elle considère que la race humaine est une.
J’espère vraiment que notre assemblée fera ce pas symbolique, au-delà de tous les clivages, et adoptera cet amendement.