Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 14 a pour objet d’approuver le montant de 3, 5 milliards d’euros correspondant aux crédits budgétaires ouverts pour couvrir la compensation des exonérations, réductions ou abattements d’assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale. L’année dernière, ces crédits s’élevaient à 3, 4 milliards d'euros.
Force est de constater que, depuis maintenant plusieurs années, le Parlement s’est doté de nouveaux outils pour appréhender le financement de la sécurité sociale. Il est toutefois paradoxal de prétendre renforcer le contrôle des deux chambres sur les comptes publics, alors que, aujourd’hui encore, le Gouvernement s’applique à masquer la situation financière dans laquelle notre protection sociale s’enfonce.
Soyons lucides, le compte n’y est pas sur les compensations intégrales des exonérations à destination de la sécurité sociale. Il suffit de rappeler le décalage des sommes ici proposées avec l’objet de la proposition de loi organique, cosignée par Alain Vasselle et votée par le Sénat en janvier 2008, tendant à prévoir l’approbation par les lois de financement de la sécurité sociale des mesures de réduction et d’exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale adoptées en cours d’exercice.
Notre collègue évaluait le montant des assiettes exemptées à 41 milliards d’euros, répartis ainsi : « 16, 5 milliards pour la participation financière et l’actionnariat salarié, 5, 1 milliards pour les aides directes consenties aux salariés, 13, 6 milliards pour la prévoyance complémentaire et la retraite supplémentaire, 5, 8 milliards pour la rupture du contrat de travail. »
Dans un autre rapport sur la sécurité sociale en date de septembre 2007, les magistrats de la Cour des comptes avaient consacré un long développement à cette question de l’assiette des prélèvements sociaux. Ils y ont vu une source potentielle de financement supplémentaire pour la sécurité sociale et ont chiffré le montant du manque à gagner en l’évaluant à 30 milliards d’euros pour le régime général.
À cet égard, l’existence des dispositifs d’exonération mise en avant dans cet article pose deux questions : une question de fond tenant à leur utilité et à leur justification ; une question de procédure relative à leurs modalités d’adoption et à leur évaluation par le législateur.
Sur ce dernier aspect, les travaux sénatoriaux menés par la MECSS au cours des années 2006 et 2007 ont mis en évidence l’insuffisance du contrôle exercé tant par les ministères sociaux que par les commissions des affaires sociales des deux assemblées. En effet, dans la mesure où ces exonérations peuvent être insérées dans tout texte législatif, elles ont fréquemment été adoptées sans expertise préalable et sans l’avis du gestionnaire, en l’occurrence l’ACOSS et les URSSAF.
D’après une étude menée par la Direction de la sécurité sociale, sur la cinquantaine de mesures d’exonération ou de réduction d’assiette de cotisations sociales votées entre le début de 2005 et le début de 2007, 40 % ne résultaient pas d’un arbitrage interministériel impliquant le ministère des affaires sociales. Or l’impact de ces mesures sur les comptes sociaux s’est révélé de plus en plus lourd.
Afin de corriger cette anomalie, notre collègue Alain Vasselle avait donc fait adopter par le Sénat une proposition de loi en janvier 2008 pour « donner aux lois de financement un rôle central en matière de contrôle des niches sociales, en en faisant le passage obligé de l’ensemble des mesures d’exonération ou d’allégement de charges ».
Ce texte reprenait en partie l’une de nos propositions, formulée en 2005 à l’occasion de l’examen du projet de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Une solution identique avait également été défendue dans le rapport de la mission conjointe des inspections générales des finances et des affaires sociales sur l’articulation entre les finances de l’État et de la sécurité sociale.
Toutefois, il nous faut le constater, la disposition proposée par M. Vasselle n’avait pas remis fondamentalement en cause la possibilité, pour les lois ordinaires, de limiter des mesures de création ou de modification des dispositifs d’exonération de charges sociales. Ainsi avons-nous assisté, depuis 2008, à une véritable explosion des exonérations non compensées à la sécurité sociale.
Certes, nous disposons via les annexes du PLFSS d’études d’impacts plus lisibles en matière de compensation d’exonérations. Néanmoins, cela n’a pas interdit le contournement constaté dans cet article du principe, à valeur organique, selon lequel toute exonération de cotisations sociales devrait être intégralement compensée par une dotation équivalente, à l’euro près, de l’État.