Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 8 juillet 2009 à 14h30
Protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet — Article 1er

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Cet amendement a pour objet de substituer à la procédure prévue par le projet de loi une procédure conforme aux principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et de respect de la présomption d’innocence.

En effet, la procédure que vous nous proposez est inconstitutionnelle à double titre.

Premièrement, elle vise à organiser la possibilité pour les membres d’une autorité administrative de constater la matérialité d’infractions pénales sans que ses agents aient de pouvoirs de police judiciaire.

Dans ces circonstances, un juge devrait non seulement autoriser de telles constatations, mais également en surveiller le bon déroulement par la désignation d’un officier de police judiciaire.

En effet, mes chers collègues, il s’agit bel et bien d’opérations de police judiciaire, qui devraient être menées sous le contrôle du parquet.

Selon le Conseil constitutionnel, « la poursuite et la répression des crimes et délits relève, par principe, du pouvoir de contrôle de l’autorité judiciaire ».

Le Conseil poursuit ainsi : « l’autorité judiciaire devait être informée au plus tôt et prendre le contrôle du reste de la procédure sous sa surveillance en cas de poursuite d’une infraction ou d’existence de raisons plausibles qu’une infraction va être commise ».

Nous sommes bien dans le cadre d’une poursuite d’infraction puisque le procès verbal en constate une. Par conséquent, logiquement, le juge devrait être impliqué.

Dans ce projet de loi, la commission de protection des droits remplace à elle seule la police judiciaire et le parquet pour la poursuite des infractions ! Il s’agit d’une privatisation grave des poursuites pénales, qui est contraire au principe de séparation des pouvoirs.

Deuxièmement, cet article soulève le problème de la violation du principe de la présomption d’innocence.

Selon le Conseil constitutionnel, il ne peut être établi en matière répressive de présomption de culpabilité. Le principe de la présomption d’innocence s’y oppose : on est innocent jusqu’à preuve, devant le juge, de sa culpabilité. Or dire que le procès-verbal fait foi jusqu’à preuve du contraire, c’est justement mettre en place une présomption de culpabilité ! L’internaute est présumé coupable, et c’est à lui d’apporter la preuve qu’il ne l’est pas : c’est un comble !

Un tel renversement de la charge de la preuve n’est accepté que dans des domaines très précis où la matérialité de l’infraction et l’identité de l’auteur sont incontestables, par exemple les infractions routières.

La contrefaçon sur internet est plus complexe qu’un délit routier, et on ne peut transposer aveuglement la poursuite d’une infraction routière à l’infraction de contrefaçon simplement pour mieux condamner !

Vous mettez en place une procédure d’exception, qui s’assoit sur les principes fondamentaux du procès équitable et des droits de la défense ! La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI, n’est pas au service de la justice, c’est la justice que vous mettez à son service ! La personne n’est ni convoquée ni rendue apte à faire valoir ses observations systématiquement, et elle n’est pas assistée dans ce cas par son avocat !

Un pauvre procès-verbal suffit à établir la matérialité de l’infraction : l’imputabilité découlera de l’adresse IP, qui n’est pas forcément celle de l’auteur de l’infraction puisque ce type d’adresse peut aujourd’hui être détourné…

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