Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les conditions surréalistes dans lesquelles s’est déroulé ce débat : nous avons été convoqués pour une session extraordinaire non prévue, nous avons discuté ce texte dans des conditions difficiles, puisqu’il a été adopté hier par l’Assemblée nationale. Le Gouvernement avait annoncé le projet de taxer les parcs d’attraction, cette taxation a été finalement reportée sur les hôtels de luxe : tout cela s’est fait dans une certaine improvisation !
Je ne vais pas m’attarder sur ces questions, car je souhaite insister sur le plan d’aide à la Grèce.
Selon M. Baroin, l’accord du 21 juillet 2011 vaut mieux que rien, c’est un fait ! Mais quand on prête de l’argent, quand on injecte des financements, il convient de se demander si de telles mesures sont suffisantes et si elles auront une utilité.
On peut sincèrement douter que la Grèce pourra rembourser sa dette. Tel est l’avis du gouvernement grec lui-même, puisqu’il reconnaît que cette dette est « hors de contrôle ». Tel est aussi l’avis du directeur général du Fonds européen de stabilité financière, car il vient d’indiquer que le plan d’aide « ne fonctionne pas ». En effet, si l’austérité réduit les dépenses, elle réduit aussi les recettes...
D’ailleurs, arrêtons-nous sur les mots : s’agit-il vraiment d’un plan d’aide ? Le peuple grec, qui crie son désespoir, a-t-il vraiment le sentiment d’être aidé, alors qu’on lui impose de drastiques baisses de salaires et une libéralisation complète de ses services publics ?
Que faut-il faire ? D’abord, sortir du déni et assumer qu’il faudra à court terme restructurer massivement la dette de la Grèce. Nous aurons encore l’occasion d’en parler.
Il faut ensuite s’attaquer à l’une des causes du problème : la spéculation ! Pourquoi ne pas demander des comptes à Goldman Sachs, cette banque américaine qui a maquillé les comptes de la Grèce contre rémunération, avec la complicité de la droite, en 2001 et 2002, et qui, aujourd’hui, spécule contre la dette du même pays ? Au lieu de cela, madame la ministre, le Président de la République a soutenu la candidature de Mario Draghi à la présidence de la Banque centrale européenne ! À l’époque où les comptes grecs ont été trafiqués, M. Draghi était vice-président de Goldman Sachs en charge des filiales européennes ! Il ne pouvait rien ignorer de ces pratiques ! Non seulement vous ne vous retournez pas contre les responsables de la crise, mais vous leur confiez notre destin !
En ce moment, le Parlement européen discute un texte sur les credit default swaps, les CDS, qui sont des assurances permettant à un investisseur de se couvrir en cas de défaut d’une obligation. Le texte discuté au Parlement européen vise à interdire de détenir un CDS si on ne possède pas l’obligation correspondante – cela revient à souscrire une assurance contre les accidents de la circulation sans posséder de voiture. Or, aujourd’hui, c’est possible : dans la finance, on peut s’assurer contre un risque auquel on n’est pas exposé ! Évidemment, dans une telle situation, on a tendance à vouloir que l’accident se produise ! Imaginez qu’une personne qui ne possède pas de voiture s’assure et touche des indemnités sur les accidents… C’est pourtant ce qui se passe dans le monde de la finance !
Pourquoi la France, contrairement à l’Allemagne, ne soutient-elle pas cette mesure de simple bon sens, consistant à interdire cette assurance sur des investissements lorsqu’on n’a pas souscrit d’obligation ? Pourquoi la France continue-t-elle à vouloir autoriser ces pratiques ?
Enfin, on ne s’en sortira pas sans véritable intégration européenne. La monnaie unique nous l’impose. Vous nous expliquez que les euro-obligations devront attendre le rétablissement des comptes publics européens, madame la ministre. Autrement dit, vous voulez bien soigner le malade, mais seulement une fois qu’il sera guéri ! Or les euro-obligations sont un outil de gestion de l’urgence ! En outre, elles nous contraindront à accélérer l’indispensable harmonisation économique et fiscale de l’Europe. Nous ne pourrons plus, par exemple, accepter de soutenir un pays comme l’Irlande s’il continue à brader son impôt sur les sociétés.
Peut-être devrions-nous aussi nous interroger sur notre propre responsabilité. En 2010, alors que la Grèce se trouvait déjà dans une situation critique, était-il opportun que la France et l’Allemagne lui vendent des équipements militaires pour un montant d’au moins trois milliards d’euros, en toute opacité ?
En conclusion, madame la ministre, la « règle d’or » ne consiste pas à inscrire dans la Constitution un principe que l’on aura du mal à respecter : soit on est capable de le respecter et il est inutile de l’inscrire dans la Constitution, soit on n’en est pas capable, et le dispositif risque de nous éclater au nez !
La vraie règle d’or consiste à travailler tout de suite à la construction européenne, à l’instauration d’une régulation économique, afin qu’une véritable solidarité existe entre les pays européens. Voilà la règle d’or que nous devons viser à établir aujourd’hui : une harmonisation fiscale et sociale au niveau européen !