Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai assisté à de nombreuses reprises à des débats auxquels les uns et les autres vous participiez et je sais combien ces sujets suscitent en vous de passion, ce que je comprends.
Les événements récents dans nos banlieues militent pour que le rôle de la culture dans ces quartiers soit renforcé. Je ne vous cache d'ailleurs pas que l'amendement qui a amputé à l'Assemblée nationale les crédits de cette mission au profit du plan d'urgence pour les banlieues me semble inapproprié. Quoi qu'il en soit, cet amendement n'est pas très significatif puisque, au même moment, dans le cadre de la politique de la ville, mon collègue Jean-Louis Borloo a affecté une partie des crédits dont il disposera à l'action que le ministère de la culture doit mener, notamment à l'égard des associations.
Sans attendre les crises et les événements dramatiques récents, j'ai souhaité mobiliser l'ensemble des préfets de région et de département sur le volet culturel de toutes les politiques contractuelles de l'État.
En d'autres termes, lorsqu'il s'agit de la politique de la ville, de la rénovation urbaine, du logement, un volet culturel doit être présent et prévu. Il existait, mais il a eu tendance à disparaître. J'ai l'intention de mobiliser les acteurs sur ce sujet, et je réunirai la semaine prochaine les vingt-deux préfets de région sur cette question.
La conjoncture présente, faite effectivement de beaucoup de tensions et d'électricité - ce qui ne vaut pas exclusivement pour les quartiers difficiles ou les banlieues, mais également pour l'ensemble de la société française -, me donne à penser que la culture et la politique culturelle doivent faire exception à un certain nombre de règles qui s'imposent à d'autres secteurs économiques.
De ce point de vue, avec son talent et sa fougue quelque peu romantique, Jack Ralite me semble avoir voulu stigmatiser la précarisation, les questions de gestion. En tout état de cause, nous sommes l'un comme l'autre résolument unis quant à la dimension spirituelle et humaniste que doit revêtir toute politique culturelle.
Ma politique culturelle contribue aux objectifs essentiels de l'action du Gouvernement : l'épanouissement personnel de nos concitoyens, la cohésion sociale, mais aussi l'attractivité économique de notre pays.
À cet égard, si, le 20 octobre dernier, la convention pour la diversité culturelle a été adoptée à l'UNESCO à la quasi unanimité sur l'initiative de la France, c'est aussi parce que notre politique culturelle est crédible. Le projet de budget que je vous présente est destiné à la conforter.
Cher Jacques Legendre, j'ai retenu votre suggestion : nous ferons en sorte que la France ratifie le 21 mars cette convention sur la diversité culturelle. Ce pourrait être, en tout cas, un très beau symbole, et je suis déjà mobilisé pour que nous ne soyons pas les derniers à la ratifier.
Mais, comme vous le savez, il faut toujours se battre sur les questions d'ordre du jour parlementaire. Le Canada, qui ne doit pas passer par la procédure législative, vient de ratifier la convention par voie réglementaire. La France, quant à elle, doit procéder par voie législative. Quoi qu'il en soit, votre proposition me semble très symbolique et sachez que je suis très attaché, monsieur le sénateur, à tout ce qui a trait à la défense de la langue française.
J'en viens aux crédits de la mission « Culture ».
En 2006, le budget de la mission « Culture » est de 2 874 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 2 790 millions d'euros en crédits de paiement, auxquels il faut ajouter une dotation en capital de 100 millions d'euros issue des recettes de privatisations.
Cette dotation est constatée. Je ne sais pas si cette somme figure déjà dans les écritures comptables de l'agent de l'ÉMOC, mais la décision est prise, elle est formalisée, elle n'est pas contingente de futures mises sur le marché d'actifs publics et elle est aujourd'hui « encaissée ».
Je souhaite que chacun mesure la portée politique et symbolique de cette décision du Premier ministre. Les recettes des privatisations reviennent ainsi dans le patrimoine de l'État, c'est-à-dire dans notre patrimoine à tous.
Cette dotation sera affectée en totalité à l'investissement : pas un centime ne sera détourné en fonctionnement.
Les crédits de personnel s'élèvent à 642 millions d'euros, soit 23 % des crédits de la mission. Le ministère continuera, là où c'est possible, à poursuivre la réduction de ses effectifs. Pour autant, l'accès d'un public plus nombreux à la culture et l'ouverture de nouveaux lieux nécessitent des moyens nouveaux.
Comme je l'ai indiqué en annonçant un certain nombre de propositions sectorielles et thématiques, mon objectif est l'ouverture de tous les lieux, pour le plus grand nombre. Je ne sous-estime pas les besoins en fonctionnement que cela suppose : si l'on veut que de nouvelles compagnies, des artistes, des résidences d'un nouveau type puissent voir le jour, encore faut-il que les lieux ne soient pas en permanence fermés ni qu'ils le soient trop souvent.
Il faut trouver un point d'équilibre entre la règle du non-remplacement, la nécessité de maintenir et de revaloriser certaines filières - je pense en particulier à l'accueil et à la surveillance - et l'impératif de mettre la culture à la portée de tous.
Commençons par le programme « Patrimoines », sur lequel vous avez insisté les uns et les autres. Yann Gaillard a même parlé de « ruineuses richesses » ! Certes, elles sont un peu ruineuses, mais je considère en tout cas que de telles dépenses sont commandées non par la nostalgie mais par la nécessité d'entretenir un patrimoine monumental qui est un capital pour l'avenir. Comme l'a indiqué Philippe Nachbar, ces richesses sont un instrument d'attractivité et de rayonnement pour notre pays.
À ce titre, les autorisations d'engagement représentent plus de 1 milliard d'euros et les crédits de paiement 972 millions d'euros, sans la dotation en capital que j'ai évoquée.
Ainsi, les moyens consacrés au patrimoine monumental augmenteront de 100 millions d'euros. Je connais les difficultés rencontrées sur les chantiers des monuments historiques et les besoins dans ce domaine. Je sais aussi que vous y êtes particulièrement sensibles. Je tiens cependant à souligner que, grâce à cet effort, l'engagement de l'État retrouve un rythme qu'il n'avait jamais connu avant la tempête de 1999. Cependant, la gestion 2006 restera, je vous l'avoue, très tendue, car les besoins sont immenses.
Plusieurs intervenants ont souhaité une extension du dispositif d'intervention financière de l'État. Je pense à Alain Fouché, qui a évoqué le patrimoine rural - élément effectivement essentiel de l'attractivité de notre territoire - ou à Jacques Legendre, qui m'a en outre interrogé sur le calendrier des transferts de propriété.
Vous le savez parfaitement, mesdames, messieurs les sénateurs - mais je le précise à l'intention de ceux qui liront le Journal officiel ou qui nous écoutent en ce moment -, le transfert de propriété qui porte sur un certain nombre de monuments très emblématiques de la fierté nationale repose sur le volontariat. Les préfets de région et les directeurs régionaux des affaires culturelles ont d'ailleurs engagé des discussions avec les régions et les départements à ce sujet.
J'ai définitivement retenu une cinquantaine de monuments figurant sur la liste établie par la commission Rémond, à laquelle plusieurs d'entre vous ont participé. Sachez que je n'attendrai pas que l'ensemble du dispositif soit bouclé pour procéder à ce transfert de propriété qui, je le souligne, ne constitue aucunement un désengagement de l'État : il s'agit plutôt d'une addition d'énergie supplémentaire. Lorsque l'on parle de l'avenir économique, culturel et spirituel de notre pays, l'animation, la restauration et la mise en valeur du patrimoine sont en effet tout à fait essentielles.
Dès l'an prochain, le ministère disposera d'une programmation précise des quelque 10 000 chantiers en cours. Les progrès que nous réaliserons grâce à l'informatique de gestion nous permettront de répondre plus facilement aux interrogations sur la poursuite des chantiers et de mieux gérer les crédits disponibles.
Vous le savez également, des dispositions ont été prises, notamment pour ce qui concerne la maîtrise d'ouvrage et l'articulation entre les services de l'État, les experts en charge du patrimoine et les collectivités territoriales ou les propriétaires privés. J'y insiste, ces dispositions à caractère juridique ne sont pas un désengagement politique de l'État, mais tout simplement la volonté de permettre que les travaux puissent se dérouler plus facilement.
La dotation en capital destinée au patrimoine monumental permettra de garantir la bonne exécution d'un certain nombre de chantiers. Nous avons choisi d'en affecter le produit à certains sites pour lesquels un effort particulier est nécessaire : le Palais de la Porte Dorée, qui accueillera en 2007 la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, le Palais de Chaillot, où sera implanté la Cité de l'architecture et du patrimoine, ...