La procédure instaurée par ce projet de loi pose plusieurs problèmes, en particulier celui de l’absence de garantie des droits de la défense. Compte tenu de la définition des nouvelles missions d’enquête de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, qui se voit confier un pouvoir d’enquête et de constatation des infractions d’ordinaire dévolu à la police judiciaire, et de l’introduction, pour le traitement des actes de contrefaçon, de deux procédures judiciaires simplifiées, nous sommes en présence d’un dispositif qui ne prévoit à aucun moment que le citoyen soit entendu, ni au stade de l’enquête ou de l’instruction ni lors du jugement.
Or, le droit d’être entendu constitue la première garantie de jugement équitable, la prérogative minimale de la défense, ainsi que l’établissent à la fois l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article préliminaire du code de procédure pénale. Le droit d’enquête accordé à la Haute autorité est donc exorbitant.
Le droit d’être entendu doit donc non seulement être introduit dans la procédure d’enquête de la Haute autorité, mais également être formalisé et normalisé, dans la mesure où il s’agit du premier stade d’un jugement ultérieur. Précisons-le immédiatement, si l’avant-dernier alinéa de l’article L. 331-26 du code de la propriété intellectuelle offre aux internautes accusés la possibilité d’envoyer leurs observations à la Haute autorité, cette faculté ne saurait se substituer à un recueil formel et obligatoire de leurs observations par un agent assermenté lors de ce qui est bien une phase d’enquête, voire d’instruction.
Par ailleurs, parmi les deux derniers alinéas, que nous proposons de récrire, le dernier indique que les procès-verbaux de la Haute autorité « font foi jusqu’à preuve contraire »…
Dans un contexte où le citoyen visé par les accusations n’est pas nécessairement entendu, cet alinéa renverse la charge de la preuve, en créant une véritable présomption de culpabilité qui constitue une atteinte au principe constitutionnel de présomption d’innocence.
Souvenons-nous que, dans sa décision sur la conformité à la Constitution du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, le Conseil constitutionnel a estimé que « le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive ». Il est donc nécessaire, sous peine d’inconstitutionnalité, de supprimer le dernier alinéa de l’article 1er du présent projet de loi.
Modifier la procédure d’enquête de la Haute autorité en y réintroduisant un minimum de garanties des droits de la défense et s’assurer que ne soit pas inscrit dans la loi que le jugement ne se fera qu’à charge, tel est le sens de la récriture des deux derniers alinéas de cet article. Ces deux points ont fait l’objet de commentaires dans la décision rendue le 10 juin 2009 par le Conseil constitutionnel, mais la majorité ne semble pas les avoir totalement entendus !