Intervention de Ivan Renar

Réunion du 5 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Compte de concours financiers : avances a l'audiovisuel public

Photo de Ivan RenarIvan Renar :

Oui, mais en Roumanie aussi ! Ne voyez pas une agression dans mes propos, monsieur le ministre ! Je considère l'ensemble du problème.

Si l'on ne peut que se réjouir, grâce au crédit d'impôt et au concours des régions, de la relocalisation de tournages dans notre pays, on peut s'interroger également sur le fait que plus des deux tiers des productions de France Télévisions soient encore tournés à l'étranger.

En ce qui concerne la redevance, l'État devrait compenser intégralement - c'était le cas il y a deux ans - les exonérations et dégrèvements pour motifs sociaux des plus légitimes. Le manque à gagner est très important, d'autant que le nombre de bénéficiaires a augmenté sensiblement.

Par ailleurs, je pense que la réforme de la redevance aurait dû être l'occasion de faire oeuvre de pédagogie à l'égard de nos concitoyens et de rappeler en particulier que celle-ci n'est pas un impôt.

S'agissant de Radio France, elle se voit attribuer cette année la plus faible augmentation, avec 2, 72 %, alors même qu'elle doit supporter les travaux de rénovation de la Maison de la radio.

Dans le souci de renforcer les moyens indispensables au service public, je m'interroge sur l'opportunité de créer une redevance spécifique à la radio publique. Elle en vaut la chandelle ! Les sept stations de service public, avec chacune leur spécificité, constituent un véritable fleuron, indispensable au paysage radiophonique, qu'elles honorent par la qualité et l'ambition de leurs programmes. Elles favorisent indéniablement la diversité culturelle et artistique et soutiennent la création et l'innovation avec conviction.

Dans un autre ordre d'idée, on recense encore trop de journalistes précaires à Radio France et les accords en cours ne permettent que de résoudre partiellement cette situation, malgré la volonté affichée de conforter l'emploi.

Je souhaite également saluer au passage le dynamisme de nombre de radios associatives, trop souvent malmenées dans leur travail de proximité par le versement tardif des subventions.

Monsieur le ministre, j'évoquerai brièvement la diversité dans les médias. Je sais que ce thème vous est cher.

Si j'ai bien compris, votre approche est double : prendre le temps de construire des compétences par la formation, des stages, des conventions et, dans le même temps, agir vite pour que les médias soient un miroir plus fidèle de notre société. Je suis aussi sensible à cette préoccupation, mais je vous poserai deux questions.

Pouvez-vous préciser le chantier que vous engagez au nom du Gouvernement et pouvez-vous nous assurer de sa mise en oeuvre par le service public de l'audiovisuel ? Car je trouve que le chantier engagé est bien lent. Il a fallu attendre les événements en banlieue pour que l'on en reparle. La situation réelle de notre pays montre d'ailleurs qu'il faut amplifier les choses.

La diversité est une richesse ; elle ne doit plus être un handicap. Il ne s'agit pas de tomber dans la logique réductrice des quotas, mais nous comptons sur votre implication personnelle, à défaut de celle du Gouvernement et des entreprises publiques, pour renforcer des compétences qui existent déjà dans la vie, sur la base d'une plus grande diversité.

Monsieur le ministre, je voudrais vous exprimer maintenant nos préoccupations concernant l'AFP.

Après une crise importante ayant entraîné un plan d'économies draconiennes et la mise en vente controversée en crédit-bail de l'immeuble qu'elle occupe au coeur de Paris, le temps est venu, me semble t-il, de redonner un nouvel élan à cette grande agence mondiale, la seule à ne pas être anglo-saxonne.

Afin de ne pas rater le coche et de ne pas être à la remorque de ses concurrentes, l'AFP doit pouvoir investir pour rester à la pointe, ce qui suppose des moyens techniques et humains. Son président vient de démissionner dans un contexte de profond malaise. La crise morale se double d'une situation tendue sur le plan financier, avec un climat social très lourd du fait de la réduction de postes dans les catégories employés, ouvriers, personnels précaires, mais aussi de la crainte d'une externalisation à terme des services techniques et administratifs.

La nomination d'un nouveau président doit être l'occasion d'un véritable projet de relance et de développement. Il est impératif de renégocier le contrat d'objectifs et de moyens, qui ne doit plus être le carcan qui fait de la masse salariale une variable d'ajustement de l'équilibre budgétaire. Louis de Broissia parle de redressement progressif de l'agence ; raison de plus pour que l'AFP soit confortée dans son statut, comme dans ses missions de service public.

On ne soulignera jamais assez à quel point l'existence de l'AFP est d'une importance capitale dans le paysage médiatique mondial. Alors que la maîtrise des sources d'information est de plus en plus stratégique dans notre société, quelle chance pour notre pays de bénéficier de ce remarquable fleuron et quelle valeur ajoutée pour la crédibilité de la chaîne française internationale, alors que l'information certifiée, précise, rapide, fiable va devenir une valeur rare.

La place de l'AFP doit plus que jamais être valorisée comme outil de la pensée européenne, comme un élément de l'exception culturelle et l'une des bases de la francophonie.

Enfin, pour aborder une actualité brûlante, je ne peux que saluer l'effort engagé en faveur de la presse écrite, à mettre à votre crédit, monsieur le ministre. Cette action volontariste a été vitale pour nombre de titres.

Sans nier toute l'importance de ce soutien significatif qui a permis de limiter les dégâts, force est de constater que la presse écrite traverse une crise sans précédent, qui ne sera pas sans conséquence sur la vie démocratique et citoyenne de notre pays.

Nous avons certainement à nous emparer résolument de ces enjeux et à en faire une véritable priorité politique. Car les défis auxquels est confrontée la presse écrite, en particulier la presse d'opinion, sont bien l'affaire de toute la société et conditionnent son avenir. Les citoyens sont d'ailleurs particulièrement sensibles à cette question, comme l'a révélé le débat sur le projet de constitution européenne, où ils ont fortement critiqué l'unanimisme des médias, qui ne laissait pas de place à un vrai débat contradictoire.

Cela étant, France Soir est en train de mourir et, chaque fois qu'un journal disparaît, c'est une partie de démocratie qui meurt. Libération va mal et cherche une prescription qui ne soit pas une purge. La Socpresse revend les journaux qu'elle a achetés comme une vulgaire marchandise.

Bref, la presse écrite généraliste et d'opinion est sous perfusion permanente. Le mal est profond et réclame un traitement de choc. Les causes de cette mauvaise santé sont multiples et connues. L'une des plus ravageuses est sans aucun doute l'explosion des journaux gratuits, qui ne le sont d'ailleurs qu'en trompe-l'oeil puisqu'ils captent une part de plus en plus grande des recettes publicitaires, elles-mêmes payées par les consommateurs.

Dès lors, comment construire la presse de demain ?

Toutes les études montrent que les jeunes sensibilisés aujourd'hui formeront le lectorat de demain. Les mesures, positives, prises à cet égard me paraissent des plus timides, avec des crédits qui ne représentent que 2, 5 % des aides directes à la presse. La formation à la lecture de la presse, de l'école à l'université, n'est-elle pas la meilleure pédagogie à la citoyenneté ?

Il n'y a pas de mystère : la consolidation de la presse à faibles ressources publicitaires comme de la presse quotidienne régionale passe avant tout par la conquête de lecteurs. Il n'est pas sain pour la démocratie, les libertés et les droits de l'homme, de laisser se concentrer l'ensemble des médias dans les mains de quelques groupes industriels.

L'information est un bien commun, essentiel au plein exercice de la citoyenneté. Sa confiscation est particulièrement dangereuse pour le pluralisme dont l'État est le garant.

Cela dit, face à la profondeur de la crise de la presse d'information générale et politique, n'y a t-il pas urgence à lancer des états généraux de la presse ou une conférence nationale pour ouvrir un vaste débat public, afin de donner de nouvelles perspectives au renforcement pérenne du pluralisme ? N'est-il pas temps de réfléchir à l'élaboration d'une loi-cadre anti-concentration, mais aussi de veiller en amont à une meilleure répartition des recettes publicitaires, voire à une taxation supplémentaire de celles-ci, en vue d'alimenter une fondation en faveur du pluralisme de la presse ?

Si notre pays est menacé, ce n'est certainement pas en raison des textes des rappeurs ; c'est à cause de tous ceux qui veulent faire taire la part de vérité dont chacun est porteur.

Malgré certains points positifs, le budget proposé et la politique qu'il décline ne sont pas à la hauteur des enjeux de notre époque et de l'aspiration démocratique de notre peuple à diriger son destin. C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen ne pourra l'adopter.

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