Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cela fait dix ans que la commission des finances, par les voix de son président et de son rapporteur général, auxquelles j’ai associé la mienne, exhorte les ministres des finances à la rigueur. Ce terme, qui était hier proscrit, s’impose aujourd’hui.
Me référant à John Kenneth Galbraith, je n’ai eu de cesse de répéter à vos prédécesseurs, madame la ministre, que des mesures budgétaires plus rigoureuses éviteraient d’avoir à choisir entre le désastreux et le désagréable. En vain ! Aujourd’hui, nous sommes contraints au désagréable.
On ne peut aujourd'hui accroître les inquiétudes et accélérer la spirale qui a conduit à faire perdre plusieurs milliers de milliards à la valeur virtuelle des entreprises dans presque tous les pays. Dans cet esprit, le projet de loi de finances rectificative pour 2011 garantit la soutenabilité de la dette grecque sans accroître la dette de la France. J’y suis donc favorable.
Mais il est indispensable que, en échange de cet appui massif, le ministère des finances hellène mette en œuvre, sous contrôle européen, une politique fiscale contraignant les entreprises et les ménages grecs à s’acquitter de leurs impôts, y compris l’Église orthodoxe, laquelle doit être traitée à l’égal des autres propriétaires fonciers.
La lettre rectificative au projet de loi de finances rectificative pour 2011 vise également à tirer les conséquences de la dégradation brutale du contexte économique sur les recettes et les dépenses de l’État au cours de l’été. Que les mesures prévues portent sur la fiscalité du patrimoine ou des sociétés, elles auront un effet bien trop faible au regard d’une perte de recettes attendue de 3, 5 milliards d’euros en 2011. Il ne s’agit pas seulement de retrouver l’équilibre de nos finances publiques, mais bien de dégager les marges de manœuvre nécessaires afin de desserrer l’étau des agences de notation.
Madame la ministre, dans un souci d’efficacité et afin de répartir les efforts, beaucoup d’autres niches que celles que vous avez simplement limées pourraient être rabotées ou supprimées, et ce dans le respect de la justice fiscale.
Selon le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de l’inspection générale des finances du 29 août dernier, entre les dépenses fiscales, les niches fiscales ou sociales jugées « inefficaces » ou « peu efficientes », la facture totale est évaluée à 52, 5 milliards d’euros ! Vous pourriez donc réduire les dépenses fiscales bien plus vigoureusement que vous ne le faites.
La fiscalité et les prélèvements obligatoires en France étant parmi les plus élevés de l’Union européenne, on ne peut les accroître sans compromettre la croissance ni attenter à la justice sociale.
Néanmoins, ajouter une cinquième tranche à l’impôt sur le revenu provoquerait un sentiment de justice fiscale : il serait en effet normal que ce soient les plus hauts revenus qui participent le plus à l’effort national. Or tel n’est pas le cas aujourd’hui. Une taxation égale du travail et du capital, telle qu’elle a été mise en œuvre au Royaume-Uni, va dans ce sens. Le Premier ministre en a lui-même convenu.
Il faut ensuite poursuivre la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques. Elle reste essentielle pour réduire progressivement les dépenses qu’a entraînées l’embauche absurde d’un million de fonctionnaires en vingt ans.
Le déséquilibre du commerce extérieur devrait dépasser les 70 milliards d’euros cette année. C’est une cause importante de perte du chiffre d’affaires global à l’exportation, qui représente 20 % du PIB, ce qui entraîne la réduction des bénéfices des entreprises et des salaires et, par conséquent, la diminution des recettes, ainsi que l’augmentation du chômage et des dépenses sociales. Il en découle une aggravation du déficit budgétaire de la France.
La part de la France dans le commerce mondial a baissé de 35 % depuis 1995. Certes, il y a de nouveaux entrants, mais pourquoi notre pays, qui en 2004 occupait la première place pour les exportations agroalimentaires, a-t-il chuté au sixième rang, derrière les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Italie ? Pourquoi notre déficit principal se situe-t-il à l’intérieur de l’Union européenne ?
La compétition ne stimule les acteurs économiques que dans un contexte équitable. Or, hors d’Europe, nos entreprises sont en concurrence avec celles de pays qui n’appliquent pas les mêmes normes que nous. Une TVA anti-délocalisation est indispensable pour juguler l’hémorragie de notre commerce extérieur.
Enfin, il est temps que l’Union européenne se mobilise ! Une part croissante de nos produits de consommation provient de Chine. Aujourd’hui, le yuan est notoirement sous-évalué de près de la moitié de sa valeur. On ne peut accepter que certains pays, membres de l’Organisation mondiale du commerce, faussent le cours de leur monnaie. Il est temps que M. Van Rompuy et Mme Ashton justifient leurs fonctions ! Aucun pays ne peut agir seul.
Et à quand une taxe européenne sur les transactions financières ?
Madame la ministre, ce n’est pas parce que nous abordons une année électorale que nous devons faire preuve de laxisme afin de faire plaisir aux électeurs. Ceux-ci veulent des dirigeants responsables, …