Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre assemblée connaît déjà ma position à propos des langues régionales. En effet, j’ai eu le privilège d’intervenir sur cette question lors du débat consécutif à la question orale – fort opportune – posée par notre collègue Nicolas Alfonsi.
Récemment, j’ai pris la liberté d’adresser à chacun d’entre vous une présentation argumentée de mes idées. Comme j’ai pu l’observer, nos travaux sont suivis avec beaucoup d’attention par les partisans, qui ne sont pas toujours très raisonnables, de la pratique des langues régionales : ils ont bruyamment fait connaître leur opinion, le plus souvent de manière injurieuse à mon égard et quelquefois de façon plus respectueuse du point de vue que j’exprime ici.
Je ne peux donc faire moins à cet instant que de rappeler qu’il n’est pas question dans mon esprit, ni sans doute dans celui de beaucoup d’entre vous, d’opposer la langue française aux langues régionales ou de nier leur existence, leur intérêt et leur contribution à la constitution même de l’identité des Français.
À la bataille de Valmy, nos ancêtres ne parlaient pas tous la même langue, n’adoraient pas les mêmes dieux, ne pesaient pas dans les mêmes unités de mesure. Pourtant, ils ont contribué tous ensemble à faire l’histoire de la France, et singulièrement la grande rupture républicaine, qui fonde son identité contemporaine.
Nous ne raisonnons pas ici en termes d’opposition entre langue nationale et langue régionale. À l’origine de ce débat, il y a une décision prise dans le cadre du Conseil de l’Europe dont l’objectif était de protéger les minorités nationales dans les pays où celles-ci subissaient des discriminations et des répressions. Notre pays n’est pas concerné car nul en France n’a jamais été poursuivi ou inquiété du fait de son parler maternel, ni interdit d’accès à quelque fonction que ce soit.
Certes, il y a eu autrefois des pratiques « pédagogiques » fort rudes dont on nous rebat les oreilles. Mais il est temps de rappeler que, à l’époque, la pédagogie était dure quelle que soit la matière enseignée. Je ne crois pas qu’il faille sans cesse nous opposer ces exemples pour prouver que notre pays aurait jeté un opprobre particulier sur ceux qui ne parlaient pas la langue française dès leur plus jeune âge. Laissons maintenant cela de côté !
En tant que socialiste – je demande un instant de bienveillance à mes collègues qui ne partagent pas mes convictions –, il serait absurde que je me soustraie à cette communauté intellectuelle qui associe les hommes de gauche à la promotion des langues régionales, dans la droite ligne de Jean Jaurès – prenant la défense de l’occitan – et du communiste Marcel Cachin – faisant de la propagande en breton. Je le rappelle, la première loi qui a reconnu ces langues en France et qui a instauré l’obligation de leur pratique est l’œuvre du député socialiste Maurice Deixonne. La loi Toubon a, certes, permis par la suite que soit élargi le champ des dispositions de la loi Deixonne, mais c’est Lionel Jospin qui, le premier, a permis l’enseignement du corse à tous les niveaux et créé une option langues régionales au baccalauréat ouverte à tous les élèves.