Séance en hémicycle du 5 décembre 2005 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures.

Photo de Adrien Gouteyron

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Le Sénat va examiner les crédits relatifs à la mission « Culture » et les crédits du compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » (et articles 94 bis, 94 ter et 94 quater).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Depuis votre arrivée rue de Valois, monsieur le ministre, vous avez témoigné d'une haute conscience de votre mission : la culture, avez-vous affirmé, doit se situer au centre de la politique. C'est fort bien dit !

Si je ne m'attachais qu'au sens second du mot « mission », celui de la LOLF, je serais tenté d'approuver - mais avec un bémol - l'intitulé des trois programmes qui forment la mission « Culture ». En effet, si les programmes « Patrimoines » et « Création » vont de soi, qu'en est-il du troisième, qui recouvre ce qui s'appelait naguère « Diffusion » et qui, d'après le « bleu », s'intitule aujourd'hui « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » ? Ce rôle n'incombe-t-il pas au ministère tout entier ? Le décret du 15 mai 2002 énonce, en effet, que « le ministre de la culture et de la communication a pour mission de rendre accessibles au plus grand nombre les oeuvres capitales de l'humanité et d'abord de la France ».

Mais je ne vous chercherai pas davantage chicane sur ce point, monsieur le ministre, même s'il est particulièrement significatif : « rectifier les dénominations », n'est-ce pas l'un des plus précieux conseils de Confucius ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Le budget pour 2006, comme les précédents, s'efforce de maintenir l'équilibre entre les deux grands pôles de l'action culturelle, les programmes « Patrimoines » et « Création », qui sont dotés respectivement de 976, 2 millions d'euros et de 949, 5 millions d'euros.

Cette année, toutefois, la balance penche davantage du côté du programme « Patrimoines ». En effet, l'application du schéma de déversement analytique de la mission, c'est-à-dire de la répartition des « crédits de la fonction de soutien » - pour employer le langage « lolfien » ! -, notamment des crédits relatifs aux personnels des services déconcentrés, fera passer le programme à 49 % de la mission, avec 1 260, 8 millions d'euros. Il bénéficiera en outre d'une dotation exceptionnelle de 100 millions d'euros, qui, à travers l'Établissement public de maître d'ouvrage culturel, l'ÉMOC, proviennent des sociétés d'autoroutes privatisées en 2005.

Ce n'était pas de trop, car nous sentons - vous comme nous, monsieur le ministre - gronder l'orage sur les crédits de ce programme. Ainsi, en 2004, est apparue une crise des impayés, avec 70 millions d'euros à 90 millions d'euros de factures, avant redéploiement et ouverture de crédits supplémentaires dans la loi de finances rectificative. En 2005, 35, 5 millions d'euros ont été financés par redéploiement et grâce à un report de charges de 3 millions d'euros en 2006, et ce au prix de l'interruption de 80 chantiers tandis que 170 ont été différés en région en 2005.

Le groupement français des entreprises de restauration des monuments historiques, le GMH, parle, à qui veut l'entendre, de 100 millions d'euros par an de besoins non satisfaits. Il est vrai qu'il additionne des données parfois disparates : factures reportées sur l'exécution budgétaire suivante, chantiers arrêtés, voire promesses - faites par qui, on ne sait pas trop... - non tenues.

Ce qui est troublant, c'est la quasi-disparition des statistiques relatives aux monuments historiques en péril, ainsi que celle de l'objectif « Protéger et restaurer prioritairement les patrimoines les plus menacés », avec l'indicateur qui lui était associé. En principe, cet objectif aurait dû orienter les efforts sur les bâtiments dont la disparition était jugée probable dans les trois ans, faute d'intervention. Notre dessein n'est-il pas pourtant de préserver, autant que faire se peut, ces ruineuses richesses ?

Ces considérations patrimoniales achevées, j'évoquerai plus rapidement les spectacles vivants et le dossier des intermittents du spectacle, sujets que nos collègues rapporteurs pour avis ne manqueront pas de développer.

Qu'il me soit permis, monsieur le ministre, d'admirer votre détermination dans cette affaire et de souhaiter une issue heureuse à votre tâche pacificatrice, même si l'immeuble des Bons Enfants a été occupé voilà quelques jours, alors que se réunissait la commission du patrimoine mondial de l'UNESCO. C'est ainsi que nous avons dû abandonner la salle André-Malraux au profit du sous-sol Vivant-Denon pour faire place au syndicat CGT du spectacle. Mais ce n'est là qu'un petit malheur...

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Permettez-moi de formuler à présent quelques remarques « lolfiennes », monsieur le ministre.

Dans le cadre de l'application de la loi organique relative aux lois de finances, la mission « Culture » avait fort bien démarré. J'avais d'ailleurs salué, devant la commission des finances, l'effort de vos collaborateurs et de vos services, monsieur le ministre.

Néanmoins, à la lecture du « bleu », il nous a fallu constater quelques ratés et nous n'avons jamais obtenu en temps utile, malgré des demandes réitérées, les explications qui s'imposaient, notamment sur la justification des crédits au premier euro. Or, je le rappelle, cette disposition est au coeur même du nouveau dispositif, puisqu'elle supprime la distinction entre services votés et mesures nouvelles. Elle constitue donc la clé de l'autorisation parlementaire, c'est-à-dire de la démocratie représentative.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Cette situation explique que la commission des finances ait déposé deux amendements sur l'article 52.

Le premier vise à supprimer, dans le programme « Création », des crédits non justifiés - au sens de la LOLF, pas au sens métaphysique ! -...

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

... tandis que le second a pour objet de supprimer des crédits dans le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Cela nous permettra de doter l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP, d'une subvention pour charge de service public de 10 millions d'euros.

Je développerai les arguments en faveur de ce second amendement lors de sa présentation. Je précise toutefois dès à présent que la commission des finances souhaite vivement que le ministre de la culture et de la communication réunisse rapidement le Conseil national de la recherche archéologique, le CNRA, dont il est le président statutaire. Il est en effet essentiel de définir une programmation volontariste de l'archéologie préventive, non seulement financière mais également scientifique, faute de quoi elle ne sera pas acceptée.

Il faut donc en finir avec les sempiternels débats nourris par les archéologues sur la nécessité de recrutements massifs dans cette spécialité et sur la réalisation mythique d'une carte archéologique nationale, qui ressemblerait un peu - sinon beaucoup ! - à la carte de Jorge Luis Borges, aussi grande que le territoire lui-même...

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

S'agissant des établissements publics culturels, qui constituent un autre sujet d'interrogation, la diminution de leurs ressources propres dans les budgets prévisionnels pour 2004 et pour 2005 est importante. En effet, sont prévues des baisses de 10 % pour la Cité de la musique, de 20 % pour l'établissement public du parc et de la grande halle de la Villette, de 26, 36 % pour le Centre Pompidou et de 41, 6 % pour la Bibliothèque nationale de France, la BNF, laquelle est fort inquiète, par ailleurs, du sort réservé au site Richelieu.

Pour la BNF, cette baisse est une preuve de sincérité budgétaire : lors de la réunion du conseil d'administration du Centre Pompidou, il m'a été expliqué qu'elle était notamment due à la baisse de la fréquentation. Ce phénomène est-il général ? Si oui, à quoi l'attribuez-vous, monsieur le ministre ?

Pour ces établissements, où en est la rédaction des contrats d'objectifs et des indicateurs de performance ? Cela ne concerne sans doute que la moitié de la force de frappe du ministère, soit 25 000 emplois équivalents temps plein, mais - et il s'agit là d'une difficulté supplémentaire - ceux-ci représentent 47 % de l'emploi culturel total.

Comment s'exerce la tutelle du ministère de la culture sur la gestion de ces personnels ? Par ailleurs, comment se fait-il que tous ne soient pas identifiés comme opérateurs des différents programmes de la mission « Culture » ?

Ces deux préoccupations n'ôtent rien, monsieur le ministre, à l'estime que le rapporteur spécial que je suis porte à votre personne et à celle de vos collaborateurs et de vos directeurs, dont je me plais à souligner la qualité et la très grande disponibilité.

C'est fort de cette atmosphère excellente que je souhaite proposer à la commission des finances, en 2006, une séance mensuelle réservée au suivi du contrôle de l'INRAP, sans oublier les relations entre les grands établissements et le ministère de la culture et de la communication.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nachbar

Dans le contexte budgétaire que nous connaissons et qui est marqué par une volonté très forte de maîtrise de la dépense publique, votre projet de budget témoigne, monsieur le ministre, de l'attention que le Gouvernement porte au secteur de la culture : plus qu'aucun autre, il joue un rôle essentiel non seulement dans la préservation de la mémoire collective et de l'identité de notre pays, mais également dans son ouverture plus que jamais nécessaire à la diversité d'un monde en perpétuelle mutation.

Je relève en effet, par-delà les changements de périmètres induits par la nouvelle présentation budgétaire, que les autorisations d'engagement ouvertes pour votre ministère progressent de 3, 6 % et que les crédits de paiement seront à peu près reconduits au niveau de 2005 - ils enregistrent même une hausse de 1 % -, crédits auxquels il faut ajouter, pour être exhaustif, une dotation en capital de 100 millions d'euros supplémentaires issue des recettes des privatisations à venir.

Monsieur le ministre, les cinq minutes dont je dispose -et qui me font penser au lit de Procuste, dont tout ce qui dépassait était impitoyablement amputé !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nachbar

Je m'en tiendrai donc aux deux sujets qui, cette année, sont au coeur des préoccupations de la commission des affaires culturelles.

Au premier rang de nos inquiétudes figure le patrimoine monumental.

Nous sommes tous ici convaincus du caractère exceptionnel de ce patrimoine, tout comme de l'attachement que nos concitoyens lui portent. Il n'est qu'à voir le succès des Journées du patrimoine, qui, cette année, ont attiré 12 millions de visiteurs !Nous savons tous à quel point ce patrimoine monumental participe à l'attractivité de notre pays, première destination touristique mondiale, et quels effets il a sur l'activité économique et l'emploi.

Cependant, l'état sanitaire de ces monuments est préoccupant. Selon les travaux de la commission Bady, 20 % d'entre eux seraient en état de péril !

En 2003, le Gouvernement a présenté un plan national pour le patrimoine prévoyant de mieux associer l'ensemble des acteurs concernés et programmant, sur la durée, un effort financier significatif. La tâche s'est néanmoins révélée difficile, comme en témoignent les tensions que nous avons pu constater au cours des exercices 2004 et 2005, malgré les redéploiements internes de crédits et l'augmentation des dotations que vous avez pu obtenir, notamment en 2004, monsieur le ministre. C'est ainsi que, en 2005, les crédits de paiement ne semblent avoir permis de couvrir qu'un peu plus de la moitié des besoins des directions régionales des affaires culturelles, les DRAC.

Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous apporter tout à l'heure quelques précisions sur les mesures de redéploiement que vous entendez prendre d'ici à la fin de l'année 2005 pour alléger le poids des impayés et relancer les chantiers les plus urgents.

Pour l'exercice 2006, la commission des affaires culturelles note avec intérêt - et elle s'en réjouit ! - que les dotations budgétaires, d'un montant de 245 millions d'euros, seront en hausse de 1, 4 %. Cependant, seront-elles suffisantes pour faire face à l'ampleur des besoins, malgré l'apport de la dotation en capital issue des privatisations ? Je me fais ici l'écho des inquiétudes des entreprises spécialisées et des collectivités locales - et vous savez le tribut essentiel que celles-ci apportent à la rénovation de notre patrimoine, monsieur le ministre -, et j'espère que nous pourrons, dans ce domaine, être à la hauteur des attentes de nos concitoyens.

Par ailleurs, la commission des affaires culturelles a manifesté son inquiétude face à la remise en cause de la loi Malraux. Nous savons tous, en effet, le rôle essentiel que les avantages fiscaux liés à ce dispositif ont joué dans la restauration des centres-villes historiques de notre pays depuis plusieurs dizaines d'années. Leur plafonnement risquerait de vider ce dispositif d'une grande partie de sa portée !

L'Assemblée nationale, qui avait d'abord exclu ce plafonnement des mesures de rigueur qu'elle a prises, est finalement revenue sur sa décision et a adopté une disposition contraire pour certaines dépenses spécifiques. Je souhaite - mais nous en rediscuterons, monsieur le ministre - que le Sénat adopte un dispositif plus large et plus satisfaisant, propre à poursuivre cette politique qui nous a permis, au-delà des subventions de l'État, de mettre en oeuvre la restauration du centre-ville historique d'un certain nombre de grandes villes, de petites villes et de villages dans notre pays.

Alors que, grâce notamment aux incitations fiscales qu'elle prévoit, la loi sur le mécénat commence à porter ses fruits, il ne serait pas opportun que l'État relâche ses efforts en remettant en cause les avantages de la loi Malraux.

Après le patrimoine monumental, j'évoquerai brièvement l'éducation artistique et culturelle, qui est l'une des priorités - je le sais et je vous en remercie, monsieur le ministre - de votre budget.

Il s'agit d'un investissement essentiel pour notre pays : au-delà du rôle qu'elle joue en termes d'intégration sociale, l'éducation artistique et culturelle est indispensable à la naissance des vocations qui, jour après jour, alimentent la création et, par conséquent, contribuent au renom de notre pays.

La commission des affaires culturelles sera donc très attentive à la mise en oeuvre du plan de relance qu'avec le ministre de l'éducation nationale vous avez annoncé au début de l'année. Mais, sur ce point comme sur les autres, nous vous faisons entièrement confiance et ne doutons pas que ce plan portera ses fruits dès l'année prochaine.

En conclusion, monsieur le ministre, la commission des affaires culturelles a été sensible aux explications que vous lui avez apportées et au soutien que vous n'avez cessé de manifester, depuis que vous avez pris vos fonctions, à la création en France et au développement des pratiques culturelles. Elle a donc donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Lagauche

Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, j'interviendrai successivement sur le programme « Création » de la mission « Culture », puis sur le programme « Industries cinématographiques » du compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ».

S'agissant tout d'abord de la mission « Culture », 939, 3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 949, 5 millions d'euros en crédits de paiement sont inscrits au titre du programme « Création » pour 2006.

Le spectacle vivant constitue l'essentiel de ce programme avec plus de 600 millions d'euros, auxquels il convient d'ajouter les sommes relevant de l'enseignement artistique qui figurent dans le programme n° 3.

Une part importante de ces crédits est consacrée aux établissements publics nationaux et à l'entretien de leur patrimoine, tels que l'Opéra de Paris, la Comédie-française ou le théâtre de l'Odéon.

Environ la moitié du budget consacré au spectacle vivant est affectée aux dépenses d'intervention, qui sont, pour l'essentiel, destinées aux établissements de création, de production ou de diffusion situés sur l'ensemble du territoire, mais aussi aux équipes artistiques : 2, 5 millions d'euros de mesures nouvelles seront attribuées aux équipes artistiques indépendantes.

L'action n° 2 - arts plastiques - bénéficiera de plus de 103 millions d'euros, l'action n° 3 - livre et lecture - de près de 194 millions d'euros, et l'action n° 4 - industries culturelles - de plus de 42 millions d'euros.

L'un des avantages de la LOLF tient au fait que le ministère et les opérateurs devront développer des outils de connaissance et de suivi qui, jusqu'ici, faisaient souvent cruellement défaut.

J'aimerais cependant évoquer les difficultés méthodologiques auxquelles est confronté le ministère de la culture pour construire ou renseigner certains indicateurs de performance afin de se conformer à la LOLF.

Ces difficultés tiennent au fait qu'il est parfois difficile de mesurer les résultats des interventions culturelles, d'autant que l'État intervient surtout de façon indirecte, en soutenant des projets mis en oeuvre par des structures subventionnées ou par des collectivités territoriales. En outre, le ministère ne dispose pas d'historiques chiffrés, ce qui rend d'autant plus difficile la fixation d'objectifs.

Cela contribue-t-il, monsieur le ministre, à expliquer la relative modestie des objectifs retenus pour les indicateurs à l'horizon 2010 ?

Nous nous réjouissons, monsieur le ministre, des plans d'action que le Premier ministre ou vous-même avez annoncés - et pour certains déjà engagés - en faveur du théâtre, de la musique et de la création contemporaine.

S'agissant plus particulièrement de la politique en faveur du théâtre, la commission des affaires culturelles soutient vos propositions, qui paraissent cohérentes et concernent l'ensemble des acteurs du secteur.

Je relève néanmoins qu'un certain nombre d'élus constatent un désengagement de l'Etat en matière d'éducation artistique.

Certaines mesures vont dans le sens d'une meilleure diffusion des oeuvres et d'un rapprochement entre le public et la création, objectif que nous appelons de nos voeux.

S'agissant de la création contemporaine, j'aimerais, monsieur le ministre, que vous précisiez les proportions respectives des oeuvres dites de répertoire et des oeuvres contemporaines d'expression française dans la programmation des théâtres publics.

Pouvez-vous, par ailleurs, présenter les principaux axes du projet de loi en cours d'élaboration sur le théâtre amateur ?

Il est également nécessaire de conforter l'emploi artistique et de pérenniser le régime de l'intermittence.

Je relève qu'un certain nombre de mesures ont été prises pour soutenir l'emploi dans le spectacle vivant cette année.

Le rapport de M. Alain Auclaire avance des propositions concrètes afin que les financements publics s'inscrivent clairement dans une politique de soutien à l'emploi culturel. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser les suites qui ont été données à ces propositions ?

Vous avez, monsieur le ministre, poursuivi les négociations et la concertation en 2005. Vous avez, avec le ministre délégué à l'emploi, Gérard Larcher, et en concertation avec les organisations professionnelles, progressé dans un certain nombre de domaines.

La commission des affaires culturelles a apporté sa contribution, notamment grâce à la participation de son président aux travaux du Conseil national des professions du spectacle, le CNPS. Il est important, en effet, que les commissions parlementaires compétentes montrent toute l'importance qu'elles attachent à l'aboutissement de ces dossiers.

Nous attendons aujourd'hui la conclusion de la nouvelle convention d'assurance-chômage qui doit prendre effet à compter du 1er janvier 2006. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en dire plus sur ce que sera la situation des intermittents après cette date ?

En conclusion, je vous indique que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption du programme « Création » de la mission « Culture ».

Permettez-moi maintenant de vous présenter les crédits du programme « Industries cinématographiques » du compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ».

Les crédits consacrés au cinéma s'élèvent à 273, 76 millions d'euros, afin de permettre au Centre national de la cinématographie, le CNC, d'assumer ses missions de soutien en faveur du secteur. Ils sont complétés par des crédits provenant directement du ministère de la culture et de la communication, pour un montant de 41, 9 millions d'euros.

À cet égard, deux éléments devraient prochainement susciter une réflexion sur les dispositifs de soutien aux industries cinématographiques.

En premier lieu, la Commission européenne procède actuellement à l'examen de notre dispositif de soutien et des modalités d'octroi du crédit d'impôt cinéma, et nous devrons prendre en compte ses conclusions, qui seront rendues publiques au début de 2006.

En second lieu, il apparaît souhaitable d'améliorer la régulation prévisionnelle des instruments financiers du CNC. En effet, après avoir amélioré le soutien aux producteurs l'an dernier, le Centre a dû, à l'inverse, procéder à une régulation en leur défaveur cet été. Il conviendrait de lisser les évolutions et j'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous précisiez l'état de vos réflexions sur ce point.

Le cinéma bénéficie de mesures fiscales très incitatives. Le crédit d'impôt cinéma, créé à compter de janvier 2004 et amélioré en 2005, a eu un effet très positif tant sur le financement des films que sur la relocalisation des tournages, et nous nous en réjouissons.

En revanche, nous nous inquiétons pour l'avenir des sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel, les SOFICA, qui pourraient être menacées par le plafonnement des « niches » fiscales prévues par le projet de loi de finances pour 2006.

Cet outil contribue de façon non négligeable au financement de la production cinématographique, en dépit du risque inhérent à ce type d'investissement. Si l'on veut que celui-ci demeure attractif, il faut en maintenir la rentabilité fiscale. C'est pourquoi la commission des affaires culturelles vous proposera d'adopter un amendement prévoyant une revalorisation du taux de la réduction fiscale, qui passerait de 40 % à 60 %.

Par ailleurs, je me réjouis de la montée en puissance des fonds régionaux. Le renforcement du programme européen MÉDIA 2007 pour la période 2007-2013 est également positif.

S'agissant maintenant du paysage cinématographique, je dirai qu'il se dessine en « ombres et lumières ».

On constate une diminution du nombre d'entrées en salles de 13, 4 % sur les neuf premiers mois de l'année 2005. Ce chiffre ne semble toutefois pas annonciateur d'une crise structurelle ; il est plutôt le résultat à la fois d'un accroissement des films sur le marché, d'un calendrier de programmation trop concentré et de l'absence de films à très fort succès.

Les professionnels devraient, avec le CNC, tenter de mieux « lisser » les sorties de films. Par ailleurs, le CNC devrait proposer un mécanisme d'encadrement afin d'éviter que la multiplication des projections non commerciales n'entraîne une éventuelle concurrence déloyale pour les salles.

S'agissant du court-métrage, et alors que vous aviez, monsieur le ministre, jugé nécessaire le lancement d'un plan d'urgence, je m'inquiète qu'aucune décision n'ait été pour l'instant annoncée. Pouvez-vous, par conséquent, préciser vos engagements concernant la recherche d'un financement pérenne pour les films de court-métrage ?

Il conviendrait par exemple, compte tenu de leurs actions de mécénat dans ce domaine, de soutenir le projet des industries techniques du cinéma de créer une fondation du court-métrage pouvant bénéficier de dispositions fiscales favorables.

Une autre idée consisterait à permettre aux collectivités territoriales d'exonérer totalement ou partiellement de taxe professionnelle les industries techniques, et je suis heureux que notre Haute Assemblée ait retenu une telle idée lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances.

Par ailleurs, il nous faut prendre conscience de la véritable « révolution » numérique qu'est en train de vivre le secteur du cinéma et qui modifie son modèle économique.

Le numérique présente de nombreux avantages. Toutefois, le financement de l'équipement des salles est onéreux : un projecteur numérique coûte environ 100 000 euros, contre 20 000 euros pour les projecteurs actuels. Il serait donc souhaitable que l'immense économie qui pourra être réalisée par les distributeurs sur les copies de films contribue au financement de l'équipement des salles. J'estime d'ailleurs important que cet équipement concerne tous les types de salles, y compris les salles d'art et d'essai. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?

Enfin, je relève avec satisfaction que deux accords sont en vue sur deux sujets d'actualité.

L'un concerne le positionnement de la vidéo à la demande dans ce que l'on appelle la « chronologie des médias ».

L'autre concerne la lutte contre la copie illicite de films. Nous allons ainsi vers une « approche graduée » comportant trois stades successifs : des messages électroniques d'avertissement, suivies d'une lettre recommandée et, enfin, d'une sanction pécuniaire. Cet accord se heurte cependant à des difficultés juridiques liées à une récente décision de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Il nous faudra sans doute adapter le cadre législatif en conséquence, à l'occasion de l'examen du projet de loi sur le droit d'auteur.

En conclusion, je vous indique que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 711, consacré aux industries cinématographiques, du compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale », sous réserve de l'adoption d'un amendement qu'elle vous présentera tout à l'heure et qui concerne les SOFICA.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valade

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir complimenté leurs auteurs pour l'excellence des rapports qui viennent de nous être présentés, vous me permettrez de faire un peu de « lolfisme ».

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valade

J'ai entendu M. le rapporteur spécial dire que les crédits consacrés à l'archéologie préventive posaient quelques problèmes. La commission des affaires culturelles, qui partage cette analyse, a donc souhaité apporté sa contribution à l'exercice budgétaire en s'efforçant de trouver les solutions les plus intelligentes et les plus efficaces possibles.

M. Gaillard a proposé que soit fixé un rendez-vous régulier, annuel ou semestriel, afin de faire le point sur ces questions. Je suis favorable à cette proposition car, au-delà du rendez-vous annuel de la discussion budgétaire, cela permettrait, dans l'esprit de la LOLF, un pilotage conjoint des crédits de l'État, de façon que ces crédits soient utilisés le mieux possible.

Vous savez, monsieur le président de la commission des finances, que nous partageons votre préoccupation en la matière, mais je ne voudrais pas - et c'est là que je vais essayer de faire un peu de « lolfisme » - que, pour pertinente qu'elle soit, la mission de la commission des finances masque les travaux qui peuvent être développés dans les commissions spécialisées.

Les efforts de la commission des affaires culturelles, par exemple, sont complémentaires de ceux qui sont développés par les rapporteurs spéciaux - tout particulièrement par Yann Gaillard - et ne doivent pas intervenir de façon anecdotique.

Je souhaiterais qu'il y ait entre nous une réflexion approfondie afin que chacun puisse jouer son rôle.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous ceux qui croient en la LOLF, tous ceux qui sont convaincus que c'est un bon instrument pour réformer l'État et maîtriser la dépense publique, viennent de trouver dans les propos du président Jacques Valade la consécration - qu'ils recherchaient - de la LOLF et de ses bienfaits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il s'agit d'une coproduction entre le Gouvernement et le Parlement, et cela ne peut pas être une démarche exclusive d'une commission au détriment des autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je réaffirme donc solennellement devant le Sénat ce que j'ai déjà dit devant les présidents des commissions permanentes : c'est en nous appropriant ensemble les objectifs, les principes, les modalités et les procédures de la LOLF que nous en validerons l'ambition.

Ainsi, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, les membres de la commission des finances souhaitent - je parle sous le contrôle de Yann Gaillard - que nous puissions partager cette ambition de contrôle, c'est-à-dire que nous puissions associer rapporteur spécial et rapporteur pour avis dans nos travaux. Je réponds donc positivement à votre appel, monsieur Valade, et je vous remercie de votre intervention. Tous ceux qui croient en la LOLF trouveront là une des plus belles illustrations de sa réussite !

Sans doute y a-t-il des marges de progression, comme un certain nombre des débats que nous avons eus en témoignent, mais nous allons certainement dans la bonne direction. Quoi qu'il en soit, nous ferons, bien entendu, ces travaux de contrôle ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Voilà un débat plein de promesses et de bon augure !

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 42 minutes ;

Groupe socialiste, 20 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente-cinq minutes pour intervenir.

La parole est à M. Jack Ralite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

« Dans son avancée, le poète se heurte à l'ordre du monde, aux bastilles, aux citadelles, dont il ne peut s'accommoder sans sacrifier au souffle, céder aux compromis vulgaire et aux ratiocinations stériles. D'emblée, il choisit ses sentiers de traverse, épouse les états marginaux ou extrêmes, ceux-là mêmes qui permettent à l'émotion et à la passion, à l'enthousiasme de prendre le pas. [...] Désarmant les rives anciennes, les codes et les artifices, l'insoumission est sa règle, la révolte sa loi, [...] il se désigne comme volontaire pour approcher le visage de l'ailleurs. »

Dominique de Villepin définit là ce qu'il appelle les « chemins muletiers » des « voleurs de feu ».

Je fais, sans doute comme vous, mienne cette belle déclaration. Mais je ne la vois pas opérationnelle. Je la vois même malmenée, très malmenée cet automne, alors que Mme Parisot, présidente du MEDEF, fait l'éloge de la précarité en la naturalisant et que M. Bernardin, président des chambres de commerce et d'industrie, appelle de ses voeux la sécurité culturelle, excluant la culture de banlieue. Ce mot et cette expression font comme tache d'encre sur du papier buvard. Ils imbibent l'atmosphère. Ils deviennent l'air du temps.

Regardez le projet d'UNEDIC que vient de proposer le MEDEF aux syndicats ! C'est une machine à précarisation, antinomique de l'esprit de négociation, qui augure mal du rendez-vous du 13 décembre pour l'assurance chômage des intermittents, avec qui je suis totalement solidaire.

Regardez la désignation à la vindicte publique de groupes de rap - culture de banlieue s'il en est une - par 202 parlementaires qui s'érigent en « senseurs », en boutiquiers de la sécurité culturelle.

Eh bien, ces faits marquent la vie d'aujourd'hui, et le budget de la culture n'en sort pas indemne. Il est lui-même touché et connaît la précarisation sous plusieurs formes : fragilisation et affaissement des crédits, floraison d'indicateurs comptables tendant à remplacer la politique culturelle par la gestion.

La fragilisation, ce sont les 100 millions d'euros nécessaires pour que le budget ne marque pas le pas. On peut s'en féliciter, et je m'en félicite. Cela dit, avoir recours, être suspendu à des recettes futures et aléatoires est très préoccupant, d'autant que cela devient une habitude. Ainsi, il y a deux ans, le budget était maintenu grâce aux reports de crédits non consommés - or ils ont été consommés, et il fallait donc bien autre chose - et c'est la suite que finance cette dotation exceptionnelle et aléatoire comme le sont les lois non appliquées : une sur cinq !

Chacun sait que, selon la Direction de l'architecture et du patrimoine, 20 % des monuments classés sont en péril. D'après les chiffres du ministère, 80 chantiers ont dû être interrompus, alors que 170 chantiers ont été différés. Les DRAC n'ont disposé que de 55 % des crédits nécessaires pour mener à bien leurs missions. La perte pour chaque DRAC a été de 200 000 à 700 000 euros.

L'affaissement, c'est ce qui arrive à l'Institut national de recherche en archéologie préventive, l'INRAP.

Alors même que l'INRAP effectue actuellement trois fois moins de fouilles qu'avant 2003, son déficit atteint 40 millions d'euros, sur un budget de 120 millions d'euros. On sait que c'est une modification de la loi qui a supprimé une grande partie des ressources de cet organisme, et le problème est loin d'être réglé au point que la Cour des comptes s'en est émue et que vous cherchez, monsieur le ministre, un « système extrabudgétaire mutualisé » pour rendre viable l'INRAP, ou au moins faire face à ses dettes. J'ajoute que cela risque d'étaler les délais des diagnostics, ce qui retarde le lancement des travaux de nombreux aménageurs.

On retrouverait plusieurs situations semblables dans la mission « Transmission des savoirs », dont les crédits de paiement des dépenses de fonctionnement, d'investissement et d'intervention subissent une contraction de 3, 9 %, ainsi que dans la mission « Création », dont les crédits de paiement, même avec une augmentation de 0, 96 %, ne permettent pas une reconduction complète des crédits de paiement de 2005.

Quant aux indicateurs, comme il était à prévoir, ils sont d'abord source de ce que le ministère des finances appelle « économie ».

Prenons cet indicateur général de la « justification au premier euro » : la commission des finances s'en est vite saisie et a déposé deux amendements, minorant les crédits de la mission « Création » de 39, 32 millions et les crédits de la mission « Transmission des savoirs » de 10, 58 millions d'euros, ce qui, si ces amendements étaient par malheur adoptés, supprimerait 50 % de la dotation exceptionnelle avant même qu'elle soit versée.

En fait, le quantitatif mutile le qualitatif et la finance agresse l'esprit. Et Philippe Nachbar comme Serge Lagauche, parlant dans leur rapport de ces indicateurs, de ces paramètres de gestion, leur reprochent « une approche trop globalisante risquant de s'avérer extrêmement réductrice ». Il m'inquiète que le rapport de la commission s'inquiète !

Bien sûr, je n'ai allumé que quelques projecteurs sur le budget, mais ils sont éclairants ! On trouve dans ce budget comme des verrous dont il faut au plus vite tirer le loquet, et on voit bien comment faire !

Mais je veux être concret et je sais que, dans ce domaine, monsieur le ministre, nous avons une expérience commune. Vous étiez l'autre soir à la représentation de Daewoo, de François Bon, au Théâtre 71 à Malakoff. Vous êtes allé à la maison de la culture de Bobigny, où vous avez vu Merlin ou la terre dévastée. Vous avez visité le Musée d'art contemporain de Vitry-sur-Seine. J'ai fait de même.

Et l'on sent bien qu'il y a, avec la culture, un enjeu de société qui réclame la création. Ces expériences sont de cette banlieue qui vient de crier tant de choses ! C'est réconfortant, et pourtant très difficile, mais comme disait Paul Claudel parlant avec dignité du spectateur du Soulier de satin : « Il est agréablement surpris de constater que tout se passe en somme sans douleur, et que non seulement il ne souffre pas, que non seulement il est intéressé, mais qu'il s'amuse ». Et il ajoutait : « Il sait gré [...] à l'auteur de la bonne opinion qu'on a eu de son goût et de ses facultés. [...] Si l'on demande beaucoup au public, pourquoi douter qu'il ne soit prêt à donner beaucoup ? Il voit que le poète de son côté ne s'est pas ménagé, et qu'il a fourni tout ce qu'il pouvait ».

Tenez : ce matin, j'étais aux Ateliers Berthier, où l'Odéon s'est replié. Il y était présenté le magnifique ouvrage de Michel Bataillon sur l'aventure de Roger Planchon avec lui-même, avec Chéreau, avec Lavaudant, avec d'autres et avec le public. Ces trois hommes, qui ont marqué le théâtre de ce pays, sont partis qui de la rue des Marronniers à Lyon, qui de Sartrouville, qui du Rio à Grenoble, autant de quartiers de banlieue. Ils sont partis de rien, de presque rien, et ils nous ont donné comme une chanson de geste de l'imaginaire, une odyssée scénique qui, souvent contradictoirement, s'est développée sous vingt-six ministres différents. C'est l'histoire d'un lieu de pensée et d'art dont on a beaucoup à tirer et dont l'expérience est précieuse pour ici et pour ailleurs, en tout cas pour la banlieue. Entendez-les, monsieur le ministre !

Tenez : le 7 novembre, alors que se déroulaient les événements de banlieue, c'était le quarantième anniversaire du Théâtre de la Commune, à Aubervilliers. Salle pleine, attentive, attentionnée, attendrie, se souvenant du choc de vie qu'a été l'ouverture d'un théâtre en terre ouvrière en 1965, l'État n'intervenant - c'était pourtant du temps de Malraux - que par le prêt de trente projecteurs et de deux tables à repasser. Le directeur, Gabriel Garran, était ouvrier paveur municipal ! Ce théâtre a été une telle caresse, une telle tendresse à l'égard des ignorés, des oubliés, des perdus, des inconnus d'Aubervilliers qu'il leur a semblé qu'entre autres avec lui ils pouvaient imaginer ce qu'ils pouvaient devenir. En fait, il leur donnait un but : « arriver à arriver à arriver », qu'il s'agit de « continuer à continuer à continuer ».

Tenez : c'était, le week-end dernier, le Salon du livre de la jeunesse à Montreuil. Un bonheur, auquel dans un premier temps l'éducation nationale avait retiré sa subvention. Ce fut un fabuleux bouquet d'écriture, qui ne se résume pas à Harry Potter !

Tenez : le musée d'art contemporain du Val-de-Marne, le « Mac/Val », déjà évoqué. Une longue file d'attente l'entourant presque. Vous, monsieur le ministre, le visitant et déclarant impromptu à la presse : « Voilà de l'argent bien placé ! » C'est une phrase joyau au moment où la pression s'alourdit : « A quoi bon la culture quand on n'a pas de travail ! », « Divertissez-les, un point c'est tout ! », « L'argent serait mieux placé dans le social, dans la diminution de la dette ! »

Et, comme si ce n'était déjà pas suffisant, voilà que d'aucuns s'amusent, à sept mois du soixantième anniversaire du festival créé par Jean Vilar et transformé en 1967, à revigorer, à tenter d'amplifier ce qui a été appelé la « querelle estivale d'Avignon 2005 », en exagérant le problème, à la manière sarkozienne, pour profiter du désarroi créé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Tente de se bâtir ainsi un mur contre la création artistique et ses transformations, contre le nouveau qui n'est pas ce clinquant, cette marmelade envahissant le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Le nouveau ? Comme disait Don Léopold Auguste dans le Soulier de satin : « On ne peut pas rester éternellement confit dans la même confiture. Qu'on me donne du nouveau. Mais quel nouveau ? Du nouveau qui soit exactement semblable à l'ancien ».

C'est la question fondamentale dans notre pays, c'est toujours une tension vibrante. Mais, aujourd'hui, bien qu'il y ait eu vote pour la diversité culturelle à l'UNESCO - et je sais le rôle que vous y avez tenu, monsieur le ministre -, c'est beaucoup plus préoccupant, et la nouvelle écriture budgétaire, oblitérant de plus en plus le sens parce que soumise aux règles de la rentabilité, va y contribuer.

Autre chose aussi pousse dans cette direction. Il en est ainsi de l'actuelle apologie de l'individu, au centre de la doctrine de la majorité qui institue la responsabilisation sous contrat menant à la culpabilisation. La saturation du terrain idéologique, de ce point de vue, est évidente : en témoigne l'équité préférée à l'égalité par M. Sarkozy, comme en témoigne le « Je ne suis pas le ministre de l'égalité des chances mais des opportunités » de M. Begag ! Et, selon un proche de M. de Villepin, « les nuits de violence ont ouvert une fenêtre de tir ».

Que reste-t-il de la culture dans ce paysage, où elle tient davantage de la force du marché que de sa force à se déployer en civilisation ?

Participant à plusieurs conseils d'administration d'équipements culturels, je vous assure de la permanence toujours plus forte d'un vocabulaire d'entreprise : c'est l'économie, les comptables qui prévalent. Leur vocabulaire blesse l'imaginaire, le blesse profondément, complétant face aux oeuvres ce qu'ils font face aux hommes au travail. Le cercle s'est refermé, voilà tout ! Tout doit être recommandable et recommandé en ces temps de critères de gestion, d'évaluation, d'expertise du risque, d'indicateurs de performance et de consommation immédiate pour empêcher l'assaut.

Vous comprendrez que, pour toutes ces raisons le groupe CRC ne peut voter le projet de budget de la culture pour 2006.

Je voudrais cependant ajouter un post-scriptum.

J'ai conscience de ne pas être allé jusqu'au bout de la réflexion. Le puis-je, d'ailleurs ? Aussi, je vous demanderai de joindre à ce propos celui que j'ai tenu à cette même tribune le 16 novembre, lors du débat sur les banlieues.

Ces deux interventions s'épaulent, rejettent la peur si mauvaise conseillère, et ont beaucoup à voir avec ce très court extrait de Péguy, tiré de son journal Les cahiers de la quinzaine : « A nos amis, à nos abonnés, nul aujourd'hui, nul homme vivant ne nie, nul ne conteste, nul ne songe même à dissimuler qu'il y a un désordre ; un désordre croissant et extrêmement inquiétant ; non point en effet un désordre apparent, un trouble de fécondité, qui recouvre un ordre à venir, mais un réel désordre d'impuissance et de stérilité ; nul ne nie plus ce désordre, le désarroi des esprits et des coeurs, la détresse qui vient, le désastre menaçant. Une débâcle. C'est peut-être cette situation de désarroi et de détresse qui nous créé plus impérieusement que jamais le devoir de ne pas capituler. Il ne faut jamais capituler ! »

Oui, ne pas capituler, y compris face à des mots comme ce mot que je retiens parce qu'il est cardinal et qu'il n'est pas sans opérativité dans le dossier qui doit coûte que coûte être réglé, et bien réglé, celui des intermittents du spectacle : « précaire » !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 2006 de la mission « Culture », dont nous débattons aujourd'hui, est d'une importance cruciale.

Nous sommes conscients que la situation budgétaire difficile, marquée par la nécessaire maîtrise de nos dépenses publiques, ne permet pas de satisfaire l'ensemble des besoins, immenses, en matière d'investissements culturels. Nous savons bien, monsieur le ministre, que vous êtes un « éternel mendiant » auprès de votre collègue chargé des finances ! Nous saluons donc un budget qui représente 1, 11 % du budget de l'État, avec 2, 886 milliards d'euros de crédits de paiement.

Nous souscrivons aussi aux deux priorités fixées pour 2006 : la sauvegarde du patrimoine et le soutien à la création.

Nous savons également que vous essayez de préserver votre budget des coupes claires. Cependant, malgré des crédits en hausse, la culture nous semble être dans une situation fragile.

C'est, en effet, une période difficile que nous vivons : l'été dernier, nous connaissions, en tant qu'élus locaux, la crise du patrimoine monumental ; voilà deux semaines, les DRAC voyaient leurs crédits amputés ; aujourd'hui, nous sommes inquiets quant aux négociations relatives au régime des intermittents.

Un autre motif d'inquiétude tient au fait que plusieurs mesures fiscales en faveur de la vie artistique et culturelle - je pense au dispositif de la loi Malraux pour les secteurs sauvegardés, ou aux sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, les SOFICA - sont remises en cause par le plafonnement des avantages fiscaux prévu à l'article 61 du projet de loi de finances. Si nous sommes favorables, dans l'absolu, à la réduction de ceux-ci, il nous semble que, en cette période de « vaches maigres », il n'est pas opportun de supprimer des dépenses fiscales qui contribuent grandement au financement de notre politique culturelle.

Notre inquiétude s'accroît encore devant la proposition de la commission des finances d'amputer les crédits de la mission « Culture » de près de 40 millions d'euros.

Si nous comprenons la nécessité de maîtriser nos dépenses publiques et les exigences comptables de la LOLF, il nous semble excessif de réduire les crédits d'une mission qui représente à peine plus de 1 % du budget de l'État. Derrière les chiffres, ce sont des actions concrètes, essentielles pour les acteurs culturels et les publics concernés, qui sont susceptibles d'être supprimées. Ce sont donc les collectivités territoriales qui devront compenser, ne pouvant abandonner des dispositifs existants.

Comme le président de la commission des affaires culturelles, nous nous inquiétons des conséquences qu'aurait l'adoption de ces amendements de rigueur comptable de la commission des finances : le bon fonctionnement du ministère pourrait-il être assuré ?

Enfin, comment ne pas être inquiets devant les difficultés récentes des DRAC ? Confirmez-vous, monsieur le ministre, les amputations de crédits budgétaires qu'elles subissent en cette fin d'année, à hauteur de 2, 6 % de leur budget, soit 7 millions d'euros supprimés lors du versement, avec deux mois de retard, de la deuxième fraction ? Concrètement, cela signifie des réductions de crédits pour des actions nécessaires dans les écoles, pour les ateliers dans les quartiers sensibles, pour le financement des bibliothèques, des conservatoires et des écoles d'art.

Toutefois, le secteur le plus atteint reste celui de l'acquisition des oeuvres d'art, comme l'a rappelé M. Nicolas Perruchot, rapporteur des crédits du programme « Patrimoines » à l'Assemblée nationale, qui estime à 26 % la baisse des crédits correspondants en 2006. Si vous avez raison, monsieur le ministre, de dire que le mécénat doit prendre son essor, il faut que, à chaque échelon territorial, nous continuions à assumer nos responsabilités.

Concernant la répartition des crédits entre les trois programmes de la mission, je formulerai quelques observations.

Tout d'abord, la situation du patrimoine monumental ne cesse d'inquiéter les élus locaux. Une progression de 13, 4 % des crédits est certes affichée, grâce aux 29 millions d'euros alloués par le biais de la dotation exceptionnelle. Sans refaire l'historique de la crise qui touche ce secteur depuis 2003, il faut cependant rappeler que le plan pour le patrimoine prévoyait, au-delà de mesures législatives et réglementaires utiles, un effort budgétaire important et durable.

Or force est de constater que tel n'est pas le cas : devant l'ampleur des travaux à réaliser, les crédits ouverts pour 2005 se sont révélés insuffisants, malgré des ouvertures de crédits en cours d'année et des redéploiements, opérés cet été à concurrence de 10 millions d'euros, pour parer au plus urgent. Ils n'ont permis de couvrir qu'environ 55 % des besoins des DRAC ; 55 chantiers ont dû être interrompus, et 170 différés.

La conséquence de cette situation, pour le budget de 2006, ce sont 38 millions d'euros de reports de charges. Avec 274 millions d'euros inscrits pour 2006, on peut d'ores et déjà se demander si nous ne revivrons pas des arrêts de chantiers en cours d'année, puisque le groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques estime à 400 millions d'euros la somme nécessaire pour effectuer l'ensemble des travaux.

En outre, le même organisme évoque l'affectation de 29 millions d'euros à la province, le reste étant alloué aux grands chantiers parisiens. Un rééquilibrage des crédits n'est-il pas nécessaire, surtout quand on sait que ce sont dans les petites communes que se trouvent le plus grand nombre de monuments en péril ?

Dans ce contexte, il est heureux que le Gouvernement ait décidé d'exclure du champ de la mesure de plafonnement des avantages fiscaux le dispositif relatif aux monuments historiques.

Tel n'est malheureusement pas le cas pour le dispositif « Malraux » intéressant les secteurs sauvegardés. Pourtant, vu la modicité des subventions accordées - 5 millions d'euros -, les mécanismes d'incitation fiscale relatifs aux secteurs sauvegardés et aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager sont indispensables au financement de la rénovation des centres-villes historiques.

C'est pourquoi nous partageons l'inquiétude du rapporteur pour avis Philippe Nachbar, et nous présenterons un amendement visant à exclure le dispositif « Malraux » du champ de la mesure de plafonnement prévue à l'article 61 du projet de loi de finances.

S'agissant du programme « Création », j'ai bien noté que le spectacle vivant reste une priorité de l'action du ministère, puisque, à lui seul, il représente les deux tiers des crédits, qui connaissent eux-mêmes une légère progression.

Toutefois, cette progression sera-t-elle suffisante ? En effet, les établissements culturels et les compagnies ont besoin de moyens pour poursuivre leurs activités de création, et les collectivités et les établissements culturels auront eux aussi des difficultés à participer à la mise en oeuvre de la politique de structuration de l'emploi culturel que vous avez élaborée s'ils ne disposent pas des crédits nécessaires à la transformation des emplois d'intermittent en contrats à durée indéterminée, à la mutualisation des postes et à la pérennisation des structures.

Cette politique, que nous approuvons, a un coût, et il est nécessaire que l'État accompagne les collectivités territoriales dans leurs efforts. J'insiste aujourd'hui, comme je l'avais fait lors du débat sur le spectacle vivant, sur l'importance qu'il y a à définir les partenariats entre les collectivités territoriales et l'État, afin d'éviter que les nouvelles répartitions de compétences en matière culturelle soient vécues comme un désengagement de la puissance publique, et pour que les régions s'étant le plus récemment investies dans les politiques culturelles s'impliquent véritablement.

Par ailleurs, si nous comprenons la nécessité du financement des grands établissements publics à l'échelon national, nous constatons la faiblesse des financements apportés en régions : le projet de budget confirme, encore une fois, que les collectivités territoriales contribuent largement au financement du spectacle vivant, à hauteur de 70 % pour les scènes nationales et de 86 % pour les scènes conventionnées.

Enfin, s'agissant de l'éducation artistique et culturelle, essentielle pour constituer les publics de demain, nous nous interrogeons sur la concrétisation budgétaire du plan de relance pour l'éducation artistique, et nous souhaitons donc que les crédits inscrits à ce titre dans le budget soient suffisants pour traduire cette volonté. À cet égard, nous ne pouvons que soutenir vos propositions, monsieur le ministre, car elles rejoignent les nôtres : jumeler chaque établissement scolaire avec une équipe artistique, une structure ou un lieu culturel, améliorer la présence des artistes dans les écoles.

Je relève également l'évolution de la position du Gouvernement, puisque l'idée d'intégrer l'éducation artistique et culturelle au socle fondamental des connaissances est aujourd'hui reprise, alors que, en mars dernier, lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école, l'amendement que j'avais défendu en ce sens avait été rejeté par le ministre de l'éducation nationale d'alors.

L'éducation artistique et culturelle, au même titre que tout type d'actions en faveur de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture, apparaît encore plus nécessaire aujourd'hui au regard de la crise récente que nous avons vécue dans ce que l'on a coutume d'appeler les « banlieues » ou les « cités ».

Les violences urbaines, dont les acteurs ne sont, je tiens à le dire, en rien excusables, ont rappelé l'importance de l'action culturelle, facteur de cohésion sociale, d'ouverture, d'apprentissage de la citoyenneté pour les jeunes et de structuration de l'identité nationale. Il y a, dans ces zones concernées par la politique de la ville, un immense travail de désenclavement à poursuivre, aussi bien territorial que culturel. Ce n'est que par un travail soutenu et inscrit dans la durée, au travers de dispositifs pérennes et non par une superposition de mesures s'annulant les unes les autres, que l'on parviendra à un résultat tangible.

Les élus locaux que nous sommes, soucieux de culture, vivent très concrètement le risque de fragilisation, au profit du tout-logement - dimension certes nécessaire - de l'ensemble des mesures d'accompagnement social : il en est ainsi, par exemple, à Rouen, de l'action d'équipes de médiation du livre s'appuyant sur les bibliothèques de quartier, du financement d'une heure d'éducation musicale et de chant choral par semaine dans les écoles maternelles et élémentaires, de la création de résidences d'artistes en liaison avec les habitants...

Aujourd'hui, le résultat de tout le patient travail « tricoté » au cours des dernières années risque de s'effilocher. Le Gouvernement a lui-même pris conscience de ce danger et décidé de rétablir les subventions aux associations oeuvrant dans ce domaine. Pour votre part, monsieur le ministre, vous avez récemment rappelé l'objectif consistant à développer la pratique artistique dans les quartiers les plus défavorisés, dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale, pour autant que cela s'appuie sur ce qui existe déjà et sur ce qui donne de bons résultats.

J'évoquerai brièvement, pour terminer, le financement de la production cinématographique et audiovisuelle.

Comme d'autres collègues, je défendrai un amendement visant à préserver la spécificité de l'avantage fiscal lié aux souscriptions de parts de SOFICA, qui viennent pallier l'affaiblissement des ressources disponibles pour financer la production cinématographique et audiovisuelle et soutenir le dynamisme et la créativité du cinéma français.

En conclusion, j'indiquerai que le groupe de l'Union centriste-UDF votera votre projet de budget, monsieur le ministre, car il préserve pour l'essentiel les crédits alloués à la culture. S'il est bien sûr toujours tentant de demander plus, étant donné le retard accumulé et les besoins immenses dans ce secteur, il faut aussi savoir reconnaître les avancées obtenues, en particulier dans un contexte budgétaire contraint.

Comme vous, monsieur le ministre, nous plaçons l'art au coeur de nos politiques, d'un art qui est utile ne serait-ce que, ainsi que le souligne la sociologue Ève Chiapello, « pour contrebalancer le désenchantement du monde lié à la sécularisation et la rationalisation de la société. Face au matérialisme de la société industrielle, il affirme l'importance et le besoin de vie spirituelle sous toutes ses formes. »

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je reprendrai les questions que nous avions évoquées ici même, au mois d'octobre dernier, lors de l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004, qui avait donné lieu à un très intéressant débat.

En ce qui concerne l'entretien du patrimoine monumental, vous aviez alors estimé, monsieur le ministre, qu'il conviendrait d'y consacrer 300 millions d'euros au minimum en régime de croisière. Nous en sommes encore loin ! Quant au groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques, il évalue les besoins à quelque 400 millions d'euros.

De surcroît, il est à craindre que la gestion de ces crédits, quel que soit leur montant, n'engendre des situations critiques sur le plan local. En effet, les DRAC n'ont aucune visibilité à cet égard, alors que la conduite dans les délais prévus de chantiers étalés dans le temps requiert une certaine sécurité budgétaire, en particulier pour les entreprises.

Nous sommes donc placés devant une double et redoutable difficulté technique, tenant au montant des crédits et à leur gestion, et nous risquons d'être confrontés, une fois de plus, à l'inquiétude permanente et aux pressions des entreprises. Je n'insisterai pas davantage sur ce point, mais je me devais de le rappeler. À ce stade, j'aimerais savoir si votre vision des choses a évolué depuis le mois d'octobre dernier, monsieur le ministre.

En outre, je voudrais vous interroger à nouveau sur la question, peu claire à mes yeux, de cette fameuse enveloppe de 100 millions d'euros qui proviendrait de la vente d'une partie du patrimoine autoroutier ou du transfert hypothétique de monuments historiques aux collectivités territoriales.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication

Pas du tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

La cession du capital de sociétés autoroutières alimentera donc seule cette enveloppe ?

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Je vous répondrai tout à l'heure !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

Il a bien été question, sauf erreur de ma part, de 100 millions d'euros de recettes liées à la vente de sociétés d'autoroutes !

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Cette somme provient du fonds de privatisation, et non pas uniquement de la vente de sociétés d'autoroutes. Il n'est nullement question de vendre des monuments historiques aux collectivités territoriales !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

Dont acte ! Mais les sociétés d'autoroutes n'ont pas été vendues à ce jour, si les informations dont je dispose sont exactes.

En tout état de cause, que feriez-vous de cet argent si vous l'aviez ?

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Je l'ai !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

Alors, comment emploiera-t-on cette enveloppe ? On peut bien sûr envisager d'aider l'INRAP, dont le budget présente encore, en régime de croisière, un déficit de l'ordre de 10 millions d'euros, mais il s'agirait d'un palliatif provisoire et cela ne réglerait rien au fond.

Cela étant, notre collègue Yann Gaillard a déposé un amendement portant sur ce point. Compte tenu de la situation extrêmement difficile dans laquelle se trouve l'INRAP, je ne me refuserai pas, pour ma part, à le soutenir, mais l'idéal ne serait-il pas, tout de même, de régler cette affaire une bonne fois pour toutes ?

À chaque fois que cette question a été évoquée ici, on nous a répondu que l'on y reviendrait et que la réflexion serait approfondie, s'agissant en particulier des modes de rémunération. Je sais bien que tout cela n'est pas simple, mais a-t-on vraiment procédé à ce travail d'analyse et réexaminé les mécanismes de perception des redevances ? Sincèrement, je ne le pense pas. En tout cas, pour ce qui me concerne, bien que ce soit là un sujet qui m'intéresse beaucoup, je n'ai jamais été invité par quiconque à participer à quelque réflexion que ce soit. Il n'est pas trop tard !

Il me paraît également nécessaire, monsieur le ministre, de nous pencher sur les exonérations. S'il n'y a rien à redire au fait que le logement social soit exonéré, pourquoi étendre systématiquement cette mesure à tous les lotissements ? J'entends bien qu'il s'agit là d'une question grave et que le ministère de l'équipement défend ses intérêts, mais ce n'est pas en cédant aux pressions des différents lobbies que nous parviendrons à conduire un bonne politique à l'échelle nationale !

Je considère que les exonérations ont été accordées trop largement et que les lotissements, dès lors qu'ils n'entrent pas dans le parc du logement social, n'ont pas à en bénéficier.

Enfin, je suis, comme plusieurs de mes collègues, très préoccupé par le plafonnement du dispositif fiscal : après l'amendement notre collègue M. Bouvard, dont l'adoption nous avait rassurés, est arrivé celui de M. Mariton, qui nous plonge dans une situation invraisemblable.

Au moment où est partout affichée une volonté de simplification, nous transformons un dispositif qui avait fait ses preuves pendant quarante ans en une véritable « embrouille ». En effet, il va falloir dorénavant suivre les prescriptions de l'architecte des Bâtiments de France. Dans le secteur sauvegardé, on substitue ainsi une contrainte à ce qui devrait être une ambition partagée par tous. Or, si l'on souhaite procéder à une restauration, c'est pour satisfaire une volonté propre et non pour répondre à une injonction de l'architecte des Bâtiments de France ! Mais, sur ce point, je vous sais déjà convaincu, monsieur le ministre.

Je considère qu'il est choquant de ne retenir que les projets réalisés sous la contrainte et de soumettre ainsi une grande politique, passionnante et historiquement célèbre, au seul jugement de l'architecte des Bâtiments de France. En outre, dès lors qu'une distinction devra être établie entre les travaux de façade et les autres, il faudra renforcer les services pour leur permettre d'instruire les différents dossiers.

Cette méthode « ne tient pas la route » ! Nous nous sommes déjà suffisamment « plantés » avec l'INRAP pour ne pas faire du secteur sauvegardé une nouvelle usine à gaz !

Je vous demande donc, à l'instar de ma collègue Mme Morin-Dessailly et en accord avec bon nombre de mes collègues, de laisser ce sujet de côté car il doit être retravaillé. La loi Malraux n'est pas à ce point sanctuarisée qu'elle ne puisse être améliorée ! Je vous conseille donc gentiment de ne pas attacher votre nom à sa disparition : ce serait quand même malheureux !

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Il n'en est pas question !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

Dont acte ! Mais nous en reparlerons dans les jours qui viennent.

Il serait grave que le ministre de la culture ne soit pas entendu sur une telle question : cela signifierait que le Gouvernement n'a que faire d'une politique nationale dont l'impact est pourtant considérable, tant sur le plan social que sur le plan culturel.

À cet égard, il est d'ailleurs particulièrement choquant que le fait du construire du logement social dans les centres historiques ait été considéré comme une « niche fiscale » et regardé avec dédain. Sur ce dernier point, qui constituera ma conclusion, nous devrions d'ailleurs pouvoir réunir un large consensus et trouver avec l'Assemblée nationale un accord susceptible d'être accepté par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Monsieur le ministre de la culture, vous êtes d'abord, à mes yeux, le ministre de la langue française en France et, à ce titre, quelle belle responsabilité que la vôtre !

En ce domaine, qui est loin d'être secondaire, la crise des banlieues qui nous a tous beaucoup affectés ces dernières semaines a mis en relief le drame d'un certain nombre de jeunes qui auront des difficultés à devenir des citoyens tout simplement parce qu'ils ne maîtrisent pas, ou qu'ils maîtrisent très difficilement, la langue française. Or comment être un citoyen si l'on ne partage pas, si l'on ne possède pas la langue du pays où l'on est appelé à vivre et à prendre des responsabilités ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Certes, quand on parle de la place du français dans les quartiers, on ne traite pas d'un sujet académique et convenu, mais on est dans la vie dans ce qu'elle a de plus essentiel : la maîtrise du français, sans laquelle il n'y a pas de citoyenneté possible, et la capacité pour les citoyens de ces quartiers à se comprendre, et à comprendre ce qui, par exemple, est inscrit sur les devantures des magasins.

C'est le visage français de certains quartiers qui est ici en cause, avec la difficulté pour les consommateurs de savoir ce que recouvre telle ou telle enseigne, même si chacun est libre de donner à son magasin le nom de son choix. Tout cela témoigne simplement de la nécessité d'avoir et de faire appliquer en France une loi qui traite de la langue française.

Telle était l'ambition de la loi Toubon, qui est vieille maintenant de dix ans et dont chacun est bien conscient qu'elle a répondu à un besoin mais qu'elle appelle une actualisation.

La proposition de loi de notre collègue M. Marini, que la commission des affaires culturelles du Sénat m'a demandé de rapporter, avait pour objet de procéder à ce toilettage. Ce texte, revu et amendé par la commission des affaires culturelles, a été adopté à l'unanimité par le Sénat et j'aimerais savoir, monsieur le ministre, si le Gouvernement et vous-même allez faire en sorte que l'Assemblée nationale s'en saisisse le plus rapidement possible pour le faire aboutir.

Je vous saurais vraiment gré, monsieur le ministre, de me permettre de concrétiser un rêve : le 21 mars étant le jour de la francophonie, il serait très significatif que nous puissions avoir adopté, à cette date, la proposition de loi relative à l'emploi de la langue française et fait en sorte que les deux chambres du Parlement aient ratifié la convention sur la diversité culturelle, actuellement soumise à la signature des différents États et pour laquelle la France et vous-même avez déployé tant d'efforts à l'UNESCO.

Puissiez-vous faire en sorte qu'au mois de mars nous ayons franchi ces deux étapes essentielles, signifiant ainsi que la France est attentive à la place de sa langue, qui doit garder son rayonnement international, mais aussi qu'elle respecte la diversité culturelle. En effet, dès lors que l'on aime et que l'on respecte sa propre langue, on aime et on respecte celle des autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Si la langue est un patrimoine immatériel, elle nous conduit tout naturellement à parler du patrimoine matériel, et plus spécialement des monuments, qui sont au coeur de chacun, les termes « patrimoine » et « patrie » ayant la même racine et nous renvoyant à une part de l'identité et de notre pays. C'est donc, en France, une affaire d'État.

Votre prédécesseur avait constitué une commission, la commission Rémond, dont j'étais membre. Nous avons ainsi étudié consciencieusement quels éléments du patrimoine appartenant à l'État pourraient être, dans le souci d'améliorer leur entretien, non pas imposés mais proposés aux collectivités locales. Pourriez-vous nous dire où en est l'application des conclusions de ce travail, au demeurant passionnant ?

Je précise d'ailleurs que notre étude a porté sur le seul patrimoine relevant de la direction du patrimoine du ministère des affaires culturelles. D'autres directions de votre ministère comme d'autres ministères, pourtant détenteurs d'un patrimoine important, ne se sont en effet pas livrés à cette étude. Envisagez-vous de l'approfondir ? C'est un travail qui serait d'autant plus utile à l'État que, outre les nombreux problèmes que nous posent le patrimoine et son entretien - et je ne parle même pas de ce patrimoine essentiel que sont nos cathédrales, dont beaucoup sont loin d'être dans un état satisfaisant -, nous célébrerons dans neuf ans le centenaire d'un événement cher au coeur des Français, la guerre de 1914-1918, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

... qui a entraîné des dégâts considérables dans une bonne partie de la France et notamment, c'est indiscutable, dans la région qui est la mienne.

On peut mesurer l'intérêt que lui porte le public à l'accueil qu'il a récemment réservé au film Joyeux Noël, dont le succès prouve combien cette « guerre civile européenne » nous touche et à quel point nous y voyons l'origine des difficultés et du déclin global de notre continent.

Ne pourrions-nous étendre à cet événement la notion de patrimoine et répondre ainsi à une attente concernant l'entretien de ces sites liés à un conflit essentiel qui nous a tant coûté ?

J'aimerais par ailleurs, monsieur le ministre, revenir sur l'archéologie. La commission des affaires culturelles et la commission des finances ont, à n'en pas douter, des choses à dire sur ce point. Pour autant, ce sujet se réglera-t-il seulement par un suivi souhaitable et minutieux de deux commissions du Sénat et par l'attention du Parlement, qui lui a déjà consacré deux textes de loi...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

... dont j'ai été à chaque reprise le rapporteur ?

Ce sujet renvoie clairement à deux questions.

La première porte sur le fonctionnement de l'INRAP, et il faut rendre hommage aux archéologues, qui sont actuellement aux prises, avec la passion qui est avant tout la leur, à de nombreuses difficultés : la conservation, la découverte et la mise en valeur du patrimoine et son analyse.

La seconde question porte plus généralement sur le financement de l'INRAP, et surtout sur notre capacité globale à assurer une bonne connaissance de ce que nous révèle le sol sans pour autant freiner le fonctionnement de l'économie.

Je suis, comme d'autres, un élu local qui doit traiter rapidement de dossiers relatifs à des chantiers ou à des zones de développement économique. Et il se trouve que j'ai pu, cet été, expérimenter les difficultés de l'exercice lorsqu'il m'a fallu, alors qu'il était question de construire une usine sur un terrain qui recouvrait ce qui s'est révélé être une importante nécropole carolingienne, concilier les intérêts des uns et des autres.

A ce propos, je tiens à rendre hommage à vos services et aux personnels de l'INRAP, qui m'ont apporté leur concours pour trouver des solutions. Toutefois, nous ne pouvons pas, avec le seul concours de l'INRAP et de quelques services archéologiques locaux, répondre à une demande globale dans des délais raisonnables.

Nous avons voulu, à travers la loi relative à l'archéologie préventive que nous avons votée, faire en sorte que, aux côtés d'un institut national, en l'occurrence l'INRAP, puissent travailler des services archéologiques de collectivités territoriales, voire quelques services archéologiques privés répondant à des critères extrêmement précis.

Il est temps, monsieur le ministre, que, dans chaque région, nous organisions des états généraux pour faire le point de la situation et pour promouvoir une véritable gestion participative du patrimoine sur les territoires associant les archéologues - indépendamment de leur rattachement -, les financeurs et les collectivités territoriales. C'est un objectif qui me paraît tout aussi essentiel que le suivi que nous devons assurer au Parlement car, compte tenu de son incontestable importance dans le patrimoine, l'archéologie relève de l'action et du concours de tous.

Telles sont les quelques remarques, monsieur le ministre, que je tenais à formuler à l'occasion de l'examen de ce budget, tout en saluant la disponibilité dont vous faites preuve à la tête de votre ministère et en vous disant que, pour ce qui me concerne, c'est très volontiers que j'en voterai les crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'évoquerai dans mon propos la place de la culture dans la LOLF, l'emploi, et une autre façon de soutenir le spectacle vivant.

Dès les premières discussions, qui concernaient les missions « Enseignement scolaire » et « Recherche et enseignement supérieur », nous avons compris que le cru 2006 de la LOLF ne nous apporterait ni l'anticipation ni la transparence promises.

Pour votre budget, monsieur le ministre, l'apport inopiné - bienvenu - des privatisations - regrettables - ne nous a pas permis un suivi précis des affectations.

Au moins la LOLF oblige-t-elle à la publication d'objectifs, et l'on ne peut qu'adhérer aux soucis manifestés de diversité culturelle, de recherche de fréquentation et de diffusion accrues, de quête de consolidation économique et d'emplois.

L'orientation des moyens est une tout autre question.

Souvenez-vous : le 12 octobre dernier, je m'interrogeais ici sur l'efficacité en matière de dépense culturelle vue par Bercy, pour mieux rappeler que l'échec se ressentirait en agressions, en replis identitaires et en conflits ; fin octobre, les voitures commençaient à brûler, preuve que votre budget devrait être une priorité, ce qui n'est pas encore suffisamment le cas.

La justice territoriale et la démocratisation éternellement annoncées ne décollent pas. L'accès de tous à la culture est handicapé dès le départ par une mauvaise loi d'orientation pour l'avenir de l'école qui recentre sur un socle sclérosant le projet éducatif.

Nous connaissions déjà l'étiolement des projets artistiques et culturels dans les classes. En affichant le pauvre ratio de 13 % comme ambition pour la part des jeunes devant bénéficier d'une action aidée par le ministère de la culture dans le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », indicateur 1 de l'objectif 2, vous affichez un bien maigre objectif : 165 millions d'euros de crédits d'impôt en dix-neuf mesures ne peuvent que nous interroger sur les poids respectifs de certains programmes de l'État stratège et de certains investissements réalisés par ceux qui peuvent se le permettre.

Parallèlement, on cherche en vain une volonté en faveur de l'accès des populations des territoires en difficulté. Il n'y a pas de prévision pour 2006 dans vos tableaux, et un ratio de 1, 5 est annoncé pour 2010 dans les territoires prioritaires, indicateur 1 de l'objectif 5, où la population est éloignée de l'offre culturelle.

Les banlieues, les campagnes reculées ne verront pas grand-chose ! Pourtant, ce matin, Xavier Emmanuelli affirmait combien le manque d'accès à la culture, le manque d'outils pour créer du lien étaient déterminants dans le mal-vivre des banlieues.

En matière de décentralisation, le budget est encore jacobin, les ratios énoncés dans l'action 1 - « Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant » - sont édifiants : les collectivités s'engagent deux fois plus que l'État !

Au moins cela mériterait-il que cesse le discours démagogique du Gouvernement sur la baisse des impôts : c'est trop facile quand on laisse les missions aux autres !

Il faudrait aussi que les DRAC soient plus attentives aux bonnes pratiques comme le conventionnement, ou que la maigre action internationale de l'État se cale sur les cibles de coopération décentralisée, ou encore que l'on veille à nos spécificités : vos choix patrimoniaux de donjons, de remparts et de cathédrales laissent sur leur faim ceux dont la mémoire collective passe aussi par le patrimoine industriel, peu apparent dans ce budget.

Un sénateur soucieux de la francophonie rappelait la spécificité de la Grande Guerre dans le Nord-Pas-de-Calais. Ses propos m'ont beaucoup plu, d'autant que, le 11 novembre 1992, son groupe avait quitté la salle du conseil régional au motif que nous avions évoqué les fraternisations, qui font aujourd'hui l'objet d'un film salué par tous.

J'attire votre attention sur trois points, monsieur le ministre.

D'abord, il est fait un sort inique aux citoyens qui n'habitent pas à Paris en matière de culture scientifique. Certes, la Cité des sciences et de l'industrie a besoin de 3 millions d'euros de plus pour se rénover et elle élabore des outils de diffusion - payants, il faut le préciser -, mais oublier dans la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », la MIRES, les autres opérateurs et baisser de 0, 2 % leurs moyens est inacceptable. C'est aussi de la culture !

Ensuite, la formation en architecture est en grande difficulté et mérite un soutien accru. Votre récente préoccupation sur le sujet devra s'étendre à la diversification en compétences paysagères, afin que celle-ci se fasse en bonne intelligence avec les écoles de paysagistes.

Enfin, votre budget relatif à l'économie des professions et des industries culturelles est entamé de 10, 7 millions d'euros versés au titre du droit de prêt en bibliothèque. Une attention rigoureuse à la gestion et au devenir de ce fonds est indispensable.

Vous seriez surpris si je n'évoquais pas l'intermittence !

Au travail inédit et porteur d'avancées concrètes du comité de suivi créé à la suite de la crise des festivals, a succédé une mise en oeuvre difficile de palliatifs provisoires.

Vous avez, monsieur le ministre, retrouvé des interlocuteurs plus classiques, dont les partenaires sociaux. Leur légitimité est incontestable, mais l'on ne saurait oublier que certains partenaires ne sont pas représentés, dont les employeurs des scènes nationales, que le syndicat majoritaire n'avait pas signé le protocole de 2003 et que ceux qui tiennent la main ont de curieuses analyses. Permettez-moi à cet égard de vous rappeler les mots de Laurence Parisot : « La vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? » Eh bien, madame, parce que la vie, la santé et même parfois le vécu de l'amour, dépendent du travail...

Il me faut donc vous rappeler d'autres légitimités : celle de l'usage, de la pratique de milliers d'artistes, de techniciens et de réalisateurs ; celle du Gouvernement, qui ratifie ou non ; celle du Parlement, dont 470 membres demandent qu'on légifère si, au 31 décembre 2005, une solution satisfaisante n'est pas arrêtée.

Mon dernier point portera sur les conditions du soutien à la création. Je veux insister sur l'importance de la proximité, pour la démocratisation, et du conventionnement, pour donner des perspectives durables, en particulier aux compagnies indépendantes.

Ce ne sont pas 5 millions d'euros, mais 10 millions d'euros de mesures nouvelles qui sont nécessaires.

La pluriannualité, des liens plus affirmés - et équitables - avec les lieux institutionnels, la précision du partage des rôles et des moyens dans les coopérations, un seuil minimal d'appui aux projets, une réflexion accrue sur l'aide à l'articulation entre les compagnies et l'éducation artistique : tout cela pourrait concourir à un meilleur développement culturel des territoires, par une irrigation de proximité.

La démocratisation passe par le soutien à la diversité des pratiques, des approches, des cultures. Il en va autant de l'épanouissement de chacun que du tissage d'un maillage économique durable et porteur d'emploi.

Les artistes et techniciens doivent être associés à l'élaboration du conventionnement de leur compagnie, comme aux critères qui leur permettront de suivre leurs actions et de les faire valoir.

Le type de relation avec le public - et non le remplissage d'une salle -, le mode de travail avec le territoire, la structuration de l'emploi, du lieu, de ce qui s'y fabrique, l'ouverture vers les autres, la diffusion et la participation à des réseaux sont au coeur du projet durable et « efficace », pour reprendre le terme de Bercy.

Votre projet n'est pas assez attentif à ces conditions. Cette vitalité, ce foisonnement méritent autant d'attention qu'un nouveau musée comme le musée Branly. Chaque chef d'État veille à une augmentation durable par son gouvernement des crédits de fonctionnement de la culture, toujours majorés significativement par les choix du prince, mais pensons aux artistes : ils savent leur responsabilité dans l'utilisation de l'argent public, mais ils ont besoin de visibilité. La transparence concernant les attentes et les critères d'arbitrage est indispensable. Ils ont autre chose à faire que de remplir des dossiers !

Qu'au moins l'État parle d'une seule voix et que toutes les subventions, fussent-elles de la ville ou de la recherche, passent par un même interlocuteur : la culture. Cela aussi, la LOLF aurait dû le permettre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Avec une augmentation, à structure constante, de 4, 9 % des crédits de paiement par rapport à 2005, le projet de budget pour 2006 que vous nous présentez, monsieur le ministre, confirme la priorité que vous accordez à l'action culturelle.

Ses principales mesures ayant été fort bien exposées par nos rapporteurs, j'organiserai mon propos autour de deux thèmes qui me paraissent essentiels : l'emploi et l'animation culturelle des territoires ruraux.

L'emploi est effectivement une donnée majeure de la politique culturelle conduite par le Gouvernement. Avec une progression de plus de 11 % de la dotation du programme « Patrimoines », le ministère retrouvera une marge de manoeuvre sur sa capacité d'investissement, notamment en matière de restauration des monuments historiques.

Notre pays peut se flatter de posséder un patrimoine monumental exceptionnel, largement réparti sur tout le territoire et auquel nos concitoyens sont très attachés, comme en témoignent notamment les Journées du patrimoine, qui ont attiré, cette année encore, douze millions de visiteurs.

Néanmoins, bon nombre de monuments historiques présentent un état préoccupant qui appelle un effort soutenu auquel l'État doit prendre toute sa part, en lien avec les propriétaires et avec les collectivités territoriales, conformément aux dispositions de la loi du 13 août 2004.

Aussi, après les difficultés rencontrées cette année dans la réalisation des chantiers programmés, nous ne pouvons qu'approuver la mobilisation des moyens supplémentaires qui permettra, en particulier, de poursuivre la restauration de cathédrales et de certains monuments dont l'État est propriétaire.

La rénovation de ce patrimoine est d'autant plus importante qu'elle fournit directement de l'activité et se traduit en milliers d'emplois.

Néanmoins, monsieur le ministre, s'agissant du patrimoine classé, je souhaiterais que le choix des entreprises et les qualifications soient beaucoup plus ouverts. En effet, ce sont trop souvent les mêmes entreprises qui interviennent, en particulier pour le gros oeuvre, car elles sont qualifiées. Mais les autres entreprises ne peuvent jamais accéder à la qualification faute d'expérience, expérience qu'on leur refuse au motif qu'elles ne sont pas qualifiées ! On assiste ainsi, depuis plusieurs dizaines d'années, à une dérive qui fausse le marché et augmente les coûts, car il n'y a pas de réelle concurrence. Chaque élu responsable de collectivité locale peut le constater !

Je pense que des mesures doivent être prises, si difficiles soient-elles, même si cela ne convient pas à tout le monde, en particulier aux architectes en chef. Il faudrait cependant, me semble-t-il, agir avec fermeté dans ce domaine.

Monsieur le ministre, à l'heure où la mondialisation ne cesse d'inquiéter nos compatriotes, comment pourrait-on passer sous silence les premiers succès pour l'emploi procurés par le crédit d'impôt cinéma ? La proportion des semaines de tournages effectuées en France par rapport à celles qui sont délocalisées à l'étranger confirme la tendance à une relocalisation significative en France - soit une augmentation de 11 % - grâce au travail que vous avez mené, ce qui a permis de créer ou de préserver 2 200 emplois.

On observe les mêmes résultats pour le crédit d'impôt audiovisuel, dont l'impact se mesure immédiatement : seuls 12 % de jours de tournages ont été réalisés à l'étranger au 1er septembre 2005, ce qui pourrait représenter jusqu'à 1 000 emplois sauvés. Ces décisions me paraissent très positives.

Plus largement, monsieur le ministre, la politique menée en faveur de l'information et de l'orientation des jeunes comme de la formation des comédiens va dans le sens d'une professionnalisation des carrières artistiques, ce qui est souhaitable tant pour les artistes que pour le public.

Vous voulez faire en sorte que les financements publics s'inscrivent dans une politique de soutien à l'emploi, orientation à laquelle nous ne pouvons que souscrire.

Enfin, la culture doit être ouverte à tous les horizons. Une culture pour tous et partout : tel doit être notre objectif.

L'animation des territoires ruraux mérite alors une attention particulière.

À ce titre, l'ouverture d'antennes des musées nationaux en région, comme l'opération « 22 prêts pour 22 régions », qui a pour objet de présenter vingt-deux chefs-d'oeuvre du Louvre dans vingt-deux régions, doivent être largement encouragées et déclinées à l'intérieur des territoires.

J'insisterai néanmoins sur la politique du livre et de la lecture.

Globalement, le marché du livre se porte bien en France puisque les ventes des éditeurs ne cessent de progresser. Toutefois, la part de marché des librairies indépendantes est de plus en plus menacée. Les grosses librairies des grandes villes ont plutôt bien résisté, alors que celles des villes dont la population est inférieure à 15 000 habitants ont été fortement déstabilisées par les grandes surfaces.

Il est patent que la faible rentabilité des librairies accentue leur vulnérabilité et que la structure de leurs charges les pénalise face à la grande distribution.

De plus, les mesures qui ont été prises, sur l'initiative des conseils régionaux, au sujet de la gratuité des manuels scolaires dans les lycées et qui se concrétisent par des achats groupés ont évincé les librairies alors que, pour bon nombre d'entre elles, la vente des manuels représentait une part importante - jusqu'à 25 % - de leur chiffre d'affaires et de leur activité. Cette mesure est pour le moins bizarre : elle se comprend pour les pauvres, mais beaucoup moins pour les riches !

De plus, essentielles pour le tissu économique des départements, notamment ruraux, les petites librairies sont de plus en plus confrontées au problème de leur transmission. Aussi, monsieur le ministre, peut-être faudrait-il réfléchir à l'adoption d'aides fiscales du type de celles qui figurent dans le projet de loi d'orientation agricole au profit de la reprise des exploitations.

Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » vise à rendre accessibles au plus grand nombre les oeuvres de l'esprit, à développer les pratiques et les enseignements artistiques et à encourager les politiques locales.

C'est dans ce cadre que l'État doit relancer l'éducation artistique en mobilisant les structures artistiques et culturelles grâce à une politique systématique de conventionnement avec les collectivités territoriales.

Cet objectif n'a pas été atteint et je souhaite savoir, monsieur le ministre, si vous entendez prendre des mesures spécifiques pour que la part des financements consacrés à l'éducation artistique et culturelle dans les conventions passées avec les collectivités territoriales dépasse les 20 % actuellement constatés.

Enfin, mes chers collègues, un effort budgétaire important est consenti en faveur du spectacle vivant. Je m'en réjouis d'autant plus que la venue en milieu rural du spectacle vivant professionnel en sera facilitée. L'aide de l'État est la bienvenue, car chaque fois que, dans nos départements, nous organisons, avec les communes ou les associations, des représentations de spectacle vivant précédées d'interventions pédagogiques, le succès est au rendez-vous.

Dans cette logique, monsieur le ministre, il serait également souhaitable que l'État soutienne plus activement les petits festivals, qui attirent de nouveaux publics en même qu'ils animent des territoires défavorisés. Leur vitalité est source de créativité !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est la seconde fois dans le courant de l'année 2005 que je viens devant vous pour expliquer ma gestion, puisque le débat consacré le 12 octobre dernier par la Haute Assemblée, sur l'initiative de sa commission des finances, à la loi portant règlement définitif du budget de 2004 m'a permis de vous éclairer sur l'exécution du budget d'un département ministériel dont j'espère vous avoir convaincu qu'il est bien géré.

Vous le savez mieux que quiconque, avant d'être un acte de gestion, un budget est d'abord l'expression d'une politique.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Ma politique a pour objet l'alliance entre la création et les « Patrimoines », selon l'intitulé d'un des programmes du budget de la mission « Culture ».

Chacun mesure bien dans la France d'aujourd'hui - dont je n'ai pas découvert l'état il y trois semaines ! - à quel point c'est une valeur que d'opérer cette conciliation, voire parfois cette réconciliation entre les racines, l'identité, le territoire, la culture et l'ouverture à l'autre, quel qu'il soit.

Cette alliance entre le patrimoine et la création a donc une dimension politique essentielle et nous devons, les uns et les autres, y faire face.

Cela suppose un point d'équilibre entre l'encouragement de la création d'aujourd'hui, qui s'inspire pour partie de ce qui a été créé dans le passé et alimentera le patrimoine de demain, et la conservation de ce qui a été créé par les générations précédentes et est devenu le patrimoine d'aujourd'hui. L'un ne peut vivre sans l'autre, et cette symbiose a une traduction concrète sur le plan budgétaire : les crédits consacrés à la création sont aussi importants que ceux qui sont consacrés au patrimoine.

Cette volonté d'équilibre m'anime depuis vingt mois, et elle acquiert une visibilité et une importance symboliques plus grandes encore dans ce projet de loi de finances pour 2006 avec la mise en oeuvre de la LOLF et, pour la mission « Culture », des trois programmes consacrés respectivement aux patrimoines, à la création, à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture.

Monsieur le rapporteur spécial, je suis prêt à apporter les améliorations que vous souhaitez à ce troisième programme.

Au sein du budget de la mission « Culture », en y incluant les dépenses de personnel, la répartition des crédits entre les trois programmes démontre le respect de cet équilibre : 36 % pour les patrimoines, 33 % pour la création et 31 % pour la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture.

J'ai eu l'occasion, au cours du dernier trimestre, d'exposer en détail les axes à long terme de ma politique pour chacun des aspects principaux de ces trois programmes.

J'ai exposé ma politique en faveur du patrimoine à l'occasion des Journées européennes du patrimoine et lors de la communication que j'ai faite en conseil des ministres le 13 septembre dernier.

Dans le domaine du spectacle vivant, j'ai annoncé mes priorités pour étendre les territoires de la musique à Strasbourg le 23 septembre, ma politique du théâtre le 5 octobre, celle qui concerne les musiques actuelles le 7 octobre à Nancy, et mon action en faveur de la danse le 13 octobre.

Le 10 octobre dernier, le Premier ministre a présenté lui-même le plan du Gouvernement en faveur de la création, en particulier dans le domaine des arts plastiques, lors de sa visite à la Foire internationale d'art contemporain, la FIAC.

Avec mon collègue Gilles de Robien, j'entends également relancer la grande ambition de l'éducation artistique et culturelle, raison pour laquelle je ne néglige pas non plus les crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Les rapporteurs, en particulier MM. Nachbar et Lagauche, ont rappelé le détail du plan de relance pour l'éducation artistique et culturelle. C'est un point tout à fait essentiel.

J'attire votre attention sur le fait que, dans son discours de jeudi dernier, le Premier ministre a abordé globalement la politique de l'éducation a consacré un passage particulièrement significatif à ce vieux débat à caractère idéologique portant sur la question de savoir si l'éducation artistique fait ou non partie des savoirs fondamentaux. Dominique de Villepin a tranché sur ce point dans son discours jeudi dernier, ce qui est tout à fait essentiel.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai assisté à de nombreuses reprises à des débats auxquels les uns et les autres vous participiez et je sais combien ces sujets suscitent en vous de passion, ce que je comprends.

Les événements récents dans nos banlieues militent pour que le rôle de la culture dans ces quartiers soit renforcé. Je ne vous cache d'ailleurs pas que l'amendement qui a amputé à l'Assemblée nationale les crédits de cette mission au profit du plan d'urgence pour les banlieues me semble inapproprié. Quoi qu'il en soit, cet amendement n'est pas très significatif puisque, au même moment, dans le cadre de la politique de la ville, mon collègue Jean-Louis Borloo a affecté une partie des crédits dont il disposera à l'action que le ministère de la culture doit mener, notamment à l'égard des associations.

Sans attendre les crises et les événements dramatiques récents, j'ai souhaité mobiliser l'ensemble des préfets de région et de département sur le volet culturel de toutes les politiques contractuelles de l'État.

En d'autres termes, lorsqu'il s'agit de la politique de la ville, de la rénovation urbaine, du logement, un volet culturel doit être présent et prévu. Il existait, mais il a eu tendance à disparaître. J'ai l'intention de mobiliser les acteurs sur ce sujet, et je réunirai la semaine prochaine les vingt-deux préfets de région sur cette question.

La conjoncture présente, faite effectivement de beaucoup de tensions et d'électricité - ce qui ne vaut pas exclusivement pour les quartiers difficiles ou les banlieues, mais également pour l'ensemble de la société française -, me donne à penser que la culture et la politique culturelle doivent faire exception à un certain nombre de règles qui s'imposent à d'autres secteurs économiques.

De ce point de vue, avec son talent et sa fougue quelque peu romantique, Jack Ralite me semble avoir voulu stigmatiser la précarisation, les questions de gestion. En tout état de cause, nous sommes l'un comme l'autre résolument unis quant à la dimension spirituelle et humaniste que doit revêtir toute politique culturelle.

Ma politique culturelle contribue aux objectifs essentiels de l'action du Gouvernement : l'épanouissement personnel de nos concitoyens, la cohésion sociale, mais aussi l'attractivité économique de notre pays.

À cet égard, si, le 20 octobre dernier, la convention pour la diversité culturelle a été adoptée à l'UNESCO à la quasi unanimité sur l'initiative de la France, c'est aussi parce que notre politique culturelle est crédible. Le projet de budget que je vous présente est destiné à la conforter.

Cher Jacques Legendre, j'ai retenu votre suggestion : nous ferons en sorte que la France ratifie le 21 mars cette convention sur la diversité culturelle. Ce pourrait être, en tout cas, un très beau symbole, et je suis déjà mobilisé pour que nous ne soyons pas les derniers à la ratifier.

Mais, comme vous le savez, il faut toujours se battre sur les questions d'ordre du jour parlementaire. Le Canada, qui ne doit pas passer par la procédure législative, vient de ratifier la convention par voie réglementaire. La France, quant à elle, doit procéder par voie législative. Quoi qu'il en soit, votre proposition me semble très symbolique et sachez que je suis très attaché, monsieur le sénateur, à tout ce qui a trait à la défense de la langue française.

J'en viens aux crédits de la mission « Culture ».

En 2006, le budget de la mission « Culture » est de 2 874 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 2 790 millions d'euros en crédits de paiement, auxquels il faut ajouter une dotation en capital de 100 millions d'euros issue des recettes de privatisations.

Cette dotation est constatée. Je ne sais pas si cette somme figure déjà dans les écritures comptables de l'agent de l'ÉMOC, mais la décision est prise, elle est formalisée, elle n'est pas contingente de futures mises sur le marché d'actifs publics et elle est aujourd'hui « encaissée ».

Je souhaite que chacun mesure la portée politique et symbolique de cette décision du Premier ministre. Les recettes des privatisations reviennent ainsi dans le patrimoine de l'État, c'est-à-dire dans notre patrimoine à tous.

Cette dotation sera affectée en totalité à l'investissement : pas un centime ne sera détourné en fonctionnement.

Les crédits de personnel s'élèvent à 642 millions d'euros, soit 23 % des crédits de la mission. Le ministère continuera, là où c'est possible, à poursuivre la réduction de ses effectifs. Pour autant, l'accès d'un public plus nombreux à la culture et l'ouverture de nouveaux lieux nécessitent des moyens nouveaux.

Comme je l'ai indiqué en annonçant un certain nombre de propositions sectorielles et thématiques, mon objectif est l'ouverture de tous les lieux, pour le plus grand nombre. Je ne sous-estime pas les besoins en fonctionnement que cela suppose : si l'on veut que de nouvelles compagnies, des artistes, des résidences d'un nouveau type puissent voir le jour, encore faut-il que les lieux ne soient pas en permanence fermés ni qu'ils le soient trop souvent.

Il faut trouver un point d'équilibre entre la règle du non-remplacement, la nécessité de maintenir et de revaloriser certaines filières - je pense en particulier à l'accueil et à la surveillance - et l'impératif de mettre la culture à la portée de tous.

Commençons par le programme « Patrimoines », sur lequel vous avez insisté les uns et les autres. Yann Gaillard a même parlé de « ruineuses richesses » ! Certes, elles sont un peu ruineuses, mais je considère en tout cas que de telles dépenses sont commandées non par la nostalgie mais par la nécessité d'entretenir un patrimoine monumental qui est un capital pour l'avenir. Comme l'a indiqué Philippe Nachbar, ces richesses sont un instrument d'attractivité et de rayonnement pour notre pays.

À ce titre, les autorisations d'engagement représentent plus de 1 milliard d'euros et les crédits de paiement 972 millions d'euros, sans la dotation en capital que j'ai évoquée.

Ainsi, les moyens consacrés au patrimoine monumental augmenteront de 100 millions d'euros. Je connais les difficultés rencontrées sur les chantiers des monuments historiques et les besoins dans ce domaine. Je sais aussi que vous y êtes particulièrement sensibles. Je tiens cependant à souligner que, grâce à cet effort, l'engagement de l'État retrouve un rythme qu'il n'avait jamais connu avant la tempête de 1999. Cependant, la gestion 2006 restera, je vous l'avoue, très tendue, car les besoins sont immenses.

Plusieurs intervenants ont souhaité une extension du dispositif d'intervention financière de l'État. Je pense à Alain Fouché, qui a évoqué le patrimoine rural - élément effectivement essentiel de l'attractivité de notre territoire - ou à Jacques Legendre, qui m'a en outre interrogé sur le calendrier des transferts de propriété.

Vous le savez parfaitement, mesdames, messieurs les sénateurs - mais je le précise à l'intention de ceux qui liront le Journal officiel ou qui nous écoutent en ce moment -, le transfert de propriété qui porte sur un certain nombre de monuments très emblématiques de la fierté nationale repose sur le volontariat. Les préfets de région et les directeurs régionaux des affaires culturelles ont d'ailleurs engagé des discussions avec les régions et les départements à ce sujet.

J'ai définitivement retenu une cinquantaine de monuments figurant sur la liste établie par la commission Rémond, à laquelle plusieurs d'entre vous ont participé. Sachez que je n'attendrai pas que l'ensemble du dispositif soit bouclé pour procéder à ce transfert de propriété qui, je le souligne, ne constitue aucunement un désengagement de l'État : il s'agit plutôt d'une addition d'énergie supplémentaire. Lorsque l'on parle de l'avenir économique, culturel et spirituel de notre pays, l'animation, la restauration et la mise en valeur du patrimoine sont en effet tout à fait essentielles.

Dès l'an prochain, le ministère disposera d'une programmation précise des quelque 10 000 chantiers en cours. Les progrès que nous réaliserons grâce à l'informatique de gestion nous permettront de répondre plus facilement aux interrogations sur la poursuite des chantiers et de mieux gérer les crédits disponibles.

Vous le savez également, des dispositions ont été prises, notamment pour ce qui concerne la maîtrise d'ouvrage et l'articulation entre les services de l'État, les experts en charge du patrimoine et les collectivités territoriales ou les propriétaires privés. J'y insiste, ces dispositions à caractère juridique ne sont pas un désengagement politique de l'État, mais tout simplement la volonté de permettre que les travaux puissent se dérouler plus facilement.

La dotation en capital destinée au patrimoine monumental permettra de garantir la bonne exécution d'un certain nombre de chantiers. Nous avons choisi d'en affecter le produit à certains sites pour lesquels un effort particulier est nécessaire : le Palais de la Porte Dorée, qui accueillera en 2007 la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, le Palais de Chaillot, où sera implanté la Cité de l'architecture et du patrimoine, ...

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

... le château de Versailles et le Fort Saint-Jean à Marseille.

Certes, de nombreux investissements concernent l'Île-de-France, mais c'est parce que beaucoup d'institutions prestigieuses entièrement à la charge de l'État y sont installées. Néanmoins, pour répondre aux critiques ou aux interrogations parfois légitimes de certains d'entre vous - je pense notamment à Mme Blandin -, j'indique que les autorisations d'engagement entre Paris et les régions sont équilibrées.

Je veux dire un mot de l'archéologie, en particulier de l'INRAP, sur lequel Yann Gaillard a rédigé un excellent rapport.

Cela fait trois ans que nous devons abonder le budget de gestion de l'INRAP, car les changements législatifs qui ont corrigé les nombreux défauts de la redevance en ont obéré la collecte. Toutefois, la forte mobilisation des DRAC et la stabilité de l'assiette font espérer des rendements bien supérieurs en 2006. C'est un peu comme pour la redevance audiovisuelle, que nous examinerons tout à l'heure dans le cadre des crédits de la communication : l'élargissement de son assiette et le renforcement de sa collecte laissent légitimement espérer une augmentation du produit attendu. Je souhaite qu'il en aille de même pour l'INRAP.

Par ailleurs, j'ai commandé un rapport à l'inspection générale des finances, qui l'a mené conjointement avec l'inspection générale de l'administration des affaires culturelles, afin de trouver des solutions pérennes à ce problème récurrent. Je travaille en ce moment même sur les premières conclusions de ce rapport.

Vous êtes particulièrement averti de toutes ces questions, monsieur le rapporteur spécial, et je vous indique que je saisirai le Premier ministre au sujet d'un certain nombre d'orientations nouvelles. En effet, je vous le dis très franchement, je n'accepte pas que des prélèvements plus ou moins aléatoires frappent l'activité globale de mon ministère et obèrent ses vocations. Je veux les assumer toutes ; sinon, au moment de leur affectation individuelle, le plafonnement de certaines enveloppes me placerait en contradiction avec les objectifs que j'ai annoncés à la représentation nationale et à la Haute Assemblée.

C'est la raison pour laquelle, je le dis d'ores et déjà - mais nous aurons l'occasion d'en reparler tout à l'heure -, tout amendement visant à abonder les crédits de l'INRAP serait prématuré dans la mesure où le financement n'en est pas garanti par un octroi de ressources supplémentaires.

Quoi qu'il en soit, j'ai bien noté que vous demandiez que le Conseil national de la recherche archéologique soit réuni, et il est bien évidemment nécessaire de le saisir de ces difficultés.

Cela étant, notre souci du passé, de nos racines, de notre mémoire et le magnifique travail archéologique qui est effectué ne doivent gêner en aucune façon le développement économique et les projets des collectivités territoriales. Et, je le dis à M. Ralite, malgré les difficultés que nous connaissons, le nombre de fouilles ne baisse pas. Le rapport de l'inspection générale des finances stigmatise plutôt un certain nombre d'augmentations de dépenses en personnels.

L'architecture bénéficiera également de nombreuses mesures nouvelles, en particulier pour la rénovation des écoles, la revalorisation du statut des architectes et une meilleure reconnaissance de leur formidable travail.

Cette mobilisation en faveur de l'architecture sera poursuivie en 2007 : elle accompagne la mise en place dans les écoles du cursus LMD, licence-master-doctorat, qui permet le parcours européen des étudiants.

C'est la première fois qu'un aussi grand nombre de mesures sont prises en faveur de l'architecture dans le budget du ministère de la culture : c'est le signe de l'intérêt du Gouvernement pour le cadre de vie des Français.

Alain Fouché a parlé tout à l'heure de l'offre culturelle de proximité à propos des librairies indépendantes. Il a entièrement raison. Dans le dispositif « anti-violences » que nous devons concevoir pour tout le territoire national, les offres de proximité sont essentielles, qu'il s'agisse des activités commerciales ou artisanales, des librairies, des bibliothèques ou même d'un endroit où l'on refait le monde et où l'on se tient chaud, je veux parler des cafés.

Sourires

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

La dotation en faveur des archives, qui dépasse les 100 millions d'euros, est exceptionnelle. Elle est liée à la construction du nouveau centre des archives nationales de Pierrefitte, en Seine-Saint-Denis.

La réhabilitation du site historique de la Bibliothèque nationale, rue de Richelieu, débutera en 2006, à ma demande. Elle commencera par la mise aux normes de sécurité, qui n'a que trop attendu. Viendra ensuite la réalisation d'un projet de réhabilitation complète permettant l'accès d'un public plus large à ses riches collections. Je rappelle que, en 2006, le budget d'investissement de la BNF sera de 20, 5 millions d'euros, sur lequel le site Richelieu devrait se voir attribuer 3, 3 millions d'euros.

Je terminerai sur le programme « Patrimoines » en parlant des musées.

Le projet de budget que je soumets au Sénat permettra de lancer plusieurs grands chantiers ambitieux. À cet égard, je voudrais rendre hommage à tous ceux qui, partout sur le territoire national, conçoivent et organisent de magnifiques expositions, avec un succès chaque jour grandissant. Elles contribuent, elles aussi, à l'attractivité de notre territoire.

Parmi les projets nouveaux qui seront lancés, je pense bien évidemment au département des arts de l'Islam du Louvre, dont le chantier démarrera l'an prochain. Je pense également au château de Versailles, dont le schéma directeur doit avancer au même rythme que la progression de la fréquentation. Je pense enfin aux châteaux-musées, comme Compiègne, Fontainebleau ou Pau, que j'ai souhaité ouvrir à de nouveaux publics. Un effort pluriannuel important sera engagé afin que ce patrimoine prestigieux soit restauré et entretenu correctement.

Ce patrimoine doit également représenter une chance pour l'expression artistique sous toutes ses formes. À mes yeux, il n'y pas de lieux dépendant de l'État ou subventionnés par lui qui ne doivent s'ouvrir d'une manière ou d'une autre à toutes les formes d'expressions artistiques, qu'il s'agisse du spectacle vivant ou d'autres activités.

Les ouvertures d'établissements nouveaux ou réhabilités seront nombreuses en 2006.

À ceux qui observent en permanence - ils ne sont pas présents dans cet hémicycle, mais il y en parfois en dehors de ces murs - la décadence, la désespérance ou les délocalisations avec défaitisme, je rappellerai les événements très importants qui verront le jour dans les semaines à venir.

Au mois de mai, c'est l'Orangerie qui ouvrira ses portes, avec l'aide de la Réunion des musées nationaux. En juin, ce sera l'ouverture du magnifique musée du quai Branly, dédié aux arts premiers. Je pense aussi au Centre national du costume de scène, qui sera inauguré à Moulins au printemps prochain. Enfin, en septembre, le Musée des arts décoratifs ouvrira à nouveau ses portes dans l'enceinte du Louvre, après une restructuration complète. Et je pourrais également citer d'autres lieux.

Nous poursuivrons la réalisation du Musée des civilisations européennes et méditerranéennes à Marseille, avec la fin de la réhabilitation du Fort Saint-Jean et l'ouverture du chantier des collections.

J'en viens maintenant au programme « Création », qui bénéficie de 897 millions d'euros.

Plusieurs questions m'ont été posées à ce sujet, mais, avant d'y répondre, je voudrais remercier une fois de plus les sénateurs de leur participation aux nombreuses réunions de travail et de concertation ainsi qu'aux débats qui ont lieu partout en France. Je tiens en particulier à exprimer ma reconnaissance et ma gratitude à M. le président de la commission des affaires culturelles et à l'ensemble des membres de cette commission.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Nous sommes loin d'avoir terminé le travail tant les orientations et les objectifs sont nombreux.

Monsieur Lagauche, vous avez évoqué le projet de loi régissant la pratique du théâtre amateur. C'est un sujet difficile, car il faut à la fois répondre au souhait légitime de soutien de la pratique amateur et protéger les professionnels. Un projet de loi, dont le texte fait l'objet d'une concertation avec les professionnels, est en cours d'élaboration. Dès que nous aurons un peu avancé, je vous le soumettrai en amont de son dépôt officiel.

Vous avez également abordé le nécessaire équilibre à respecter entre le répertoire et la création. Comme je vous l'ai indiqué au début de mon propos, il s'agit pour moi d'une valeur essentielle, surtout dans la période de cloisonnement, parfois de sectarisme, voire d'intégrisme, qui est la nôtre. Il est donc très important d'accueillir la création, mais pas au détriment du répertoire et du patrimoine.

La programmation des théâtres directement subventionnés par l'État est à peu près également répartie avec 50 % de créations et 50 % d'oeuvres du répertoire. Toutefois, je vous l'ai dit, cette année la priorité va au patrimoine, tout en respectant les besoins liés au soutien à la création, en particulier le spectacle vivant et les arts plastiques.

Dans chacun des domaines du spectacle vivant, la présence des créateurs sera renforcée, dès 2006, au sein des lieux de production et de diffusion. Dans chaque discipline, des mesures spécifiques visant à mieux associer les créateurs aux équipes de direction, à faciliter leur résidence dans les théâtres généralistes comme dans les institutions spécialisées, sont prises et détaillées dans les plans sectoriels que j'ai évoqués au début de mon propos.

Il s'agit pour moi d'encourager la naissance de projets qui, dans le plus grand respect de l'indépendance artistique des créateurs et des programmateurs - vous avez pu le constater cet été -, soient ouverts à la rencontre entre les disciplines, les artistes, les interprètes et un public en attente de propositions diverses et cohérentes, signées mais ouvertes.

Dans la nouvelle présentation budgétaire, 601 millions d'euros sont consacrés au spectacle vivant. D'autres crédits, en particulier les crédits de formation, se trouvent inscrits dans le troisième programme, celui de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture.

En reconstituant le périmètre de l'an passé, le total des crédits pour le spectacle vivant s'élève ainsi à 775 millions d'euros. Une part de ces crédits sera consacrée au plan pour l'emploi que j'ai engagé en 2005.

Le théâtre et la musique seront marqués en 2006 par la réouverture de deux grands lieux : à la fin du premier trimestre, la salle Claudel du théâtre de l'Odéon et, à l'automne, la salle Pleyel. Ces deux grands équipements de renommée internationale manquaient à la France depuis leur fermeture pour travaux. Je suis heureux qu'ils puissent accueillir à nouveau des productions de qualité.

Parallèlement, la poursuite d'une programmation distincte salle Berthier, partie intégrante du théâtre de l'Odéon, permettra d'accueillir des compagnies indépendantes ou régionales et d'enrichir la palette des spectacles proposés à Paris.

Il faut soutenir la création dans les régions, mais aussi dans d'autres pays de l'Union européenne. Cette mobilité des oeuvres et des artistes est essentielle.

Paradoxalement, nous ne possédons pas suffisamment de lieux pour accueillir et donner des chances à toutes les créations qui le désirent, d'où ma résolution à utiliser certains monuments historiques.

Ces réouvertures n'épuisent d'ailleurs pas la question du manque de salles de spectacle à Paris et notamment du grand auditorium que le Premier ministre a appelé de ses voeux. C'est un projet qui nécessite une réflexion nourrie, dans une logique de partenariat avec les collectivités locales, et en tout premier lieu avec la Ville de Paris et avec la région d'Île-de-France. Étant en train de solliciter les uns et les autres, et dans cette optique de partenariat, vous comprendrez que je ne souhaite pas faire d'annonce unilatérale qui mettrait en échec cette conjugaison des énergies.

La somme de 29 millions d'euros sera consacrée à la création, la production et la diffusion des arts plastiques.

Ces investissements concernent le Palais de Tokyo, mais aussi la manufacture des Gobelins et le Mobilier national.

Comme l'a annoncé le Premier ministre, le Grand Palais accueillera au printemps 2006 une grande exposition consacrée à l'art contemporain français.

Le Premier ministre a également annoncé à la FIAC, la Foire internationale d'art contemporain, une série de mesures destinées à assurer le rayonnement international de la création française contemporaine.

Parmi celles-ci, et ce sont des innovations qui étaient très attendues, je rappelle qu'il m'a demandé, en liaison avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de réduire les disparités fiscales au sein du marché de l'art en étudiant notamment la possibilité que les créations réalisées sur support numérique ou audiovisuel puissent bénéficier du même taux de TVA que les autres oeuvres d'art, soit 5, 5 %.

Le Premier ministre a également souhaité que les oeuvres d'artistes vivants puissent être remises en dation pour acquitter l'impôt sur la fortune, les droits de succession ou de donation, comme c'est déjà le cas aujourd'hui pour les oeuvres plus anciennes. C'est un levier très puissant pour soutenir la création contemporaine.

Il convient aussi que les particuliers soient encouragés à acquérir des oeuvres en se voyant, par exemple, proposé une déduction fiscale sur l'achat d'oeuvres, vendues par des galeries, d'artistes ayant leur foyer fiscal en France.

Par ailleurs, la loi du 1e août 2003 a créé des conditions très favorables pour le mécénat d'entreprise. Mme Morin-Desailly l'a remarqué, regrettant en creux la faiblesse du poste budgétaire dédié à l'acquisition d'oeuvres. Il est toutefois nécessaire, pour bien situer les efforts entrepris, d'additionner aux achats publics les aides politiques concernant le mécénat des entreprises ou des particuliers.

L'instruction du 13 juillet 2004 sur cette loi du 1er août 2003 en a réduit la portée en imposant aux entreprises des conditions très exigeantes de présentation au public des oeuvres acquises.

Aussi le Premier ministre a-t-il demandé qu'une nouvelle instruction soit prise, veillant plus simplement à ce que l'oeuvre soit exposée dans un lieu accessible aux salariés, clients et partenaires de l'entreprise.

J'aborderai enfin le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », lequel supporte l'essentiel des coûts de personnel et de fonctionnement du ministère.

Il concerne principalement le programme pour l'éducation artistique et culturelle, dont les actions se font en majorité dans les directions régionales des affaires culturelles, mais également dans les grands établissements publics. Ce poste représente 40 millions d'euros.

Notre idée centrale est de demander à l'ensemble des établissements scolaires de s'associer avec une équipe artistique, une structure ou un lieu culturel pour offrir aux élèves une ouverture sur le monde des arts et de la culture par la présence conjointe dans un projet commun d'une parole pédagogique et d'une parole artistique et culturelle. C'est ce que j'appelle le principe du jumelage.

Enfin, sur le plus long terme, une vraie réflexion doit être menée entre la rue de Valois et la rue de Grenelle sur la place de l'éducation à la culture dans les cursus éducatifs au-delà des seuls enseignements artistiques traditionnels et son intégration au sein du socle fondamental des connaissances. Tel est le rôle essentiel du Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle.

Comme l'a déclaré le Premier ministre le 1er décembre dernier : « Les Français veulent que chaque enfant reçoive le même enseignement et la même culture de base, qui lui serviront tout au long de sa vie : la lecture, l'écriture, le calcul, la citoyenneté, la maîtrise d'une langue étrangère, mais aussi l'éducation artistique qui est un élément décisif de l'éveil d'une personnalité ».

J'en terminerai avec les secteurs du cinéma, de la production audiovisuelle et de l'industrie du disque.

Il s'agit en premier lieu de poursuivre une politique de l'emploi et une politique fiscale ambitieuses et de prendre aussi en compte toutes les évolutions technologiques.

J'aurai d'ailleurs l'occasion d'y revenir à l'Assemblée nationale à la fin du mois de décembre et devant la Haute Assemblée à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février 2006, dans le cadre de la transposition de la fameuse directive « droit d'auteur ».

Ce sera pour moi l'occasion de rappeler que les nouvelles technologies sont aussi une chance pour la diffusion artistique et culturelle sous toutes ses formes, à partir du moment où leur gestion obéit à un certain nombre de principes et de règles.

J'espère que, d'ici là, un certain nombre de points d'accord et d'équilibre, qui apparaissaient totalement inenvisageables il y a encore quelques mois, entre le monde d'Internet, le monde du cinéma, le monde de la musique et le monde des auteurs, seront enfin trouvés. Il s'agira alors d'une réconciliation.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Au moment où je vous en parle, je mesure encore la fragilité des avancées sur ces questions si délicates, mais j'espère que tout se passera bien dans les heures et les jours qui viennent.

En tout cas, j'assumerai de tenir sur ces questions des propos aussi simples, « basiques » et fondamentaux que ceux parfois tenus au début de la IIIe République sur un certain nombre de grands concepts. Il faut en effet tout simplement réexpliquer ce qu'est la propriété intellectuelle, ce qu'est le droit d'auteur, ce qu'est la diversité, ce que sont la rémunération et la liberté des artistes.

Le crédit d'impôt en faveur de la production cinématographique que vous avez adopté en 2004, puis que vous avez étendu, à ma demande, à la production audiovisuelle en 2005, a permis, avec le concours des régions, d'accueillir et de relocaliser de nombreux tournages, permettant ainsi de créer ou de sauvegarder trois mille emplois dans les secteurs de la production cinématographique et de la production audiovisuelle.

Ce bilan positif nous incite à consolider ces dispositifs en 2006.

L'effet structurant de telles mesures fiscales, pour soutenir et défendre la diversité de nos créations, de nos emplois et de nos industries culturelles, pour relancer l'investissement et permettre la prise de risque, peuvent nous inciter à les étendre, et je pense en particulier au domaine du disque.

C'est pourquoi j'ai proposé la création d'un crédit d'impôt pour les PME du secteur du disque ainsi que la création d'un fonds d'avance remboursable, ce qui pourrait permettre de créer mille cinq cents emplois directs et indirects dans ce secteur.

Sur le plan fiscal encore, on a évoqué les sociétés de financement du cinéma et de l'audiovisuel, les SOFICA.

Dans l'intérêt du cinéma, cet instrument doit viser une cible plus large et contribuer davantage à la production indépendante et à la création. J'ai ainsi souhaité que le régime des SOFICA soit modernisé, que les exigences à l'égard de la production indépendante soient renforcées, tout comme les garanties de transparence du dispositif.

Et cela n'a pas dissuadé les demandes, bien au contraire : jamais les SOFICA n'ont été si nombreuses et les demandes d'agrément si importantes qu'en 2005.

Enfin, l'enveloppe de la collecte a été déplafonnée pour atteindre la somme de 56 millions d'euros, soit 10 millions d'euros supplémentaires, qui serviront en priorité à financer des premiers films, c'est dire qu'ils iront à la création. Je remercie là encore devant vous le Premier ministre de susciter des vocations !

Je souhaite aussi dynamiser les ressources allouées au cinéma et à l'audiovisuel. C'est la raison pour laquelle l'amendement adopté à l'Assemblée nationale élargissant au parrainage, à compter de l'exercice 2007, la taxe sur la publicité alimentant le compte de soutien à l'industrie des programmes cinématographiques et audiovisuels, est une mesure positive et équilibrée.

J'ai également souhaité que le compte de soutien du CNC, le Centre national de la cinématographie, s'adapte au nouvel environnement, marqué tout d'abord par une implication croissante des collectivités territoriales.

C'est ainsi que les fonds régionaux de soutien à la production cinématographique, créés en 2004 et étendus à l'audiovisuel en 2005, seront reconduits en 2006, leur bilan étant très positif.

Enfin, en suscitant en 2005 la création d'un fonds à l'innovation audiovisuelle, j'ai voulu stimuler l'innovation dans les programmes pour améliorer leur qualité et encourager le succès de la production audiovisuelle nationale, en France comme à l'étranger, particulièrement la fiction, mais aussi l'animation et le documentaire.

Je note que la Commission européenne vient dans les tout derniers jours d'adresser un satisfecit à la France pour la qualité de ce programme d'aide, et cela augure favorablement de la poursuite de la procédure d'agrément du système d'aide français. Je suis prudent, mais les choses semblent s'engager de manière positive. Il y a d'ailleurs cohérence entre le succès que nous avons rencontré à l'UNESCO sur la question de la diversité culturelle et la traduction de cette réalité dans les faits au sein de l'Union européenne.

Vous avez, monsieur le rapporteur pour avis, évoqué à juste titre le court-métrage et le cinéma numérique.

L'adaptation doit aussi être réalisée à l'égard de la révolution numérique, qui modifie en profondeur l'ensemble de la filière cinéma et audiovisuel, de la salle jusqu'aux nouveaux supports, mobiles et Internet.

C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au CNC qu'une étude soit conduite sur ce sujet très important pour l'avenir du cinéma.

Concernant le court-métrage - sujet multiforme, vous le savez - ainsi que d'autres formes d'expressions artistiques particulièrement fragiles, dont les professionnels craignent d'ailleurs que le législateur ne les judiciarise trop, je tiendrai, comme d'habitude, mes engagements. J'annoncerai à Clermont-Ferrand les mesures que je suis en train de préparer avec les professionnels du secteur et que je compte valider à la fin du mois de janvier. J'ai la volonté de soutenir la production et la diffusion, et cela fera partie des contrats d'objectifs et de moyens que je suis en train de négocier avec France Télévisions et avec l'ensemble des autres sociétés de télévision.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Les crédits d'intervention et d'investissement gérés par le CNC et concernant des actions financées par la mission « Culture » s'élèvent à 41, 9 millions d'euros.

Les crédits de subvention sont destinés pour l'essentiel à la nouvelle Cinémathèque française - le « 51, rue de Bercy », - qui vient d'ouvrir ses portes et dont le succès ne se dément pas.

Les crédits d'investissement concernent la poursuite du plan de restauration des films ainsi que des travaux de construction réalisés aux archives françaises du film du CNC.

J'en viens maintenant à la modernisation

Pour maximiser l'action de l'État dans un contexte budgétaire contraint, il est une priorité stratégique : la modernisation de l'administration.

Si j'y suis particulièrement attaché et si je souhaite faire avancer toutes les réformes nécessaires, vous me permettrez, à ce stade de mon propos, de rendre hommage à tous les fonctionnaires du ministère de la culture et de la communication, qui accomplissent des tâches très variées et très diversifiées et qu'ils sont confrontés à ce qu'il y a peut-être de plus électrique dans notre pays : la passion de toutes celles et de tous ceux qui concourent à l'activité culturelle et artistique. Ils font, dans des conditions parfois difficiles, un travail remarquable.

Des réformes et des projets sont nécessaires. Je les mènerai à bien.

Comme vous le savez, j'ai décidé de créer un poste de secrétaire général au sein du ministère de la culture et de la communication. Cela permettra de coordonner la mise en place des réformes dans un ministère qui comporte dix directions d'administration centrale et soixante-dix établissements publics.

J'ai décidé également de lancer, en plein accord avec le directeur de la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, une réforme de la DMDTS afin de permettre, tout en maintenant ses responsabilités transversales, qu'elle soit le plus souvent possible un interlocuteur adapté à chacune des formes d'expression du spectacle vivant.

Voilà les éléments que je voulais préciser concernant cette importante réforme que je souhaite opérer dans mon ministère.

J'ai créé cette année des « pôles culture » auprès des préfets de région. Ils sont animés par les directeurs des directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, et regroupent tous les services et établissements culturels de l'État afin de mieux coordonner leur action.

J'ai également voulu la création, dans chaque DRAC, d'un service régional de l'architecture et du patrimoine, un SDAP, pour donner plus de lisibilité et d'efficacité à notre action.

Ce ministère doit simplifier son action, la rendre plus visible et plus lisible.

Ainsi, par exemple, ces SDAP doivent devenir à terme un véritable guichet unique pour toutes les questions de patrimoine et d'architecture relevant de mon ministère, sans pour autant déposséder de leurs prérogatives les conservatoires régionaux des monuments historiques.

Nous avons un immense travail à accomplir. Je fais le mien avec passion, et avec le sentiment que l'Histoire ne fait parfois que se répéter. Ainsi, je conclurai sur deux extraits d'un magnifique discours de Victor Hugo sur la procédure budgétaire, les économies et les besoins, daté de 1848.

« Personne plus que moi, messieurs, n'est pénétré de la nécessité d'alléger le budget ; seulement, à mon avis, le remède de l'embarras de nos finances n'est pas dans quelques économies chétives et détestables ; ce remède serait, selon moi, plus haut et ailleurs ; il serait dans une politique intelligente et rassurante, qui donnerait confiance à la France, qui ferait renaître l'ordre, le travail et le crédit et qui permettrait de diminuer, de supprimer même les énormes dépenses spéciales qui résultent des embarras de la situation. »

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Cette citation ne s'applique bien évidemment pas à ceux qui ont la force et l'intelligence de voter le budget de la culture !

Mais je poursuis ma citation.

« La grande erreur de notre temps a été de pencher, je dis plus, de courber l'esprit des hommes vers la recherche du bien être matériel et de le détourner par conséquent du bien-être intellectuel [...] Il importe, messieurs, de remédier au mal ; il faut redresser pour ainsi dire l'esprit de l'homme ; il faut, et c'est la grande mission, la mission spéciale du ministère de l'instruction publique, il faut relever l'esprit de l'homme, le tourner vers la conscience, vers le beau, le juste et le vrai, le désintéressé et le grand. C'est là, et seulement là, que vous trouverez la paix de l'homme avec lui-même et par conséquent la paix de l'homme avec la société. Pour arriver à ce but, messieurs, que faudrait-il faire ? Il faudrait multiplier les écoles, les chaires, les bibliothèques, les musées, les théâtres, les librairies. Il faudrait multiplier les maisons d'études pour les enfants, les maisons de lecture pour les hommes, tous les établissements, tous les asiles où l'on médite, où l'on s'instruit, où l'on se recueille, où l'on apprend quelque chose, où l'on devient meilleur ; en un mot, il faudrait faire pénétrer de toutes parts la lumière dans l'esprit du peuple ; car c'est par les ténèbres qu'on le perd. »

Je dédie ce texte, redécouvert grâce à une artiste qui, présente au salon de l'éducation, avait attendu ma présence pour le déclamer, à tous ceux qui ne voudraient pas voter le budget du ministère de la culture, ou à celles et ceux qui voudraient le réduire de manière irresponsable.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Culture » figurant à l'état B.

Autorisations d'engagement :2 881 291 608euros ;

Crédits de paiement :2 797 645 270euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° II-19, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

Patrimoines

Dont Titre 2

Création

Dont Titre 2

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

Dont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Oserai-je encore présenter cet amendement, après avoir été menacé des foudres de Victor Hugo qui se tenait ici

M. le rapporteur spécial désigne le fauteuil que Victor Hugo occupait

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

, et dont vous avez convoqué l'ombre en ces murs, monsieur le ministre ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

La commission des finances a bien entendu un rôle ingrat, surtout cette année, première année d'application de la loi organique relative aux lois de finances. En effet, nous devons rendre attentifs toutes les administrations et tous les ministres à une exacte application des principes qu'elle prévoit, notamment le principe fondamental de la justification au premier euro.

Cet amendement peut paraître scélérat, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

... puisqu'il frappe les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Je ne vous énoncerai pas les chiffres, car ils vont vous effrayer, mes chers collègues...

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Toutefois, il est absolument nécessaire d'agir cette année avec la pédagogie qui s'impose.

Il aurait été facile de justifier les crédits au premier euro. Nous avons beaucoup dialogué avec les services du ministère de la culture pour obtenir des réponses à nos questions. Nous ne les avons pas obtenues ; il s'agit probablement d'un « raté » administratif.

Je ne me fais pas trop d'illusions sur le sort de cet amendement ! Mais, puisqu'il n'en reste qu'un pour le défendre, je serai celui-là ! J'assumerai jusqu'au bout mon rôle odieux !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Waterloo ! Waterloo ! Morne plaine ou triste défaite ?

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Par définition, le Gouvernement est respectueux de ses obligations envers le Parlement.

S'agissant de la mise en oeuvre de la LOLF, nous avions plutôt le sentiment de pouvoir figurer cette année parmi les bons élèves du Gouvernement.

Dans un premier temps, il s'est certainement agi d'une complexité supplémentaire pour les services du ministère de la culture. Pour la suite, cela permettra d'apporter une certaine souplesse et de réaliser des progrès.

J'ai parfaitement conscience du fait que nous devons fournir toutes les informations nécessaires tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale. Je suis donc d'accord avec vous, monsieur le rapporteur spécial, pour estimer que, sous cet angle de la justification au premier euro, mon ministère est perfectible, et nous ferons des progrès lors de la présentation du projet de budget pour 2007.

Est-ce pour autant un motif suffisant pour bouleverser les équilibres, déjà très complexes, de mon budget ? Sincèrement, je ne le pense pas. Afin de respecter l'engagement de performance que j'ai pris pour l'année prochaine, je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas accepter la réduction de mon budget telle que vous l'envisagez. En effet, même avec toutes les souplesses que permet la LOLF, je ne sais pas comment je pourrais faire pour assumer tous les objectifs que vous m'avez assignés avec un budget aussi restreint.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valade

Je comprends parfaitement les observations formulées par M. le rapporteur spécial et, dans une certaine mesure, je les fais miennes.

Toutefois, dans l'avant-dernier paragraphe de l'objet de l'amendement n° II-19, il est indiqué que le « rapporteur spécial a demandé, sans succès jusqu'à aujourd'hui, au ministère d'apporter les précisions complémentaires nécessaires sur la justification au premier euro. Il semble que la confection du document budgétaire Culture annexé au projet de loi de finances pour 2006 ait posé quelques difficultés au ministère. »

Or M. le ministre vient de s'exprimer aujourd'hui non seulement en son nom personnel, au nom du Gouvernement, mais également au nom de son ministère. Il a admis la difficulté de cet exercice nouveau et a confié son souci d'apporter en 2007 des précisions avant l'examen du projet de loi de finances en séance publique. J'avoue que ses explications m'ont personnellement convaincu.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Lagauche

Nous estimons que les crédits du ministère de la culture sont relativement réduits, à notre grand regret, d'ailleurs. Nous voyons bien que le ministre de la culture se débat et que sa tâche est loin d'être simple.

Certes, il existe un conflit entre la commission des finances et le ministère, mais nous nous en remettons à la sagesse de nos collègues. Ceux-ci savent bien que les crédits de ce ministère sont déjà faibles ; il ne faut pas les diminuer davantage. C'est pourquoi le groupe socialiste s'abstiendra, laissant les uns et les autres régler entre eux leurs problèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je rejoins les propos de mon collègue Serge Lagauche.

Dans mon intervention, j'ai exposé assez clairement tout à l'heure les motifs pour lesquels il ne fallait pas réduire les crédits d'un ministère qui a des missions à remplir. Réduire ses crédits de manière aussi drastique et brutale risquerait de pénaliser fortement l'action de ce ministère.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Vous avez indiqué que la LOLF était souple ; pour ma part, j'estime qu'elle est roide et droite dans ses bottes ! Enfin, pour la première année, elle s'appliquerait immédiatement et complètement dans des domaines aussi fragiles que la culture, la création et le patrimoine ?

Or, mes chers collègues, vous savez bien ce qu'on dit déjà ici ou là à propos de la culture. En adoptant cet amendement, on risquerait d'accréditer l'idée que les fonctionnaires de la culture sont un peu du genre artistes !

M. le rapporteur spécial s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Certes, M. le rapporteur spécial a dit que, s'il n'en restait qu'un, il serait celui-là ! Mais, si nous ajoutons les crédits qu'il est prévu de retirer par cet amendement à ceux qu'il est prévu de prendre par l'amendement suivant, nous arrivons à un total de 50 millions d'euros ! C'est la moitié de la dotation exceptionnelle de 100 millions d'euros, et elle fut déjà bien difficile à obtenir. C'est pourquoi le Sénat devrait refuser cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Je ne comprends pas pourquoi le ministère de la culture, qui avait bien commencé à appliquer les principes de la LOLF, n'a pas poussé son effort jusqu'au bout et n'a pas fourni la justification au premier euro de tous ses crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Contrairement à mon éminent collègue Jack Ralite, je n'irai pas jusqu'à dire que l'on peut accuser le ministère de la culture de légèreté. L'absence de réponse tient sans doute à la difficulté de la tâche. La période est difficile pour tout le monde, et elle n'a pas permis le dialogue le plus approfondi possible avec les services du ministère de la culture.

Je ne blâmerai personne ; je suis, en réalité, très content d'avoir fait cette action pédagogique. Dans ces conditions, nous allons retirer l'amendement n° II-19, mais je laisse notre président de commission le confirmer.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je veux dissiper toute ambiguïté. Nous ne sommes pas animés d'un intégrisme lolfien !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il en est de la culture comme du développement durable et les données de la LOLF doivent imprégner tous les esprits. Je sais bien que la culture est le dernier refuge des transgressions.

M. le ministre s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous pensons qu'il n'y aura pas d'inconvénient à ce que vous puissiez désormais justifier au premier euro.

Monsieur le ministre, vos propos ont bien montré tout à l'heure votre passion, votre détermination, votre enthousiasme. Pour réussir la politique que vous menez, succès que nous souhaitons tous, vous devez vous appuyer sur le respect des procédures telles qu'elles ont été prévues par la loi organique relative aux lois de finances ; ce sera un atout supplémentaire pour votre ministère.

Je ne sais pas du tout ce que Victor Hugo aurait pensé d'un tel instrument au service des pouvoirs publics, du Gouvernement et du Parlement, ni même ce qu'aurait pu évoquer, à ses yeux, un ministère de la culture. Peut-être ne s'agissait-il à l'époque que d'un secrétariat d'État aux Beaux-Arts.

Cependant, soyons-en les uns et les autres convaincus, la LOLF est non pas une politique, mais un instrument. C'est aussi une manière de nous préparer à rendre compte de notre action, car c'est ce qu'attendent nos concitoyens.

Je n'ai rien à ajouter à la conclusion de Yann Gaillard : la commission retire cet amendement, avec l'espoir que les autres amendements de la commission des finances recevront un accueil plus favorable de la part de la Haute Assemblée et du ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° II-19 est retiré.

L'amendement n° II-20, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

Patrimoines

Dont Titre 2

Création

Dont Titre 2

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

Dont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Dans le droit-fil de l'amendement précédent, nous mettons en cause le défaut de justification de certains crédits dans le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Toutefois, cet amendement vise surtout à doter l'INRAP, l'Institut national de recherches archéologiques préventives, par le biais du transfert des crédits non justifiés, d'une ressource supplémentaire de 10 millions d'euros. Compte tenu de l'évolution à laquelle nous avons assisté ces derniers mois, cela nous semble tout à fait nécessaire.

Je citerai un exemple local. Dans une correspondance, le trésorier-payeur général de l'Aube, mon département, indique que vingt-sept communes étaient dans l'incapacité de recevoir la restitution des taxes perçues au titre des redevances d'archéologie préventive sous l'empire du texte de 2003, puisque, comme vous le savez, elles ont été dégrevées ce printemps, par la loi de l'été 2004.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Dans un courrier qu'il a d'ailleurs adressée au président et à la directrice générale de l'INRAP, le trésorier-payeur général écrit notamment ceci : « Malgré divers rappels et démarches téléphoniques au cours de l'été, il m'a été expliqué que votre situation financière ne vous permet pas d'envisager un tel remboursement dans un délai prévisible. »

Je rappelle quand même que, en application d'une loi que nous avons votée, l'INRAP est tenue de procéder à ces remboursements.

Le trésorier-payeur général poursuit : « J'ai donc naturellement saisi mon administration centrale et constaté que de nombreux départements se trouvaient dans la même situation. Il m'a même été indiqué que l'Inspection générale des finances avait été mandatée pour établir un rapport sur ce sujet », rapport auquel M. le ministre a fait allusion à de nombreuses reprises.

Avant-hier, j'ai reçu une lettre du maire de la commune de Val-d'Auzon, située dans le canton de Piney, dans laquelle il écrit : « Ayant reçu un avis de dégrèvement concernant la redevance archéologique préventive en mai 2005, je m'étonne à ce jour de ne pas avoir encaissé le règlement. »

Vous le voyez, l'INRAP est pratiquement en cessation de paiements, et se trouve dans l'incapacité d'effectuer des tâches aussi « menues » que le remboursement de taxes qui sont devenues indues au regard de la loi nouvelle. Peut-être l'adoption de cette disposition était-elle une erreur, dans la mesure où elle n'a fait qu'aggraver la situation financière de l'INRAP ? Il n'en demeure pas moins que ces restitutions sont dues, et c'est la loi !

Monsieur le ministre, pardonnez-moi de vous le dire, mais je ne suis pas certain que la situation de l'INRAP s'améliore aussi rapidement que vous le pensez. J'ignore si les procédures de recouvrement de la redevance, notamment dans les directions régionales de la culture, se sont véritablement accélérées. La commission ne dispose d'aucune information qui pourrait la rassurer sur ce point. C'est pourquoi nous tenons à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Je voudrais essayer d'être très précis sur un sujet qui est évidemment très complexe.

Chacun d'entre nous est conscient de la nécessité d'adapter progressivement le système de perception des ressources nécessaires à la préservation du patrimoine archéologique.

Une première réforme du calcul de la redevance d'archéologie préventive a été opérée par l'article 17 de la loi du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l'investissement afin de mettre fin à certains cas aberrants - au sujet desquels vous m'interpelliez chaque semaine à justetitre -, c'est-à-dire les cas dans lesquels la redevance était sans rapport avec la valeur d'investissement des opérations projetées.

Des difficultés ont persisté en 2004 et en 2005, portant tout à la fois sur le rendement de la taxe et, surtout, sur son rythme de recouvrement.

En 2004 puis en 2005, l'INRAP a dû revoir à la baisse l'inscription budgétaire de la redevance, compensée chaque fois partiellement ou entièrement par une subvention du ministère de la culture, laquelle a subséquemment nécessité des redéploiements internes « chirurgicaux » au sein de mon budget.

Un rapport de l'Inspection générale des finances, de l'Inspection générale de l'équipement et de l'Inspection générale des affaires culturelles va permettre de procéder aux ajustements nécessaires.

Je dispose d'ores et déjà d'un premier document d'étape, consacré aux conditions de gestion de l'INRAP et à l'exécution de son projet d'établissement.

Un second rapport, annoncé pour le courant du mois de décembre, devra détailler les conditions d'un financement durable. Des ajustements seront peut-être nécessaires.

Pour ma part, je reste attaché au principe du système de la redevance. Il est juste car lié au niveau de l'investissement projeté, et assure de ce fait un financement régulier de l'archéologie préventive.

En tout état de cause, le budget de l'INRAP, actuellement en discussion avec le ministère des finances, sera bien évidemment voté dans les prochains jours, et ce dans des conditions d'absolue sincérité budgétaire et comptable.

L'établissement a en effet calé ses prévisions sur le strict encaissement de ses recettes. Or les informations dont on dispose aujourd'hui de la part la Direction générale de la comptabilité publique permettent d'estimer le volume des titres de recettes pris en charge et celui des recouvrements effectués par les trésoreries.

Ce volume est supérieur à la réalité des encaissements de l'établissement. Il convient donc de faire en 2006 une reprise des droits constatés au titre des années antérieures et d'estimer le montant de ces droits au titre de l'exercice 2006.

C'est sur le fondement de cette analyse que la redevance sera inscrite pour un montant estimé entre 52 et 55 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 24 millions d'euros pour le fonds national d'archéologie préventive. Sur les quelque 55 millions d'euros de la redevance d'archéologie préventive, 7, 5 millions d'euros seront consacrés au remboursement du premier tiers de l'avance de 23 millions d'euros consentie à l'INRAP en 2002, et ce conformément aux arbitrages rendus par le Premier ministre.

Ce sont donc 45 à 47, 5 millions d'euros qui sont disponibles pour l'activité de l'établissement. Cette somme est en augmentation puisque les recettes budgétées en 2005 au titre de la redevance d'archéologie préventive étaient de 40, 7 millions d'euros.

Aussi, je considère que le budget de l'INRAP pour 2006 est bien mieux assuré cette année grâce à la mobilisation de tous les acteurs de la collecte de la redevance.

Les montants constatés des mises en recouvrement, qui traduisent l'activité, sont en très forte augmentation. Pour l'année 2004, les mises en recouvrement représentent 53, 3 millions d'euros, soit, au titre de la taxe perçue par l'équipement, 40, 6 millions d'euros, et au titre de la culture, 12, 7 millions d'euros. Pour l'année 2005, ces chiffres sont respectivement les suivants : 80, 7 millions d'euros, 51, 9 millions d'euros et 28, 8 millions d'euros.

Bref, la mécanique est en train de se mettre en place. J'espère donc qu'un financement régulier, sans mesure structurelle supplémentaire nouvelle, sera possible. S'il s'avère que ce système ne peut pas fonctionner, sachez que je n'accepterai pas indéfiniment qu'un prélèvement soit effectué de manière désordonnée sur d'autres postes budgétaires du ministère de la culture.

Je tiens à être totalement transparent vis-à-vis de vous. Sans pour autant faire preuve d'un optimisme béat ou naïf, je crois pouvoir dire que la situation est en voie d'amélioration. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Tout à l'heure, nous avons pris acte avec soulagement et satisfaction du retrait par la commission des finances de son amendement n° II-19. Ainsi donc, elle attestait qu'elle n'était pas au Sénat ce que Bercy est trop souvent au Gouvernement. Aussi, je regrette que nous revenions, avec le présent amendement, sur un débat qui est en réalité un débat de fond.

Cela me fait penser à l'époque où Jacques Rigaud déplorait, dans un rapport sur la refondation de la politique culturelle remis en 1996 au ministre de la culture de l'époque et dans lequel il disant son sentiment sur le ministère des finances. J'imagine comme lui certains fonctionnaires de Bercy arrivant le matin et criant, le doigt pointé tour à tour vers la Bibliothèque nationale de France, le musée d'Orsay, la pyramide du Louvre, le Louvre lui-même ou l'Opéra Bastille : « Vengeance ! Vengeance ! »

Sourires

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Si nous voulons demeurer la première destination touristique mondiale, nous avons intérêt à ce que ces sites soient des pôles d'attractivité !

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Tout à fait ! Monsieur le ministre, vous réagissez avec votre tempérament habituel. Mais je ne fais qu'abonder dans votre sens.

Le débat de fond est bien celui-ci : la culture coûte-t-elle cher ? En effet, c'est une assertion qu'on entend trop souvent. Mais, en faisant un jour le calcul, on s'apercevra que c'est tout le contraire : c'est l'absence de culture qui coûte cher dans ce pays ! Les événements dramatiques des banlieues le démontrent.

Si cet amendement était retiré, ce serait parfait.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Lagauche

Notre attitude sera la même que sur l'amendement précédent. Nous avons bien noté ce qu'a déclaré le ministre à propos de l'INRAP et prenons acte d'une éventuelle amélioration de la situation de cet institut, ce que nous pouvons tous souhaiter ici.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Nous n'allons pas indéfiniment discuter avec le ministre. A priori, nous lui faisons confiance. Peut-être est-il est un peu trop confiant. Peut-être sommes-nous un peu trop méfiants. Je propose que notre amendement soit voté et que la commission mixte paritaire en discute. D'ici-là, nous aurons eu le temps d'approfondir cette affaire, en liaison avec nos collègues de l'Assemblée nationale.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Culture ».

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Compte d'affectation spéciale : cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » (et articles 94 bis, 94 ter et 94 quater) figurant à l'état B.

Autorisations d'engagement :519 281 000 euros ;

Crédits de paiement :519 281 000euros.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Compte d'affectation spéciale : cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ».

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

J'appelle en discussion les articles 94 bis, 94 ter et 94 quater ainsi que l'amendement n° II-118, tendant à insérer un article additionnel après l'article 94 quater, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Compte d'affectation spéciale : cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ».

Dans le 1 du II de l'article 302 bis KB du code général des impôts, les mots : «, par les organismes qui exploitent des réseaux câblés et par tout organisme chargé de la commercialisation des services de télévision diffusés par satellite ou par voie hertzienne terrestre » sont remplacés par les mots : « et par les distributeurs de services au sens de l'article 2-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ».

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° II-114, présenté par MM. de Broissia et Valade, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Louis de Broissia.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Je me réjouis de voir que cet amendement est soutenu par le président de la commission des affaires culturelles. Cependant, puisqu'il n'a pas été présenté à ladite commission, c'est à titre personnel que je le présente.

L'article 94 bis, en apparence, est extrêmement satisfaisant. Tout à l'heure, dans une affirmation toute teintée d'irénisme, vous avez estimé, monsieur le ministre, qu'il fallait que tout le monde soit taxé. Je ne partage pas votre point de vue.

La diffusion de certains services audiovisuels se caractérise par une numérisation des signaux et des réseaux, rendant de la sorte accessibles tous les contenus au moyen de terminaux fixes, mobiles ou nomades. Une délégation de la commission des affaires culturelles s'est rendue la semaine dernière chez un grand opérateur, et je puis témoigner que nous avons tous été très impressionnés.

Actuellement, les contenus sont largement fragilisés au bénéfice des « tuyaux ». De surcroît, les opérateurs de télécommunication sont beaucoup plus riches que les opérateurs travaillant sur les contenus audiovisuels. Le moment est-il bien choisi pour taxer les éditeurs de services de télévision ? N'est-ce pas prématuré ? Monsieur le ministre, la compétition mondiale est impitoyable. Je ne veux pas voir le « tout Bill Gates » arriver en France. Or, ce n'est pas aux États-Unis qu'on crée des taxes, mais en France !

Alors que l'Internet en était à ses débuts, je me souviens que le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker déclarait ceci dans les colonnes du Figaro : « La France, vous êtes le pays le plus rapide au monde pour créer une nouvelle taxe ; vous n'êtes pas le pays le plus rapide pour créer un nouveau contenu. »

Eh bien, contrairement aux apparences, c'est au nom de la défense de ce contenu, et pour préserver durablement les contenus audiovisuels, que je souhaite la suppression de cet article qui, voté par l'Assemblée nationale, étend cette taxe.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

La commission s'est montrée favorable à l'article. En effet, il lui a semblé que l'extension de la taxe sur les éditeurs de services de télévision à la diffusion par de nouveaux moyens technologiques, notamment par l'Internet, respectait le principe de neutralité et que cette initiative de nos collègues députés visant à taxer toute offre de services de communication audiovisuelle mise à la disposition du public par un réseau de communication électronique était légitime.

Cela dit, nous souhaitons entendre l'avis du Gouvernement sur cette question.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Monsieur le rapporteur spécial, je comprends parfaitement votre préoccupation. Pour autant, je ne la partage pas. Il me paraît en effet beaucoup plus préjudiciable de laisser ces nouveaux opérateurs en dehors du champ des obligations qui fondent la diversité culturelle et européenne.

Il s'agit, au fond, de récolter des fonds pour alimenter ensuite le compte de soutien. La position du Gouvernement est d'ailleurs cohérente avec celle qu'il soutient dans le cadre de la renégociation de la directive « Télévision sans frontières ». Adopter une position différente serait, à mes yeux, un mauvais signal donné à nos partenaires et à la Commission.

C'est la raison pour laquelle il s'agit non pas d'un traitement indifférencié, mais d'une affectation de recettes qui permettra le soutien du cinéma et de la production audiovisuelle. Cela va d'ailleurs dans le sens de la convergence et d'une saine concurrence entre les différents supports.

Vous le savez - nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler tout à l'heure -, nous sommes en train de dématérialiser la redevance audiovisuelle, c'est-à-dire que le déclencheur ne soit pas uniquement le poste de télévision. Cette dématérialisation nous semble légitime compte tenu de l'évolution de la technologie.

C'est la raison pour laquelle la position que j'exprime vaut également pour nos partenaires de l'Union européenne ; elle est cohérence avec la position française sur la directive « Télévision sans frontières ».

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je souscris tout à fait aux propos de M. le ministre. L'amendement défendu par M. de Broissia vise à supprimer l'amendement adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, qui tend à élargir l'assiette de la taxe COSIP. Or, chacun le sait, le COSIP est alimenté par une taxe assise sur certaines recettes des chaînes, notamment la redevance audiovisuelle comme les recettes des annonces publicitaires.

Cette disposition est légitime. Elle permettrait de poser dès à présent la nécessité pour les nouveaux services de télévision d'apporter, comme les services traditionnels, un soutien renforcé à la production et à la création d'oeuvres.

Bien sûr, comme le souligne mon collègue Louis de Broissia, ces nouveaux services se caractérisent par un modèle économique encore fragile. C'est pourquoi un système progressif en fonction des recettes leur est appliqué. Le pourcentage du chiffre d'affaires applicable au départ est donc non pas de 5, 5 % mais de 1, 2 %. Il est tenu compte de la montée en charges par système de paliers.

J'invite donc le Sénat à confirmer les dispositions votées à l'Assemblée nationale, qui font l'objet d'un soutien fort des organisations professionnelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. le président de la commission, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valade

À l'évidence, je vais voter cet amendement, puisque j'en suis l'auteur avec mon ami Louis de Broissia.

J'apporterai simplement quelques compléments d'information.

Nous ne sommes pas foncièrement hostiles à l'établissement d'une nouvelle taxe telle que Catherine Morin-Desailly vient de la décrire. Nous pensons simplement qu'il s'agit d'une expérimentation par rapport à un nouveau système qui correspond à une avance technologique. Il nous paraît donc prématuré d'établir cette taxe en cours d'expérimentation.

Par conséquent, cet amendement n'est pas une fin de non-recevoir. Expérimentons et analysons les résultats obtenus. Et puis nous mettrons peut-être en place, dans un avenir proche, ce genre de taxation.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

J'ai bien entendu l'argumentation de MM. Valade et de Broissia. Mais, depuis des années, dans toutes les instances, y compris professionnelles, à chaque fois qu'une nouvelle technologie apparaît et que l'on souhaite la traiter comme l'ancienne, c'est-à-dire à égalité, il nous est répondu : « Il faut voir ! ». Ainsi, deux domaines sont distingués : les anciennes et les nouvelles technologies. Et les anciennes technologies risquent de demander leur alignement sur les nouvelles, c'est-à-dire leur détaxation.

Je me souviens d'une réunion avec M. de Broissia, lors des rencontres cinématographiques de Beaune : M. Valenti, qui représentait le cinéma américain, était favorable à une taxation minimale pour l'existant et à une exonération totale pour les nouvelles technologies.

À mes yeux, cela reviendrait à donner un signe négatif du point de vue de la démocratie. Certes, il faut être prudent. On a indiqué que ce serait proportionnel aux entrées d'argent, ce qui est une bonne chose.

Pour ma part, je voterai contre l'amendement, même si j'apprécie ses deux défenseurs.

Sourires

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.

I. - Le début du a du 2 du II de l'article 302 bis KB du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Des sommes versées par les annonceurs et les parrains, pour la diffusion de leurs messages publicitaires et de parrainage, aux redevables concernés ou aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage. Ces sommes...

le reste sans changement

II. - Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier 2007.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° II-115, présenté par M. de Broissia, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Louis de Broissia.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Ne m'en veuillez pas, monsieur Ralite, si je reviens à la charge. Il s'agit là des recettes de parrainage.

J'ai eu un maître, Henry Berger, longtemps président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, et hélas ! décédé, qui m'a appris la politique au quotidien. Il m'a toujours dit - et je m'en porte très bien - de me méfier de l'unanimité à l'Assemblée nationale.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

J'en viens à mon amendement. Monsieur le ministre, de nombreuses taxes ont été créées, dont la taxe sur le hors-média, qui a été instaurée par l'Assemblée nationale. Celle-ci rapporte entre 10 % et 15 % de l'objectif initial !

Pour ma part, je me méfie des taxes nouvelles : on crée des taxes pour se donner bonne conscience, mais l'on ne sait pas ce qu'elles rapportent vraiment. Une comparaison peut être établie avec les lois : comme l'a indiqué le président du Sénat, des lois sont votées, mais les décrets d'application ne sont pas pris.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Effectivement !

Je fais partie de la commission des affaires culturelles et je suis partisan d'une action la plus vigoureuse possible. Mon collègue Jack Ralite m'accompagne toutes les bonnes années aux rencontres cinématographiques de Beaune.

Au moment même où France Télévisions - mes chers collègues, je vous représente au conseil d'administration - décide d'accomplir un effort de production particulier, soit 50 millions d'euros de plus, la taxation sur le parrainage va lui coûter entre 5 à 6 millions d'euros. Cette société va donc réduire d'autant ses productions nouvelles. Autrement dit, à force de créer ces taxes, on se tire dans les pieds en permanence !

Je vais vous donner l'argument suprême, qui me vient du BLIC, du BLOC, de la SACD, de l'ARP et de l'USPA : cette disposition va dans le sens de l'accord qui est sur le point d'être signé entre le cinéma, les chaînes de télévision, les fournisseurs d'accès à Internet, etc., ce qui permet à la France d'avoir une création riche et diversifiée. Dans ce cas, pourquoi créer une taxe ?

Est-il nécessaire d'affaiblir l'audiovisuel français au moment même où il est fragilisé, où les recettes publicitaires ont baissé de façon drastique aussi bien à France Télévisions qu'à TF1 ?

Tel est le sens de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

La commission est d'accord avec l'Assemblée nationale. Elle a estimé raisonnable d'inclure le parrainage dans les recettes publicitaires des chaînes. Nous avons d'ailleurs reçu une abondante correspondance sur cette affaire.

La taxation en tant que telle n'était pas prévisible en 1986, dans la première loi, puisque le parrainage n'existait pas à cette époque. En outre, cette nouvelle taxation n'entrerait en vigueur qu'à partir du 1er janvier 2007 et concernerait donc les recettes de publicité ou de parrainage élargies au secteur de la grande distribution, ce qui est très intéressant pour le centre national du cinéma, le CNC.

Je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement. Je suis prêt à m'y rallier.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Je veille à tous les équilibres, notamment afin que les nouvelles technologies ne soient pas trop avantagées par rapport aux anciennes. L'harmonisation a pour objet de favoriser une saine émulation et d'éviter les distorsions de concurrence.

Vous avez évoqué la presse écrite, monsieur de Broissia. Nous veillons également à éviter un trop grand décalage entre l'audiovisuel et la presse écrite s'agissant des recettes publicitaires.

Par ailleurs, vous avez fait allusion à l'accord en cours de finalisation entre les professionnels du cinéma et de l'Internet, ainsi que les représentants des auteurs et des sociétés de télévisions. La question que vous posez ne figure pas dans cet accord.

Le Gouvernement est parfaitement conscient du moindre dynamisme du marché publicitaire, que nous espérons conjoncturel. Il souhaite cependant donner à la production audiovisuelle et cinématographique l'impulsion nécessaire à son maintien et à son développement. C'est notamment le rôle du compte de soutien à l'industrie cinématographique et audiovisuelle.

Pour ces deux raisons, le texte qui a été adopté à l'Assemblée nationale prévoit que l'extension au parrainage de la taxe sur les ressources publicitaires des chaînes ne porte, j'y insiste, que sur les recettes collectées en 2007, date de l'ouverture de la publicité à la distribution. Cela nous semblait important.

C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Louis de Broissia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Monsieur le ministre, nous sommes tous garants des grands équilibres : vous, à l'échelon national, nous, en raison des missions qui nous sont confiées soit par la Haute Assemblée, soit par un conseil d'administration comme celui de France Télévisions.

Si vous m'assurez qu'une taxe nouvelle va dynamiser un secteur de la production atone - je peux vous donner les chiffres, car j'ai participé à de nombreux déjeuners-débats sur cette question -, je retire mon amendement. Mais vous en prenez la responsabilité pleine et entière ! Je suis de la famille de saint Thomas : je veux voir et toucher !

Pour le moment, j'ai le sentiment que l'on prend des risques. Il est de ma responsabilité personnelle de déposer un amendement pour préciser qui, de vous ou de moi, assume ces risques. En ce qui me concerne, je ne veux pas les assumer !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis pire que saint Thomas : que décidez-vous, monsieur de Broissia ?

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Il y a saint Thomas, mais il y a aussi sainte Rita, patronne des causes désespérées.

Sourires

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Le soutien à la production cinématographique et audiovisuelle, qui nous réunit tous, suppose des recettes. À partir du moment où le dispositif ne s'applique qu'à partir de 2007, le point d'équilibre, tel qu'il est défini, ne fait pas courir les risques que vous évoquez.

C'est pourquoi je maintiens l'avis défavorable que j'ai émis sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Nous sommes, bien sûr, contre cet amendement.

En effet, la taxe qui alimente le compte de soutien étant assise sur toutes les recettes des services de télévision, sauf à vider le dispositif de son sens à terme, il me paraît naturel de le faire évoluer, en tout cas en fonction de la nature des recettes des chaînes.

Il s'agit non pas de se conformer à la lettre au vote de nos collègues de l'Assemblée nationale, mais de procéder à un alignement logique et de bon sens, qui constitue une réponse pertinente au décalage entre la législation et les pratiques des chaînes.

Cette extension présenterait également l'avantage de permettre d'abonder le compte de soutien, dont on connaît les tensions persistantes, dans un contexte où les recettes du Centre national de la cinématographie se dégradent.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je confirme que je ne voterai pas cet amendement ; j'espère que notre collègue Louis de Broissia ne m'en tiendra pas rigueur.

Aussi longtemps que nous engagerons des dépenses publiques, il sera prudent de prévoir leur financement.

Cependant, nous devons nous montrer cohérents. La publicité télévisée va s'ouvrir à la grande distribution. Compte tenu du pouvoir que cette dernière exerce dans notre pays, elle répercutera sur ses fournisseurs toutes les charges supplémentaires que nous lui imposerons...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

compris les taxes sur la diffusion de messages publicitaires.

Cela ne fera qu'accroître le risque de en dehors du territoire national, à l'instar de ce qui se passe pour la production cinématographique, qui opère hors de nos frontières parce que les prix y sont moins élevés qu'en France, où nous maintenons tout un corset de réglementations et de prélèvements.

Je voterai cet article 94, puisqu'il vise à apporter des ressources supplémentaires, mais je m'interroge de façon plus globale : on ne peut se battre à la fois pour la vie moins chère et pour le plein-emploi. Nous sommes comptables de toutes les décisions que nous prenons et nous devons rendre compte de leur cohérence.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 94 ter est adopté.

I. - Le cinquième alinéa de l'article 302 bis KE du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le taux de la taxe est porté à 10 % lorsque les opérations visées au présent article concernent des oeuvres ou documents audiovisuels à caractère pornographique ou de très grande violence mentionnés à l'article 235 ter MA. »

II. - Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier 2007.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° II-117 est présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste - UDF.

L'amendement n° II-130 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. Modifier comme suit le I de cet article :

1° Dans le texte proposé par ce paragraphe pour compléter le cinquième alinéa de l'article 302 bis KE du code général des impôts, remplacer les mots :

oeuvres ou documents audiovisuels à caractère pornographique ou de très grande violence

par les mots :

oeuvres et documents cinématographiques ou audiovisuels à caractère pornographique ou d'incitation à la violence

2° Compléter le même texte par une phrase ainsi rédigée :

Les conditions dans lesquelles les redevables procèdent à l'identification de ces oeuvres et documents sont fixées par décret.

II. Supprimer le II de cet article.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour défendre l'amendement n° II-117.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Le présent amendement a pour objet de préciser la nature exacte des oeuvres à caractère pornographique ou d'incitation à la violence entrant dans le champ d'application de la taxe sur la vidéo et sur la vidéo à la demande alimentant le compte de soutien à l'industrie cinématographique et audiovisuelle, le COSIP.

Je rappelle que l'objet de l'article 94 quater est d'instaurer une taxe à hauteur de 10 % sur la location et la vente de vidéos à caractère pornographique ou d'incitation à la violence et qui renforce ainsi les capacités d'action publique en faveur de la création en augmentant les ressources du COSIP.

La précision rédactionnelle que nous souhaitons apporter à l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, sur l'initiative de notre collègue Pierre-Christophe Baguet, devrait satisfaire le Gouvernement qui avait fait remarquer l'imprécision de la notion de très grande violence.

Notre amendement reprend l'expression « d'incitation à la violence » telle qu'elle est utilisée à l'article 235 MA du code général des impôts. Cet alignement sur la réglementation fiscale en vigueur permet d'inscrire la taxation des oeuvres pornographiques et de grande violence dans un contexte de sécurité juridique renforcé.

Il substitue donc à la notion d'oeuvres de très grande violence celle d'oeuvres d'incitation à la violence, qui font l'objet d'un classement « X », et renvoie à un décret le soin de préciser les conditions dans lesquelles les redevables, pour l'application de la taxe et sous leur responsabilité, devront distinguer les oeuvres pornographiques et d'incitation à la violence des autres oeuvres qu'ils mettent à la disposition du public.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° II-130.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Cet amendement vise à préciser la nature exacte des oeuvres à caractère pornographique ou d'incitation à la violence entrant dans le champ d'application de la taxe sur la vidéo et sur la vidéo à la demande alimentant le compte de soutien.

Compte tenu de l'impossibilité de donner une définition concrète du concept, l'amendement tend à substituer à la notion d'oeuvres de très grande violence, celle d'oeuvres d'incitation à la violence qui font l'objet d'un classement « X » et renvoie à un décret le soin de préciser les conditions dans lesquelles les redevables, pour l'application de la taxe et sous leur responsabilité, devront distinguer les oeuvres pornographiques et d'incitation à la violence des autres oeuvres qu'ils mettent à la disposition du public.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° II-21, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après les mots :

à caractère pornographique ou

rédiger ainsi la fin du texte proposé par le I de cet article pour compléter le cinquième alinéa de l'article 302 bis KE du code général des impôts :

d'incitation à la violence mentionnés à l'article 235 ter MA, et les oeuvres ou documents audiovisuels de très grande violence définis par décret.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques n° II-117 et II-130.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

L'amendement de la commission vise à définir par décret la notion d'oeuvres audiovisuelles de très grande violence, afin que la location de vidéos de ce type puisse être soumise au taux de taxation majoré prévu par nos collègues députés, soit 10 % au lieu de 2 %.

Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques n° II-117 et II-130, car elle considère que le sien est meilleur.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° II-21 qui tend à revenir au concept de très grande violence.

En effet, cette classification lui paraissant très difficile, le Gouvernement préfère la notion d'incitation à la violence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

En conséquence, l'amendement n° II-21 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 94 quater, modifié.

L'article 94 quater est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° II-118, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après l'article 94, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 302 KC du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les exploitants de services de télévision autres que de paiement à la séance figurant sur une liste établie par le Conseil supérieur de l'audiovisuel comme ayant diffusé au cours de l'année civile précédente plus de 208 programmes réservés aux adultes, la taxe est calculée en appliquant au montant des encaissements et versements annuels en euros (hors taxe sur la valeur ajoutée) un taux de 20 %. Cette taxe se substitue, pour ces services, aux obligations mentionnées au 3° de l'article 27 et au 6° de l'article 33 de la loi n° 86 1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Les services de télévision qui consacrent au moins 20 % de leur temps de diffusion à des oeuvres audiovisuelles et ceux qui diffusent au moins cinquante-deux oeuvres cinématographiques par an sont soumis à des obligations de production d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques.

La mise en pratique de cette réglementation pose un problème. En effet, son application à l'égard des services diffusant principalement des programmes réservés aux adultes implique de prendre en compte, au titre des obligations de production, les investissements de ces diffuseurs dans ce type de programme. Or l'instauration de ces obligations n'a jamais eu pour vocation d'encourager à des investissements dans la production d'oeuvres réservées aux adultes.

Pour remédier à cette incohérence, le présent amendement prévoit de substituer aux obligations de production une participation financière au COSIP, par le biais d'une adaptation de la taxe sur les services de télévision.

Le seuil de deux cent huit oeuvres par an est destiné à réserver ce nouveau mécanisme aux seules chaînes réellement spécialisées dans la diffusion de programmes pour adultes. Ce chiffre est celui qui a été retenu par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans sa recommandation du 17 décembre 2005 aux éditeurs et distributeurs de services diffusant des programmes de catégorie V.

De cette manière, un système vertueux sera mis en place. Il permettra de maintenir une contribution financière à la création de la part de services diffusant principalement des programmes pornographiques, sans porter atteinte à leur liberté éditoriale, et de recentrer les obligations de production sur leur philosophie originelle, c'est-à-dire le soutien à la fiction, au cinéma, à l'animation, aux documentaires et à la diffusion du spectacle vivant.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.

En effet, elle ignore si l'application d'une taxe de 20 % sur les encaissements et versements annuels en remplacement du dispositif existant présente un intérêt.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Si je comprends bien les motivations de cet amendement, son application concrète ne me paraît pas répondre à l'objectif fixé.

Premièrement, le gain résultant de cette mesure, laquelle ne s'applique par définition qu'aux chaînes établies en France, n'est pas chiffré.

Deuxièmement, au moment où j'espère faire valider incessamment par Bruxelles le système français de soutien au cinéma et à l'audiovisuel, il me paraît imprudent d'en modifier les mécanismes.

Telles sont les raisons pour lesquelles j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Nous avons achevé l'examen des crédits relatifs à la mission « Culture » et des crédits du compte d'affection spéciale : « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ».

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Le Sénat va examiner les crédits relatifs à la mission « Médias » et les crédits du compte de concours financiers : « Avances à l'audiovisuel public » (et articles 95 et 96).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Belot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons essayer d'aborder ce budget avec sérénité, sans affrontement entre commissions. Louis de Broissia et moi-même avons l'habitude de travailler en commun, puisque nous nous partageons les rôles depuis six ou sept ans, à fronts renversés : à lui les finances, parce que cela lui manque, et à moi la philosophie des médias.

Malheureusement, cette année, le système « LOLFien » ou « LOLFique » - je ne sais pas ce que dira l'Académie française dans cinquante ans ! -

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Belot

Tout d'abord, s'agissant de l'architecture budgétaire, une véritable simplification a été opérée, puisque les chapitres ont été regroupés dans le cadre de deux missions : une mission « Médias » rassemble, à l'intérieur du budget général, les programmes concernant l'ensemble des aides à la presse. Nous retrouvons la structure de l'ancien budget relatif à la presse ; il n'y a pas de bouleversements.

Globalement, les crédits s'élèvent à 345, 3 millions d'euros, y compris l'aide à l'AFP. Contrairement aux années antérieures, où tout ce monde était mécontent de n'être pas assez soutenu, cette année, je ne rencontre que des gens détendus et souriants. Pourtant, les chiffres n'ont pas changé, et je ne suis pas convaincu que la situation de la presse se soit beaucoup améliorée. J'y ai vu - je ne sais si c'est la bonne explication - le résultat de l'habileté ministérielle. Quoi qu'il en soit, le monde de la presse semble ravi de sa situation et des aides multiples apportées à son action, ce qui, je crois, est à porter au crédit du Gouvernement.

J'en viens à l'AFP, qui est en crise permanente et dont le directeur vient de partir.

Je fais partie de ceux qui, depuis longtemps, répètent chaque année qu'il faudra bien trouver un statut à l'AFP pour qu'elle devienne une entreprise comme les autres, avec un capital social, avec une obligation de gestion et d'équilibrage des comptes ; car le système actuel est tel que ce n'est pas le cas tous les ans. Avec la LOLF, on va aujourd'hui exiger d'elle qu'elle équilibre ses comptes dans deux ans, tout en sachant qu'elle n'y parviendra pas. Ainsi va la République ! Il est vrai que le sujet n'est pas facile.

L'AFP n'en reste pas moins une superbe entreprise qui honore la France dans l'ensemble du monde : elle est, pour les nouvelles générales, pour les documents d'images, la première agence de presse de la planète.

Pour ce qui est de la chaîne d'information internationale, la CFII, dont beaucoup se demandaient il y a encore peu si elle verrait jamais le jour, les 65 millions d'euros de crédits inscrits cette année représentent une avancée sérieuse. Monsieur le ministre, j'ai toujours défendu l'existence de cette chaîne : lors des grandes crises internationales, on constate à quel point il est important d'entendre aussi la voix de la France, qui est un peu différente de celle des États-Unis et de CNN.

Mais il faut pour cela mobiliser tous les moyens de l'audiovisuel public français, qui est déjà présent dans de nombreux pays étrangers ; en regroupant tous ces moyens, en trouvant toutes les synergies, il doit être possible de faire des économies d'échelle et de permettre que cette voix de la France existe. Or, d'après le montage que j'ai cru voir - mais nous ne savons que très peu de chose -, tel ne semble pas être le cas.

Il faudra également régler le problème des « tuyaux » qui permettront aux téléspectateurs du monde entier de la recevoir. Ce sera sans doute le plus difficile, car l'ensemble du spectre audiovisuel est très étroitement contrôlé par les États ou par les opérateurs, qu'il s'agisse du câble ou du satellite, qui demandent beaucoup d'argent aux utilisateurs.

Toujours est-il qu'il est important de prendre acte de cette naissance, désormais imminente. J'espère, monsieur le ministre, que vous nous donnerez les dernières nouvelles en la matière.

En dehors du budget général, nous avons également à nous prononcer sur le compte de concours financiers : « Avances à l'audiovisuel public ». Cosette avait appris à lire dans les journaux que laissaient traîner les voyageurs chez les Thénardier. À la page de 2005-2006, elle a pu déchiffrer quelques avis sur la télévision : la télévision publique est de bonne qualité, et Cosette l'adore parce qu'elle est différente des autres ; du moins est-ce ce qu'elle lit dans les dernières pages de cet ouvrage qui fait le tour du monde.

Les crédits de cette mission s'élèvent cette année à près de 3 milliards d'euros, soit une augmentation de 3 % : ils sont en accord avec les contrats d'objectifs et de moyens qui ont été signés avec la plupart des organismes audiovisuels. Certes, là aussi, on décèle une certaine insuffisance à l'égard de Arte : on ne peut pas, me semble-t-il, demander à cette chaîne de fournir des programmes pour la TNT et, dans le même temps, lui accorder des crédits moindres qu'aux autres. Ce n'est pas le vilain petit canard ! Il nous faudra suivre cette question de près.

Au-delà des chiffres, nous devons en passer par un moment de lucidité collective au sujet des médias, car le paysage audiovisuel français, et mondial, est en train de connaître un bouleversement complet. Je me souviens d'une réunion à la BBC, voilà cinq ans, au cours de laquelle nous avait été présenté ce que l'on savait faire avec Internet. Il était alors évident que cela ne pouvait pas marcher, que c'était de très mauvaise qualité. Aujourd'hui, les progrès technologiques sont tels que l'on peut maintenant, où que l'on soit, recevoir par Internet, via le téléphone, l'ensemble des télévisions du monde.

Il est évident, dans ces conditions, que la politique nationale est difficile à conduire, parce que l'on connaît les limites de l'exercice. Les problèmes que soulève cette nouvelle situation sont nombreux : contrôle par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, pertinence du « tuyau » TNT, et même du vecteur satellitaire pour la communication...

C'est, à n'en pas douter, la révolution majeure de l'année 2005. Nous savons que, dorénavant, pour les médias, va s'imposer le transport par Internet, dans le cadre d'abonnements globaux.

Il n'est que de constater les progrès du dégroupage : il est né dans les villes, mais il est désormais en passe de se diffuser partout ; les départements, les agglomérations, tout le monde est acteur de cette évolution. Il est bien évident que la télévision sera le produit d'appel, parce que le téléphone et Internet se sont banalisés et sont semblables chez tous les opérateurs. Aujourd'hui, déjà, un grand opérateur s'est attaché les services d'un opérateur très dynamique sur le marché français ; mais l'opérateur historique l'est aussi ! Si l'on considère le cash flow de toutes ces entreprises de télécommunications et que l'on cumule celui de toutes les entreprises de production audiovisuelle, on obtient un rapport de 1 à 50, toutes aides publiques comprises.

Il faut voir là une évolution majeure contre laquelle personne ne pourra rien. La seule chose qu'il nous soit possible de faire est d'être lucides et d'envisager avec réalisme les conséquences que ce mouvement aura sur l'audiovisuel public. En effet, à terme, le producteur de contenus dépendra totalement de la volonté du diffuseur, et le diffuseur sera d'ici très peu de temps celui qui détiendra le moyen d'atteindre sinon tous les foyers, du moins la majorité d'entre eux. Le CSA perdra ainsi une grande partie de son pouvoir de contrôle.

Cela pose également des problèmes juridiques sur l'essence même de la redevance audiovisuelle. Si je reçois Internet, le téléphone et la télévision en prime sur un écran d'ordinateur de grande qualité, plasma ou autre, et de grandes dimensions, la télévision reste-t-elle ce que l'on l'entendait par ce mot ? La réponse peut être sujette à discussion. Un travail de réflexion sera donc nécessaire.

Nous devrons nous préparer à cette révolution en toute conscience, en toute lucidité, et essayer d'adapter notre droit, car il est évident que cela n'ira pas sans poser d'autres problèmes, qui sont des problèmes de société, voire des problèmes philosophiques.

Monsieur le ministre, le projet de budget que vous nous présentez est un budget de continuité qui, aux yeux de la commission des finances, ne présente pas de problème particulier. Je vous interrogerai cependant sur la recette de la redevance, que vous avez évoquée tout à l'heure.

Les informations les plus contradictoires circulent sur ce sujet. Or, à ce jour, le ministère des finances doit bien être capable de savoir ce que représentent les rôles qu'il a émis. Il faut certes compter avec quelques déchets, parce qu'un tel aura oublié de cocher la bonne case, et on peut le comprendre. Mais les contrôleurs continueront d'exercer leur mission de contrôle, et l'on peut admettre que, finalement, toutes ces incertitudes s'annuleront. Il me paraîtrait donc tout à fait normal que le Parlement soit aujourd'hui informé de la situation, car la presse ne doit pas être notre seule source d'information en la matière.

Il serait de bon aloi, mais il serait surtout honnête qu'une taxe spéciale soit intégralement affectée à l'usage pour lequel elle a été créée et ne soit pas banalisée dans le budget général. C'est d'autant plus vrai que l'audiovisuel public va avoir besoin de gros moyens pour vivre cette révolution majeure de l'histoire du monde qu'est la révolution numérique dans toutes ses applications et toutes ses implications.

Pour en revenir au projet de budget proprement dit, la commission des finances a rejeté tous les amendements scélérats qui auraient pu diminuer les recettes ; à vrai dire, cela ne lui a pas demandé un travail très important, parce qu'ils n'étaient guère nombreux. Elle a également considéré qu'il fallait donner à l'audiovisuel public les moyens de fonctionner, et que ceux que vous proposiez, monsieur le ministre, satisfaisaient globalement à cette exigence.

La commission des finances vous invite donc, mes chers collègues, à adopter sans modification les crédits relatifs à la mission « Médias » et au compte de concours financiers : « Avance à l'audiovisuel public ». Elle propose également l'adoption de l'article 95 rattaché, qui a pour objet de répartir les crédits affectés à l'audiovisuel public.

En outre, monsieur le ministre, elle vous demandera de procéder dans le projet de loi de finances rectificative, en fonction des recettes supplémentaires qui sont apparues et dont vous connaissez d'ores et déjà le montant - mais sans doute allez-vous nous le communiquer -, à quelques rééquilibrages bien pensés, au profit notamment du bâtiment de Radio France, ou encore de Arte. Pour le reste, les contrats d'objectifs et de moyens sont une bonne procédure qu'il faut appliquer.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, comme je ne suis pas encore un parfait LOLFeur, je commencerai par regretter que les crédits alloués à l'audiovisuel et à la presse n'aient pas pu être regroupés au sein d'une même mission : ce choix de la multiplication des missions m'oblige en principe à présenter trois rapports là où je n'en présentais qu'un auparavant, et aboutit paradoxalement à diviser mon temps de parole par deux. C'est l'équation LOLFique !

Pourtant, au moment où la convergence est une réalité quotidienne, la compréhension des enjeux du secteur tant de la presse que de l'audiovisuel justifiait qu'un seul rapport soit établi. Mais je n'y reviendrai pas.

Dans le domaine de la presse, je soulignerai les efforts accomplis par la direction du développement des médias pour rationaliser le dispositif des aides directes à la presse. Au cours des deux dernières années, pas moins de sept de ces aides ont vu leurs modalités d'attribution modifiées, et dans le bon sens.

Le dispositif proposé est ainsi plus lisible. Je pense notamment à la budgétisation du fonds de modernisation, proposée par notre ancien collègue Paul Loridant, qui permettra que ce fonds ne participe plus au financement de l'aide à la distribution des quotidiens nationaux et se concentre, conformément à son objet initial - c'est donc l'esprit LOLFique -, sur le financement des projets de modernisation des entreprises de presse.

Le dispositif est également plus cohérent. En se recentrant sur les titres de la presse quotidienne d'information politique et générale et assimilés, il évite le saupoudrage que l'on pouvait reprocher aux aides précédentes.

C'est donc un dispositif efficace, conformément à la fameuse démarche de performance qui est envisagée, et à laquelle, avec mes collègues de la commission des affaires culturelles, je tiens moi aussi.

Les mesures que propose le Gouvernement permettent d'espérer l'instauration d'un dispositif d'intervention et de soutien adapté.

Je souhaite néanmoins insister, monsieur le ministre, sur la taxe hors-média, dont le rendement s'élève de 10 à 15 % du produit attendu.

J'émettrai deux critiques à l'égard du régime économique de la presse.

D'une part, trop d'aides restent divisées en deux sections. Dix ans après la signature des fameux accords Galmot, il me paraît envisageable de supprimer ces sections résiduelles, qui concernent de moins en moins de titres et se voient allouer des sommes de plus en plus faibles.

D'autre part, trop peu d'aides font l'objet de mécanismes d'évaluation systématiques. Dans l'esprit de la LOLF, il serait bon de développer de tels mécanismes. Quoi qu'il en soit, les crédits relatifs à la presse me semblent aller dans le bon sens, dans un contexte de crise sur lequel j'interviendrai tout à l'heure.

J'en viens aux crédits de l'audiovisuel.

Le projet de loi de finances pour 2006 présente deux particularités : non seulement il consacre la mise en place de la LOLF, mais il marque également l'entrée en application de la réforme de la redevance audiovisuelle.

Vous comprendrez, mes chers collègues - je suis têtu, sans doute parce que je suis Franc-Comtois - que les critiques que j'avais formulées à l'encontre de cette réforme restent d'actualité.

En multipliant les exonérations, en « pariant » sur une augmentation du taux de recouvrement et en refusant d'augmenter le taux de la redevance - je me suis battu deux années de suite, et comme la chèvre de M. Seguin je me suis rendu, certains jours, au petit matin

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

À cet égard, je vous poserai deux questions, monsieur le ministre.

Je souhaiterais d'abord connaître les premières estimations concernant le fruit de cette réforme. Alors que la taxe d'habitation va être encaissée, j'aimerais que vous nous fassiez part des résultats que vous avez aujourd'hui en votre possession et que vous dissipiez les craintes que j'ai exprimées.

Ensuite, je souhaiterais relayer un problème que les médias n'ont pas beaucoup mis en avant et qui concerne une grande partie de nos concitoyens. Nombre d'entre eux expriment le sentiment d'avoir payé deux fois la redevance au titre de l'année 2005 : une fois en 2004, dans le cadre de l'ancien système, et une fois en septembre 2005, dans le cadre du nouveau mode de prélèvement se caractérisant par la mention : « Montant de la redevance audiovisuelle due en 2005 : 116 euros. »

Monsieur le ministre, ma question est simple : s'agit-il d'un exemple de double imposition qui engendrerait un important contentieux ou bien s'agit-il d'une maladresse de l'administration fiscale qu'il faudrait dissiper ?

Si c'est effectivement une double imposition, elle est certainement inconstitutionnelle. Une erreur similaire avait d'ailleurs été commise par les services de Bercy lorsque la contribution annuelle représentative du droit de bail et la cotisation additionnelle ont remplacé, en application des dispositions de la loi de finances rectificative pour 1998, le droit de bail et la taxe additionnelle au droit de bail.

Quelle que soit la réponse, je regrette cette situation qui risque de ternir l'image d'une imposition indispensable au financement de notre audiovisuel public.

Monsieur le ministre, ces quelques observations, qui se veulent constructives, n'ont pas empêché, à ma demande, la commission des affaires culturelles d'exprimer un avis favorable sur l'adoption des crédits de la mission « Médias ».

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 25 minutes ;

Groupe socialiste, 25 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 15 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.

La parole est à M. Ivan Renar.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les médias occupent une place de plus en plus importante dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Ils sont aujourd'hui confrontés à des évolutions majeures dans un monde de plus en plus complexe où le flux incessant de l'information et des images n'en finit pas de s'accélérer. Les médias constituent indéniablement un enjeu déterminant pour le pluralisme et la démocratie.

C'est pourquoi j'ai le regret de ne pas retrouver cette ambition dans la traduction du budget que vous nous présentez, monsieur le ministre.

Plus que jamais, notre pays a besoin d'un service public audiovisuel fort et offensif, ce qui nécessite des moyens qui ne me paraissent pas être à la hauteur des exigences de qualité, de diversité et d'innovation inhérentes à un service public audacieux qui veut faire la différence. Surtout que l'augmentation attendue de 3, 9 % des « ressources propres », comme on appelle pudiquement la publicité, est supérieure à l'augmentation de la ressource publique qui n'est que de 1, 2 % à euros constants.

C'est pourtant en faisant la démonstration de sa spécificité et du respect des téléspectateurs par une offre de programmes de création originale que France Télévisions pourra reconquérir le public.

Alors que la télévision constitue un vecteur déterminant de la démocratisation culturelle, il est regrettable que le service public de la culture et les artistes ne puissent pas davantage s'appuyer sur le secteur public audiovisuel. Les émissions culturelles restent pour l'essentiel reléguées. La création artistique, toutes disciplines confondues, mérite un meilleur sort. Quant à la culture scientifique, elle reste marginale.

Dans un contexte de concurrence accrue, nous avons un devoir encore plus grand d'exigence de qualité vis-à-vis de l'audiovisuel public. Mais comment demander toujours plus et mieux à France Télévisions sans lui donner les moyens publics adaptés ?

En ce qui concerne la TNT, son succès est bien réel, mais sa vraie réussite ne sera totale que lorsque l'ensemble du territoire national sera couvert, n'excluant aucun foyer. Et il y a urgence, afin de ne pas faire perdurer une France à deux vitesses entre celle qui peut avoir accès à la TNT et celle qui l'attend, mais qui paie pourtant la même redevance.

Dans la même logique, je ne peux que me réjouir de l'extension des plages de diffusion de Arte et de France 5 avec le passage à la TNT. Mais cette avancée ne se traduit par aucun accompagnement budgétaire digne de ce nom. Cela ne peut donc que les fragiliser.

Cela étant - et pour modérer mes critiques - je souhaite rendre hommage à l'excellence d'un certain nombre d'émissions qui font référence et qui redonnent ainsi toutes ses lettres de noblesse au service public.

J'ai bien noté, monsieur le ministre, vos déclarations et votre enthousiasme concernant la diffusion des Rois Maudits. Je regrette que le tournage ait eu lieu en Roumanie et que le succès n'apporte pas un centime à France 2.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication

Le tournage a également eu lieu au château de Pierrefonds !

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Oui, mais en Roumanie aussi ! Ne voyez pas une agression dans mes propos, monsieur le ministre ! Je considère l'ensemble du problème.

Si l'on ne peut que se réjouir, grâce au crédit d'impôt et au concours des régions, de la relocalisation de tournages dans notre pays, on peut s'interroger également sur le fait que plus des deux tiers des productions de France Télévisions soient encore tournés à l'étranger.

En ce qui concerne la redevance, l'État devrait compenser intégralement - c'était le cas il y a deux ans - les exonérations et dégrèvements pour motifs sociaux des plus légitimes. Le manque à gagner est très important, d'autant que le nombre de bénéficiaires a augmenté sensiblement.

Par ailleurs, je pense que la réforme de la redevance aurait dû être l'occasion de faire oeuvre de pédagogie à l'égard de nos concitoyens et de rappeler en particulier que celle-ci n'est pas un impôt.

S'agissant de Radio France, elle se voit attribuer cette année la plus faible augmentation, avec 2, 72 %, alors même qu'elle doit supporter les travaux de rénovation de la Maison de la radio.

Dans le souci de renforcer les moyens indispensables au service public, je m'interroge sur l'opportunité de créer une redevance spécifique à la radio publique. Elle en vaut la chandelle ! Les sept stations de service public, avec chacune leur spécificité, constituent un véritable fleuron, indispensable au paysage radiophonique, qu'elles honorent par la qualité et l'ambition de leurs programmes. Elles favorisent indéniablement la diversité culturelle et artistique et soutiennent la création et l'innovation avec conviction.

Dans un autre ordre d'idée, on recense encore trop de journalistes précaires à Radio France et les accords en cours ne permettent que de résoudre partiellement cette situation, malgré la volonté affichée de conforter l'emploi.

Je souhaite également saluer au passage le dynamisme de nombre de radios associatives, trop souvent malmenées dans leur travail de proximité par le versement tardif des subventions.

Monsieur le ministre, j'évoquerai brièvement la diversité dans les médias. Je sais que ce thème vous est cher.

Si j'ai bien compris, votre approche est double : prendre le temps de construire des compétences par la formation, des stages, des conventions et, dans le même temps, agir vite pour que les médias soient un miroir plus fidèle de notre société. Je suis aussi sensible à cette préoccupation, mais je vous poserai deux questions.

Pouvez-vous préciser le chantier que vous engagez au nom du Gouvernement et pouvez-vous nous assurer de sa mise en oeuvre par le service public de l'audiovisuel ? Car je trouve que le chantier engagé est bien lent. Il a fallu attendre les événements en banlieue pour que l'on en reparle. La situation réelle de notre pays montre d'ailleurs qu'il faut amplifier les choses.

La diversité est une richesse ; elle ne doit plus être un handicap. Il ne s'agit pas de tomber dans la logique réductrice des quotas, mais nous comptons sur votre implication personnelle, à défaut de celle du Gouvernement et des entreprises publiques, pour renforcer des compétences qui existent déjà dans la vie, sur la base d'une plus grande diversité.

Monsieur le ministre, je voudrais vous exprimer maintenant nos préoccupations concernant l'AFP.

Après une crise importante ayant entraîné un plan d'économies draconiennes et la mise en vente controversée en crédit-bail de l'immeuble qu'elle occupe au coeur de Paris, le temps est venu, me semble t-il, de redonner un nouvel élan à cette grande agence mondiale, la seule à ne pas être anglo-saxonne.

Afin de ne pas rater le coche et de ne pas être à la remorque de ses concurrentes, l'AFP doit pouvoir investir pour rester à la pointe, ce qui suppose des moyens techniques et humains. Son président vient de démissionner dans un contexte de profond malaise. La crise morale se double d'une situation tendue sur le plan financier, avec un climat social très lourd du fait de la réduction de postes dans les catégories employés, ouvriers, personnels précaires, mais aussi de la crainte d'une externalisation à terme des services techniques et administratifs.

La nomination d'un nouveau président doit être l'occasion d'un véritable projet de relance et de développement. Il est impératif de renégocier le contrat d'objectifs et de moyens, qui ne doit plus être le carcan qui fait de la masse salariale une variable d'ajustement de l'équilibre budgétaire. Louis de Broissia parle de redressement progressif de l'agence ; raison de plus pour que l'AFP soit confortée dans son statut, comme dans ses missions de service public.

On ne soulignera jamais assez à quel point l'existence de l'AFP est d'une importance capitale dans le paysage médiatique mondial. Alors que la maîtrise des sources d'information est de plus en plus stratégique dans notre société, quelle chance pour notre pays de bénéficier de ce remarquable fleuron et quelle valeur ajoutée pour la crédibilité de la chaîne française internationale, alors que l'information certifiée, précise, rapide, fiable va devenir une valeur rare.

La place de l'AFP doit plus que jamais être valorisée comme outil de la pensée européenne, comme un élément de l'exception culturelle et l'une des bases de la francophonie.

Enfin, pour aborder une actualité brûlante, je ne peux que saluer l'effort engagé en faveur de la presse écrite, à mettre à votre crédit, monsieur le ministre. Cette action volontariste a été vitale pour nombre de titres.

Sans nier toute l'importance de ce soutien significatif qui a permis de limiter les dégâts, force est de constater que la presse écrite traverse une crise sans précédent, qui ne sera pas sans conséquence sur la vie démocratique et citoyenne de notre pays.

Nous avons certainement à nous emparer résolument de ces enjeux et à en faire une véritable priorité politique. Car les défis auxquels est confrontée la presse écrite, en particulier la presse d'opinion, sont bien l'affaire de toute la société et conditionnent son avenir. Les citoyens sont d'ailleurs particulièrement sensibles à cette question, comme l'a révélé le débat sur le projet de constitution européenne, où ils ont fortement critiqué l'unanimisme des médias, qui ne laissait pas de place à un vrai débat contradictoire.

Cela étant, France Soir est en train de mourir et, chaque fois qu'un journal disparaît, c'est une partie de démocratie qui meurt. Libération va mal et cherche une prescription qui ne soit pas une purge. La Socpresse revend les journaux qu'elle a achetés comme une vulgaire marchandise.

Bref, la presse écrite généraliste et d'opinion est sous perfusion permanente. Le mal est profond et réclame un traitement de choc. Les causes de cette mauvaise santé sont multiples et connues. L'une des plus ravageuses est sans aucun doute l'explosion des journaux gratuits, qui ne le sont d'ailleurs qu'en trompe-l'oeil puisqu'ils captent une part de plus en plus grande des recettes publicitaires, elles-mêmes payées par les consommateurs.

Dès lors, comment construire la presse de demain ?

Toutes les études montrent que les jeunes sensibilisés aujourd'hui formeront le lectorat de demain. Les mesures, positives, prises à cet égard me paraissent des plus timides, avec des crédits qui ne représentent que 2, 5 % des aides directes à la presse. La formation à la lecture de la presse, de l'école à l'université, n'est-elle pas la meilleure pédagogie à la citoyenneté ?

Il n'y a pas de mystère : la consolidation de la presse à faibles ressources publicitaires comme de la presse quotidienne régionale passe avant tout par la conquête de lecteurs. Il n'est pas sain pour la démocratie, les libertés et les droits de l'homme, de laisser se concentrer l'ensemble des médias dans les mains de quelques groupes industriels.

L'information est un bien commun, essentiel au plein exercice de la citoyenneté. Sa confiscation est particulièrement dangereuse pour le pluralisme dont l'État est le garant.

Cela dit, face à la profondeur de la crise de la presse d'information générale et politique, n'y a t-il pas urgence à lancer des états généraux de la presse ou une conférence nationale pour ouvrir un vaste débat public, afin de donner de nouvelles perspectives au renforcement pérenne du pluralisme ? N'est-il pas temps de réfléchir à l'élaboration d'une loi-cadre anti-concentration, mais aussi de veiller en amont à une meilleure répartition des recettes publicitaires, voire à une taxation supplémentaire de celles-ci, en vue d'alimenter une fondation en faveur du pluralisme de la presse ?

Si notre pays est menacé, ce n'est certainement pas en raison des textes des rappeurs ; c'est à cause de tous ceux qui veulent faire taire la part de vérité dont chacun est porteur.

Malgré certains points positifs, le budget proposé et la politique qu'il décline ne sont pas à la hauteur des enjeux de notre époque et de l'aspiration démocratique de notre peuple à diriger son destin. C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen ne pourra l'adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 2006 de la mission « Médias » nous est soumis une semaine après l'annonce du lancement effectif de la Chaîne française d'information internationale, CFII.

Après plus de trois ans d'attente, de rapports et de reports, faute d'accord entre les partenaires, ce projet voit enfin le jour. La semaine dernière, le Gouvernement a annoncé la signature du pacte d'actionnaires entre les groupes TF1 et France Télévisions. Cette annonce dissipe les inquiétudes des députés et des sénateurs membres de la commission des finances qui s'interrogeaient sur la pertinence de l'inscription des 65 millions d'euros pour la Chaîne française d'information internationale dans le projet de loi de finances initiale. Ils craignaient que le lancement de la Chaîne internationale ne puisse être concrétisé en 2006 et que les crédits ne soient inscrits pour rien. C'est un événement majeur pour l'audiovisuel français et je souhaite m'arrêter quelques instants sur cette bonne nouvelle.

L'objectif de la CFII est de faire que la France soit « au premier rang de la bataille mondiale des images ». Avoir une chaîne française internationale est, en effet, un enjeu pour notre pays. On le voit bien avec les conflits mondiaux où il s'agit de donner une lecture des événements selon une conception spécifique des rapports internationaux.

C'est aussi le moyen d'assurer la diffusion de la vision et de la culture françaises dans le monde, bien au-delà d'un public francophone.

C'est enfin un élément, parmi d'autres, de la présence de notre pays à l'étranger. Aujourd'hui, l'absence d'une chaîne française internationale est, dans un monde d'information globalisée, préjudiciable aux intérêts nationaux. Cependant, concernant la nouvelle chaîne française internationale, quatre questions restent en suspens.

La première question est celle de la composition de la chaîne. Nous regrettons le choix effectué d'une chaîne composée à parité par TF1 et France Télévisions. À défaut d'une chaîne entièrement publique, nous aurions préféré, comme le préconisaient le rapport de la mission parlementaire et le président du groupe France Télévisions, que France Télévisions soit au moins majoritaire dans le capital.

Les difficultés du montage de la CGII ayant retardé son lancement, nous nous réjouissons que France Télévisions ait le rôle moteur dans la nouvelle chaîne en confiant à Patrick de Carolis la présidence de son conseil de surveillance, chargée de nommer le président du directoire, l'organe de gestion de la chaîne.

Ce que nous regrettons dans le montage gouvernemental, c'est le statut hybride de la future chaîne d'information internationale : elle fera partie du service public audiovisuel sans que le Parlement ait eu son mot à dire sur son statut et ses missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Et faute d'une majorité publique au sein de son capital, elle ne pourra être considérée comme une entreprise publique.

La deuxième question concerne les partenariats. Le choix du Gouvernement d'un pacte d'actionnaires entre TF1 et le groupe France Télévisions pose la question des partenariats avec les structures existantes de notre audiovisuel extérieur. Les différents rapports - je pense en particulier à celui de la mission d'information de l'Assemblée nationale - ont insisté sur la complémentarité entre les structures audiovisuelles extérieures et le projet de la CFII.

S'appuyer sur l'expérience internationale incomparable et sur la compétence des rédactions anglophones et arabophones de RFI et de l'AFP, sur leur réseau de correspondants, ou encore sur l'expérience d'Euronews en matière de traduction et de plurilinguisme permettra, d'une part, d'assurer la qualité des informations produites et, d'autre part, de développer les synergies et de réduire les coûts d'exploitation.

Nous souhaitons savoir quelle forme pourra prendre cette collaboration entre la CFII et ces structures ? Les différents projets des conventions faisaient état de partenariats pluriannuels entre ces entités. Qu'en est-il ? L'une des conditions de réussite du projet est d'éviter l'empilement des structures et les dérives des coûts, déjà importantes dans l'audiovisuel extérieur, en favorisant les synergies.

La troisième question porte sur le budget qui est prévu. Les 95 millions d'euros - 30 millions d'euros ont été ouverts l'année dernière dans le collectif budgétaire, auxquels s'ajoutent les 65 millions d'euros prévus cette année - seront-ils suffisants pour rivaliser avec les autres chaînes internationales en termes de production d'images et d'informations ?

Le Gouvernement prévoit, à partir de 2007 et jusqu'en 2010, un budget annuel de 70 millions d'euros pour le fonctionnement de la CFII. Comme l'indique le rapporteur spécial, Claude Belot, les budgets de CNN International et BBC World s'élèvent respectivement à 650 millions et 480 millions d'euros. Le financement prévu est donc dix fois inférieur aux budgets des grandes chaînes internationales comparables.

Si les ressources de la CFII n'arrivent pas rapidement à un niveau bien supérieur, on peut douter de sa capacité à rivaliser avec CNN International ou BBC World. Faute d'un budget plus important - comme nous le montre l'exemple des chaînes internationales existantes - cette structure ne sera pas rentable et le « point de vue » français dans le monde sera particulièrement limité. Pourtant, affirmer notre présence sur la scène internationale grâce à l'information et aux images est l'un des éléments qui concourt au rayonnement de notre pays.

Enfin, quatrième question, il est surprenant, voire choquant, qu'une chaîne uniquement financée par des fonds publics ne soit pas accessible gratuitement à l'ensemble des Français en étant diffusée sur la télévision numérique terrestre.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Le choix retenu revient à faire payer deux fois les téléspectateurs : une fois par leurs impôts et l'autre par leurs abonnements au câble, au satellite ou à l'Internet à haut débit. Or l'une des conditions de réussite de cette nouvelle chaîne nous semble être de garantir sa diffusion sur le territoire national en préemptant un canal de la TNT.

Par ailleurs, monsieur le ministre, il faut que la CFII diffuse au plus vite à la fois en langues anglaise et arabe, puisqu'elle commencera, selon vos annonces, à être reçue avant la fin de l'année 2006 en Europe, en Afrique, au Proche-Orient et au Moyen-Orient. Une émission en espagnol lui assurerait également une diffusion plus large.

Un autre volet de mon intervention est consacré au service public de l'audiovisuel. Cette année voit l'entrée en vigueur de la réforme de la redevance votée l'an dernier. Nous nous félicitons de l'augmentation de 3, 1 % des ressources pour l'ensemble de l'audiovisuel public, même si nous regrettons que la progression soit principalement due à la hausse des ressources propres des chaînes plutôt qu'au produit de la redevance, fixée cette année encore à 116 euros.

Nous regrettons que l'amendement déposé sur l'initiative de notre collègue Louis de Broissia et visant à augmenter le taux de la redevance n'ait pas été adopté l'année dernière.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

En effet, comment faire des programmes de qualité à des heures d'écoute correctes tout en étant soumis à des objectifs de rentabilité et de course à l'audience ? Tendre vers une télévision d'excellence qui sache à la fois divertir, éduquer, informer, tout en affrontant la concurrence des chaînes commerciales, nécessite des moyens et une indépendance au regard des ressources commerciales.

Cela signifiait aussi faire oeuvre de pédagogie auprès de nos concitoyens en expliquant l'utilisation du produit de la redevance. On ne peut à la fois refuser l'augmentation du taux de redevance, qui aurait permis d'augmenter les ressources des chaînes publiques, et reprocher à ces mêmes chaînes de faire des programmes similaires aux chaînes privées.

Le sous-financement chronique du service public de l'audiovisuel français comparé aux chaînes publiques européennes, le meilleur exemple étant la BBC, n'est pas sans conséquences sur la production, plus faible, et sur la qualité des programmes des chaînes françaises.

De même, il n'est pas normal de demander au service public de supporter le coût des exonérations pour motifs sociaux décidées par le Gouvernement en plafonnant ce remboursement à 440 millions d'euros, alors que le remboursement intégral par l'Etat est un principe de la loi du 1er août 2000. En outre, ce montant de 440 millions d'euros est, selon toute vraisemblance, sous-estimé, comme le montre le rapport de Louis de Broissia, puisque le Gouvernement a allongé la liste des exonérations en l'adossant à celles de la taxe d'habitation. Ces mesures vont à l'encontre d'une politique volontariste en faveur d'un service public de qualité.

Pourtant, les succès d'audience de France 5, avec 6, 7 % d'audience jusqu'à dix-neuf heures, réalisée essentiellement à partir de programmes de découvertes et de documentaires, et de Arte France, prouvent, contrairement à une idée reçue, qu'il est possible de produire des programmes de qualité à la télévision et de trouver un public nombreux et intéressé.

Ces chaînes, comme France 4, la chaîne des spectacles, centrée sur les arts, la culture, le spectacle et les sports, diffusée sur la TNT, montrent que l'on peut faire des programmes culturels. Mais cela nécessite aussi une éducation des téléspectateurs.

Dans cette perspective; nous attendons beaucoup des grandes orientations présentées par Patrick de Carolis lors de son audition devant la commission des affaires culturelles du Sénat. Celles-ci semblent aller dans le sens de la qualité. Ce virage éditorial et stratégique, fondé sur le mariage de la qualité et de l'audience, se traduira, nous l'espérons, pour les chaînes du groupe, par la mise en oeuvre de programmes innovants, de rendez-vous culturels avant minuit et de programmes d'information de qualité, donnant aux téléspectateurs les clés pour comprendre l'actualité.

Telles sont, monsieur le ministre, les quelques observations que je souhaitais formuler et les questions que je voulais vous poser. Le groupe UC-UDF votera les crédits pour 2006 de la mission « Médias » et de la mission « Avances à l'audiovisuel public » des comptes de concours financiers, en souhaitant que l'audiovisuel public puisse poursuivre ses missions d'information et de divertissement de qualité en trouvant des ressources stables face à une concurrence de plus en plus vive en termes d'audimat avec les chaînes privées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la hausse prévisible et significative du budget de l'audiovisuel public pour 2006 est fondée sur l'augmentation des ressources propres des organismes, et non sur les ressources publiques, qui augmentent de 2, 2 %. La hausse des ressources publiques est donc très relative rapportée à l'inflation.

On demande beaucoup au service public, mais on ne lui donne encore que trop peu de moyens. C'est pourquoi nous ne pouvons que regretter que la réforme de la redevance ne réponde pas mieux aux besoins de l'audiovisuel public.

Oui, l'adossement de la redevance à la taxe d'habitation pour les particuliers et l'inversion de la charge de la preuve ont constitué des mesures efficaces permettant un meilleur recouvrement de l'impôt. De même, la modification des critères d'exonération et leur alignement progressif sur ceux qui valent pour la taxe d'habitation sont des mesures de justice sociale.

Toutefois, ces éléments positifs n'empêchent pas que certaines occasions aient été manquées.

En effet, après trois exercices consécutifs à des taux inchangés et une baisse en 2005 de tarifs arrondis à l'euro inférieur, le taux de la redevance stagne cette année encore. Une telle décision est dommageable, car le taux de la redevance constitue bien le principal levier permettant d'augmenter les ressources publiques de l'audiovisuel et, ainsi, de dégager des marges de manoeuvre en faveur du secteur de la création et de la production audiovisuelle. Je ne reviens pas sur nos regrets quant à l'exonération des résidences secondaires.

Enfin, le renouvellement du plafonnement du remboursement des exonérations de redevance, qui constitue un nouveau manque à gagner, nous paraît très critiquable.

La progression des crédits est donc trop modeste non seulement pour faire face aux exigences constantes du service public, mais également, et surtout, pour répondre aux défis majeurs qui se présentent à nous en cette année 2006 ; je vais en évoquer quelques-uns.

En ce qui concerne la poursuite du déploiement de la télévision numérique terrestre, dont le succès est aujourd'hui salué par tous, plusieurs problèmes d'ordre technologique demeurent, notamment celui des zones non couvertes et des zones frontalières. Sans doute pourrez-vous nous apporter des précisions sur ce point, monsieur le ministre ?

L'année 2006 sera aussi celle de la négociation et de la conclusion des nouveaux contrats d'objectifs et de moyens entre l'Etat et les organismes de l'audiovisuel. C'est l'occasion de dresser un bilan des premiers contrats qui ont été signés.

Les engagements souscrits au titre du contrat d'objectifs et de moyens signés en 2002 ont été honorés par les chaînes ; je pense au très bon travail qui a été réalisé par France Télévisions.

Pour autant, il est regrettable de devoir constater que ces chaînes n'ont pu compter que sur des crédits alloués bien en dessous des engagements pris par l'État. Le cas de Arte France est à cet égard emblématique : cette chaîne se voit dotée, pour 2006, d'un budget global de 207, 55 millions d'euros, soit, par rapport à 2005, une hausse de 1, 7 %, ce qui est inférieur à l'inflation. À l'évidence, cette augmentation est insuffisante au regard du contrat signé en mars 2002, prévoyant une hausse de 4 %pour les années 2004 et 2005.

La parole est l'État n'a donc pu être respectée. Ce n'est pas le moindre des paradoxes de rencontrer dans l'audiovisuel des services publics performants, qui ont su se moderniser, et qui ne reçoivent pas en retour un soutien à la hauteur de leurs efforts.

Monsieur le ministre, la politique audiovisuelle que doit conduire l'Etat n'est pas seulement une affaire de moyens : elle exige un engagement clair, cohérent et durable. C'est pourquoi nous souhaiterions l'organisation au Parlement d'un débat pluriannuel portant sur les moyens, les missions et les objectifs de programmation de l'audiovisuel public.

J'en viens maintenant à la Chaîne française d'information internationale. Oui, la réalisation d'une grande chaîne française d'information capable de rivaliser avec la BBC ou CNN, visant à encourager la projection de l'Europe dans le monde est une exigence incontestable. Le récent traitement par les chaînes étrangères des événements dans nos banlieues et le regret de n'avoir pu apporter un éclairage plus informé au travers d'un média français au rayonnement international est présent à nos esprits.

Pour autant, la nature hybride de cette chaîne, constituée en société anonyme à parité entre un groupe public et un groupe privé, mais à laquelle, selon vos déclarations, monsieur le ministre, « l'État allouera [...] les moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions de service public », pose plus de questions qu'elle n'en résout.

Il faut être clair, s'agissant d'une chaîne financée par la redevance, donc par le contribuable. La direction de cette chaîne doit, et peut, être de service public, comme l'a d'ailleurs proposé le P-DG de France Télévisions, M. Patrick de Carolis. Elle doit, et peut, bénéficier d'un budget à la hauteur de ses ambitions, d'une ligne éditoriale totalement indépendante, d'une diffusion sur le territoire français et sur le réseau hertzien gratuit, j'y insiste également. C'est à ces seules conditions qu'elle sera une vraie chaîne crédible et indépendante et que nous pourrons voter les crédits à engager.

Permettez-moi enfin de dire quelques mots sur la réforme de la bande FM qui doit définir ce que sera le paysage radio des vingt ans à venir. La moitié des autorisations des radios privées, soit 1 500 fréquences, vont arriver à expiration entre 2006 et 2008. L'article 138 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle autorise le CSA, jusqu'au 31 décembre 2006, et pas au-delà, à proroger les autorisations de fréquence pour une durée qui ne peut excéder deux ans. L'échéance arrive à grand pas, dans un contexte de concentration toujours plus grande des médias.

Les radios indépendantes qui, ces vingt-cinq dernières années, ont enrichi le paysage culturel par leur liberté de ton et de programmation, s'inquiètent d'obtenir des moyens équitables pour continuer à exister aux côtés des grands groupes. Les alternatives à ces grands groupes ne sauraient être exclusivement publiques, comme Radio France, ou sans moyens réels, comme les radios associatives qui existent encore. Je pense notamment à la situation incertaine, à l'heure où nous parlons, du groupe Nova-Actuel, qui regroupe Nova, TSF, Radio Jazz. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer de quelle manière l'État entend défendre et soutenir cette diversité culturelle ?

Compte tenu des réserves que je viens d'évoquer, et notamment de l'écart entre les crédits et les besoins constatés, même si certains aspects, je l'ai dit, sont positifs, et malgré votre engagement, votre dynamisme et les qualités que vous déployez dans vos fonctions, monsieur le ministre, nous ne pouvons soutenir votre budget.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Dommage !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Duvernois

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, appelée LOLF, animée par la volonté de prolonger le consensus politique qui a permis la réforme de 2001, répond dans sa première application, en 2006, à de fortes attentes vis-à-vis d'une action gouvernementale perçue désormais comme moteur de la modernisation de la gestion publique.

Force est néanmoins de constater que le budget de l'audiovisuel extérieur pour 2006 se caractérise par une contradiction majeure, eu égard à cette nouvelle orientation, dont on pouvait penser qu'elle permettrait de rationaliser la présentation des crédits destinés au financement de notre rayonnement international.

Les crédits de l'audiovisuel extérieur sont éclatés au sein de trois missions différentes placées sous trois tutelles administratives distinctes. Ne revenons pas, en outre, sur l'erreur consistant à rattacher à la mission « Médias », qui relève du Premier ministre, la future Chaîne d'information internationale, créée à l'usure, au forceps et à la suite d'atermoiements multiples. Le rattachement administratif du nouvel opérateur jette un doute sur la nécessaire indépendance de la future chaîne.

On peut ainsi se demander comment pourra être définie une stratégie d'ensemble pour l'audiovisuel public extérieur lorsque chacune des tutelles tentera de faire prévaloir ses intérêts. Cela ne pourra se faire, finalement, qu'au détriment d'un vecteur d'influence et d'importance pour notre pays, déjà devancé et concurrencé par d'autres puissances au niveau international.

La France, à l'heure de la mondialisation des réseaux de communication et des nouvelles technologies, doit consacrer des moyens, en conformité avec l'esprit de la LOLF qui tend à redonner un sens à l'action publique, en synergie avec tous les acteurs et dans la perspective de résultats tangibles.

Nous ne sommes pas, hélas ! dans cette ligne de pensée. Plus largement, nous constatons pour la seconde année consécutive, un décrochage significatif entre l'évolution des ressources publiques accordées à l'audiovisuel extérieur et celles qui sont attribuées à l'audiovisuel national.

N'ayant pas eu l'opportunité d'intervenir lors de la discussion du budget de l'action extérieure, en raison du trop grand nombre d'orateurs inscrits, je voudrais évoquer, à travers le budget des médias et, plus spécialement, de la CII, les problèmes que rencontrent TV5 et RFI, leurs positionnements étant, à mon sens, indissociables.

En effet, alors que les dotations de TV5 et de RFI diminuent de 0, 4 %, celles de l'audiovisuel national progressent de 2, 9 %. Il est donc à craindre que l'existence d'un tel décalage entraîne des conséquences sur l'efficacité de notre dispositif audiovisuel extérieur. Les coûts du secteur étant tirés à la hausse, cette évolution négative ne pourra être éternellement compensée par des gains de productivité et des redéploiements.

TV5, la seule télévision internationale d'expression française opérationnelle, devrait en faire l'expérience dès 2006. Le nouveau plan stratégique de TV5 pour la période 2006-2009, adopté avec le soutien de la France, le 19 septembre 2005 à Bruxelles, et destiné à consolider la distribution, la diffusion et la programmation de la chaîne, ne pourra bénéficier des 14 millions d'euros nécessaires à sa mise en oeuvre.

Le développement du sous-titrage, insuffisant en termes de nombre de langues étrangères - neuf actuellement - et de volume - 12 % de la programmation en moyenne - est en outre une condition impérative de la croissance, voire du maintien du réseau de distribution construit depuis vingt ans, faut-il le rappeler, par TV5. Cette action représentera un coût de 1, 9 million d'euros en 2006, que TV5 ne peut autofinancer.

Tout comme elle est impuissante, en sa qualité de seule chaîne mondiale d'expression française, attachée à son profil de service public, à développer une gamme coordonnée d'outils de formation au français, disponible sur son site « tv5.org », d'un coût total de 300 000 €, distancée là aussi par la BBC e-learning.

Par ailleurs, la CII, lancée à la fin de l'année 2005 pour une mise en ondes fin 2006, dotée d'un budget initial de 65 millions d'euros, se constituera en marge de TV5 qui a construit en plusieurs années le deuxième réseau mondial de distribution télévisuelle devant CNN International et BBC World, sans que notre pays, une fois de plus, mesure pleinement la situation d'influence qu'il détient déjà.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Duvernois

Comment empêcher, monsieur le ministre, que la CII, dont on ne conteste pas la mission spécifique, ne casse cette dynamique audiovisuelle, dans le cadre d'un budget de l'État très contraignant, au sein d'un paysage audiovisuel français multiforme et incapable de se rassembler sur des objectifs d'intérêt national.

Cette situation peut conduire à des effets d'éviction progressifs pour TV5. En voici un exemple : lorsque des opérateurs commerciaux de réseaux câblés ou de bouquets satellitaires étrangers se trouveront face à deux chaînes d'expression française, CII et TV5, comment faire pour qu'ils n'en retiennent pas qu'une seule, en excluant l'autre, et que la France ne finance pas ainsi sa propre concurrence ?

Pour que l'apport d'une nouvelle chaîne soit un plus à la présence audiovisuelle française dans le monde, la logique aurait été de commencer par protéger les acquis de TV5. Or rien n'a été fait en ce sens ni ne le garantit dans l'état actuel et concurrentiel de ce secteur d'activité.

Enfin, avec une dotation totale de plus de 132 millions d'euros en 2006, la progression des ressources publiques de RFI est la plus faible de tous les organismes de l'audiovisuel public.

Les comparaisons sont spectaculaires : + 29, 9 % pour RFO ; + 24, 7 % pour France télévisions ; + 21, 6 % pour Arte ; + 18, 9% pour Radio France ; + 14, 8 % pour l'INA ; et seulement + 11, 9 % pour RFI. La radio mondiale est bien la lanterne rouge budgétaire, alors que son audience avoisine les 40 millions d'auditeurs quotidiens.

Avons-nous réellement une ambition pour RFI, qui a pu néanmoins trouver, au cours de ces cinq dernières années, des marges de manoeuvre en économisant sur ses frais de diffusion en ondes courtes ? C'est dans ce contexte réducteur que RFI doit maintenant affronter une phase de réorganisation inévitable, dont l'adaptation déjà entreprise de sa diffusion en langues étrangères n'est qu'un aspect du problème d'ensemble.

La contrainte budgétaire extrême qui a pesé sur RFI ces dernières années ne peut tenir lieu de politique. Elle oblige le Gouvernement à un choix clair, dicté par la nécessité de mieux prendre en compte le rôle de cette radio mondiale dans l'élaboration d'une politique audiovisuelle extérieure raisonnée et ambitieuse.

En conclusion, monsieur le ministre, je vous poserai trois questions.

L'État est-il capable de jouer efficacement son rôle d'actionnaire des opérateurs de l'audiovisuel public extérieur ? A-t-il des projets concertés ? Comment entend-il les harmoniser et les financer ? La LOLF devrait précisément l'y aider, alors qu'elle contribue au contraire, dans sa première application, à disperser artificiellement les dotations au sein de missions et de programmes distincts, contrariant ainsi une vision globale de notre action audiovisuelle.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 22 avril 2005 prenait fin l'un des plus longs conflits sociaux de l'histoire de la radio publique, qui a perturbé les différentes antennes du groupe Radio France pendant dix-neuf jours.

Contrairement à ce que certains laissent entendre, cette grève des personnels techniques et administratifs de Radio France ne fut pas en soi l'expression de la défense d'intérêts catégoriels et d'avantages acquis.

Comme dans bon nombre d'entreprises publiques aujourd'hui, cette grève était surtout le reflet d'un malaise profond et persistant parmi les salariés. Ce malaise, chers collègues, est entretenu non pas par je ne sais quelle paranoïa des organisations syndicales à l'égard du Gouvernement, mais par la difficulté permanente pour tous les personnels, les usagers et les observateurs à trouver une orientation cohérente et de long terme à l'action de l'État actionnaire.

L'audiovisuel public illustre notamment ce phénomène. Il ne s'agit pas de revenir sur la raison de fond du malaise diffus qui hante les rédactions des chaînes publiques de radio et de télévision depuis presque vingt ans, parce que, depuis 1987 et la privatisation de TF1, le système audiovisuel est devenu un « système de la marchandise », écrasant le service public.

Tenons-nous en donc à quelques faits récents : la loi du 1er août 2000, dite loi « Trautmann-Tasca », a réformé profondément la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, en créant notamment les outils utiles à une meilleure gouvernance des sociétés publiques de radio et de télévision.

Or les trois premiers contrats d'objectifs et de moyens liant des sociétés de l'audiovisuel public à l'État arrivant à échéance, une nouvelle génération de contrats concernant l'ensemble des opérateurs doit être signée en 2006. Ces documents doivent comporter des engagements chiffrés des opérateurs sur les objectifs relevant de leurs missions de service public.

Pourtant, comme le soulignait à l'Assemblée nationale, à l'occasion du débat sur la mission « Médias », le rapporteur spécial M. Patrice Martin-Lalande, si « la deuxième génération de contrats d'objectifs et de moyens permettra d'améliorer en 2006 le pilotage de l'ensemble de l'audiovisuel public [...] le Parlement devrait aussi, si le Gouvernement le veut bien, être consulté pour avis préalablement à la signature définitive des contrats d'objectifs et de moyens. »

Dans la même perspective, mes chers collègues, vous vous associerez sans aucun doute à mon étonnement de constater que RFI, dont la mission est présentée comme « stratégique » par le Gouvernement pour le rayonnement de la France dans le monde, n'est toujours pas signataire d'un contrat d'objectifs et de moyens.

Toujours sur le même registre, comment la direction d'un groupe de la taille de France Télévisions peut-elle se satisfaire de ne pas avoir encore conclu les négociations du contrat d'objectifs et de moyens qui doit prendre le relais de celui qui arrive à échéance le 20 décembre prochain ?

Dans ces conditions, il est difficile de ne pas partager le scepticisme des personnels des opérateurs sur la crédibilité de l'État actionnaire, d'autant que lesdites entreprises du secteur public de l'audiovisuel, donc de l'information, restent des points de chute avantageux pour un certain nombre de proches du pouvoir en place.

On partage d'autant plus leur scepticisme qu'au mépris des avis consensuels de tous les observateurs éclairés de l'audiovisuel public - de droite comme de gauche - ce Gouvernement persiste à offrir à TF1 la moitié du capital et des leviers de commande d'une chaîne d'information internationale en Français, que le regroupement des moyens publics existants aurait permis de créer au mieux des intérêts du service public et de la gestion publique.

Permettez-moi de faire une parenthèse, monsieur le ministre. L'année dernière, j'ai exprimé mon doute sur le projet retenu, qui n'était pas celui de France Télévisions avec l'ensemble des opérateurs publics, y compris l'AFP. Je trouvais que les deux cultures, celle de TF1 et celle du service public, étaient pour le moins antagoniques, surtout si l'on se réfère à ce qu'avait déclaré à l'époque M. Le Lay : à la base, la mission de TF1 est de vendre à Coca-Cola du temps de cerveau humain disponible. Ce n'était pas franchement la vision que l'on avait de la diffusion de la culture française dans le monde !

Je ne veux pas faire de mauvais pronostics sur la chaîne d'information internationale, mais je crains que les moyens qui lui sont accordés ne lui permettent pas de devenir une chaîne incontournable. De l'avis de tous ceux qui évaluent les moyens qui lui seraient nécessaires pour percer sur le plan international, il faudrait plus d'investissement de la part de l'État. Mais ce serait peut-être de l'argent jeté par les fenêtres si cette chaîne « capotait » !

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Oh ! Encore cet esprit négatif français !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

De plus, elle sera en concurrence avec une autre chaîne qui marche bien aujourd'hui : TV5.

J'espère que, dans les années à venir, nous reviendrons sur ce sujet, car cette chaîne est un très beau projet, un projet nécessaire à la France. Je ne crois pas que TF1 puisse être le vecteur de cette chaîne d'information internationale, qui devra être la voix de la France sur le plan tant de l'information que de la culture. Si tel était le cas, ce ne serait pas dans l'intérêt du service public.

Avant de conclure, je tiens à revenir sur la situation de Radio France.

Nous le savons tous, la société doit mener à bien un gigantesque chantier de réhabilitation et de mise en sécurité de la Maison de la Radio, dont le coût est estimé à 277 millions d'euros pour la période 2004-2012.

En parallèle, la numérisation des antennes doit être menée jusqu'à son terme, comme la modernisation de la gestion, notamment des ressources humaines, pour éviter que de nouveaux conflits sociaux ne viennent perturber les programmes de la radio publique et sa fragile économie.

Or la progression de la dotation budgétaire de Radio France pour 2006 liée au produit de la redevance est de l'ordre d'un peu plus de 10 millions d'euros, qui suffiront à peine à couvrir l'évolution des charges de personnel et la poursuite de la rénovation des programmes. Le Gouvernement doit donc prendre des engagements très clairs devant les assemblées dans le cadre de ce débat budgétaire, afin que figurent dans le futur contrat d'objectifs et de moyens de Radio France des financements identifiés pour les investissements immobiliers de l'opérateur, venant en plus des budgets annuels des antennes.

Enfin, pour clore cette liste des carences de I'État actionnaire des opérateurs de l'audiovisuel public, je déplorerai, avec d'autres, que les coûts que représente pour Arte et France 5 la diffusion de leurs programmes sur la TNT ne soient pas du tout compensés. Comment affirmer vouloir renforcer le service public si les nouvelles missions dévolues aux opérateurs ne sont pas financées ? Ce phénomène récurrent ne peut que contribuer à affaiblir la télévision publique !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Au nom de l'Union pour un mouvement populaire, j'aborderai quatre points sur lesquels je poserai des questions à M. le ministre, que je remercie de son écoute.

Le premier point concerne le lancement de la télévision numérique terrestre. Le principal problème, qui ne vous a pas échappé, est celui de la hausse disproportionnée des charges facturées par les réseaux câblés au titre du « service antenne ».

L'enquête menée par UFC-Que choisir montre que l'addition peut se révéler « salée » : certaines copropriétés subissent en effet une augmentation des charges de 600 %. Or l'ambition qui était la nôtre en votant les lois du 1er août 2000 et du 9 juillet 2004 était pourtant de faire bénéficier les Français d'un service gratuit. Il s'agit d'un enjeu vital pour l'aménagement du territoire. Par conséquent, j'aimerais que vous puissiez nous donner quelques explications, monsieur le ministre.

Le deuxième point, qui intéresse, je crois, l'ensemble de la Haute Assemblée, concerne l'arrêt de la diffusion analogique, sujet important auquel, vous le savez, je suis fortement attaché, car il s'agit d'un enjeu capital pour l'industrie de l'audiovisuel et son contenu.

Je rappelle que le Sénat a voté l'arrêt de la diffusion analogique cinq ans après le démarrage de la TNT. Des pays tels que l'Italie, l'Allemagne, la Finlande et la Grande-Bretagne, mais aussi les États-Unis et la Chine, ont d'ores et déjà fixé une date de passage de l'analogique au numérique. Monsieur le ministre, ne vous paraît-il pas urgent d'inscrire cette question de l'arrêt de la diffusion analogique à l'ordre du jour de l'agenda gouvernemental et parlementaire ?

Le troisième point concerne la presse. Nous le savons, la presse française traverse une très mauvaise passe, voire une crise ; on ne sait plus quel mot employer ! Les crédits consacrés à l'aide directe à la presse sont des crédits de bonne nature et correctement redéployés. Nous assistons malgré tout à la dégradation de la presse payante et à la montée inexorable de la presse gratuite.

Ma question est donc très simple, monsieur le ministre : pensez-vous que nous devrions, en France, nous acheminer vers le « tout gratuit », qu'il s'agisse du contenu ou de la création ? C'est un système qui, dans l'esprit de nos jeunes concitoyens, est d'autant plus naturel que ces derniers naviguent sur Internet pour consulter le journal, regarder la télévision et télécharger, au passage, un morceau de musique ou un film !

La baisse inexorable de la presse payante est préoccupante. Vous aurez l'occasion de revenir sur ce sujet dans votre réponse aux orateurs.

Enfin, le quatrième et dernier point concerne un sujet d'actualité d'importance, puisque le CSA doit, selon moi, jouer un rôle de régulateur en notre nom, nous qui sommes le régulateur suprême.

Samedi dernier, le CSA a fait l'objet d'une réduction de crédits de 2 millions d'euros, lors du débat relatif à la mission « Direction de l'action du Gouvernement. » En contrepartie, le champ de compétences de l'autorité de régulation a été réduit au profit de l'Agence nationale des fréquences.

Cette démarche paraît logique et équilibrée. Toutefois, si j'ai bien compris le rapporteur et le président de la commission des finances, l'amendement tendant à confier la mission de protection à l'Agence nationale des fréquences n'avait rien à faire en loi de finances. Il risque par conséquent d'être qualifié de « cavalier budgétaire ». Cette qualification est élégante, mais très mal vue par un parlementaire !

Monsieur le ministre, la situation est embarrassante : le CSA risque ainsi de se voir supprimer des crédits correspondant à une mission qui serait confiée à un autre, mais que l'autre ne pourrait pas exercer.

Dans ces conditions, comment le CSA pourra-t-il, au cours de l'année 2006, assumer des missions que le Premier ministre et le Président de la République ont qualifiées d'importantes, à savoir la couverture équilibrée du territoire national en télévision numérique terrestre, en radio numérique, et le redéploiement du spectre des fréquences ?

À la suite de vos réponses à ces questions, réponses que j'espère bien évidemment positives et encourageantes pour l'ensemble du paysage audiovisuel français et de la presse française, je ne doute pas du soutien que vous apportera le groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, parler des crédits de la communication est évidemment quelque chose de très important, puisque, selon l'expression même de quelqu'un que j'ai récemment décoré, M. Alain Rey, dans son Dictionnaire culturel en langue française - référence qui sera chère à votre Haute Assemblée, qui a adopté à l'unanimité la proposition de loi présentée par M. Marini et complétant la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française -, ...

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

... la communication est d'abord une mise en commun des échanges, des idées, des oeuvres, des cultures entre les hommes.

Je vais donc évoquer les différentes formes de communication, en commençant par l'audiovisuel public.

L'audiovisuel public, tout en renforçant son identité, doit s'adapter aux mutations provoquées par les nouveaux supports, notamment numériques.

Le démarrage de la télévision numérique terrestre a été conduit avec succès. Moi qui suis proche de tous les dysfonctionnements, je pense que l'on peut toujours améliorer les choses. Mais quand des rendez-vous sont tenus, il faut arrêter la spirale de la désespérance permanente ! Voilà quelques années, voire quelques mois, personne ne pensait que le rendez-vous de la télévision numérique terrestre serait tenu. Pourtant, c'est fait : elle est entrée en vigueur et c'est très important.

En effet, ne l'oublions pas, il y a environ un an, 70 % de nos concitoyens ne recevaient que six chaînes. A peine six mois après son lancement, la TNT permet désormais à un Français sur deux de recevoir dix-huit chaînes gratuites ; la dernière a été lancée lundi dernier.

Les ventes des adaptateurs numériques se poursuivent à un rythme rapide. Plus d'un million d'adaptateurs ont déjà été vendus ou loués. Cela signifie que la TNT est reçue dans un million de foyers. C'est un progrès formidable, auquel le service public participe pleinement. À l'époque, nous avions d'ailleurs donné des moyens complémentaires à l'audiovisuel public pour faire face à cette nouvelle responsabilité.

Je souhaite que les étapes suivantes du déploiement de la TNT soient menées au plus tôt et que la télévision haute définition et la télévision mobile bénéficient d'un cadre qui permette leur développement. J'y travaille activement et c'est la raison pour laquelle j'assume - j'y reviendrai tout à l'heure - le fait qu'on ne puisse pas d'emblée dire que la chaîne d'information internationale sera diffusée par la TNT, car nous avons le problème de la haute définition, celui des portables et celui des télévisions locales. Il faut donc être en mesure de faire des choix.

L'arrivée des chaînes payantes donnera une assise supplémentaire à la TNT et contribuera à son succès. L'enjeu est considérable et ne vous a pas échappé : la richesse et la diversité des programmes des chaînes de la TNT modifient en profondeur l'offre et la manière de regarder la télévision pour un très large public.

C'est pourquoi la priorité est maintenant de généraliser l'accès à la télévision numérique gratuite pour tous. Le Gouvernement vient de créer le fonds d'accompagnement du numérique, qui sera doté, dès l'année 2006, de 15 millions d'euros, afin d'équiper les consommateurs en adaptateurs dans les zones où l'extinction de la diffusion analogique sera nécessaire pour lancer la TNT.

Je reviendrai sur la question qui m'a été posée concernant la date de passage à la télévision numérique lorsque j'aborderai les questions de la télévision haute définition et de la télévision sur les mobiles. Mais rappelez-vous le débat que nous avons eu : l'objectif n'est pas tant de calculer le nombre d'années pour y parvenir ; il est surtout de faire en sorte que chaque citoyen français, quel que soit l'endroit où il se situe, puisse recevoir la TNT. Cela est très important !

Parallèlement, la mise à disposition des chaînes en clair de la TNT doit être recherchée à travers l'ensemble des moyens de diffusion : satellite, câble et ADSL. Il serait notamment de l'intérêt des téléspectateurs raccordés à une antenne collective de disposer d'offres leur permettant d'avoir accès à ces chaînes pour un coût total proche de celui de l'acquisition d'un adaptateur TNT. Je pense en particulier aux habitats collectifs, pour lesquels les câblo-opérateurs assurent la distribution des chaînes. Il leur revient aujourd'hui d'apporter à tous ces foyers ces programmes auxquels chacun doit avoir accès dans de bonnes conditions.

Chantier prioritaire de l'audiovisuel public, les contrats d'objectifs et de moyens ont, dans le domaine des médias, mis en oeuvre la LOLF avant la LOLF. Le bilan des contrats souscrits est largement positif. Le secteur des médias a été précurseur, que ce soit pour l'AFP, France Télévisions ou Arte France et, bien sûr, l'Institut national de l'audiovisuel, et je m'en félicite.

En 2006, la réforme de la redevance audiovisuelle entrera pleinement et définitivement en vigueur. J'ai entendu les réserves qui ont été exprimées, notamment par votre rapporteur pour avis, à cet égard. Mais constatez avec moi que la nouvelle organisation du recouvrement permet une collecte plus performante d'une taxe plus juste et plus simple.

Je le dis avec beaucoup de calme et d'assurance : il doit être clair dans l'esprit de chacun que l'on ne peut pas être imposé deux fois pour la même chose. C'est un principe fondamental de fiscalité.

Cela dit, il est possible, à titre exceptionnel, en raison de la mise en oeuvre du nouveau mode de recouvrement, que certains redevables aient payé la redevance pour 2004 en janvier 2005 et celle pour 2005 en fin d'année 2005, en même temps que la taxe d'habitation. Certains dysfonctionnements sont effectivement constatés. De même, un certain nombre de contribuables remarquent qu'ils sont assujettis plusieurs fois au paiement de la redevance audiovisuelle. Des ajustements doivent donc être effectués, mais le principe est clair : on ne paie la redevance qu'une fois par an !

Une telle réforme est, bien évidemment, très importante. Je me soucie, comme vous tous, du sort des éventuels excédents, au-delà des 20 millions d'euros déjà budgétés pour les chaînes. Si ces ressources supplémentaires existent, elles doivent nécessairement être affectées aux secteurs qui ne sauraient être financés de manière forfaitaire.

Au moment de la négociation des contrats d'objectif et de moyens avec l'audiovisuel public, de tels excédents représenteraient, bien évidemment, un signal à la fois très négatif et très dommageable. Des discussions sont en cours sur ce sujet, afin de trouver la solution appropriée. Je ne doute pas que nous y parvenions.

Le budget du service public de l'audiovisuel qui vous est soumis augmentera de 109 millions d'euros en 2006, ce qui représente une hausse de 3, 1 %.

Les contrats seront en totale cohérence avec la logique de la LOLF, que nous avons tous à coeur de mettre en oeuvre, dans un souci partagé de transparence et d'efficacité.

Je tiens à ce que le budget que je vous demande d'adopter permette de renforcer la qualité et la diversité des programmes et de financer l'indispensable modernisation des sociétés de l'audiovisuel public.

L'adaptation des programmes aux personnes sourdes et malentendantes constitue également un objectif prioritaire du Gouvernement. France Télévisions et Arte France ont engagé un plan progressif de sous-titrage, qui concernera 50 % des programmes dès 2006.

J'ai souvent eu l'occasion de souligner l'identité et le rôle particuliers des antennes du service public de l'audiovisuel. Ils devront être approfondis et mieux déclinés.

À cet égard, le Président de la République a annoncé, le 22 novembre dernier, un ensemble de mesures destinées à améliorer la représentation à l'antenne de la diversité des origines et des cultures de la société française. Je veillerai donc à ce que les programmes du service public contribuent de manière exemplaire à promouvoir les valeurs d'intégration et de solidarité qui sont celles de la République.

Monsieur Renar, voilà de nombreuses semaines, bien avant le déclenchement de la crise des banlieues, j'ai réuni un certain nombre de personnalités françaises, afin d'évoquer de tels sujets, qui constituent pour nous une priorité.

À cette fin, un projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est actuellement à l'étude, afin d'inscrire des mesures relatives à la lutte contre les discriminations et en faveur de la cohésion sociale dans les objectifs, les missions et les obligations du CSA. Ce texte vous sera soumis très prochainement. Les cahiers des charges des chaînes publiques seront modifiés pour mettre en place des obligations précises en la matière.

À ce moment de mon propos, je voudrais rassurer Louis de Broissia : les moyens nécessaires au fonctionnement du CSA lui seront octroyés. Un amendement, qui a été adopté samedi dernier par votre Haute Assemblée, tend à lui accorder un peu plus de 4 millions d'euros supplémentaires.

En effet, comme vous le savez, la mission de protection des signaux, compétence exclusive du CSA, est désormais partagée avec l'Agence nationale des fréquences, l'ANFR. Cela permet au CSA de mettre fin à un contrat de près de 6 millions d'euros avec TDF. Le Gouvernement a repris 2 millions d'euros, afin de doter le fonds d'aménagement des fréquences, et 4 millions d'euros restent donc au CSA. Cela correspond, me semble-t-il, à votre souhait, monsieur le sénateur, et je suis heureux de le souligner.

L'objectif de diversité est évidemment essentiel. Telle est la raison pour laquelle France Ô, programme édité par RFO et diffusé en métropole sur le câble et le satellite, sera diffusée sur la TNT. L'État préemptera un canal à cette fin, selon des modalités à déterminer.

L'ensemble des mesures que je viens d'évoquer contribueront, dans les meilleurs délais, à ce que le paysage audiovisuel français - et singulièrement le service public - reflète mieux la diversité de la société française et joue pleinement son rôle dans la création du lien social et républicain.

France Télévisions consacrera la majeure partie de ses moyens supplémentaires, soit 53 millions d'euros, résultant de l'augmentation de 3 % de la dotation publique du groupe et des économies réalisées, à l'amélioration de l'offre de programmes.

Les priorités pour 2006 sont, notamment, le renforcement de l'attractivité de France 4 et de France 5, l'affirmation pour RFO de son identité de diffuseur public de proximité, la participation au développement des nouveaux modes de consommation audiovisuels, en particulier la haute définition et la télévision mobile, et, enfin, un engagement accru dans la création et la production audiovisuelle et cinématographique.

Arte France, dont la dotation publique augmente de 3, 1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2005, s'attachera à consolider sa grille de programmes. Elle maintiendra son effort en faveur de la création d'oeuvres audiovisuelles innovantes, dans le contexte de l'élargissement de sa diffusion permis par la TNT.

Radio France renforcera sa capacité d'innovation et se rapprochera de tous les auditeurs, avec les succès que nous connaissons. Cela passe non seulement par le plan de mise en sécurité de la Maison de la Radio, mais aussi par la restructuration en profondeur de ce bâtiment magnifique, qui doit s'adapter et permettre à tous les personnels, journalistes et techniciens de Radio France de travailler dans les meilleures conditions.

Radio France Internationale devra consolider sa place de média de référence, dans l'attente de la signature du premier contrat d'objectifs et de moyens entre RFI et l'État. Ce projet de budget lui permet de poursuivre la numérisation de sa production, engagée depuis 2003.

La sauvegarde et la mise en valeur de notre patrimoine audiovisuel par l'INA constituent un chantier d'ampleur que j'ai souhaité inscrire dans le long terme. Il y va de la mémoire audiovisuelle et de sa mise à disposition de l'ensemble de nos concitoyens.

L'accélération du « plan de sauvegarde et de numérisation », qui permettra de numériser, à l'horizon 2015, l'intégralité des fonds audiovisuels en fonction de leur état de dégradation, est l'une des priorités du présent projet de budget, ce qui justifie une dotation en progression de 4, 1 %, avec une hausse de 3 millions d'euros. Le contrat d'objectifs et de moyens de l'INA a été signé.

Comme vous le relevez dans votre rapport, monsieur le rapporteur pour avis, la presse est en crise, au sens étymologique de ce terme, c'est-à-dire qu'elle est à un tournant décisif. Vous avez évoqué un certain nombre de défis, comme la gratuité, la diffusion de la presse via internet ou les concurrences sur les modes d'information de nos concitoyens.

La presse doit se régénérer, afin d'assurer son avenir et de faire face à l'émergence de nouvelles habitudes de consommation, à l'essor toujours accéléré des nouvelles technologies, au développement d'une culture de la gratuité et à l'ensemble des évolutions structurelles qui bousculent les repères anciens.

Le projet de budget que je vous présente pour 2006 consolide à la hausse l'effort sans précédent consenti en 2005.

Quand on franchit une marche, afin d'augmenter le soutien de l'État, le problème est de savoir s'il s'agit d'une décision conjoncturelle ou si, dans les années qui suivent, l'effort est poursuivi. En l'occurrence, nous oeuvrons dans la même direction, ce qui signifie que nous avons une stratégie très offensive, puisque les crédits que vous votez et que l'État met à la disposition de la presse permettent d'encourager les modernisations, les évolutions, les innovations et les expérimentations sous toutes leurs formes.

Cette constance dans le soutien à la presse écrite marque la cohérence de l'action du Gouvernement, ainsi que notre volonté de préparer efficacement l'avenir.

À cet égard, je me réjouis, monsieur le rapporteur pour avis, que vous ayez salué les efforts que nous avons accomplis pour rationaliser le dispositif des aides directes à la presse. Comme vous le soulignez très justement, ce dispositif est désormais, grâce aux différentes réformes entreprises, plus lisible et cohérent. Avec un coeur de cible clairement identifié, la presse quotidienne d'information politique et générale est plus efficace, car elle privilégie les aides aux projets.

Au total, le projet de budget que je vous propose d'adopter traduit les quatre priorités de notre politique en faveur de la presse, à savoir contribuer à la diffusion la plus large de la presse écrite, soutenir la modernisation du secteur, respecter les engagements de l'État, avec le souci de la plus grande efficacité et, enfin, favoriser le développement à long terme du lectorat, en menant une action spécifique en direction des jeunes lecteurs. Vous en avez souligné à juste titre l'importance, monsieur le rapporteur pour avis, et je tiens à vous en remercier.

L'objectif est clair : contribuer à la diffusion la plus large de la presse écrite française. Car la diversité de la presse a pour enjeux la vitalité et la largeur du spectre de notre démocratie politique.

Plus de 60 millions d'euros seront mobilisés en 2006 pour accompagner la modernisation du secteur, afin de soutenir les initiatives dites « structurantes » ou « innovantes ».

L'effort en faveur de la modernisation du réseau des diffuseurs sera renforcé, afin de prendre en compte notamment les besoins liés à l'informatisation des points de vente. Les crédits correspondants seront portés à 4 millions d'euros, soit une progression de près de 15 % par rapport à 2005.

Je crois à l'offre de proximité, qui crée une demande. Ce qui est vrai pour le disque et le livre l'est également pour la presse. Par ailleurs, une telle offre présente un intérêt politique, car elle crée un lien entre nos concitoyens.

Les crédits du fonds d'aide à la modernisation de la presse, destiné aux projets de modernisation des entreprises, augmentent, dans ce projet de budget, de près de 20 %, comme vous le soulignez, monsieur le rapporteur spécial. À cet égard, je me félicite, comme vous, que la question des reports ait été résolue.

La budgétisation du compte d'affectation spéciale, que vous aviez souhaitée, améliore sa lisibilité.

Enfin, de nouvelles mesures - et c'est essentiel - sont destinées à améliorer l'autonomie financière et la capacité d'investir des entreprises de presse, afin de remédier au défaut de fonds propres qui les caractérise.

La création d'un fonds de garantie dédié aux entreprises de presse au sein de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles, l'IFCIC, facilitera leur accès aux prêts bancaires nécessaires au financement de leurs investissements. Il fonctionnera dès le 1er janvier 2006.

La dotation prévue pour les abonnements de l'État à l'Agence France-Presse est conforme à la norme de progression fixée dans le contrat d'objectifs et de moyens conclu avec l'Agence.

Comme vous l'avez fait remarquer, monsieur le rapporteur spécial, l'AFP est une grande entreprise, qui a aujourd'hui un rayonnement mondial. On ne peut que s'en féliciter ! J'avais déjà eu l'occasion de le constater, il y a quelques mois, lors des élections américaines. J'avais en effet observé avec plaisir de très nombreux organes de presse écrite du monde entier reprendre les tableaux, les dépêches et les éléments d'information transmis par l'AFP.

La chaîne d'information internationale, via le partenariat qu'elle créera avec l'AFP, renforcera encore le rayonnement de cette grande entreprise.

S'agissant de l'aide au transport postal de la presse d'information politique et générale, l'État tient les engagements pris dans le cadre de l'accord signé le 22 juillet 2004 avec la presse et La Poste.

L'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale, créée en 2002, est maintenue.

L'engagement traditionnel de l'État en faveur du pluralisme est poursuivi et renforcé. Ainsi, l'aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires, qui est au coeur de notre action, verra sa dotation progresser de 7, 5 %.

Enfin, je vous l'ai dit, l'effort spécifique en direction des jeunes lecteurs, amorcé en 2005, sera prolongé et amplifié en 2006. Une première série de projets innovants a été mise en route cette année. Nous avons retenu la méthode expérimentale. Les crédits sont disponibles et les projets doivent être élaborés par des professionnels, afin de pouvoir être ensuite généralisés.

Je terminerai en évoquant, avec beaucoup d'énergie et une véritable passion, passion que j'aimerais vous transmettre, la chaîne d'information internationale.

La semaine dernière a été une grande semaine pour la liberté d'expression et d'information dans notre pays : lundi, la dix-huitième chaîne gratuite ouvrait son antenne et allait être disponible, pour l'ensemble de nos concitoyens, grâce à la TNT ; mercredi, le lendemain de l'accord signé par le Premier ministre avec les présidents respectifs de France Télévision et de TF1, nous étions en mesure d'annoncer que la nécessité stratégique qu'est la chaîne d'information internationale verrait le jour.

À l'évidence, il s'agit d'un défi, qui suppose que chacun s'y emploie avec beaucoup d'énergie et de détermination. Mais il faut arrêter de considérer, chaque fois qu'un nouveau projet est lancé, qu'il ne sera pas mené à son terme.

La chaîne d'information internationale est un projet cher au Président de la République, ...

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

...qui le porte depuis plusieurs années. C'est en effet le chef de l'État qui a eu l'idée de la chaîne internationale et c'est bien grâce à son énergie et à sa détermination que cette dernière voit le jour aujourd'hui.

Ai-je besoin d'ajouter que le Premier ministre lui-même, Dominique de Villepin, fort des fonctions qu'il a exercées au ministère des affaires étrangères et mû par l'énergie qu'on lui connaît, a, lui aussi, donné une impulsion décisive à ce projet ?

Bref, au cours des dernières semaines, le Président de la République, le Premier ministre, le Gouvernement et votre serviteur n'ont pas ménagé leur peine pour faire aboutir ce projet.

Je voudrais remercier tous ceux, à commencer par les parlementaires, qui ont travaillé à la conception de ce projet - cela ne fut pas simple -, nous ont encouragés et parfois interpellés. Mais tel est le rôle du Parlement vis-à-vis du Gouvernement.

Il y a eu le temps, nécessaire, des options et des débats. Comme je l'ai souligné dans la communication que j'ai présentée en conseil des ministres mercredi dernier, est maintenant venu le temps de l'action.

Il fallait, pour des raisons stratégiques, que cette chaîne soit lancée sans tarder. Ses objectifs sont ambitieux, son organisation est réaliste, son financement est assuré - si vous adoptez ce projet de budget - et son rôle sera complémentaire de celui que jouent les autres acteurs de l'audiovisuel extérieur.

Le rôle de TV 5 et, en son sein, d'un certain nombre de pays - pas uniquement la France - est important en termes de diffusion de la francophonie dans le monde. La vocation de la chaîne d'information internationale sera différente. Son but sera de pénétrer, en langues étrangères, un certain nombre de pays. Des priorités ont été définies. Nous avons pris la décision de commencer par les langues française, anglaise et arabe. Viendra ensuite le temps de l'espagnol. Au fil des succès, peut-être pourrons-nous ensuite étendre les zones de diffusion et accroître le nombre de langues d'expression de cette chaîne, qui constitue une grande ambition nationale.

J'en viens maintenant aux objectifs fixés à cette chaîne, à son organisation et aux moyens qui lui seront affectés, ainsi qu'au calendrier de sa mise en service.

L'objectif de la chaîne sera de délivrer une information pluraliste sur l'actualité mondiale, en portant une attention particulière aux événements européens et multilatéraux. La chaîne devra faire preuve d'une grande réactivité dans le traitement de l'actualité et couvrir immédiatement les événements internationaux majeurs.

Par ailleurs, la chaîne présentera des magazines sur la culture et le patrimoine touristique français. Elle organisera également des débats de société. Enfin, elle s'attachera à mettre en valeur nos réussites technologiques, scientifiques et économiques. Cette chaîne devra être très rapidement diffusée en anglais, en arabe, puis en espagnol, ce qui la différenciera de TV 5.

Cette chaîne étant financée par l'argent public, il est légitime qu'elle soit diffusée en France, conformément au voeu formulé par beaucoup de parlementaires, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat.

Sa diffusion sera assurée par satellite en mode numérique, par le câble et, j'insiste sur ce point, sur Internet, grâce au haut débit. Internet permettra très vite d'assurer une plus large diffusion de la chaîne. En revanche, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, il n'a pas encore été décidé si elle serait diffusée par la TNT. Un arbitrage devra être rendu. En effet, la TNT n'est pas indéfiniment extensible. Des choix devront être faits entre les chaînes de télévision locale, la télévision haute définition, la réception sur les mobiles et la chaîne française d'information internationale.

Les zones de diffusion seront vastes. La chaîne française d'information internationale a ainsi pour vocation première de diffuser ses programmes à destination de l'ensemble des pays du monde.

Dans un premier temps, des négociations seront entamées pour que cette chaîne puisse proposer, sur le câble et sur le satellite, ses programmes à l'Europe, à l'Afrique, au Proche-Orient et au Moyen-Orient.

Pour répondre à l'une des questions prémonitoires de M. le rapporteur pour avis, l'organisation qui a été retenue pour cette chaîne s'inspire des propositions faites en 2003 par Bernard Brochand dans le rapport qu'il a remis au Premier ministre de l'époque, Jean-Pierre Raffarin. Cette organisation s'appuiera sur les talents et le professionnalisme des deux plus grands groupes audiovisuels français, regroupés dans une société commune, détenue à 50 % par chacun des deux opérateurs, régie par un pacte d'actionnaires et dotée de statuts en garantissant le bon fonctionnement.

Le projet que j'ai présenté en conseil des ministres prévoit la constitution d'une rédaction autonome, dotée de correspondants dans les principales villes du monde, permettant à la chaîne de disposer de sa propre capacité de production d'informations et d'images.

Bien évidemment, les partenariats, notamment avec l'Agence France-Presse et Radio France Internationale, ne sont pas exclus. N'imaginez pas un seul instant que cette rédaction sera la juxtaposition de journalistes travaillant déjà dans des rédactions existantes. Non, c'est une nouvelle équipe qui sera constituée ; elle sera chargée, par son talent et son travail, d'incarner la crédibilité de la nouvelle chaîne française d'information internationale.

L'État allouera à cette chaîne les moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions de service public. Dès cette année, une subvention de 15 millions d'euros, prise sur les crédits du Premier ministre, lui sera versée, dont 13 millions d'euros pour financer, dès maintenant, ses investissements de lancement. Les besoins de la CFII en 2005 n'excédant pas ce montant, 15 millions d'euros, sur les 30 millions d'euros qui étaient prévus dans la dotation initiale, sont annulés.

Le projet de budget pour 2006 que je vous soumets concourt à hauteur de 65 millions d'euros au fonctionnement et à l'équipement de la chaîne. S'agissant d'un projet nouveau, en phase de lancement, ce budget est réaliste.

À compter de 2007, et jusqu'en 2010, l'État s'engagera à hauteur de 70 millions d'euros par an. À titre de comparaison, aujourd'hui, le projet de la BBC en langue arabe est financé à hauteur de 29 millions d'euros. Bien sûr, cette chaîne prend appui sur BBC World. Mais, tout de même, le budget que nous affectons à la chaîne française d'information internationale n'est pas faible par rapport aux objectifs qui lui sont fixés.

Pour conclure, j'en viens maintenant au calendrier de la mise en service de la CFII. L'ensemble des problèmes juridiques sont résolus ; la société sera bientôt immatriculée, son budget est prêt. La phase de travail peut donc commencer. Avant Noël, l'assemblée générale des actionnaires désignera le conseil de surveillance, qui procédera à la nomination du directoire.

Au cours du premier semestre de 2006, une grille de programmes sera élaborée, les équipes seront constituées, l'habillage de la chaîne sera créé, toutes les conventions de diffusion et tous les contrats d'association avec l'ensemble des autres partenaires seront négociés. Enfin, une stratégie de marketing et de distribution commerciale sera définie.

Je vous fixe donc deux rendez-vous : d'abord, au plus tard à la fin du mois de juin 2006, pour vous présenter l'état d'avancement de ce dossier, ensuite, dans le courant du second semestre 2006, pour le lancement opérationnel de cette nouvelle chaîne, qui rassemblera les énergies et les talents, et concourra au rayonnement de la France dans le monde.

Notre combat, c'est celui du respect de la diversité culturelle, celui de la diversité d'expression des idées, c'est aussi le combat pour la défense de nos valeurs dans le monde.

Au-delà de la nomenclature budgétaire, la création de la chaîne française d'information internationale est l'une des plus belles missions du ministère de la culture et de la communication. C'est, mesdames, messieurs les sénateurs, la meilleure raison d'adopter le projet de budget que je soumets aujourd'hui à votre approbation.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Médias » figurant à l'état B.

Autorisations d'engagement :343 646 122euros ;

Crédits de paiement :343 646 122euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° II-127, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga et M. Yung, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

Presse

Chaîne française d'information internationale

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Établie à l'étranger depuis trente-six ans, je suis depuis très longtemps, et avec beaucoup d'attention, le dispositif audiovisuel extérieur de la France.

J'ai donc déposé cet amendement afin d'élever une protestation énergique contre les conditions dans lesquelles le Gouvernement crée la chaîne française d'information internationale.

En effet, la méthode du pouvoir exécutif porte atteinte aux prérogatives du Parlement, comme cela a également été dit sur les travées de l'UMP. Cette chaîne sera le premier opérateur audiovisuel de service public créé sans aucun débat parlementaire, sans aucun support législatif.

J'ai par ailleurs un autre motif de protestation : la CFII est en retard d'une guerre ! L'heure est à Internet.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Mais elle sera diffusée sur Internet !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

La CFII, c'est beaucoup trop d'argent ou bien trop peu !

C'est trop d'argent, car cette chaîne représentera un danger pour tout l'audiovisuel extérieur français. En lui allouant 65 millions d'euros, en plus des 30 millions d'euros de 2005, soit un total de 95 millions d'euros, on finance le virtuel aux dépens du réel. Le budget de TV 5 Monde est en baisse cette année, et celui de RFI stagne. Leurs plans d'orientation stratégique ne pourront pas être mis en oeuvre, comme l'ont rappelé mes collègues de l'UMP. TV 5 Monde devra réduire sa diffusion.

Oui, vraiment, 95 millions d'euros, c'est beaucoup trop par rapport à l'audiovisuel extérieur français existant.

C'est trop peu, en revanche, pour créer une véritable chaîne d'information internationale. En 1991, Al-Jazira a démarré avec un budget d'investissement de 200 millions de dollars et son budget annuel de fonctionnement est de 120 millions de dollars. Si le budget annuel de BBC World n'est que de 60 millions d'euros, cette chaîne est adossée au consortium BBC World, dont le chiffre d'affaires tourne autour de 1, 5 milliard d'euros.

Au total, je crains que la CFII ne diffuse que des images américaines, commentées en français. En effet, l'essentiel est d'être capable de diffuser des images originales : où la CFII les prendra-t-elle ? Pas à l'AFP, celle-ci ne produit pas d'images.

Cette chaîne est donc un objet télévisuel non identifié. Elle sera dirigée à hue et à dia par deux chaînes concurrentes, France Télévisions et TF 1. Son capital, public, sera entièrement géré par une société privée. Cette chaîne n'est donc rien d'autre qu'un cadeau politicien à TF 1.

M. le ministre proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Elle n'augmentera pas l'audience internationale de la France, mais elle mettra en danger TV 5 Monde et RFI.

Pour le principe, donc, je demande la suppression de ces 65 millions d'euros de crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Belot

J'ai entendu, pendant plusieurs années, des avis de principe favorables à la création de la chaîne française d'information internationale, et ce sur toutes les travées de la Haute Assemblée. Cette chaîne est aujourd'hui sur le point de démarrer. M. le ministre l'a dit, le processus a été assez laborieux. Il a fallu trouver un équilibre entre toutes les forces, privées et publiques, de la France dans le vaste monde.

La commission est donc, bien évidemment, favorable au maintien de ces crédits et défavorable à l'amendement.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Entre nous, il faut parfois se dire la vérité en face : je suis extraordinairement choqué par vos propos, madame la sénatrice.

Qui peut aujourd'hui ignorer la nécessité dans laquelle se trouve notre pays de diffuser, dans un certain nombre de régions du monde et dans des langues étrangères, la vision libre de journalistes indépendants ? Il ne s'agit pas de répandre la « voix de la France » partout dans le monde comme je ne sais quelle bonne parole qui lui serait dictée par le ministre de l'information que je serais redevenu, non, il s'agit tout simplement de contrecarrer la désinformation de toutes sortes dont elle est parfois victime.

Si vous aviez vu, madame la sénatrice, les images qu'un certain nombre de chaînes internationales ont données de notre pays récemment, ...

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

... vous vous diriez que nous avons grandement raison de mener à bien ce projet.

Ne dites donc pas que la création de la chaîne française d'information internationale porte atteinte à d'autres systèmes d'information et leur fait concurrence. En effet, la diffusion de la langue française et de la francophonie, notamment par TV 5, continuera d'être assurée. Il n'y a ni conflit ni compétition entre les deux projets. Le budget de la chaîne française d'information internationale n'est en aucune manière prélevé sur celui de TV 5.

Par ailleurs, vous savez très bien que la France n'est pas seule au sein de TV 5. Il nous faut donc faire attention. Ces sujets mobilisant nombre d'entre vous, je vous rends attentifs au fait que, pour un certain nombre de raisons, numériquement et démographiquement, la France sera un jour minoritaire parmi les pays francophones. En effet, certains de ces pays sont aujourd'hui bien plus peuplés que la France ou connaissent une évolution démographique plus rapide que la nôtre. Le projet de la francophonie, nous l'assumons comme tel, respecte les compétences des États qui se sont réunis pour travailler ensemble.

S'agissant de la chaîne française d'information internationale, nous avons voulu rassembler toutes les énergies. Les problèmes de structure du capital de telle ou telle entreprise n'ont donc strictement aucune importance. Ce qui compte, c'est que sa rédaction sera nouvelle et crédible, qu'elle sera constituée de journalistes parlant plusieurs langues étrangères et dont le travail au sein de la CFII constituera l'activité principale.

Peut-être faudra-t-il progressivement augmenter le budget de cette chaîne, en fonction de son évolution. Nous verrons. Aujourd'hui, les professionnels consultés pensent que le budget que nous prévoyons est crédible. Pourquoi ? Parce que cette chaîne produira elle-même des images et travaillera en partenariat, notamment avec RFI et l'Agence France-Presse.

En faisant l'impasse sur la diffusion sur Internet, madame la sénatrice, vous faites de la désinformation. J'ai en effet clairement indiqué que la diffusion sur Internet serait très importante. Mais il est vrai que, dans un certain nombre de pays, les équipes qui auront cette responsabilité négocieront, bouquet satellitaire par bouquet satellitaire, afin d'assurer la diffusion de cette chaîne dans les meilleures conditions possibles.

J'en parle avec passion parce qu'il n'a pas été facile de mener à bien ce projet. Si nous avons pris quelques mois de retard, c'est que nous avons eu à coeur de recenser toutes les situations conflictuelles et d'envisager, avec l'ensemble des responsables de l'audiovisuel public et de l'audiovisuel privé, tous les cas de figure qui pouvaient se présenter afin de nous assurer que le navire pourrait affronter la mer et surmonter toutes les difficultés qui l'attendent.

C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement et que je déplore certains des commentaires qu'il a suscités. Je souhaite - et ce n'est pas une parole de circonstance - que ce projet rassemble toutes les forces politiques, démocratiques et républicaines de notre pays. Il doit incarner toute la diversité française à l'extérieur de notre pays et ne doit pas uniquement mettre en valeur les réussites de tel gouvernement ou de telle équipe. On peut toujours en discuter les articulations, mais ce projet est un grand projet et je souhaite que chacun puisse s'y associer et le soutenir.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Robert Del Picchia, pour explication de vote sur l'amendement n° II-127.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Chère madame Cerisier-ben Guiga, j'ai, moi aussi, vous le savez, vécu plus de trente ans à l'étranger où, d'ailleurs, j'habite toujours. J'ai, comme vous, l'habitude d'écouter les chaînes de radio et de télévision. Néanmoins, en tant que journaliste, j'ai peut-être un léger avantage sur vous, ayant été correspondant à l'étranger puis rédacteur en chef d'une chaîne de radio-télévision en anglais, français et allemand. J'ai donc été consommateur mais aussi producteur.

Monsieur le ministre, vous avez parfaitement raison de souligner que les journalistes doivent aujourd'hui parler des langues étrangères et qu'une chaîne de télévision internationale a besoin de tels journalistes.

En tant que producteur, j'ai été obligé d'acheter des images américaines, parce que, malheureusement, c'étaient les seules qui étaient disponibles sur le marché. Or rien ne nous empêche de produire aujourd'hui nos propres images et même de les vendre, car bon nombre de chaînes francophones seront probablement disposées à nous les acheter.

Madame Cerisier-ben Guiga, vous dites que RFI et TV 5 à l'étranger ne font pas d'images, c'est faux ! L'AFP fait aussi des images qu'elle vend à l'étranger. Je vous signale que les correspondants de RFI à l'étranger sont souvent des pigistes qui travaillent déjà pour d'autres télévisions. Donc, rien ne nous empêche de faire appel à eux, en développant une synergie très positive.

On peut s'opposer à la chaîne internationale parce qu'on veut protéger TV 5 et RFI, mais l'un n'empêche pas l'autre. Moi, je suis pour le maintien de ces trois chaînes.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je voterai contre l'amendement n° II-127 et que je soutiendrai votre projet.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Louis de Broissia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Monsieur le ministre, je suis fier d'appartenir à une majorité qui ouvre des chaînes. Madame Cerisier-ben Guiga, a contrario, je n'étais pas fier d'être député quand La Cinq a été vendue à Berlusconi !

Je suis fier d'appartenir à une majorité qui crée de nouveaux espaces d'expression publique audiovisuelle.

Comme d'autres, cependant, je m'interroge sur le contenu et l'élargissement du paysage audiovisuel français. Il faudra, un jour, mettre au point des méthodes permettant, par exemple, pour la radio publique, puisque, après tout, il n'existe pas de journaux publics, de s'interroger sur l'étendu et le contenu du paysage audiovisuel français.

Cela étant dit, ma chère collègue, je m'étonne de vos propos.

En effet, l'an dernier, des crédits en faveur de la CFII ont été votés au Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Je les ai effectivement proposés dans le cadre du collectif budgétaire. Alors ne dites pas que le Parlement découvre aujourd'hui la chaîne française d'information internationale ! Nous l'avons demandée, nous avons voté pour. Peut-être étiez-vous absente ce jour-là, mais je pense que vous avez quand même eu connaissance de cette information.

Cette nouvelle chaîne, effectivement, ne doit pas être un clone de France Télévisions - ce point a été abordé devant le conseil d'administration - ni un clone de TF 1. Elle doit être une chaîne d'un nouveau type international.

Enfin, permettez-moi de vous dire que, si je ne vis pas depuis trente ans à l'étranger, je m'y rends plusieurs fois pas an. J'aimerais que l'on donne de la France une image différente de celle que donne TV 5, dont la vision du monde francophone ne traduit pas la réalité du seul monde français. Quand je suis à l'étranger, je suis obligé de regarder CNNi, Fox ou la BBC pour savoir ce qui s'est passé. Je pense que la vision de la France dans le monde mérite d'être exposée différemment.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Je déplore également l'amendement qui nous est soumis. Je crois en effet que nous avons besoin d'une chaîne d'information internationale capable de donner une image de notre pays qui reflète toute sa modernité et l'intégralité des positions qu'il prend.

Cette chaîne internationale, qui doit bien évidemment s'exprimer dans des langues étrangères, celles des pays à qui nous voulons nous adresser, est par définition différente de TV 5, qui est la chaîne du monde francophone et qui est diffusée en français.

N'opposons pas ces deux chaînes, dont les missions sont différentes et complémentaires. Je souhaite le succès de cette chaîne française d'information internationale, ce qui implique qu'elle dispose de moyens suffisants pour être à la hauteur des autres chaînes étrangères déjà présentes sur le marché. Je veux néanmoins être assuré que cette réussite ne se fera pas au détriment de TV 5.

Cette CFII aura incontestablement besoin de moyens pour favoriser le rayonnement de la francophonie. Elle devra, d'une part, être capable d'assurer des sous-titrages et, si possible, être présente sur la TNT afin d'être vue par le public français. Si elle peut s'adosser à un large public francophone et français, son rayonnement n'en sera que plus grand.

Cette chaîne française internationale est depuis longtemps souhaitée, et je suis heureux de constater que le temps des actes est venu.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, il fut un temps où j'affirmais, à contre-pied de ce que disait M. de Broissia à l'instant, que « le prolétariat n'a que ses chaînes à perdre ». Mais c'était l'époque où j'étais marxiste, tendance Groucho.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Cela dit, toutes sensibilités confondues, chacun s'accorde à reconnaître l'urgence et la nécessité stratégique d'une chaîne française d'information internationale permettant de relayer à l'échelle de la planète le partage d'une autre vision du monde.

La mission d'une telle chaîne est bien de contribuer au pluralisme des idées et de la pensée tout en promouvant la diversité culturelle et les valeurs de la République inspirées de la philosophie des Lumières.

Au niveau mondial, son absence a été cruellement ressentie dans le traitement unilatéral de la guerre en Irak, qui a manqué de regards libres et d'analyses pluralistes, pour ne citer que ce seul exemple, mais particulièrement révélateur.

Il va de soi que la chaîne française d'information internationale n'a pas vocation à relayer la voix du Gouvernement. C'est un principe démocratique et éthique de base. Mais elle aurait pu refléter le refus de cette guerre par une grande partie des peuples européens et contribuer à faire connaître les raisons de leur vaste mobilisation.

Avec la mondialisation, les habitants de la planète aspirent à mieux comprendre les enjeux géopolitiques de notre monde. Ils souhaitent légitimement peser sur le cours des événements et ne pas les subir. C'est même une condition essentielle de la démocratie, qui gagne à être sans cesse revitalisée par le débat d'idées et la réflexion.

On le constate, la création de cette chaîne internationale est un réel défi et un vrai pari, d'autant qu'elle devra faire face à une concurrence déjà bien établie.

La réussite d'une telle entreprise requiert, c'est évident, la synergie d'expériences, de savoir-faire et de savoirs que possède incontestablement le service public.

Le nouveau président de France Télévisions, Patrick de Carolis, a eu raison de défendre un projet public fédérant l'ensemble des forces de l'audiovisuel public, en s'appuyant en particulier sur RFI, l'AFP, TV 5, déjà bien implantés à l'étranger.

En ce qui me concerne, je continue plus que jamais à plaider en faveur d'un schéma entièrement public. La volonté du Gouvernement d'associer le privé à TF 1 est sans fondement et constitue une sorte de camouflet pour l'audiovisuel public. Mais quelle aubaine pour TF1, qui ne met pas un centime dans cette affaire exclusivement financée par les deniers publics !

Vraiment, j'aimerais que l'on m'explique en quoi TF 1 peut contribuer à grandir l'image et les valeurs de notre pays à l'étranger ! Que vient donc faire ce cheval de Troie dans la chaîne d'information internationale que nous appelons tous de nos voeux ? En quoi la logique marchande, la course à l'audimat, l'information-spectacle décervelante qui caractérisent, hélas, la télé privée permettront-elles de faire reculer la pensée unique dans le monde ?

D'ailleurs, les journalistes de l'audiovisuel public ne souhaitent pas que leurs sujets puissent être utilisés par cet assemblage sans âme. Et c'est tout à l'honneur de la profession.

S'il est indispensable de veiller à l'indépendance de cette chaîne internationale, je ne vois pas en quoi TF 1 présenterait une quelconque garantie, comme cela a été avancé. Bien au contraire !

Cela étant, monsieur le ministre, j'ai bien entendu vos explications, en particulier en ce qui concerne la constitution des rédactions. C'est la première fois que l'on dispose d'une information aussi détaillée, et je vous en remercie.

Je souscris à votre conception de l'organisation de la chaîne, de la rédaction, mais je persiste à penser que le service public est le mieux placé pour agir en ce sens.

Monsieur le ministre, on peut toujours revenir sur une décision, et c'est ce que je vous demande. C'est d'ailleurs ce qui a été fait pour la présidence tournante, un temps envisagée. Mais cela ne suffit pas. Certes, revenir à une solution 100 % publique équivaut à recommencer à zéro, ou presque. Mais, après tout, nous ne sommes plus à quelques mois près !

Quoi qu'il en soit, la solution proposée par Mme Cerisier-ben Guiga à travers son amendement, à savoir supprimer purement et simplement les crédits de démarrage de la nouvelle chaîne, ne me paraît pas être la meilleure.

Je suis d'accord sur une partie de son argumentation, mais je souhaite que le débat se poursuive. Jouant donc, en quelque sorte, la force d'interposition, et muni de mon casque bleu

sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Monsieur le président, je vais le retirer.

En effet, il me semble avoir obtenu le résultat que je cherchais en déposant cet amendement, c'est-à-dire obtenir au moins un micro débat sur cette chaîne d'information internationale.

Cependant, avec mon collègue François Rochebloine de l'Assemblée nationale, avec Louis Duvernois et Catherine Morin-Desailly, je maintiens que nous avons été privés d'un vrai débat. Nous en avons eu un, mais minuscule.

Je ne prolongerai pas mon propos, l'heure tourne, mais je confirme que nous voulons une chaîne d'information internationale, mais que je suis hostile aux actuelles conditions, techniques et politiques, de cette création, et si la LOLF permettait de faire glisser ces crédits sur RFI, sur TV 5 Monde et sur le fonds de soutien aux radios associatives, je le maintiendrais.

Mais il ne sera pas dit que les sénateurs socialistes défendent une diminution de crédits de l'action culturelle, c'est pourquoi, en attendant que le Gouvernement puisse faire bon usage de ces fonds publics, je retire mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° II-127 est retiré.

Je ne suis plus saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Médias ».

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Compte de concours financiers : avances à l'audiovisuel public » (et articles 95 et 96) figurant à l'état B.

Autorisations d'engagement : 2 720 540 000 euros ;

Crédits de paiement : 2 720 540 000 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je mets aux voix les crédits de la mission « Comptes de concours financiers : avances à l'audiovisuel public ».

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

J'appelle en discussion les articles 95 et 96, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission : « Compte de concours financiers : avances à l'audiovisuel public »

Pour l'exercice 2006, la répartition entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle, des recettes prévisionnelles hors taxe sur la valeur ajoutée, de la redevance audiovisuelle, est établie comme suit :

France Télévisions :

1 833, 68 millions d'euros

Radio France :

495, 09 millions d'euros

Radio France Internationale :

55, 86 millions d'euros

ARTE-France :

204, 20 millions d'euros

Institut national de l'audiovisuel :

75, 75 millions d'euros

TOTAL :

2 664, 58 millions d'euros

L'article 95 est adopté.

Le I de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Avant leur signature, les contrats d'objectifs et de moyens sont transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ils peuvent faire l'objet d'un débat au Parlement. Les commissions peuvent formuler un avis sur ces contrats d'objectifs et de moyens dans un délai de six semaines. »

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° II-51, présenté par M. de Broissia, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour compléter le I de l'article 53 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 par un alinéa ainsi rédigé :

« Les sociétés Radio France, Radio France Internationale et ARTE-France ainsi que l'Institut national de l'audiovisuel transmettent chaque année, avant la discussion du projet de loi de règlement, aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport sur l'exécution de leur contrat d'objectifs et de moyens. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Cet amendement vise à améliorer l'information du Parlement en obligeant chaque société de l'audiovisuel public signataire d'un contrat d'objectifs et de moyens à transmettre aux commissions compétentes du Sénat et de l'Assemblée nationale un rapport sur l'exécution des obligations contenues dans ce contrat.

Il n'y a aucune raison que ce ne soit fait que pour France Télévisions, nous souhaitons l'extension de cette procédure à l'ensemble des chaînes audiovisuelles.

Nous parlerons ultérieurement de la chaîne française d'information internationale, si elle fait l'objet d'un contrat d'objectifs et de moyens.

Je pense que les deux commissions présentes pourraient se rallier à cet amendement, qui est sans incidences financières.

Debut de section - Permalien
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre

Je ne peux qu'y être favorable.

Je souhaite bénéficier, en toutes circonstances, du soutien du Parlement, afin de faire comprendre les enjeux de notre action et d'obtenir l'appui le plus large. Plus l'information et la discussion s'élargiront, notamment en ce qui concerne Radio France et Radio France Internationale, mieux je me porterai.

L'amendement est adopté.

L'article 96 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Nous avons achevé l'examen des crédits des missions « Médias » et « Compte de concours financiers : avances à l'audiovisuel public ».

La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

J'ai reçu de MM. Yves Pozzo di Borgo, Nicolas About, Claude Biwer, Jean Boyer, Mmes Françoise Férat, Gisèle Gautier, MM. Joseph Kerguéris, Jean Claude Merceron, Mme Anne-Marie Payet, MM. Bernard Seillier, André Vallet et Jean-Marie Vanlerenberghe, une proposition de loi créant un service bancaire universel.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 115, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil concernant la signature et l'application provisoire d'un accord bilatéral entre la Communauté européenne et la République du Belarus sur le commerce de produits textiles.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3018 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Livre vert sur l'avenir du réseau européen des migrations.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3019 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 6 décembre 2005, à neuf heures trente, quinze heures et le soir :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 98 et 99, 2005-2006) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).

Deuxième partie. - Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales :

- Sécurité :

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 26) ;

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (Sécurité, avis n° 104, tome VIII) ;

M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Gendarmerie, avis n° 102, tome IX).

- Sécurité civile :

M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 27) ;

M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 104, tome IX).

- Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales (et article 74),

- Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural :

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 3) ;

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (Agriculture, avis n° 101, tome I) ;

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (Pêche, avis n° 101, tome I) ;

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (Forêt et affaires rurales, avis n° 101, tome I).

- Sécurité sanitaire (et articles 86, 86 bis et 87) :

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 28) ;

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 103, tome V) ;

M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 101, tome VIII).

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque mission est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à onze heures.

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits des missions et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2006 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion à onze heures.

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits des missions du projet de loi de finances pour 2006 est fixé au vendredi 9 décembre à onze heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures quinze.