Au cours de ces derniers mois, je me suis rendu en Irlande, au Portugal, en Espagne et, avec Simon Sutour, en Grèce.
Juste avant l’été, après notre séjour bref à Athènes, nous avons présenté, au nom de la commission des affaires européennes, un rapport sur la situation de la Grèce, rapport qui insistait particulièrement sur deux points. D’une part, il fallait que le futur plan d’aide prenne en compte les conséquences sur la population du programme d’austérité déjà lancé. D’autre part, il fallait faire cesser la cacophonie au sein de l’Union européenne au sujet des solutions à retenir.
La question de la participation du secteur privé était, on s’en souvient, le point qui soulevait le plus de difficultés, avec en filigrane la question d’un défaut de la Grèce. Car toute restructuration de la dette grecque faisait peser un risque sur le système bancaire grec et, au-delà, sur le système financier européen.
Le compromis adopté le 21 juillet dernier a permis de circonscrire un tel risque. Le secteur privé dispose d’un éventail de solutions : rééchelonnements, reprofilage, souscription de nouveaux titres à l’échéance… Et le fonds européen de stabilité financière est habilité à intervenir si nécessaire en garantie auprès de la Banque centrale européenne.
Globalement, de telles formules se sont révélées pertinentes. Les assurances contre le défaut de paiement n’ont pas été déclenchées, alors que l’implication du secteur privé est importante, puisque sa participation sera de l’ordre de 54 milliards d’euros d’ici à 2014 et de 135 milliards d’euros d’ici à 2020.
Le nouveau plan d’aide à la Grèce tente également de redonner un espoir à la population en prévoyant un soutien concret pour faciliter le retour à la croissance, grâce à la mobilisation d’environ 8 milliards d’euros pour des projets d’infrastructure. Dans le même sens, la durée de remboursement des prêts déjà accordés par le Fonds européen de stabilité financière est allongée, tandis que les taux d’intérêt sont abaissés. Le plan donne ainsi à la Grèce de meilleures chances de reprise économique.
Enfin, le plan traduit un renforcement de la mutualisation financière entre les États de la zone euro. Les compétences du Fonds européen de stabilité financière et du mécanisme permanent qui lui succédera en 2013 sont notablement accrues. Le Fonds pourra désormais intervenir à titre préventif si la situation d’un État l’exige, y compris en participant à la recapitalisation du secteur bancaire. Il pourra également acheter des obligations sur le marché secondaire, ce qui est important. À l’heure actuelle, la Banque centrale européenne, la BCE, est amenée à intervenir sur ce marché pour empêcher une envolée des taux de la dette publique de certains pays membres. Or ce type d’intervention, qui n’entre pas dans les missions de la BCE, ne saurait se prolonger indéfiniment sans fragiliser la Banque elle-même.
Avec ce rôle élargi du Fonds européen de stabilité financière, les États membres disposeront d’un instrument fort de mutualisation de leurs dettes. Cela conduit à relativiser le débat sur les euro-obligations, qui ne doivent être considérées ni comme une solution magique, comme certains semblent le croire, ni d’ailleurs non plus comme un épouvantail. En réalité, nous sommes déjà engagés dans un processus de mutualisation de la dette, et ce processus est inséparable de l’assainissement coordonné des finances publiques. Laisser entendre que les euro-obligations nous dispenseraient des efforts budgétaires, c’est répandre une illusion dangereuse.
Surtout, ce n’est pas en avançant des solutions dépendant d’un futur plus ou moins lointain que nous aiderons à résoudre la crise de la dette souveraine en Europe. C’est maintenant qu’il faut agir. Il est grand temps de concrétiser les engagements pris, car les tentatives de certains États membres d’obtenir des arrangements particuliers, ainsi que les doutes complaisamment instillés ici et là, ont fait renaître une atmosphère délétère.
Il est vrai que la crise de la dette déborde largement le cadre de la zone euro et de l’Europe. La dégradation de la note américaine suffit à le souligner. Nous ne sommes pas devant une crise de l’euro, qui est au contraire une monnaie solide, mais devant un mouvement de défiance à l’égard des États, européens ou non, qui n’accomplissent pas les réformes nécessaires et qui financent leurs besoins courants par la dette.
En ce qui concerne l’Europe, la voie est d’ores et déjà bien tracée : il s’agit de poursuivre l’assainissement concerté des finances publiques et de renforcer la coordination des politiques économiques et budgétaires. Il n’y a pas de salut pour nos pays en dehors de cette cohérence européenne.
C’est bien cette voie que nous suivrons en votant à la fois le plan d’aide à la Grèce et les mesures d’assainissement qui nous sont aujourd’hui soumises.