Intervention de Muguette Dini

Réunion du 18 juin 2008 à 15h00
Modernisation des institutions de la ve république — Article 1er A

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

Ce sous-amendement porte sur la seconde partie de l’amendement de M. Hyest.

Par ce sous-amendement, nous demandons la suppression de l’alinéa qui dispose : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

Cet alinéa a pour objet de permettre une politique dite de « discrimination positive ». Nous nous situons bien loin du principe d’égalité, devise de la République, bien en deçà du principe d’égalité entre les hommes et les femmes, affirmé et réaffirmé en droit.

L’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 stipule que « Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

Comment ne pas rappeler le Préambule de la Constitution du 17 octobre 1946, dans son article 3, qui dispose que « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. »

On retrouve cette affirmation de l’égalité entre hommes et femmes au niveau des textes européens. C’est le cas de l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, aux termes duquel « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe ». Il en est de même de l’article 2 du traité de Rome, aux termes duquel la Communauté européenne a notamment pour mission de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes. C’est sur la base de ce dernier que plusieurs directives communautaires ont été élaborées.

En droit interne, l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est posée au travers notamment de la loi du 13 juillet 1983, qui a opéré la transposition de la directive du 9 février 1976 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, et surtout de la loi du 23 mars 2006 qui a trait à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Ces lois ont pour objectif une véritable mixité dans tous les secteurs et à toutes les étapes de la vie professionnelle. Parallèlement, il existe un arsenal juridique, en constante adaptation, permettant d’éliminer à tous les stades de l’activité professionnelle toute forme de discrimination.

Le dispositif juridique existe donc. Faut-il en rajouter, notamment dans le corps de la Constitution ? Faut-il, comme le propose la commission des lois, compléter le cinquième alinéa de l’article 3 de la Constitution ? Je ne le crois pas.

Introduire, comme le fit la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999, l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives répondait à la nécessité de la juste représentation de notre humanité sexuée, composée à égalité d’hommes et de femmes, dans les lieux où se décide notre vie quotidienne, c’est-à-dire dans les instances élues.

Cette disposition trouvait naturellement sa place dans la Constitution, du fait que celle-ci fixe l’organisation des pouvoirs publics. Cela dit, à plusieurs reprises, j’ai eu à regretter, dans cet hémicycle, que ce dispositif de parité n’ait que très peu fait évoluer le nombre des femmes élues au sein du Parlement.

La Constitution doit-elle aller jusqu’à poser le principe de parité dans les sphères professionnelles et sociales ? Je le répète, je ne le crois pas. Ce principe d’égalité existe. Les femmes, individuellement, doivent s’en emparer. Comme le dit fort justement Guy Carcassonne, « seuls les individus sont titulaires de droits égaux, la République ignore les groupes qui, par leur nature, introduiraient des discriminations ».

Les femmes disposent de droits égaux à ceux des hommes. Le vrai challenge est non pas d’établir des quotas par sexe, mais de permettre à chaque français, homme ou femme, de faire sien ce principe d’égalité, de poursuivre l’évolution de notre société en ce sens et de garantir, notamment dans le monde du travail, en plus de l’égal accès, l’égalité de traitement.

Cela dit, Mme le garde des sceaux a rappelé que le comité de réflexion sur le Préambule de la Constitution, dont Mme Simone Veil assure la présidence, a été chargé d’examiner cette question. Doit-on permettre au législateur de mieux garantir l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités, en dehors même de la sphère politique ? Attendons les conclusions dudit comité. Je fais toute confiance à Mme Veil pour réaffirmer que l’égalité entre les hommes, c’est aussi l’égalité entre les hommes et les femmes.

Je tiens à rappeler que l’article 1er de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 stipule : « Tous les êtres humains – donc les hommes et les femmes – naissent libres et égaux en dignité et en droits. » Ne galvaudons pas ce principe en le glissant au détour d’un article, en le découpant en petits morceaux et en lui enlevant ainsi toute sa valeur et son importance.

Notre sous-amendement, en supprimant cet alinéa, vise donc à redonner toute sa dignité au principe d’égalité entre les hommes et les femmes.

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