L’ordonnance pénale a d’abord été créée pour faire face aux contentieux de masse posant peu de problèmes de preuve, à savoir les contraventions routières. Ces contraventions sont matériellement simples et obéissent à des règles de preuve qui limitent considérablement les droits de la défense ; un extrait du casier judiciaire est suffisant pour que le juge fixe une peine adéquate.
Cette pratique, qui permet d’augmenter, à budget constant, le nombre de condamnations, était alléchante. C’est pourquoi, selon la technique habituelle de l’exception qui s’élargit discrètement, cette procédure qualifiée de « simplifiée » a été étendue à plusieurs autres délits, notamment par les lois Perben I et II.
Or, on le voit bien, cette procédure ne peut fonctionner que pour des délits simples à établir, ce qui n’est absolument pas le cas de la contrefaçon, surtout par voie informatique.
Il faut en effet que le parquet puisse apporter la preuve que l’œuvre téléchargée était protégée, que l’abonné savait qu’il téléchargeait une œuvre protégée, et tout simplement identifier ce dernier, ce que l’adresse IP ne suffit pas à établir. Il y a donc fort à parier que la plupart des ordonnances pénales seront refusées par le juge pour preuves insuffisantes. Le parquet devra alors ouvrir une enquête de police, ce qui fait perdre tout l’intérêt simplificateur : la police étant le bras séculier du parquet, la faire enquêter sur des contrefaçons l’empêche de s’occuper d’autres affaires.
De plus, pour des raisons tout à fait justifiables, l’ordonnance pénale n’est pas applicable aux mineurs. Or les adolescents forment une part non négligeable des pirates du web et sont souvent parmi les plus compétents et inventifs.
Enfin, il a été répété que l’objectif de cette loi était avant tout de protéger les artistes. Or, amusant paradoxe, le recours à l’ordonnance pénale suppose que la victime ne demande pas de dommages et intérêts. Les ayants droit ne pourront pas demander réparation de leur préjudice. Cette loi ne les protégera donc pas.
Bref, le recours aux ordonnances pénales est, en l’espèce, tout sauf opportun et ne sert qu’à combler une soif de répression. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de ce dispositif.