Avec cet article, le Gouvernement réintroduit la suspension de l’abonnement à internet, qui devient ainsi une peine complémentaire à la peine principale applicable en matière de contrefaçon de droits d’auteur.
Malgré la censure du Conseil constitutionnel et la profonde injustice que constituerait la suspension de l’abonnement, le Gouvernement persiste dans sa logique en privant des internautes de leur droit de communiquer librement.
Cette nouvelle peine complémentaire est profondément scandaleuse et reste totalement disproportionnée à la réalité des infractions poursuivies. En outre, elle ne tient absolument pas compte des difficultés techniques qui apparaîtront forcément à la suite de sa mise en œuvre.
Tout d’abord, le problème des offres composites en zone groupée n’a pas été réglé. En effet, aucune garantie n’existe aujourd’hui sur le fait que la télévision et le téléphone ne seront pas coupés. D’une double peine – une amende et la suspension de l’abonnement –, cette sanction se transformera en triple peine en ajoutant la privation de la télévision et du droit à la correspondance.
Ensuite, cet article introduit un cavalier législatif honteux, qui a pour effet d’étendre à toutes les formes de contrefaçon sur internet la sanction de peine complémentaire. Seront donc non seulement visées les pratiques de pair à pair, mais également toute forme de mise à disposition d’un document pour lequel une autorisation n’a pas été demandée à l’auteur. Songez, mes chers collègues, aux millions de vidéos accessibles sur les sites YouTube ou Dailymotion.
Ce texte crée un appel d’air phénoménal qui permet à n’importe quelle chaîne de télévision, à n’importe quel artiste, à n’importe quelle major de demander la condamnation d’une personne qui aura voulu partager avec ses amis une courte vidéo qu’il apprécie ou une musique qu’il aura ajoutée à un film de vacances. Dès lors, la HADOPI sera confrontée non pas à quelques milliers de demandes, mais à des millions, soit bien plus qu’elle ne pourra en traiter.
À ces questions techniques se greffe une injustice terrible qui consiste à obliger une personne à payer un abonnement dont elle ne dispose plus. Le droit pénal vient ici troubler l’exécution d’un contrat où une partie n’aura plus de contrepartie à l’exécution de ses obligations.
En cette période où la majorité fait la promotion du télétravail, même en cas de congé pour maladie, le Gouvernement crée les conditions de la précarité : des milliers de personnes, si on les prive de connexion, perdront par la même occasion leur source de revenus. Dans ce contexte, comment le juge réagira-t-il ?
Après le permis blanc réhabilité par le Conseil d’État, on verra demain l’abonnement blanc rétabli par le juge pour les personnes qui travaillent avec internet. La raison en est simple : cette suspension d’abonnement à internet aura un effet retentissant dans certains foyers. Ces derniers seront privés à la fois de connexion, de revenus, et donc de moyens de subsistance !
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons de supprimer cette peine complémentaire.