Intervention de David Assouline

Réunion du 5 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Compte de concours financiers : avances a l'audiovisuel public

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 22 avril 2005 prenait fin l'un des plus longs conflits sociaux de l'histoire de la radio publique, qui a perturbé les différentes antennes du groupe Radio France pendant dix-neuf jours.

Contrairement à ce que certains laissent entendre, cette grève des personnels techniques et administratifs de Radio France ne fut pas en soi l'expression de la défense d'intérêts catégoriels et d'avantages acquis.

Comme dans bon nombre d'entreprises publiques aujourd'hui, cette grève était surtout le reflet d'un malaise profond et persistant parmi les salariés. Ce malaise, chers collègues, est entretenu non pas par je ne sais quelle paranoïa des organisations syndicales à l'égard du Gouvernement, mais par la difficulté permanente pour tous les personnels, les usagers et les observateurs à trouver une orientation cohérente et de long terme à l'action de l'État actionnaire.

L'audiovisuel public illustre notamment ce phénomène. Il ne s'agit pas de revenir sur la raison de fond du malaise diffus qui hante les rédactions des chaînes publiques de radio et de télévision depuis presque vingt ans, parce que, depuis 1987 et la privatisation de TF1, le système audiovisuel est devenu un « système de la marchandise », écrasant le service public.

Tenons-nous en donc à quelques faits récents : la loi du 1er août 2000, dite loi « Trautmann-Tasca », a réformé profondément la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, en créant notamment les outils utiles à une meilleure gouvernance des sociétés publiques de radio et de télévision.

Or les trois premiers contrats d'objectifs et de moyens liant des sociétés de l'audiovisuel public à l'État arrivant à échéance, une nouvelle génération de contrats concernant l'ensemble des opérateurs doit être signée en 2006. Ces documents doivent comporter des engagements chiffrés des opérateurs sur les objectifs relevant de leurs missions de service public.

Pourtant, comme le soulignait à l'Assemblée nationale, à l'occasion du débat sur la mission « Médias », le rapporteur spécial M. Patrice Martin-Lalande, si « la deuxième génération de contrats d'objectifs et de moyens permettra d'améliorer en 2006 le pilotage de l'ensemble de l'audiovisuel public [...] le Parlement devrait aussi, si le Gouvernement le veut bien, être consulté pour avis préalablement à la signature définitive des contrats d'objectifs et de moyens. »

Dans la même perspective, mes chers collègues, vous vous associerez sans aucun doute à mon étonnement de constater que RFI, dont la mission est présentée comme « stratégique » par le Gouvernement pour le rayonnement de la France dans le monde, n'est toujours pas signataire d'un contrat d'objectifs et de moyens.

Toujours sur le même registre, comment la direction d'un groupe de la taille de France Télévisions peut-elle se satisfaire de ne pas avoir encore conclu les négociations du contrat d'objectifs et de moyens qui doit prendre le relais de celui qui arrive à échéance le 20 décembre prochain ?

Dans ces conditions, il est difficile de ne pas partager le scepticisme des personnels des opérateurs sur la crédibilité de l'État actionnaire, d'autant que lesdites entreprises du secteur public de l'audiovisuel, donc de l'information, restent des points de chute avantageux pour un certain nombre de proches du pouvoir en place.

On partage d'autant plus leur scepticisme qu'au mépris des avis consensuels de tous les observateurs éclairés de l'audiovisuel public - de droite comme de gauche - ce Gouvernement persiste à offrir à TF1 la moitié du capital et des leviers de commande d'une chaîne d'information internationale en Français, que le regroupement des moyens publics existants aurait permis de créer au mieux des intérêts du service public et de la gestion publique.

Permettez-moi de faire une parenthèse, monsieur le ministre. L'année dernière, j'ai exprimé mon doute sur le projet retenu, qui n'était pas celui de France Télévisions avec l'ensemble des opérateurs publics, y compris l'AFP. Je trouvais que les deux cultures, celle de TF1 et celle du service public, étaient pour le moins antagoniques, surtout si l'on se réfère à ce qu'avait déclaré à l'époque M. Le Lay : à la base, la mission de TF1 est de vendre à Coca-Cola du temps de cerveau humain disponible. Ce n'était pas franchement la vision que l'on avait de la diffusion de la culture française dans le monde !

Je ne veux pas faire de mauvais pronostics sur la chaîne d'information internationale, mais je crains que les moyens qui lui sont accordés ne lui permettent pas de devenir une chaîne incontournable. De l'avis de tous ceux qui évaluent les moyens qui lui seraient nécessaires pour percer sur le plan international, il faudrait plus d'investissement de la part de l'État. Mais ce serait peut-être de l'argent jeté par les fenêtres si cette chaîne « capotait » !

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