Nous sommes loin d'avoir terminé le travail tant les orientations et les objectifs sont nombreux.
Monsieur Lagauche, vous avez évoqué le projet de loi régissant la pratique du théâtre amateur. C'est un sujet difficile, car il faut à la fois répondre au souhait légitime de soutien de la pratique amateur et protéger les professionnels. Un projet de loi, dont le texte fait l'objet d'une concertation avec les professionnels, est en cours d'élaboration. Dès que nous aurons un peu avancé, je vous le soumettrai en amont de son dépôt officiel.
Vous avez également abordé le nécessaire équilibre à respecter entre le répertoire et la création. Comme je vous l'ai indiqué au début de mon propos, il s'agit pour moi d'une valeur essentielle, surtout dans la période de cloisonnement, parfois de sectarisme, voire d'intégrisme, qui est la nôtre. Il est donc très important d'accueillir la création, mais pas au détriment du répertoire et du patrimoine.
La programmation des théâtres directement subventionnés par l'État est à peu près également répartie avec 50 % de créations et 50 % d'oeuvres du répertoire. Toutefois, je vous l'ai dit, cette année la priorité va au patrimoine, tout en respectant les besoins liés au soutien à la création, en particulier le spectacle vivant et les arts plastiques.
Dans chacun des domaines du spectacle vivant, la présence des créateurs sera renforcée, dès 2006, au sein des lieux de production et de diffusion. Dans chaque discipline, des mesures spécifiques visant à mieux associer les créateurs aux équipes de direction, à faciliter leur résidence dans les théâtres généralistes comme dans les institutions spécialisées, sont prises et détaillées dans les plans sectoriels que j'ai évoqués au début de mon propos.
Il s'agit pour moi d'encourager la naissance de projets qui, dans le plus grand respect de l'indépendance artistique des créateurs et des programmateurs - vous avez pu le constater cet été -, soient ouverts à la rencontre entre les disciplines, les artistes, les interprètes et un public en attente de propositions diverses et cohérentes, signées mais ouvertes.
Dans la nouvelle présentation budgétaire, 601 millions d'euros sont consacrés au spectacle vivant. D'autres crédits, en particulier les crédits de formation, se trouvent inscrits dans le troisième programme, celui de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture.
En reconstituant le périmètre de l'an passé, le total des crédits pour le spectacle vivant s'élève ainsi à 775 millions d'euros. Une part de ces crédits sera consacrée au plan pour l'emploi que j'ai engagé en 2005.
Le théâtre et la musique seront marqués en 2006 par la réouverture de deux grands lieux : à la fin du premier trimestre, la salle Claudel du théâtre de l'Odéon et, à l'automne, la salle Pleyel. Ces deux grands équipements de renommée internationale manquaient à la France depuis leur fermeture pour travaux. Je suis heureux qu'ils puissent accueillir à nouveau des productions de qualité.
Parallèlement, la poursuite d'une programmation distincte salle Berthier, partie intégrante du théâtre de l'Odéon, permettra d'accueillir des compagnies indépendantes ou régionales et d'enrichir la palette des spectacles proposés à Paris.
Il faut soutenir la création dans les régions, mais aussi dans d'autres pays de l'Union européenne. Cette mobilité des oeuvres et des artistes est essentielle.
Paradoxalement, nous ne possédons pas suffisamment de lieux pour accueillir et donner des chances à toutes les créations qui le désirent, d'où ma résolution à utiliser certains monuments historiques.
Ces réouvertures n'épuisent d'ailleurs pas la question du manque de salles de spectacle à Paris et notamment du grand auditorium que le Premier ministre a appelé de ses voeux. C'est un projet qui nécessite une réflexion nourrie, dans une logique de partenariat avec les collectivités locales, et en tout premier lieu avec la Ville de Paris et avec la région d'Île-de-France. Étant en train de solliciter les uns et les autres, et dans cette optique de partenariat, vous comprendrez que je ne souhaite pas faire d'annonce unilatérale qui mettrait en échec cette conjugaison des énergies.
La somme de 29 millions d'euros sera consacrée à la création, la production et la diffusion des arts plastiques.
Ces investissements concernent le Palais de Tokyo, mais aussi la manufacture des Gobelins et le Mobilier national.
Comme l'a annoncé le Premier ministre, le Grand Palais accueillera au printemps 2006 une grande exposition consacrée à l'art contemporain français.
Le Premier ministre a également annoncé à la FIAC, la Foire internationale d'art contemporain, une série de mesures destinées à assurer le rayonnement international de la création française contemporaine.
Parmi celles-ci, et ce sont des innovations qui étaient très attendues, je rappelle qu'il m'a demandé, en liaison avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de réduire les disparités fiscales au sein du marché de l'art en étudiant notamment la possibilité que les créations réalisées sur support numérique ou audiovisuel puissent bénéficier du même taux de TVA que les autres oeuvres d'art, soit 5, 5 %.
Le Premier ministre a également souhaité que les oeuvres d'artistes vivants puissent être remises en dation pour acquitter l'impôt sur la fortune, les droits de succession ou de donation, comme c'est déjà le cas aujourd'hui pour les oeuvres plus anciennes. C'est un levier très puissant pour soutenir la création contemporaine.
Il convient aussi que les particuliers soient encouragés à acquérir des oeuvres en se voyant, par exemple, proposé une déduction fiscale sur l'achat d'oeuvres, vendues par des galeries, d'artistes ayant leur foyer fiscal en France.
Par ailleurs, la loi du 1e août 2003 a créé des conditions très favorables pour le mécénat d'entreprise. Mme Morin-Desailly l'a remarqué, regrettant en creux la faiblesse du poste budgétaire dédié à l'acquisition d'oeuvres. Il est toutefois nécessaire, pour bien situer les efforts entrepris, d'additionner aux achats publics les aides politiques concernant le mécénat des entreprises ou des particuliers.
L'instruction du 13 juillet 2004 sur cette loi du 1er août 2003 en a réduit la portée en imposant aux entreprises des conditions très exigeantes de présentation au public des oeuvres acquises.
Aussi le Premier ministre a-t-il demandé qu'une nouvelle instruction soit prise, veillant plus simplement à ce que l'oeuvre soit exposée dans un lieu accessible aux salariés, clients et partenaires de l'entreprise.
J'aborderai enfin le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », lequel supporte l'essentiel des coûts de personnel et de fonctionnement du ministère.
Il concerne principalement le programme pour l'éducation artistique et culturelle, dont les actions se font en majorité dans les directions régionales des affaires culturelles, mais également dans les grands établissements publics. Ce poste représente 40 millions d'euros.
Notre idée centrale est de demander à l'ensemble des établissements scolaires de s'associer avec une équipe artistique, une structure ou un lieu culturel pour offrir aux élèves une ouverture sur le monde des arts et de la culture par la présence conjointe dans un projet commun d'une parole pédagogique et d'une parole artistique et culturelle. C'est ce que j'appelle le principe du jumelage.
Enfin, sur le plus long terme, une vraie réflexion doit être menée entre la rue de Valois et la rue de Grenelle sur la place de l'éducation à la culture dans les cursus éducatifs au-delà des seuls enseignements artistiques traditionnels et son intégration au sein du socle fondamental des connaissances. Tel est le rôle essentiel du Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle.
Comme l'a déclaré le Premier ministre le 1er décembre dernier : « Les Français veulent que chaque enfant reçoive le même enseignement et la même culture de base, qui lui serviront tout au long de sa vie : la lecture, l'écriture, le calcul, la citoyenneté, la maîtrise d'une langue étrangère, mais aussi l'éducation artistique qui est un élément décisif de l'éveil d'une personnalité ».
J'en terminerai avec les secteurs du cinéma, de la production audiovisuelle et de l'industrie du disque.
Il s'agit en premier lieu de poursuivre une politique de l'emploi et une politique fiscale ambitieuses et de prendre aussi en compte toutes les évolutions technologiques.
J'aurai d'ailleurs l'occasion d'y revenir à l'Assemblée nationale à la fin du mois de décembre et devant la Haute Assemblée à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février 2006, dans le cadre de la transposition de la fameuse directive « droit d'auteur ».
Ce sera pour moi l'occasion de rappeler que les nouvelles technologies sont aussi une chance pour la diffusion artistique et culturelle sous toutes ses formes, à partir du moment où leur gestion obéit à un certain nombre de principes et de règles.
J'espère que, d'ici là, un certain nombre de points d'accord et d'équilibre, qui apparaissaient totalement inenvisageables il y a encore quelques mois, entre le monde d'Internet, le monde du cinéma, le monde de la musique et le monde des auteurs, seront enfin trouvés. Il s'agira alors d'une réconciliation.