Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 4 novembre 2010 à 9h30
Débat sur la politique de coopération et de développement de la france

Bernard Kouchner, ministre :

Comment faire ? Nos entreprises sont tout à fait performantes sur le plan social, car elles développent des projets plus structurés à ce niveau, mais elles sont moins performantes que d’autres pays lorsqu’il s’agit de répondre aux appels d’offre.

Il est très difficile de développer les échanges avec nos partenaires tout en soutenant les industries locales. C’est au sein de ce difficile équilibre que notre politique d’aide au développement doit trouver sa place : en dehors du domaine caritatif et dans la réalité de la compétition économique.

Je ne suis pas responsable de l’insuffisance des perspectives financières et de la conjoncture économique ! Je rappelle que personne n’avait prévu la crise européenne et mondiale dont nous avons été victimes. Sans cette crise, sans doute aurait-il été plus facile d’atteindre le fameux objectif de 0, 7 %. Cela ne veut pas dire que nous devons abandonner complètement une telle perspective pour 2015 !

Dois-je le rappeler, la France, en 2000, lorsque la croissance était forte, consacrait 0, 30 % de son RNB à l’aide au développement, puis a porté son effort à 0, 32 % en 2001. Dix ans plus tard, nous avons réussi à rattraper ce retard, avec un taux qui s’élève, selon les interprétations, à 0, 47 % ou 0, 49 %.

Pourquoi n’atteindrions-nous pas l’objectif de 0, 7 % ? En tout cas, nous faisons tout pour y parvenir en 2015.

Je m’attarderai quelque peu sur les financements innovants, qu’a évoqués M. Collin.

Ils ne sont pas destinés à se substituer à l’aide publique au développement ou à justifier sa diminution. Ils doivent servir, au contraire, à compléter ou à augmenter cette aide.

Nous avons été très surpris, lors de la préparation du sommet Afrique-France de Nice, qui comptait près de la moitié de pays anglophones, qu’un certain nombre de pays africains déclarent se méfier des financements innovants. Cette propagande hostile émanait de pays favorables à un libéralisme total, que l’idée même de taxe effraie, alors que nous n’employons jamais ce terme, lui préférant celui de « contribution ».

Soyons sérieux : si les pays africains refusaient les financements innovants, à quoi serviraient-ils ?

Nous avons convaincu les États concernés qu’il s’agissait d’une aide supplémentaire « aux investissements », et non pas simplement d’une aide en plus. Le sujet a été abordé lors de l’Assemblée générale des Nations unies, à New York, en septembre dernier, et il figurera à l’ordre du jour du prochain G8, à Muskoka. C’est donc une idée qui fait son chemin.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme je l’ai dit en commission, nous vous ferons parvenir le dernier rapport du Groupe pilote sur les financements innovants, présidé par le Japon, et dont la France est secrétaire.

Tous les rapports de ce groupe vont dans le même sens : il est beaucoup moins difficile de financer ces projets que de lancer le Fonds global, comme l’a fait la France. Il existe trois hypothèses pour le financement. Selon nous, il devrait prendre la forme d’une contribution sur les transactions mobilières, c’est-à-dire sur tous les échanges financiers. Les limites du dispositif restent à définir, pour savoir qui sera concerné : les entreprises, la spéculation, les échanges personnels, etc.

La solution que nous avons retenue est une contribution de 0, 005 %, ce qui représente, je ne cesserai de le répéter, 5 centimes d’euros prélevés sur mille euros échangés. C’est tout à fait inoffensif et inodore !

Quelques pays importants peuvent-ils lancer ce projet, ou faut-il un lancement collectif nécessitant l’accord des 192 pays siégeant à l’Assemblée générale des Nations unies ? C’est clairement la première solution qui doit prévaloir.

Si nous ne prenons pas l’initiative, cela ne marchera jamais ! C’est ainsi que les fonds éthiques ont démarré, lancés par quelques établissements bancaires et quelques pays. Finalement, cela fonctionne très bien !

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