Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 4 novembre 2010 à 9h30
Débat sur la politique de coopération et de développement de la france

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur l’Afrique, priorité de notre coopération. C’est à juste titre que vous la désignez ainsi, monsieur le ministre.

En effet, ce continent connaît une mutation sans précédent.

Aujourd’hui, au sud du Sahara, deux Africains sur trois ont moins de 25 ans. En 2050, avec 1, 8 milliard d’habitants, l’Afrique comptera plus d’habitants que la Chine et trois fois plus que l’Europe.

La mutation est tout autant démographique qu’urbaine. Les populations des villes d’Afrique subsaharienne seront multipliées par deux d’ici à 2050, passant de 300 millions à 600 millions d’individus.

La mutation est également d’ordre économique. Contre toute attente, l’Afrique connaît depuis une décennie une croissance supérieure à celle de l’Europe ou des États-Unis. Celle-ci s’appuie non pas seulement sur des économies rentières, mais également sur la naissance d’un marché intérieur : il y a aussi une Afrique émergente, une Afrique de la téléphonie et d’Internet, une Afrique dynamique qui attire les investisseurs des pays émergents.

Enfin, ce continent vit une mutation géopolitique : hier terre de colonisation européenne, l’Afrique indépendante est aujourd’hui courtisée par la Chine et l’Inde.

L’Afrique change d’échelle et de cap, et le regard que la France et l’Europe portent sur ce continent semble figé.

L’Afrique est encore trop souvent perçue comme un objet de compassion, qui appelle, au mieux, la charité, une charité bien ordonnée, c’est-à-dire celle qui commence par nos propres intérêts. Cette aide a été largement sous-traitée aux organisations multilatérales et européennes, alors que se mettait en place une politique migratoire toujours plus restrictive.

De ce point de vue, le document-cadre français de coopération au développement, que vous nous avez présenté au mois de juin, monsieur le ministre, et qui n’a été finalisé qu’hier soir, a le mérite d’abandonner le discours misérabiliste et compassionnel et de regarder en face les risques et les possibilités d’un continent de plus en plus contrasté.

En tout état de cause, vous avez raison de le dire, monsieur le ministre, notre avenir se joue en partie en Afrique.

À partir de 2030, ce continent s’apprête à accueillir 27 millions de jeunes actifs de plus chaque année. Si l’Afrique ne trouve pas le chemin d’une croissance durable, si ses enfants doivent partir pour mieux vivre, où iront-ils sinon en Europe ? Nous connaîtrons alors une pression migratoire sans précédent dans l’histoire européenne.

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