Avec les quatrième et cinquième alinéas de l’article 3, les dispositions rejetées par la porte parlementaire reviennent par la fenêtre gouvernementale ! C’est un procédé auquel nous nous trouvons malheureusement trop souvent confrontés, procédé qui est inquiétant au regard de la place donnée à la concertation, à la décision pluraliste et, bien sûr, au travail parlementaire.
Souvenons-nous de ce qu’il est advenu du « blanc » issu des États généraux de la presse concernant le droit d’auteur des journalistes, par exemple.
En l’espèce, il faut rappeler que, à l’occasion de la première lecture du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, les députés avait adopté à l’unanimité un amendement selon lequel, en cas de coupure de l’accès à internet – la sanction finale de la riposte graduée –, l’internaute n’aurait pas à payer cette prestation de service dès lors non assurée. La commission mixte paritaire était revenue sur cette disposition début avril, sans que l’on comprenne bien pourquoi, instituant ce qui a été qualifié de « double peine » par certains parlementaires.
Les alinéas dont nous discutons réaffirment le principe du paiement de l’abonnement, y compris en cas de coupure de l’accès à internet.
Nos protestations contre ces dispositions dépassent bien évidemment la seule critique du procédé : elles valent sur le fond, d’autant plus que nous discutons aujourd’hui du règlement judiciaire et pénal.
En effet, le statut du maintien de l’obligation de paiement est très discutable : soit la peine de coupure est une peine complémentaire et, dans ce cadre, l’obligation de paiement s’assimile à une amende et doit donc être adressée au Trésor public ; soit c’est la coupure seule qui fait office de peine complémentaire, dans un contexte où le code pénal prévoit déjà une peine principale qui peut prendre la forme d’une amende.
Pour reprendre les propos d’un collègue socialiste de l’Assemblée nationale, Christian Paul, qui se référait à ceux du Gouvernement et de la majorité lorsqu’ils comparent le règlement pénal du délit de téléchargement aux délits commis sur la route, ce maintien de paiement pourrait être comparé à l’obligation de faire le plein pour un automobiliste à qui l’on aurait retiré le permis !
On arguera que l’arrêt du paiement lèsera les FAI, qui ne sont pas responsables du délit. On peut répondre que le droit des contrats s’applique en la matière, et que celui-ci prévoit une résiliation en cas de force majeure. Or une suspension par décision pénale est bien un cas de force majeure.
Enfin, convenons-en, la problématique posée par le téléchargement illégal des œuvres soumises au droit d’auteur est plus complexe que la seule culpabilité d’internautes supposés inconscients et égoïstes. N’oublions pas que les industries elles-mêmes ont contribué à la situation, en ne développant pas l’offre légale – mais là, ils ne sont pas les seuls responsables, les propriétaires de catalogues le sont également grandement – et en s’appuyant sur la possibilité du téléchargement pour se développer commercialement.
Dans ces conditions, accepter le maintien du paiement, c’est accepter que seuls les internautes soient responsables d’une situation économique autrement plus complexe.