Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 13 novembre 2009 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2010 — Article 14, amendements 494 273 75 276 2003

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre :

Les abus qui sont commis nous choquent, me choquent. Néanmoins, je ne peux être favorable à ces amendements, et je vais vous expliquer pourquoi.

Monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis, avec les amendements identiques n° 3 et 49, vous proposez d’assujettir aux cotisations de sécurité sociale les rentes versées au titre des retraites « chapeau » lorsqu’elles sont supérieures à 275 000 euros. En d’autres termes, en plus de la contribution de 16 % appliquée sur la part des rentes supérieures à 1 000 euros et de la CSG-CRDS sur les pensions de retraites – au taux de 7, 1 % –, vous voulez ajouter 30 points de cotisations et contributions sociales à la charge de l’ex-employeur sur la part des rentes excédant 275 000 euros.

Votre mesure s’applique d’ailleurs aussi si l’employeur a payé sa contribution à l’entrée, c’est-à-dire sur les primes versées à l’assureur. Elle entrerait en vigueur pour les rentes versées à partir du 1er janvier 2010, donc pour l’ensemble des régimes existants.

Vous l’avez souligné, ce dispositif soulève des difficultés importantes de principe et de mise en œuvre.

Dans leur très grande majorité, les entreprises ont opté pour le prélèvement à l’entrée lors de la constitution des droits : cela représente aujourd’hui plus de 90 % des contributions versées et près des deux tiers des entreprises. Cela leur permet de ne plus payer de cotisations sur les rentes versées à des retraités qui n’ont plus de lien avec l’entreprise, et pour certains d’entre eux depuis très longtemps.

L’adoption de ces amendements identiques aboutirait à taxer deux fois les entreprises qui ont fait ce choix : lorsque les droits sont constitués, d’une part, lorsque ceux-ci ont été liquidés et que le salarié a pris sa retraite, d’autre part.

Cela reviendrait aussi à faire payer à l’entreprise des cotisations patronales sur des sommes versées à des retraités qui n’ont plus de lien avec l’entreprise depuis des années. En outre, la rente est versée dans la majorité des cas par un assureur. On ne peut pas faire payer à l’assureur les cotisations patronales, même pour le compte de l’employeur si cela n’a pas été prévu dans le contrat entre ce dernier et l’assureur.

Un amendement du député Yves Bur a prévu d’étudier les possibilités techniques d’une individualisation de la contribution versée à l’entrée. Le Gouvernement s’est engagé à remettre un rapport sur la question d’ici au 15 septembre 2010. Sans doute serait-il utile d’attendre ce rapport, car de nombreuses difficultés existent, vous avez eu l’honnêteté de le souligner.

J’en viens au paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale de droit commun, prévu par les amendements n° 494 et 273 et les amendements identiques n° 75 et 276. Cela n’est pas possible, compte tenu de la spécificité du fonctionnement du système de retraites « chapeau ». En effet, celui-ci donne lieu à la constitution d’un fonds dans lequel les droits des salariés ne sont pas individualisés par bénéficiaire. C’est d’ailleurs précisément la raison pour laquelle la loi de 2003 a créé un prélèvement payable par l’entreprise sur le montant global des sommes qu’elle consacre au financement de ces régimes. Il n’y avait pas d’autres solutions, vous en conviendrez.

La taxation spécifique permet à ces sommes, malgré leur spécificité, de figurer parmi les éléments contribuant au financement de la solidarité nationale ; son principe est tout le contraire d’une exonération.

J’en viens à la suppression de la gestion en interne des régimes de retraites « chapeau », visée par l’amendement n° 109. C’est une très bonne idée ! Cela sécurise les salariés à l’égard desquels les engagements de retraite sont pris, ainsi que les entreprises elles-mêmes. Mieux vaut confier la gestion de ces régimes de retraite, comme nous l’avions prévu voilà quelques années s’agissant de la prévoyance, à des organismes dont c’est le cœur de métier.

Pour ces bonnes raisons, nous avons décidé, au moment du débat à l’Assemblée nationale, notamment en réponse aux amendements de M. Yves Bur, de supprimer, pour les régimes créés après le 1er janvier 2010, la possibilité de gestion en interne par les entreprises.

En revanche, s’agissant des régimes qui existent déjà, je pense qu’il faut laisser le temps aux entreprises de s’adapter dans de bonnes conditions à ce changement. Il importe d’expertiser comment ceux qui existent d’ores et déjà pourraient évoluer en ce sens. On ne peut pas mettre en faillite des entreprises qui n’auraient pas les actifs liquides suffisants pour externaliser leurs engagements de retraite.

C’est pourquoi, concernant les systèmes existants, nous avons prévu que ce sujet soit traité dans le cadre du rapport que j’ai déjà évoqué et que le Gouvernement remettra au Parlement avant le 15 septembre prochain.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion