Intervention de Louis Souvet

Réunion du 9 avril 2008 à 15h00
Journée de solidarité — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Louis SouvetLouis Souvet :

…et que nous avons mis longtemps à réparer.

La canicule de l’été 2003 a révélé les insuffisances de notre prise en charge de la dépendance. Elle a joué un rôle d’électrochoc dans le grand public, mettant au grand jour la situation d’isolement dans laquelle se trouvaient, et se trouvent encore, certains de nos aînés.

Je rappellerai que nous avons comptabilisé au cours de l’été 2003 quelque 15 000 morts. Or 15 000 morts, dans un pays que l’on dit « riche », dans une France bien organisée, c’est une ville moyenne qui disparaît en quelques semaines, ou en quelques mois, à la suite d’un incident climatique. Il s’agit là d’un événement qui interpelle, ou qui, en tout cas, devrait interpeller notre conscience collective, mais le monde est ainsi fait qu’il oublie vite, très vite !

L’espérance de vie s’accroît et la population vieillit. Si cette évolution est le résultat des progrès sociaux et de ceux de la médecine, elle multiplie malheureusement les situations de dépendance des individus et crée une charge supplémentaire pour les familles et pour la société. À l’heure actuelle, 20 % des adultes ont déjà, dans leur entourage proche, un parent qui ne peut vivre seul.

Notre pays ne s’est, hélas ! pas suffisamment préparé à cette réalité : nous sommes en retard dans notre prise en charge des personnes âgées, que ce soit à domicile ou en établissement.

La loi du 30 juin 2004, en posant le principe de la journée de solidarité, a apporté un embryon de réponse à la nécessité de renforcer les moyens disponibles.

Sont ainsi visés non seulement la dépendance liée au grand âge, mais également le handicap.

La journée de solidarité ne constitue pas une nouvelle imposition. En effet, étant donné qu’elle repose sur une augmentation du temps de travail, elle n’entraîne pas de perte de salaire. Elle exige des salariés une présence supplémentaire de sept heures par an. Il s’agissait là de la seule solution possible pour éviter une augmentation de la pression fiscale qui risquait, au contraire, d’être mal ressentie.

La solidarité est l’un des fondements de notre société. Il est rassurant, je pense, de voir cette solidarité s’exprimer à un moment où les liens familiaux se distendent et où, malheureusement, l’indifférence et l’égoïsme se banalisent.

Les études d’opinion effectuées à la suite du drame de la canicule ont montré que les Français, à une large majorité, acceptent de travailler une journée supplémentaire en faveur de leurs aînés et des personnes handicapées.

L’idée n’est pas inédite. Elle est, en effet, expérimentée avec succès par l’Allemagne depuis plusieurs années. Notre voisine a ainsi supprimé la journée nommée Buss und Bettag, fête protestante connue.

En France, la loi de 2004 a créé un organisme bien identifié pour la gestion des fonds : la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ou CNSA. L’État n’a pas voulu que les fonds soient dilués dans son budget ou dans les comptes de la sécurité sociale. Il a créé cet établissement public en le dotant d’un organe de surveillance associant les élus, les parlementaires, les partenaires sociaux et le milieu associatif.

La transparence et la lisibilité de ce dispositif ont été assurées afin de ne pas renouveler l’expérience passée de la vignette automobile qui – chacun s’en souvient – a largement été détournée de sa vocation originelle.

Dans les faits, le produit de la journée de solidarité a bien été affecté à des actions en faveur des personnes dépendantes. La Cour des comptes l’a confirmé dans un rapport en juillet 2006. Il n’y a pas non plus eu d’« effet de substitution », car l’État et la sécurité sociale n’ont pas diminué leur contribution en la matière.

L’efficacité de la journée de solidarité est indéniable : comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, elle a généré plus de deux milliards d’euros. Elle a permis la médicalisation de 110 000 places en maisons de retraite ; en outre, 14 000 places médicalisées pour les personnes âgées dépendantes ont été créées à domicile ou en établissement et 7 000 places pour les personnes handicapées. Le financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, a été complété au travers d’une contribution de plus de 400 millions d’euros en 2007, allouée aux départements.

Cette journée devrait, en outre, favoriser l’esprit de fraternité répondant ainsi à une trilogie qui, selon moi, a résisté à l’épreuve du temps : « liberté, égalité, fraternité ».

Nous devons donc nous réjouir que le Gouvernement ait souhaité maintenir le principe de la journée de solidarité.

Cela étant dit, il convenait de prendre en compte les difficultés qui ont été relevées dès son application.

Lors du vote de la loi du 30 juin 2004, nous avons longuement débattu des modalités pratiques de mise en œuvre de la journée de solidarité.

Le choix retenu permettait une certaine souplesse, puisque les accords de branche ou d’entreprises étaient privilégiés. Cependant, sur le terrain, la dynamique de négociation nécessaire ne s’est pas enclenchée. À défaut de choix, la loi avait fixé le lundi de Pentecôte comme journée travaillée, ce qui a donné lieu à des situations les plus diverses.

Ce manque de lisibilité a contribué à l’insatisfaction de la population et de l’opinion, alors même que l’idée d’une journée de solidarité avait été bien perçue.

En 2007, 70 % des entreprises étaient ouvertes ce jour-là, mais elles comptaient moins de la moitié de leurs salariés, essentiellement parce que ceux-ci devaient pallier le problème de la garde de leurs enfants. En effet, les établissements scolaires et les garderies publiques étaient fermés, laissant plus de quatre millions d’enfants de moins de douze ans sans accueil.

Par ailleurs, les jours fériés font partie des traditions de notre société et entraînent une activité économique non négligeable. Le lundi de Pentecôte, notamment, est réservé à des fêtes locales ou religieuses chez les protestants par exemple, qui suscitent des investissements importants. À cet égard, il est à noter la diminution de 60 % de la fréquentation du Mont-Saint-Michel en 2005 ou les problèmes posés à la Feria de Nîmes, point qui a été évoqué par M. Domeizel.

Enfin, il a été relevé un problème spécifique au transport routier, car, pour des raisons de sécurité routière, les transporteurs routiers travaillant le lundi de Pentecôte ne peuvent faire circuler les poids lourds de plus de 7, 5 tonnes.

Les difficultés de mise en place de la journée de solidarité ne sont, certes, pas insurmontables, mais elles nécessitent une modification législative.

La solution de bon sens réside, bien sûr, dans la souplesse. Tel est le sens des modifications contenues dans la présente proposition de loi.

Le texte retient l’une des solutions suggérées dans le rapport de M. le secrétaire d’État Éric Besson et aboutit à une grande liberté dans le choix des modalités de mise en œuvre de la journée de solidarité.

Ainsi est respecté l’esprit de la loi du 30 juin 2004 privilégiant le dialogue social et la responsabilisation des acteurs.

L’aménagement des horaires de travail que l’on a connu ces dernières années permet plusieurs types de choix : le travail d’une journée de RTT, le travail d’un jour férié, ou toute autre modalité aboutissant à l’apport de sept heures au pot commun – ce qui ne signifie tout de même pas, comme vous l’avez signalé, une minute par jour !

Parallèlement, le caractère férié du lundi de Pentecôte est rétabli, ce qui satisfera la plupart des familles ainsi que les acteurs locaux organisateurs de festivités ce jour-là.

En votant cette proposition de loi, nous permettrons le retour à une situation saine dès cette année. Nous éviterons ainsi des désordres qui, je pense, auraient été encore amplifiés par les hasards du calendrier, puisque le lundi de Pentecôte succédera, cette année, au « pont » de la commémoration du 8 mai 1945.

Aujourd’hui, alors que la création d’un « cinquième risque » de protection sociale est envisagée, la journée de solidarité représente un puissant symbole. Notre groupe salue la détermination du Gouvernement car nous voulons tous offrir à nos parents, nos proches, nos aînés en général, plus de soins, plus d’attention et des conditions d’existence plus dignes.

Dès lors, bien évidemment, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.

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