Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 8 juillet 2009 à 14h30
Protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Michèle Alliot-Marie, ministre d'État :

… ce qui permet de garantir que la lettre d’avertissement a bien été reçue par son destinataire.

Troisième étape, si, après ce double avertissement, l’abonné qui laisse commettre des téléchargements illégaux refuse toujours de se conformer à la loi, alors, la réponse pénale intervient.

Je suis convaincue que les deux premières mesures auront un effet dissuasif sur les contrevenants. C’est d’ailleurs bien ce que nous recherchons. Selon moi, la répression pénale aura donc, dans les faits, une dimension tout à fait subsidiaire.

Dans le cas d’un défaut de surveillance, l’abonné commet une contravention de la cinquième classe passible d’une suspension d’internet de un mois.

Conformément aux exigences posées par le Conseil constitutionnel, cette démarche ne fait peser sur l’abonné aucune présomption de culpabilité. Il n’y a donc aucune atteinte à la présomption d’innocence. En effet, il reviendra au parquet, sous le contrôle du juge, de prouver la négligence caractérisée, sur la base de faits objectifs et tangibles.

Le seul fait que des téléchargements illégaux soient commis sur sa ligne ne suffit donc pas à engager la responsabilité d’un abonné : il devra avoir été averti. Il devra également être établi qu’il n’a pas pris des mesures pratiques et concrètes pour mettre un terme à ces téléchargements.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai entendus émettre un certain nombre de doutes quant à l’efficacité du dispositif. Certains d’entre vous ont notamment évoqué la possibilité, pour un internaute dont l’abonnement aurait été suspendu, de se réabonner par le truchement de l’un de ses proches.

Soyons lucides : il y aura toujours des personnes pour enfreindre ou contourner la loi. Mais ce n’est pas parce qu’il y a des chauffards que nous n’avons pas besoin de code de la route ! L’existence même des infractions prévues par la loi permettra d’exercer un effet dissuasif sur l’immense majorité de nos concitoyens, qui n’ont pas forcément conscience aujourd’hui de commettre un acte illégal.

Pour garantir l’efficacité du dispositif, le Gouvernement s’est fixé trois objectifs.

Le premier est d’améliorer le travail d’investigation préalable aux poursuites. Pour ce faire, les agents assermentés de la HADOPI auront la possibilité de dresser des procès-verbaux constatant les délits de contrefaçon par internet et la contravention de négligence caractérisée. Ils pourront également recueillir par procès-verbal les déclarations de l’internaute relatives à l’infraction.

Je tiens à le souligner, les pouvoirs confiés aux agents de la HADOPI seront strictement limités aux constatations. Leurs procès-verbaux constitueront des éléments de preuve parmi d’autres, à charge ou à décharge.

Ces agents agiront sous le contrôle complet de l’autorité judiciaire, conformément à la demande du Conseil constitutionnel. Le parquet, une fois saisi, sera libre d’apprécier les éléments fournis et de poursuivre ou d’approfondir l’enquête.

Il n’y a donc pas d’exercice abusif des pouvoirs de police judiciaire par les agents de la HADOPI, ce qui répond aux préoccupations du Conseil constitutionnel et ôte tout fondement à la crainte d’une censure.

Le deuxième objectif du projet de loi est de simplifier le traitement judiciaire de la procédure.

Les atteintes aux droits d’auteur sur internet étant fort répandues, elles doivent faire l’objet d’une procédure adaptée et simplifiée, celle de l’ordonnance pénale, qui relèvera de la compétence du juge unique. Cette réactivité de la réponse contribuera également à la pédagogie du dispositif.

Je vous rappelle que la procédure de l’ordonnance pénale, fréquente en droit pénal français, respecte les droits de la défense et le principe du contradictoire, règles procédurales protégées par les principes fondamentaux du droit et la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

En l’espèce, le texte veille au respect du droit de toutes les parties.

Premièrement, la procédure n’est pas obligatoire. Il suffit que les parties manifestent leur opposition pour que l’affaire soit jugée de manière classique devant le juge, en audience publique.

Deuxièmement, la procédure est exclue si les ayants droit veulent se constituer parties civiles. Dans ce cas, on revient à la procédure classique.

Troisièmement, même si l’ordonnance pénale est prononcée, les parties civiles pourront se présenter devant le juge civil pour réclamer des dommages et intérêts.

Enfin, quatrièmement, le recours à cette procédure ne sera pas systématique. Dans les cas les plus graves d’atteintes à la propriété – par exemple, en cas de téléchargements massifs -, les poursuites auront lieu directement devant le tribunal correctionnel.

Il s’agit donc de répondre d’une façon rapide et adaptée aux cas les plus banals, au moyen d’une sanction pédagogique.

Le moment venu, j’adresserai une instruction en ce sens aux procureurs, mais, étant donné que je réunis les procureurs généraux le 20 juillet prochain, j’en profiterai pour les sensibiliser d’ores et déjà à cette question.

Le troisième objectif de ce projet de loi est de garantir l’effectivité de la suspension, car il n’y a rien de pire que des sanctions qui ne peuvent pas être mises en œuvre.

C’est la raison pour laquelle le fournisseur d’accès à internet, ou FAI, sera impliqué ; il sera avisé par la HADOPI de la mesure judiciaire de suspension qui aura été prise et pourra ainsi suspendre l’abonnement pour la durée qui aura été déterminée par le juge.

Pendant ce laps de temps, l’abonné n’aura pas le droit de se réabonner auprès d’un autre fournisseur, la violation de cette interdiction constituant alors un délit.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que j’ai aujourd’hui l’honneur, avec Frédéric Mitterrand, de vous soumettre, est équilibré.

Il est cohérent par rapport aux finalités de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite loi HADOPI, votée par le Parlement.

Il est pragmatique, car il prévoit des sanctions adaptées à la réalité du téléchargement illégal, en privilégiant la prévention et la dissuasion par rapport à la répression.

Il renforce les libertés et la protection des personnes : tout d’abord, la liberté des créateurs et des artistes ; ensuite, la liberté d’expression des internautes, rappelée par le Conseil constitutionnel ; enfin, les libertés fondamentales du citoyen, garanties par l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles et collectives.

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