On me dira : « Tout cela est fait pour ce droit qui vous est si cher, vous qui, depuis tant d’années, combattez fidèlement pour lui, le droit d’auteur ».
Je ne suis pas naïf, et quand, dans Le Nouvel Observateur, le Président déclare : « J’ai compris, mon rôle était de défendre la création et les artistes », je suis stupéfait ! Sa lettre de mission à Mme Albanel, du 1er août 2007, les méfaits de sa RGPP, la « réduction générale des politiques publiques », déstabilisante, voire « volatilisante » pour un ministère qui fête le cinquantième anniversaire de sa création, le rétrécissement du budget de la culture, tout cela milite à l’opposé.
Et ce n’est pas tout !
Sur le droit d’auteur, seuls les actes départagent. Or le Sénat et l’Assemblée nationale avaient voté à l’unanimité, voilà deux ans, une définition des œuvres patrimoniales. Le Gouvernement n’en a jamais assuré la moindre application. Lors de la discussion – déjà en urgence – en mai 2006 de la loi DADVSI destinée à transposer la directive européenne du 22 mai 2001, on pouvait lire, au considérant 7 de celle-ci que « le cadre législatif communautaire relatif à la protection du droit d’auteur et des droits voisins doit [...] être adapté et complété dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur ».
Le droit moral, essentiel au droit d’auteur, n’a été évoqué que douze fois au cours du débat à l’Assemblée nationale, où la majorité déclarait chercher l’équilibre en la matière, alors que le marché l’a été cent quatorze fois. De plus en plus, l’équilibre entre droit d’auteur, droit des publics et droit de l’exploitant, qui a toujours été le résultat d’un compromis – le droit d’auteur en étant le centre et la dynamique –, est aujourd’hui rompu par l’accroissement de l’emprise de l’économie financiarisée sur la vie de la société.
Le centre de gravité du droit d’auteur s’est clairement décalé vers la protection des investissements, sous la pression de puissants groupes d’intérêt avec qui le Gouvernement travaille en fertilisation croisée.
Ainsi se développe un « droit d’auteur sans auteur » dans le cadre du nouvel Esprit des lois, « la concurrence libre et non faussée », qui n’est pas pour rien dans la crise actuelle.
C’est pourquoi, le 13 mai dernier, lors de la discussion – encore en urgence – de la loi HADOPI 1 au Sénat, nous avons déposé un amendement sur la réaffirmation solennelle du droit d’auteur comme un droit fondamental comprenant le droit moral et garantissant la rémunération de l’auteur et de ses ayants droit.
À la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2009 et afin de renforcer la protection du droit moral des auteurs – spécificité française –, nous réfléchissons au dépôt d’une proposition de loi qui tendra à faire reconnaître le droit moral comme principe constitutionnel.
Le 13 mai dernier, nous avions aussi déposé un amendement sur la reconnaissance de l’accès égalitaire à internet à haut débit comme droit fondamental de tous les citoyens, sur l’ensemble du territoire.
Nous avions proposé, dans un troisième amendement, la création d’un conseil pluraliste « Beaumarchais-internet-responsabilité publique et sociale », comprenant d’abord ceux qui font les programmes, ceux qui les regardent et les chercheurs qui analysent leur rencontre, amendement clef, car ces trois catégories de citoyens sont absentes de toutes les structures d’études gouvernementales.
Un quatrième amendement tendait à instituer une contribution des opérateurs de télécommunications au financement des droits d’auteur et de la création, ce qui n’efface pas la nécessité d’une contribution raisonnable des internautes.
Un autre amendement concernait la constitution d’une plateforme publique de téléchargements, votée à l’unanimité en 2006 et toujours pas appliquée !
Enfin, un dernier amendement portait sur la garantie des droits d’auteur des journalistes et des photojournalistes. J’étais hier à l’inauguration des rencontres de photographie d’Arles et je vous assure que les photographes sont très inquiets.
La majorité a refusé tous ces amendements, ce qui lui interdit décemment de se dire défenseur des auteurs et des artistes et, plus généralement, de la création.
Dans le texte de la commission de la culture, en familiarité avec le Gouvernement, il n’y a pas de réponse au défi que doit relever ce secteur de la vie sociale, humaine et culturelle. Ce projet de loi crée un monde des issues fermées.
Nous étions dans une situation hadopitoyable ? Le texte d’aujourd’hui crée une situation hadopire ! Et, même si vous avez la majorité, monsieur le ministre, vous n’aurez qu’une victoire à la hadopyrrhus…