À l’université d’été de l’UMP, dimanche dernier, le Premier ministre a eu recours aux termes « éthique », « sincérité », « conscience morale et civique », « esprit citoyen », qui caractériseraient, selon lui, sa politique, en les opposant à ceux de « mirage », « faux-semblant », « amertume », « inconséquence » et « préjugé », qu’il attribue à l’opposition. Pour justifier ce langage, il a affirmé : « Dans un souci d’équité, nous avons demandé un effort supplémentaire aux plus fortunés. »
La terminologie du Premier ministre est une tromperie qui rend tout douteux et suspect, et fait perdre confiance en la nature humaine. La preuve en est cet amendement visant à supprimer la diminution de l’impôt de solidarité sur la fortune, fixée par la majorité le 21 juin dernier à 1, 8 milliard d’euros. Cette somme est à rapprocher des 200 millions d’euros « raisonnables » et « exceptionnels », disait Maurice Lévy, PDG de Publicis, en réclamant une contribution des grandes fortunes.
C’est le niveau indigne de la réflexion du Gouvernement et des grandes fortunes réunies, soixante-dix-neuf jours après le 21 juin. C’est une égratignure, presque un geste de caresse à l’égard du capital, en tout cas une friponnerie !
Intervenant ce même 21 juin et prenant l’exemple d’un patrimoine de 40 millions d’euros, je calculai que l’allégement fiscal correspondait à une diminution d’impôt de 449 050 euros, 8 654 euros par semaine, soit un SMIC très amélioré par jour. Si le SMIC avait été augmenté de 2 % au 1er juillet, comme cela aurait été logique, chaque salarié au SMIC aurait reçu 27, 30 euros bruts par mois, 7 euros par semaine, soit 1 euro par jour. Un SMIC très amélioré par jour pour les riches ; un euro par jour pour un smicard !
Aujourd’hui, la situation de la population pauvre, modeste, ouvrière et de la classe moyenne est plus mauvaise, alors que celle du capital – je pense au CAC 40 – fait des bonds. Mes collègues communistes et socialistes en ont parlé, mais le rapporteur général du budget, M. Marini, ainsi que M. Baroin et Mme Pécresse n’en ont soufflé mot. Ils sont en cela fidèles à la tradition de la bourgeoisie française, rencontrée ici même lors du bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, en novembre 2002.
Intervenant à cette occasion, j’avais cité la parole du poète à l’Assemblée nationale législative le 9 juillet 1849. Écoutez-le :
« Je ne suis pas de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde […] mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère.
« Remarquez-le bien, messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli. »
Dans le cadre de la belle exposition organisée alors par le Sénat dans la salle des conférences, la citation que je viens de faire avait été reprise, sauf la dernière phrase.