Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 11 février 2010 à 15h00
Lutte contre les violences de groupes — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

… responsabilité, monsieur le président de la commission des lois, que le professeur Yves Mayaud définit dans les termes suivants : « une responsabilité qui pèserait sur une personne au titre d’une participation à une infraction commise par plusieurs, mais sans qu’il soit possible de savoir qui, des participants, a précisément réalisé le fait qui en constitue la matérialité ».

Eh bien, une telle participation ne peut être considérée comme une infraction au sens de cette jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Vous ne pouvez ignorer, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, que la présente proposition de loi instaure de facto une responsabilité collective.

Je rappelle que, si les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat ont toutes deux donné un avis favorable à la proposition de loi adoptée le 23 décembre 1981 et tendant à l’abrogation de la loi n° 70-480 du 8 juin 1970, dite loi « anticasseurs », c’est précisément parce que la mise en œuvre de celle-ci avait de facto institué une responsabilité collective.

Or la disposition que nous contestons est encore moins précise que celle qui figurait dans la loi « anticasseurs ». Plus que de l’instauration d’une responsabilité pénale du fait d’autrui, c’est de la mise en œuvre d’une responsabilité du fait de l’intention d’autrui qu’il s’agit et, à cet égard, la proposition de loi que nous examinons encourt un risque considérable d’inconstitutionnalité.

J’ajoute que ces dispositions aboutissent à créer une présomption d’élément intentionnel de l’infraction qui entraîne un renversement de la charge de la preuve puisque, in fine, ce sera à la personne poursuivie de prouver que, malgré les éventuels liens qu’elle entretient avec les membres d’un groupement, elle n’est pas elle-même animée d’intentions délictueuses.

Monsieur le secrétaire d'État, vous ne pouvez nier que le délit d’appartenance à une bande temporaire est très imprécis. Envisageons, très concrètement, que vous participiez à une manifestation – il vous arrive peut-être de manifester, pour défendre les convictions qui sont les vôtres – et que vous vous trouviez temporairement sur un trottoir, à côté de personnes que vous ne connaissez pas et dont l’une s’est préparée à commettre une infraction…

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