Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 4 novembre 2010 à 9h30
Débat sur le rôle de l'état dans les politiques locales de sécurité

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, seule une sécurité à la charge de l’État peut s’appliquer de façon identique à chaque endroit du territoire, sans disparité entre municipalités riches et pauvres. En ce sens, la police, prérogative régalienne par excellence, ne se délègue pas.

Si le principe du maintien de l’ordre public constitue l’une des composantes fondamentales d’un État de droit, ledit maintien connaît une évolution d’une exceptionnelle gravité, qui affecte grandement sa substance.

Ces derniers temps, la police municipale a le vent en poupe. Les missions de sécurité sont de plus en plus externalisées et décentralisées, au nom d’une rationalisation arithmétique et aveugle, que l’on nomme communément RGPP.

Bien que le discours du ministre de l’intérieur ait toujours été d’une grande fermeté, constamment orné d’un ton martial, il ne suffit pourtant pas à masquer le désengagement croissant de l’État, non seulement de la mission de maintien de l’ordre public qui lui incombe, mais aussi de l’ensemble des politiques publiques.

À l’horizon 2012, nous aurons perdu 12 000 policiers nationaux ; il n’y a même pas eu de concours de gardien de la paix en 2009 !

Nos territoires le ressentent et en souffrent, à l’instar du département que je connais le mieux, la Seine-Saint-Denis.

Absence de patrouilles à certaines heures, faute d’effectifs suffisants, réaffectation arbitraire de certains agents dans des brigades nouvellement créées au détriment de leur ancien service et de sociétés de sécurité privées, abandon de plusieurs des missions au profit des polices municipales : c’est à se demander ce que fait la police !

Quant à l’évolution des missions confiées aux polices municipales, elle est, pour le moins, spectaculaire.

Pendant longtemps, les policiers municipaux étaient cantonnés à assurer la sécurité des enfants à la sortie des écoles ou à verbaliser les mauvais stationnements. Peu à peu, en raison d’une démission révoltante de l’État, leurs fonctions se sont étoffées, et ce sans la formation inhérente à leurs nouvelles compétences, notamment dans le maniement des armes.

On compte aujourd’hui plus de 18 000 policiers municipaux. Les effectifs ont crû de 120 % en six ans. C’est beaucoup, vous en conviendrez.

Outre l’interrogation qu’elle suscite, une telle démarche pose un véritable problème de rupture d’égalité pour nos concitoyens, entre les communes qui ont une police municipale et celles qui n’en ont pas, alors même que la sécurité et la tranquillité publiques sont garanties à tous par la Constitution.

Qui plus est, je rappelle que la LOPPSI 2 a autorisé tout directeur d’une police municipale d’une ville comptant plus de quarante agents à devenir officier de police judiciaire. À ce titre, il aura le pouvoir de procéder à des arrestations en procédure de flagrant délit, de constater les crimes, délits et contraventions, d’en établir procès-verbal et de recueillir des renseignements sur les auteurs et complices d’infractions. Il lui sera même possible de procéder à des perquisitions !

En ouvrant grand la porte du pénal à un fonctionnaire de l’administration territoriale, qui, à la différence d’un policier ou d’un gendarme, n’a reçu aucune formation en la matière – ce que souligne, d’ailleurs, le Conseil constitutionnel dans sa décision rendue à propos de la garde à vue –, il est permis de s’interroger sur l’objectif recherché.

Ce tournant intervient dans un contexte de gel des dotations financières de l’État aux collectivités, pour une politique qui n’a absolument pas fait ses preuves, sauf à pérenniser et à amplifier la délinquance.

En revanche, monsieur le secrétaire d’État, lorsqu’il s’agit de constater les effets néfastes de votre politique, vous vous empressez, cela a été dit, de dénoncer les maires, jugés coupables de la hausse globale de la violence dans notre société.

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