Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, le plan de solidarité de la zone euro, au travers du second plan d’aide à la Grèce, adopté le 21 juillet dernier, frappe par son ampleur. Ce sont au total plus de 200 milliards d’euros, si l’on tient compte des financements publics et de la participation du secteur privé, qui sont prévus pour rendre soutenable la dette grecque, alors que celle-ci atteint aujourd’hui au total 350 milliards d’euros, soit 150 % du produit intérieur brut. Les nouveaux prêts publics seront accordés à un taux plus faible, et pour une durée deux à quatre fois plus longue qu’actuellement. Les prêts en cours seront réaménagés. Quant à la participation du secteur privé, elle est évaluée à une diminution de 21 % du portefeuille qu’il détient sur la Grèce.
Ce nouveau plan d’aide, et c’est un aspect important, ne se borne pas à traiter le problème de la dette. Il prévoit également une stimulation de l’économie grecque par une mobilisation et surtout un meilleur emploi des fonds structurels européens et des prêts de la Banque européenne d’investissement. Il met aussi en place une « assistance technique » pour la mise en œuvre des réformes profondes qui seules peuvent rendre à la Grèce des perspectives de croissance.
Enfin, les risques de contagion de la crise grecque avaient été correctement anticipés puisque le plan contient à cet égard des mesures fortes. L’Irlande et le Portugal vont bénéficier des nouvelles modalités de prêt mises en place pour la Grèce. En même temps, les possibilités d’intervention du Fonds européen de stabilité financière seront sensiblement élargies. Celui-ci pourra notamment participer à la recapitalisation de banques en difficulté et intervenir sur le marché secondaire des obligations. Le fonds disposera enfin des outils nécessaires à une politique de prévention des crises.
J’ajoute que les États membres ont tous réitéré leurs engagements concernant l’assainissement durable de leurs finances publiques, en particulier l’Espagne et l’Italie, dont la dette commençait à faire l’objet d’attaques spéculatives. De même, tous les États membres ont réaffirmé leur détermination à mener à bien la réforme de la gouvernance économique de l’Union.
On voit que, le 21 juillet, l’Europe s’est dotée d’un plan complet pourvu de moyens important pour faire face au problème grec et, plus largement, à celui de la dette souveraine dans la zone euro.
Pourtant, ce plan n’a pas suffi à stabiliser les marchés, et ce pour plusieurs raisons.
La première est bien sûr la faiblesse de la reprise aux États-Unis, qui a fini par peser sur la croissance au sein de l’Europe, alors que nous avions connu un début d’année prometteur.
La deuxième raison est la lenteur des processus de décision. Cela vaut d’ailleurs tout autant pour les États-Unis que pour l’Europe, car si la dette américaine a été déclassée par Standard & Poor’s, c’est notamment à cause de l’interminable controverse entre le Président et le Congrès, aboutissant à un compromis sur la réduction de l’endettement.
Mais l’Europe a tout autant manqué de réactivité. Sur la réforme de la gouvernance économique, nous attendions un feu vert du Parlement européen au mois de juin. Nous sommes encore dans l’incertitude, tout cela pour des désaccords institutionnels qui ne semblent pas à la hauteur des enjeux.
Si nous voulons que les politiques ne soient pas à la remorque des marchés, il nous faut être capables de décider vite et avoir une réelle crédibilité dans la mise en œuvre, car ce que jugent les agences de notation, c’est aussi et surtout la rapidité et la continuité dans le temps de l’action politique.
Enfin, la troisième raison, il faut l’admettre, est la difficulté de la Grèce à mettre en œuvre des réformes indispensables. La crédibilité du plan d’aide suppose que la Grèce assume les contreparties de ce plan, c’est-à-dire les réformes qui peuvent permettre dans la durée un retour à la croissance et rendre la dette grecque soutenable. La Grèce souffre d’un secteur public hypertrophié, d’un excès de réglementation étouffant la concurrence dans de nombreux secteurs et d’un manque d’efficacité chronique dans le recouvrement de l’impôt. Il est impératif de s’attaquer effectivement à ces maux. Sans des mesures d’efficacité administratives, de privatisation et de déréglementation, la Grèce ne remettra jamais la tête hors de l’eau.
Il suffit, pour le vérifier, de comparer les cas de la Grèce et de l’Irlande. L’Irlande était, à certains égards, dans une situation pire que la Grèce. Pourtant, elle va sortir dès cette année de la récession.
La troïka, composée de la Commission européenne, du Fonds monétaire international et de la Banque centrale européenne, a aidé la Grèce à définir les mesures à prendre. Aux autorités grecques, désormais, de prendre leurs responsabilités. Il s’agit non pas de mettre un pays sous tutelle, mais de tirer les conséquences de l’interdépendance qui existe aujourd’hui au sein de la zone euro.
Car le cas de la Grèce n’est que l’illustration la plus frappante de cette interdépendance. La Grèce ne peut espérer résoudre le problème de sa dette sans l’appui de ses partenaires européens, mais la zone euro a besoin des réformes en Grèce pour éviter que la crise grecque ne dégénère en une crise systémique analogue à celle que nous avons connue en 2008. En réalité, c’est seulement ensemble que nous avons une chance de résoudre le problème de la dette souveraine en zone euro. Il n’y a pas de stratégie individuelle qui puisse être gagnante.
C’est pourquoi les propositions formulées lors du sommet franco-allemand, le 16 août dernier, me paraissent particulièrement importantes. L’idée d’un « gouvernement économique de la zone euro » est avancée en commun pour la première fois, sous une forme précise et praticable, sans exiger une laborieuse et assurément impossible révision des traités.
Pour notre part, nous devons prendre la mesure de nos responsabilités.
Ou bien la France bascule dans le camp des pays qui ne parviennent pas à être suffisamment compétitifs et à assainir leurs finances, et la zone euro va se briser selon un axe Nord-Sud et devenir ingérable. Nous connaissons le chemin : il suffit, mes chers collègues, d’ouvrir la vanne de l’emploi public, d’augmenter le poids des retraites et de taxer toujours plus le secteur productif. Le résultat, il ne faut pas se le dissimuler, sera une cassure au sein de la construction européenne, entraînant tôt ou tard un recul de l’acquis.
Ou bien la France continue à faire les efforts nécessaires pour rétablir sa compétitivité, assainir ses finances, et un axe franco-allemand plus équilibré aura un effet d’entraînement considérable, et ce d’autant que l’Allemagne et la France représentent ensemble plus de la moitié du poids économique de la zone euro.