Intervention de Robert Hue

Réunion du 4 novembre 2010 à 9h30
Débat sur la politique de coopération et de développement de la france

Photo de Robert HueRobert Hue :

Cela dit, je partage globalement les objectifs généraux que vous proposez et les priorités thématiques et géographiques que vous avez retenues.

Ainsi, la priorité accordée à l’Afrique subsaharienne en lui réservant l’essentiel de nos subventions et de nos prêts me semble impérative. Espérons que les actes suivront et qu’ils permettront d’effacer les effets dévastateurs du discours méprisant que le Président de la République a prononcé à Dakar.

Je crains que ce ne soit malheureusement pas le cas.

Le déroulement, au mois de juin dernier, du dernier sommet Afrique-France a montré combien le Président de la République avait du mal à convaincre qu’il avait tourné la page des relations ambiguës avec nos ex-colonies. Il est avéré que les pratiques de la Françafrique ont toujours cours en coulisses.

En effet, bien que le Président de la République ait proclamé sa volonté de rompre avec l’image d’une France pilleuse des richesses minières ou pétrolières de l’Afrique en nouant des partenariats « gagnant-gagnant », son combat contre la perte du pré carré au bénéfice des Chinois ou des Américains a tout simplement donné l’impression qu’il voulait uniquement préserver les marchés de la France, à savoir notre accès à l’uranium et au pétrole.

À cet égard, je m’inquiète du nouveau rôle dévolu au « bras séculier » de la politique d’aide au développement qu’est l’Agence française de développement. Depuis sa reprise en main par un proche du Président de la République, cet établissement public qui fonctionne comme une banque n’a, par exemple, toujours pas clairement arrêté sa politique concernant la distinction entre les prêts et les dons accordés aux États. Nous avons reçu récemment le directeur général de l’AFD, dont les propos ne m’ont absolument pas convaincu de la clarté des ambitions annoncées.

En outre, je crains que l’AFD ne continue d’échapper au Quai d’Orsay, car, à mon sens, ce document-cadre ne tranche pas clairement la question de l’autorité des ambassadeurs sur les responsables locaux de cet organisme.

Enfin, je suis en total désaccord avec la notion de « vision globale du financement ». Celle-ci mélange des données de natures différentes, puisqu’elle englobe l’aide publique au développement, mais aussi les investissements directs des entreprises, les flux financiers des migrants et les recettes fiscales des pays en développement.

Je soupçonne qu’elle possède surtout aux yeux du Gouvernement la grande vertu de masquer la diminution de notre aide publique et l’accès débridé du marché africain à des entreprises dont le souci majeur sera la rentabilité financière, à mille lieues du développement et de la coopération. En cela, monsieur le ministre, cette « vision globale » se retrouve dans la présentation de vos documents budgétaires.

L’aide publique au développement représente officiellement près de 9 milliards d’euros, mais 4 milliards d’euros sont pur habillage statistique, puisque ce montant comprend les remises de dette. Par ailleurs, au moins 3 milliards d’euros sont versés à divers fonds multilatéraux à travers lesquels l’image de la France disparaît totalement.

Quant à la part de l’aide bilatérale aux pays les plus pauvres proprement dite, elle n’est que de 200 millions d’euros sous forme de subventions.

Voilà pourquoi, s’agissant de ce que l’on appelle « l’architecture internationale de l’aide au développement », je m’associe tout à fait à la proposition de simplification et de plus grande cohérence formulée par Christian Cambon et André Vantomme dans leur rapport d’information.

En définitive, la conception française de l’aide publique au développement, qui est aussi celle d’autres grands pays, explique largement que les Objectifs du millénaire pour le développement, fixés par l’ONU, non seulement ne soient pas encore atteints, mais restent tristement limités à 0, 47 % en 2011 contre les 0, 51 % promis. Notons que les Britanniques, cela a été dit hier, ont atteint leur objectif.

Le non-respect de l’engagement de consacrer 0, 7 % de notre revenu national brut à l’aide publique au développement est révélateur de l’absence de volonté politique du Gouvernement de se donner les moyens de relever le défi du développement.

Fondamentalement, il faudrait mettre en œuvre des stratégies économiques débarrassées de l’exigence de la rentabilité à court terme, afin que les économies des pays les plus pauvres ne soient plus dépendantes de l’aide internationale.

Je doute pourtant qu’à la veille de la présidence française du G20 le Président de la République ait cette volonté d’agir et qu’il saisisse cette occasion pour affirmer la nécessité d’un nouvel ordre économique et monétaire international qui refonderait aussi la politique de coopération Nord-Sud. Je crains que, comme d’habitude, nous n’assistions à des discours jamais suivis d’effet.

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