Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 8 juillet 2009 à 14h30
Protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet — Article 2

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Cet amendement a pour objet de supprimer le recours automatique à l’ordonnance pénale.

Tout d’abord, l’ordonnance pénale a été créée pour faire face aux contentieux de masse, qui ne soulèvent guère de problèmes de preuve. Une telle procédure est absolument impraticable pour les délits de contrefaçon sur internet. En effet, le dernier alinéa de l’article 495 du code de procédure pénale prévoit ceci : « Le ministère public ne peut recourir à la procédure simplifiée que lorsqu’il résulte de l’enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont établis et que les renseignements concernant la personnalité de celui-ci, et notamment ses charges et ses ressources, sont suffisants pour permettre la détermination de la peine ».

Ensuite, en vertu du neuvième alinéa de l’article 495 du code de procédure pénale, l’ordonnance pénale suppose que la victime ne demande pas de dommages et intérêts. Alors même que la protection contre la contrefaçon est un outil de protection des auteurs et artistes, le recours à l’ordonnance pénale les prive du droit de demander réparation de leur préjudice, ce qui absolument contre-productif.

Par ailleurs, l’ordonnance pénale n’est pas applicable aux mineurs en vertu du huitième alinéa de l’article 495. Or, nous le savons, ceux qui recourent le plus au piratage sont des mineurs.

Enfin, dans sa décision du 29 août 2002, le Conseil constitutionnel a considéré que, « si l’article 495-1 du même code donne au ministère public le pouvoir de choisir la procédure simplifiée, dans le respect des conditions fixées par l’article 495, c’est en raison du fait que la charge de la poursuite et de la preuve lui incombe ».

L’article 495 fait très clairement référence à la charge de la preuve, qui incombe au ministère public, alors que le projet de loi prévoit que le procès-verbal établi par la commission de protection des droits fait foi jusqu’à preuve du contraire. Cette contradiction doit être levée, car elle est contraire au principe de la présomption d’innocence.

Mes chers collègues, la procédure d’ordonnance pénale n’est recevable que si le prévenu a bénéficié de toutes les garanties d’un procès équitable. Or, le dispositif proposé dans le projet de loi a justement pour but de contourner le principe constitutionnel du droit à un procès équitable. La place faite au juge est réduite à la portion congrue : il n’aura d’autre pouvoir que de prononcer la peine au vu du dossier monté par la Haute autorité, sans aucune marge de manœuvre.

Contrairement à ce que vous avez dit ou à ce que vous avez voulu faire croire, madame la ministre d’État, nous faisons confiance au juge et demandons un contrôle judiciaire.

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