Intervention de Pierre Martin

Réunion du 11 février 2010 à 15h00
Lutte contre les violences de groupes — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Pierre MartinPierre Martin :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la sécurité est un droit fondamental du citoyen et une impérieuse exigence de justice sociale.

Ces dernières années, les incivilités, surtout les violences, n’ont cessé d’augmenter.

Aujourd’hui, ce fléau concerne tous les lieux de la vie sociale – la rue, le quartier, les moyens de transport, les écoles, les stades –, traduisant le mal-être, le désespoir, une façon d’exister peut-être.

Compte tenu de mes implications, je concentrerai mon intervention sur les mesures relatives à la lutte contre les violences commises lors de manifestations sportives. Les articles 4 septies et 4 octies de la présente proposition de loi ont entériné deux des dispositions que je préconisais.

Les violences perpétrées lors de matchs de football, en augmentation en France, ont touché plus précocement nos voisins européens, qui ont mis en place, avec succès, des politiques adaptées. La Belgique et le Royaume-Uni, insistant respectivement sur la prévention et sur la répression, constituaient ainsi pour nous d’excellentes sources d’inspiration. Mon collègue Bernard Murat et moi-même imaginions que les interdictions administratives de stade pouvaient être applicables une année entière.

Dans l’historique des interdictions de stade, il est à noter que la loi du 6 décembre 1993 relative à la sécurité des manifestations sportives avait déjà instauré une peine complémentaire : l’interdiction de pénétrer dans une ou plusieurs enceintes sportives, pour une durée maximale de cinq ans. De plus, la personne condamnée pouvait être astreinte à répondre aux convocations du commissariat de police pendant la durée des matchs. Cette mesure est restée lettre morte, du fait de la difficulté à suivre véritablement les personnes condamnées à cette peine.

La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure avait, quant à elle, autorisé le fichage des personnes interdites de stade. Toutefois, le nombre de condamnations est resté extrêmement faible. Au 31 mai 2009, seules 130 mesures d’interdiction judiciaire de paraître dans une enceinte sportive étaient en cours, ce qui paraît très insuffisant eu égard au nombre d’actes recensés et d’auteurs interpellés.

La loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers avait, elle, permis aux préfets de prononcer une interdiction administrative de stade de trois mois, et non de cinq ans comme peut le faire le juge pénal.

Sur les quelque 350 interdictions édictées chaque année, 94 étaient en cours d’exécution au 31 mai 2009. C’est peu comparé aux 500 personnes constituant en France le « noyau dur » des personnes violentes et des 3 500 interdictions administratives de stade prononcées en Grande-Bretagne.

Je me réjouis donc que la proposition que j’avais émise d’allonger cette interdiction administrative de stade à douze mois au maximum ait été retenue. Son adoption définitive est urgente ; les phénomènes de débordement auxquels nous avons encore assisté récemment l’ont à nouveau démontré. La possibilité de prononcer une interdiction administrative de stade dès qu’un seul fait grave est commis et de prévoir une peine d’un an d’emprisonnement en cas de non-respect de cette interdiction devrait renforcer l’efficacité de la mesure.

Toutefois, je considère que les interdictions judiciaires de stade restent insuffisantes et que les instructions données au parquet dans ce domaine devraient être suivies d’effets plus concrets.

J’ai proposé également qu’un fichier européen des interdits de stade soit mis en place, des supporters étrangers participant aussi aux violences lors de la coupe d’Europe et même au cours du championnat de France.

Monsieur le secrétaire d'État, où en êtes-vous de vos réflexions et quelles avancées envisagez-vous en la matière ?

La loi du 5 juillet 2006 relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives a intégré dans le code du sport un article autorisant, sous conditions, la dissolution par décret de toute association ou groupement de fait ayant organisé ou participé à des violences.

Cette mesure visait à responsabiliser les associations de supporters qui ne doivent pas cautionner des comportements illégaux récurrents de la part de leurs membres.

Depuis son entrée en vigueur, elle a été utilisée à deux reprises à l’encontre de Faction Metz et de l’Association nouvelle des Boulogne Boys, qui incitaient à la haine raciale. Elle a été suivie des effets attendus.

Mais reconnaissons que cette sanction s’appliquera aux groupes les plus violents et non pas aux associations, qui, sans être violentes, comptent en leur sein des supporters violents. À cet égard, le choix de la secrétaire d’État chargée des sports de prévoir un interlocuteur représentant les supporters, via la fédération des associations de supporters, est une initiative très pertinente, que j’avais appelée de mes vœux.

Cependant, là encore, j’estime que la prévention est insuffisante. J’avais proposé qu’un policier référent soit mis en place dans les grands clubs français pour « déminer » les problèmes et pour repérer les violences perpétrées par les supporters, notamment au cours de déplacements. Ce système, particulièrement efficace en Grande-Bretagne, pourrait participer du projet du Gouvernement de constituer une police spéciale pour les violences sportives.

Monsieur le secrétaire d'État, votre opinion sur cette question d’ordre réglementaire m’intéresse.

Enfin, l’article 4 septies vise à étendre le délit d’introduction de fumigènes dans les enceintes sportives à la détention et à l’usage de ces artifices dans ces mêmes enceintes, afin de prévenir et de sanctionner plus efficacement leur utilisation.

Je suis favorable à cette disposition, mais cette dernière ne sera pleinement efficace, me semble-t-il, qu’après une discussion avec les associations de supporters, qui apprécient, malheureusement, le spectacle offert par certains fumigènes au début des matchs. Monsieur le secrétaire d'État, connaissez-vous l’état d’esprit de leurs représentants sur ce point, et considérez-vous qu’une telle mesure, à elle seule, sera efficace ?

Toutes ces questions relèvent principalement de l’application de la loi. J’espère que des réponses pourront leur être apportées, afin que nous puissions adopter en pleine connaissance de cause ce texte auquel je suis tout à fait favorable.

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