Tout d'abord, s'agissant de l'architecture budgétaire, une véritable simplification a été opérée, puisque les chapitres ont été regroupés dans le cadre de deux missions : une mission « Médias » rassemble, à l'intérieur du budget général, les programmes concernant l'ensemble des aides à la presse. Nous retrouvons la structure de l'ancien budget relatif à la presse ; il n'y a pas de bouleversements.
Globalement, les crédits s'élèvent à 345, 3 millions d'euros, y compris l'aide à l'AFP. Contrairement aux années antérieures, où tout ce monde était mécontent de n'être pas assez soutenu, cette année, je ne rencontre que des gens détendus et souriants. Pourtant, les chiffres n'ont pas changé, et je ne suis pas convaincu que la situation de la presse se soit beaucoup améliorée. J'y ai vu - je ne sais si c'est la bonne explication - le résultat de l'habileté ministérielle. Quoi qu'il en soit, le monde de la presse semble ravi de sa situation et des aides multiples apportées à son action, ce qui, je crois, est à porter au crédit du Gouvernement.
J'en viens à l'AFP, qui est en crise permanente et dont le directeur vient de partir.
Je fais partie de ceux qui, depuis longtemps, répètent chaque année qu'il faudra bien trouver un statut à l'AFP pour qu'elle devienne une entreprise comme les autres, avec un capital social, avec une obligation de gestion et d'équilibrage des comptes ; car le système actuel est tel que ce n'est pas le cas tous les ans. Avec la LOLF, on va aujourd'hui exiger d'elle qu'elle équilibre ses comptes dans deux ans, tout en sachant qu'elle n'y parviendra pas. Ainsi va la République ! Il est vrai que le sujet n'est pas facile.
L'AFP n'en reste pas moins une superbe entreprise qui honore la France dans l'ensemble du monde : elle est, pour les nouvelles générales, pour les documents d'images, la première agence de presse de la planète.
Pour ce qui est de la chaîne d'information internationale, la CFII, dont beaucoup se demandaient il y a encore peu si elle verrait jamais le jour, les 65 millions d'euros de crédits inscrits cette année représentent une avancée sérieuse. Monsieur le ministre, j'ai toujours défendu l'existence de cette chaîne : lors des grandes crises internationales, on constate à quel point il est important d'entendre aussi la voix de la France, qui est un peu différente de celle des États-Unis et de CNN.
Mais il faut pour cela mobiliser tous les moyens de l'audiovisuel public français, qui est déjà présent dans de nombreux pays étrangers ; en regroupant tous ces moyens, en trouvant toutes les synergies, il doit être possible de faire des économies d'échelle et de permettre que cette voix de la France existe. Or, d'après le montage que j'ai cru voir - mais nous ne savons que très peu de chose -, tel ne semble pas être le cas.
Il faudra également régler le problème des « tuyaux » qui permettront aux téléspectateurs du monde entier de la recevoir. Ce sera sans doute le plus difficile, car l'ensemble du spectre audiovisuel est très étroitement contrôlé par les États ou par les opérateurs, qu'il s'agisse du câble ou du satellite, qui demandent beaucoup d'argent aux utilisateurs.
Toujours est-il qu'il est important de prendre acte de cette naissance, désormais imminente. J'espère, monsieur le ministre, que vous nous donnerez les dernières nouvelles en la matière.
En dehors du budget général, nous avons également à nous prononcer sur le compte de concours financiers : « Avances à l'audiovisuel public ». Cosette avait appris à lire dans les journaux que laissaient traîner les voyageurs chez les Thénardier. À la page de 2005-2006, elle a pu déchiffrer quelques avis sur la télévision : la télévision publique est de bonne qualité, et Cosette l'adore parce qu'elle est différente des autres ; du moins est-ce ce qu'elle lit dans les dernières pages de cet ouvrage qui fait le tour du monde.
Les crédits de cette mission s'élèvent cette année à près de 3 milliards d'euros, soit une augmentation de 3 % : ils sont en accord avec les contrats d'objectifs et de moyens qui ont été signés avec la plupart des organismes audiovisuels. Certes, là aussi, on décèle une certaine insuffisance à l'égard de Arte : on ne peut pas, me semble-t-il, demander à cette chaîne de fournir des programmes pour la TNT et, dans le même temps, lui accorder des crédits moindres qu'aux autres. Ce n'est pas le vilain petit canard ! Il nous faudra suivre cette question de près.
Au-delà des chiffres, nous devons en passer par un moment de lucidité collective au sujet des médias, car le paysage audiovisuel français, et mondial, est en train de connaître un bouleversement complet. Je me souviens d'une réunion à la BBC, voilà cinq ans, au cours de laquelle nous avait été présenté ce que l'on savait faire avec Internet. Il était alors évident que cela ne pouvait pas marcher, que c'était de très mauvaise qualité. Aujourd'hui, les progrès technologiques sont tels que l'on peut maintenant, où que l'on soit, recevoir par Internet, via le téléphone, l'ensemble des télévisions du monde.
Il est évident, dans ces conditions, que la politique nationale est difficile à conduire, parce que l'on connaît les limites de l'exercice. Les problèmes que soulève cette nouvelle situation sont nombreux : contrôle par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, pertinence du « tuyau » TNT, et même du vecteur satellitaire pour la communication...
C'est, à n'en pas douter, la révolution majeure de l'année 2005. Nous savons que, dorénavant, pour les médias, va s'imposer le transport par Internet, dans le cadre d'abonnements globaux.
Il n'est que de constater les progrès du dégroupage : il est né dans les villes, mais il est désormais en passe de se diffuser partout ; les départements, les agglomérations, tout le monde est acteur de cette évolution. Il est bien évident que la télévision sera le produit d'appel, parce que le téléphone et Internet se sont banalisés et sont semblables chez tous les opérateurs. Aujourd'hui, déjà, un grand opérateur s'est attaché les services d'un opérateur très dynamique sur le marché français ; mais l'opérateur historique l'est aussi ! Si l'on considère le cash flow de toutes ces entreprises de télécommunications et que l'on cumule celui de toutes les entreprises de production audiovisuelle, on obtient un rapport de 1 à 50, toutes aides publiques comprises.
Il faut voir là une évolution majeure contre laquelle personne ne pourra rien. La seule chose qu'il nous soit possible de faire est d'être lucides et d'envisager avec réalisme les conséquences que ce mouvement aura sur l'audiovisuel public. En effet, à terme, le producteur de contenus dépendra totalement de la volonté du diffuseur, et le diffuseur sera d'ici très peu de temps celui qui détiendra le moyen d'atteindre sinon tous les foyers, du moins la majorité d'entre eux. Le CSA perdra ainsi une grande partie de son pouvoir de contrôle.
Cela pose également des problèmes juridiques sur l'essence même de la redevance audiovisuelle. Si je reçois Internet, le téléphone et la télévision en prime sur un écran d'ordinateur de grande qualité, plasma ou autre, et de grandes dimensions, la télévision reste-t-elle ce que l'on l'entendait par ce mot ? La réponse peut être sujette à discussion. Un travail de réflexion sera donc nécessaire.
Nous devrons nous préparer à cette révolution en toute conscience, en toute lucidité, et essayer d'adapter notre droit, car il est évident que cela n'ira pas sans poser d'autres problèmes, qui sont des problèmes de société, voire des problèmes philosophiques.
Monsieur le ministre, le projet de budget que vous nous présentez est un budget de continuité qui, aux yeux de la commission des finances, ne présente pas de problème particulier. Je vous interrogerai cependant sur la recette de la redevance, que vous avez évoquée tout à l'heure.
Les informations les plus contradictoires circulent sur ce sujet. Or, à ce jour, le ministère des finances doit bien être capable de savoir ce que représentent les rôles qu'il a émis. Il faut certes compter avec quelques déchets, parce qu'un tel aura oublié de cocher la bonne case, et on peut le comprendre. Mais les contrôleurs continueront d'exercer leur mission de contrôle, et l'on peut admettre que, finalement, toutes ces incertitudes s'annuleront. Il me paraîtrait donc tout à fait normal que le Parlement soit aujourd'hui informé de la situation, car la presse ne doit pas être notre seule source d'information en la matière.
Il serait de bon aloi, mais il serait surtout honnête qu'une taxe spéciale soit intégralement affectée à l'usage pour lequel elle a été créée et ne soit pas banalisée dans le budget général. C'est d'autant plus vrai que l'audiovisuel public va avoir besoin de gros moyens pour vivre cette révolution majeure de l'histoire du monde qu'est la révolution numérique dans toutes ses applications et toutes ses implications.
Pour en revenir au projet de budget proprement dit, la commission des finances a rejeté tous les amendements scélérats qui auraient pu diminuer les recettes ; à vrai dire, cela ne lui a pas demandé un travail très important, parce qu'ils n'étaient guère nombreux. Elle a également considéré qu'il fallait donner à l'audiovisuel public les moyens de fonctionner, et que ceux que vous proposiez, monsieur le ministre, satisfaisaient globalement à cette exigence.
La commission des finances vous invite donc, mes chers collègues, à adopter sans modification les crédits relatifs à la mission « Médias » et au compte de concours financiers : « Avance à l'audiovisuel public ». Elle propose également l'adoption de l'article 95 rattaché, qui a pour objet de répartir les crédits affectés à l'audiovisuel public.
En outre, monsieur le ministre, elle vous demandera de procéder dans le projet de loi de finances rectificative, en fonction des recettes supplémentaires qui sont apparues et dont vous connaissez d'ores et déjà le montant - mais sans doute allez-vous nous le communiquer -, à quelques rééquilibrages bien pensés, au profit notamment du bâtiment de Radio France, ou encore de Arte. Pour le reste, les contrats d'objectifs et de moyens sont une bonne procédure qu'il faut appliquer.