Ce débat est très riche, mais j’ai tout de même le sentiment, au travers des différentes interventions, que les uns et les autres combattent plus souvent des démons que des réalités.
Chacun ici, me semble-t-il, – à l’exception peut-être de quelques-uns, mais ils ne se sont pas exprimés – est très attaché aux principes fondamentaux, aux éléments constitutifs de la République que sont la laïcité et la langue française.
À mon sens, c’est un combat inachevé. Je peux donc comprendre que nombre d’orateurs expriment leurs convictions et cherchent à dénicher, dans cette affaire des langues régionales, le moindre petit indice révélateur de la volonté de fragiliser ce qui n’est jamais acquis. En même temps, lorsqu’autant de doutes ou d’alertes se font jour, c’est que l’on sent monter dans la société un courant de pensée qui pourrait fragiliser l’unicité de la République, la laïcité ou la langue française.
Cela étant, je reste perplexe. L’exacerbation des nationalismes constatée dans un certain nombre de pays, notamment en Europe et tout particulièrement dans les Balkans, constitue un réel danger de destruction de nations telles qu’elles se sont constituées au xxe siècle. Mais quand j’analyse les raisons d’une telle montée en puissance, j’en arrive à chaque fois à la même conclusion : il s’agit d’États autoritaires qui ont imposé, d’une manière totalement hermétique et antidémocratique, l’écrasement de minorités, y compris au travers des langues. Avec une telle façon de faire, toutes ces langues, bien loin de s’éteindre, ont « explosé à la figure » des dirigeants à la fin du xxe siècle, dans tout un tas d’endroits où l’on pensait que la question était réglée.
La France a agi autrement. Il n’y a pas, aujourd’hui, de baïonnettes aux portes de la langue française pour imposer un séparatisme avec des langues régionales. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi on serait sur la défensive.
En revanche, et cela a été évoqué tout à l’heure, je constate que la langue française est actuellement fragilisée, y compris de plus en plus dans des actes courants de la vie publique. Mais cette fragilisation est plutôt le fait de la langue anglaise.