Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 5 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Compte de concours financiers : avances a l'audiovisuel public

Photo de Jean-Marie BockelJean-Marie Bockel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la hausse prévisible et significative du budget de l'audiovisuel public pour 2006 est fondée sur l'augmentation des ressources propres des organismes, et non sur les ressources publiques, qui augmentent de 2, 2 %. La hausse des ressources publiques est donc très relative rapportée à l'inflation.

On demande beaucoup au service public, mais on ne lui donne encore que trop peu de moyens. C'est pourquoi nous ne pouvons que regretter que la réforme de la redevance ne réponde pas mieux aux besoins de l'audiovisuel public.

Oui, l'adossement de la redevance à la taxe d'habitation pour les particuliers et l'inversion de la charge de la preuve ont constitué des mesures efficaces permettant un meilleur recouvrement de l'impôt. De même, la modification des critères d'exonération et leur alignement progressif sur ceux qui valent pour la taxe d'habitation sont des mesures de justice sociale.

Toutefois, ces éléments positifs n'empêchent pas que certaines occasions aient été manquées.

En effet, après trois exercices consécutifs à des taux inchangés et une baisse en 2005 de tarifs arrondis à l'euro inférieur, le taux de la redevance stagne cette année encore. Une telle décision est dommageable, car le taux de la redevance constitue bien le principal levier permettant d'augmenter les ressources publiques de l'audiovisuel et, ainsi, de dégager des marges de manoeuvre en faveur du secteur de la création et de la production audiovisuelle. Je ne reviens pas sur nos regrets quant à l'exonération des résidences secondaires.

Enfin, le renouvellement du plafonnement du remboursement des exonérations de redevance, qui constitue un nouveau manque à gagner, nous paraît très critiquable.

La progression des crédits est donc trop modeste non seulement pour faire face aux exigences constantes du service public, mais également, et surtout, pour répondre aux défis majeurs qui se présentent à nous en cette année 2006 ; je vais en évoquer quelques-uns.

En ce qui concerne la poursuite du déploiement de la télévision numérique terrestre, dont le succès est aujourd'hui salué par tous, plusieurs problèmes d'ordre technologique demeurent, notamment celui des zones non couvertes et des zones frontalières. Sans doute pourrez-vous nous apporter des précisions sur ce point, monsieur le ministre ?

L'année 2006 sera aussi celle de la négociation et de la conclusion des nouveaux contrats d'objectifs et de moyens entre l'Etat et les organismes de l'audiovisuel. C'est l'occasion de dresser un bilan des premiers contrats qui ont été signés.

Les engagements souscrits au titre du contrat d'objectifs et de moyens signés en 2002 ont été honorés par les chaînes ; je pense au très bon travail qui a été réalisé par France Télévisions.

Pour autant, il est regrettable de devoir constater que ces chaînes n'ont pu compter que sur des crédits alloués bien en dessous des engagements pris par l'État. Le cas de Arte France est à cet égard emblématique : cette chaîne se voit dotée, pour 2006, d'un budget global de 207, 55 millions d'euros, soit, par rapport à 2005, une hausse de 1, 7 %, ce qui est inférieur à l'inflation. À l'évidence, cette augmentation est insuffisante au regard du contrat signé en mars 2002, prévoyant une hausse de 4 %pour les années 2004 et 2005.

La parole est l'État n'a donc pu être respectée. Ce n'est pas le moindre des paradoxes de rencontrer dans l'audiovisuel des services publics performants, qui ont su se moderniser, et qui ne reçoivent pas en retour un soutien à la hauteur de leurs efforts.

Monsieur le ministre, la politique audiovisuelle que doit conduire l'Etat n'est pas seulement une affaire de moyens : elle exige un engagement clair, cohérent et durable. C'est pourquoi nous souhaiterions l'organisation au Parlement d'un débat pluriannuel portant sur les moyens, les missions et les objectifs de programmation de l'audiovisuel public.

J'en viens maintenant à la Chaîne française d'information internationale. Oui, la réalisation d'une grande chaîne française d'information capable de rivaliser avec la BBC ou CNN, visant à encourager la projection de l'Europe dans le monde est une exigence incontestable. Le récent traitement par les chaînes étrangères des événements dans nos banlieues et le regret de n'avoir pu apporter un éclairage plus informé au travers d'un média français au rayonnement international est présent à nos esprits.

Pour autant, la nature hybride de cette chaîne, constituée en société anonyme à parité entre un groupe public et un groupe privé, mais à laquelle, selon vos déclarations, monsieur le ministre, « l'État allouera [...] les moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions de service public », pose plus de questions qu'elle n'en résout.

Il faut être clair, s'agissant d'une chaîne financée par la redevance, donc par le contribuable. La direction de cette chaîne doit, et peut, être de service public, comme l'a d'ailleurs proposé le P-DG de France Télévisions, M. Patrick de Carolis. Elle doit, et peut, bénéficier d'un budget à la hauteur de ses ambitions, d'une ligne éditoriale totalement indépendante, d'une diffusion sur le territoire français et sur le réseau hertzien gratuit, j'y insiste également. C'est à ces seules conditions qu'elle sera une vraie chaîne crédible et indépendante et que nous pourrons voter les crédits à engager.

Permettez-moi enfin de dire quelques mots sur la réforme de la bande FM qui doit définir ce que sera le paysage radio des vingt ans à venir. La moitié des autorisations des radios privées, soit 1 500 fréquences, vont arriver à expiration entre 2006 et 2008. L'article 138 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle autorise le CSA, jusqu'au 31 décembre 2006, et pas au-delà, à proroger les autorisations de fréquence pour une durée qui ne peut excéder deux ans. L'échéance arrive à grand pas, dans un contexte de concentration toujours plus grande des médias.

Les radios indépendantes qui, ces vingt-cinq dernières années, ont enrichi le paysage culturel par leur liberté de ton et de programmation, s'inquiètent d'obtenir des moyens équitables pour continuer à exister aux côtés des grands groupes. Les alternatives à ces grands groupes ne sauraient être exclusivement publiques, comme Radio France, ou sans moyens réels, comme les radios associatives qui existent encore. Je pense notamment à la situation incertaine, à l'heure où nous parlons, du groupe Nova-Actuel, qui regroupe Nova, TSF, Radio Jazz. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer de quelle manière l'État entend défendre et soutenir cette diversité culturelle ?

Compte tenu des réserves que je viens d'évoquer, et notamment de l'écart entre les crédits et les besoins constatés, même si certains aspects, je l'ai dit, sont positifs, et malgré votre engagement, votre dynamisme et les qualités que vous déployez dans vos fonctions, monsieur le ministre, nous ne pouvons soutenir votre budget.

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