Intervention de Alain Fouché

Réunion du 5 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Compte d'affectation spéciale : cinéma audiovisuel et expression radiophonique locale

Photo de Alain FouchéAlain Fouché :

Avec une augmentation, à structure constante, de 4, 9 % des crédits de paiement par rapport à 2005, le projet de budget pour 2006 que vous nous présentez, monsieur le ministre, confirme la priorité que vous accordez à l'action culturelle.

Ses principales mesures ayant été fort bien exposées par nos rapporteurs, j'organiserai mon propos autour de deux thèmes qui me paraissent essentiels : l'emploi et l'animation culturelle des territoires ruraux.

L'emploi est effectivement une donnée majeure de la politique culturelle conduite par le Gouvernement. Avec une progression de plus de 11 % de la dotation du programme « Patrimoines », le ministère retrouvera une marge de manoeuvre sur sa capacité d'investissement, notamment en matière de restauration des monuments historiques.

Notre pays peut se flatter de posséder un patrimoine monumental exceptionnel, largement réparti sur tout le territoire et auquel nos concitoyens sont très attachés, comme en témoignent notamment les Journées du patrimoine, qui ont attiré, cette année encore, douze millions de visiteurs.

Néanmoins, bon nombre de monuments historiques présentent un état préoccupant qui appelle un effort soutenu auquel l'État doit prendre toute sa part, en lien avec les propriétaires et avec les collectivités territoriales, conformément aux dispositions de la loi du 13 août 2004.

Aussi, après les difficultés rencontrées cette année dans la réalisation des chantiers programmés, nous ne pouvons qu'approuver la mobilisation des moyens supplémentaires qui permettra, en particulier, de poursuivre la restauration de cathédrales et de certains monuments dont l'État est propriétaire.

La rénovation de ce patrimoine est d'autant plus importante qu'elle fournit directement de l'activité et se traduit en milliers d'emplois.

Néanmoins, monsieur le ministre, s'agissant du patrimoine classé, je souhaiterais que le choix des entreprises et les qualifications soient beaucoup plus ouverts. En effet, ce sont trop souvent les mêmes entreprises qui interviennent, en particulier pour le gros oeuvre, car elles sont qualifiées. Mais les autres entreprises ne peuvent jamais accéder à la qualification faute d'expérience, expérience qu'on leur refuse au motif qu'elles ne sont pas qualifiées ! On assiste ainsi, depuis plusieurs dizaines d'années, à une dérive qui fausse le marché et augmente les coûts, car il n'y a pas de réelle concurrence. Chaque élu responsable de collectivité locale peut le constater !

Je pense que des mesures doivent être prises, si difficiles soient-elles, même si cela ne convient pas à tout le monde, en particulier aux architectes en chef. Il faudrait cependant, me semble-t-il, agir avec fermeté dans ce domaine.

Monsieur le ministre, à l'heure où la mondialisation ne cesse d'inquiéter nos compatriotes, comment pourrait-on passer sous silence les premiers succès pour l'emploi procurés par le crédit d'impôt cinéma ? La proportion des semaines de tournages effectuées en France par rapport à celles qui sont délocalisées à l'étranger confirme la tendance à une relocalisation significative en France - soit une augmentation de 11 % - grâce au travail que vous avez mené, ce qui a permis de créer ou de préserver 2 200 emplois.

On observe les mêmes résultats pour le crédit d'impôt audiovisuel, dont l'impact se mesure immédiatement : seuls 12 % de jours de tournages ont été réalisés à l'étranger au 1er septembre 2005, ce qui pourrait représenter jusqu'à 1 000 emplois sauvés. Ces décisions me paraissent très positives.

Plus largement, monsieur le ministre, la politique menée en faveur de l'information et de l'orientation des jeunes comme de la formation des comédiens va dans le sens d'une professionnalisation des carrières artistiques, ce qui est souhaitable tant pour les artistes que pour le public.

Vous voulez faire en sorte que les financements publics s'inscrivent dans une politique de soutien à l'emploi, orientation à laquelle nous ne pouvons que souscrire.

Enfin, la culture doit être ouverte à tous les horizons. Une culture pour tous et partout : tel doit être notre objectif.

L'animation des territoires ruraux mérite alors une attention particulière.

À ce titre, l'ouverture d'antennes des musées nationaux en région, comme l'opération « 22 prêts pour 22 régions », qui a pour objet de présenter vingt-deux chefs-d'oeuvre du Louvre dans vingt-deux régions, doivent être largement encouragées et déclinées à l'intérieur des territoires.

J'insisterai néanmoins sur la politique du livre et de la lecture.

Globalement, le marché du livre se porte bien en France puisque les ventes des éditeurs ne cessent de progresser. Toutefois, la part de marché des librairies indépendantes est de plus en plus menacée. Les grosses librairies des grandes villes ont plutôt bien résisté, alors que celles des villes dont la population est inférieure à 15 000 habitants ont été fortement déstabilisées par les grandes surfaces.

Il est patent que la faible rentabilité des librairies accentue leur vulnérabilité et que la structure de leurs charges les pénalise face à la grande distribution.

De plus, les mesures qui ont été prises, sur l'initiative des conseils régionaux, au sujet de la gratuité des manuels scolaires dans les lycées et qui se concrétisent par des achats groupés ont évincé les librairies alors que, pour bon nombre d'entre elles, la vente des manuels représentait une part importante - jusqu'à 25 % - de leur chiffre d'affaires et de leur activité. Cette mesure est pour le moins bizarre : elle se comprend pour les pauvres, mais beaucoup moins pour les riches !

De plus, essentielles pour le tissu économique des départements, notamment ruraux, les petites librairies sont de plus en plus confrontées au problème de leur transmission. Aussi, monsieur le ministre, peut-être faudrait-il réfléchir à l'adoption d'aides fiscales du type de celles qui figurent dans le projet de loi d'orientation agricole au profit de la reprise des exploitations.

Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » vise à rendre accessibles au plus grand nombre les oeuvres de l'esprit, à développer les pratiques et les enseignements artistiques et à encourager les politiques locales.

C'est dans ce cadre que l'État doit relancer l'éducation artistique en mobilisant les structures artistiques et culturelles grâce à une politique systématique de conventionnement avec les collectivités territoriales.

Cet objectif n'a pas été atteint et je souhaite savoir, monsieur le ministre, si vous entendez prendre des mesures spécifiques pour que la part des financements consacrés à l'éducation artistique et culturelle dans les conventions passées avec les collectivités territoriales dépasse les 20 % actuellement constatés.

Enfin, mes chers collègues, un effort budgétaire important est consenti en faveur du spectacle vivant. Je m'en réjouis d'autant plus que la venue en milieu rural du spectacle vivant professionnel en sera facilitée. L'aide de l'État est la bienvenue, car chaque fois que, dans nos départements, nous organisons, avec les communes ou les associations, des représentations de spectacle vivant précédées d'interventions pédagogiques, le succès est au rendez-vous.

Dans cette logique, monsieur le ministre, il serait également souhaitable que l'État soutienne plus activement les petits festivals, qui attirent de nouveaux publics en même qu'ils animent des territoires défavorisés. Leur vitalité est source de créativité !

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