Monsieur Delfau, comme vous le savez, la laïcité a fait son entrée dans notre droit positif avec la Constitution de la IVe République. C’est la disposition selon laquelle la France est une République indivisible, laïque et sociale.
La Constitution de 1958 reprend cette formule. Elle la met particulièrement en valeur, puisqu’elle lui réserve le premier alinéa de son article 1er. Faut-il aller plus loin et ajouter, comme vous le suggérez, une phrase indiquant qu’« elle permet l’application du principe fondamental de laïcité reconnu par les lois de la République » ?
Soyez assuré que le Gouvernement partage totalement votre volonté d’assurer un ancrage constitutionnel particulièrement fort au principe de laïcité. Il s’agit de l’un des piliers de notre République, et vous avez eu raison, d’ailleurs, de rappeler les discours du Président de la République, qui, ainsi qu’il le répète souvent, est très attaché à la laïcité.
La laïcité, c’est le respect de l’exercice des cultes, ce n’est pas l’interdiction des cultes.
La référence que vous proposez et qui vise à donner un socle constitutionnel à la loi du 9 décembre 2005 n’est pas nécessaire. Comme vient de le dire M. le rapporteur, le champ constitutionnel et celui de la loi doivent être distincts.
L’amendement communiste introduisant la notion de laïcité dans notre texte constitutionnel a été voté à l’unanimité en 1946.
Or ses auteurs ont été parfaitement limpides sur leurs intentions, puisqu’à leurs yeux, et je vous cite les propos qui ont été tenus à l’époque, « Il était nécessaire que la laïcité de l’État, qui se traduit par la séparation des églises et de l’État et le principe que l’État ne reconnaît et ne protège aucun culte ni aucune religion, soit inscrite dans la Constitution. Le silence sur ce point ne pourrait être compris que comme un abandon d’une des conquêtes les plus importantes des Républicains. »
Voilà ce qui a motivé l’adoption à l’unanimité de cet amendement.
Il paraît difficile d’être plus clair sur les liens intimes qui existent entre notre principe républicain de laïcité et la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l’État. Je crains même que la précision que vous proposez ne contribue à alimenter l’idée que ce lien entre le principe de laïcité et la loi de 1905 n’irait pas nécessairement de soi.
Retenir votre amendement, ce serait, d’une certaine façon, se sentir obligé d’inscrire dans la Constitution un principe fondamental reconnu pratiquement par toutes les lois de la République. Or le Conseil constitutionnel n’évoque, en principe, cette notion qu’en cas de silence d’un texte constitutionnel. Je crois que tel n’est pas l’objectif que vous visez, compte tenu de la manière dont vous avez exposé votre amendement.
J’ajoute que la jurisprudence du Conseil constitutionnel n’est pas en retrait, puisque, dans sa décision du 19 novembre 2004, le Conseil constitutionnel n’a pas hésité à conférer une portée particulièrement forte aux dispositions de l’article 1er de notre Constitution.
De même, à l’article 3 sur l’égalité des citoyens devant la loi, il a insisté sur le fait que la laïcité interdisait le communautarisme, défini comme la reconnaissance de droits collectifs à des groupes religieux.
Au-delà de ces considérations juridiques, je voudrais également répondre à une préoccupation que traduit l’objet de votre amendement : vous évoquez la nécessité de donner une définition précise et intangible de la notion de laïcité, qui ne doit pas être à géométrie variable.
Je partage avec vous l’idée que la laïcité ne doit pas être instrumentalisée de façon partisane. Elle fait partie de notre héritage républicain commun. Nous serons donc attentifs à sa défense, dans toutes ses dimensions.
Afin de dissiper toute ambigüité et être parfaitement claire sur le sujet, je tiens à redire solennellement dans cet hémicycle l’attachement du Gouvernement aux principes qui fondent la loi de 1905. Le Président de la République a réaffirmé qu’ils conservaient toute leur actualité.
Sous le bénéfice de ces considérations, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
S’agissant de la représentation des courants spirituels au sein du Conseil économique et social, il est indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi : « Ces mesures préfigurent une vaste réforme de la composition du Conseil – nous en reparlerons quand viendra le débat sur la composition du CES – qui devra faire davantage de place - ainsi que le président de la République l’a dit lui-même – aux organisations non gouvernementales, aux jeunes, notamment aux étudiants, et le cas échéant aux grands courants spirituels. »
Je vous renvoie donc à la réponse contenue dans l’exposé des motifs du projet de loi, et aux déclarations constantes du Président de la République pour qui le Conseil économique et social représente les forces vives de la nation, dont font partie les courants spirituels.