Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’Etat, mes chers collègues, je souhaite vivement que cet article 13 contribue à figer dans le marbre de notre Constitution une véritable avancée en matière de droits du Parlement.
Depuis très longtemps, les parlementaires socialistes se sont élevés contre le véritable ostracisme dans lequel une certaine pratique de la Constitution de la Ve République place le Parlement dès qu’il s’agit de politique étrangère et de politique de défense.
J’ai en tête les propositions de loi déposées, notamment à l’Assemblée nationale, depuis 1999 et malheureusement abandonnées en chemin, qui étaient destinées à instaurer un contrôle parlementaire sur les opérations extérieures et sur les accords de défense.
Aujourd’hui, la donne est en train de changer. Un relatif consensus semble se dessiner. Il serait donc possible de briser au moins un coin du « domaine réservé ». Nous nous en réjouissons, mais nous ne souhaitons pas nous arrêter en si bon chemin : d’autres débats sur la politique étrangère et la politique de défense nous donneront l’occasion de vous proposer de nouvelles avancées législatives pour en finir avec ce domaine réservé si funeste à la vie politique nationale.
Nous voulons que ce projet de loi constitutionnelle apporte des changements significatifs au rôle du Parlement en matière de politique étrangère, ainsi que sur les questions de défense et de sécurité.
Il faut procéder à l’aggiornamento de nos politiques et de nos institutions qui sont, d’une part, trop marquées par les conséquences de la guerre froide et par les fantômes des confrontations disparues, et, d’autre part, caractérisées par une certaine méfiance, qui n’a pas lieu d’être, à l’égard du Parlement et des parlementaires.
Ainsi, nous avons été agréablement surpris d’entendre le Président de la République expliquer, le 17 juin 2008, qu’il a proposé « dans la révision constitutionnelle qui est en cours d’examen, d’associer de façon transparente le Parlement aux décisions sur les opérations extérieures ».
Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, je vous invite à prêter attention aux termes qu’il a utilisés. Nous ne sommes plus là dans l’information, dans la communication, dans les messages adressés au Parlement. Nous devons être associés aux décisions. Nous répondons : « Chiche ! ». Nos amendements vont dans cette direction ; si vous suivez les vœux du Président, vous ne pouvez que les adopter.
Revenons donc à cet article 13 qui, sous sa forme actuelle, est perfectible.
L’article 13 tend à assurer un droit à « l’information » du Parlement. C’est bien, mais c’est peu. Nous demandons qu’un vote puisse suivre l’information et le débat sur l’intervention des forces armées à l’extérieur. J’y reviendrai au moment de la discussion de l’amendement n° 457.
Il est nécessaire aussi de réunir le Parlement en session extraordinaire si les circonstances l’exigent. On ne peut pas envisager que, en cas de crise grave nécessitant l’envoi des troupes, le Parlement n’ait pas l’occasion de s’exprimer parce qu’il n’est pas en session.
Lors de la guerre du Golfe, en 1991, le Parlement avait été convoqué en session extraordinaire et, après la lecture du message du Président de la République, il s’était prononcé par un vote, organisé selon les modalités propres à chaque chambre, sur une déclaration de politique générale relative à la participation de la France à ce conflit.
Par ailleurs, l’article 13 prévoit que « lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement ». C’est bien, mais nous souhaitons une précision supplémentaire : au-delà des quatre premiers mois, la poursuite des opérations doit également être régulièrement autorisée par le Parlement. Je reviendrai sur ce point dans quelques instants en présentant un amendement.
Je souhaite insister sur un autre point très important : il s’agit de la nécessaire information du Parlement sur le contenu des accords de défense et de coopération militaire.
Le 28 février dernier, le Président de la République, lors de son intervention devant le Parlement sud-africain, a affirmé que les accords de défense entre la France et les pays africains seraient intégralement publiés.
Puis, voilà quelques jours, à l’occasion de sa présentation du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, il est allé encore plus loin, en affirmant ceci : « J’ai décidé de rendre publics tous nos accords de défense. » Il a bien dit : « tous nos accords ». Aussi, nous prenons acte de cette promesse et allons lui donner – une fois n’est pas coutume – la possibilité de la tenir.
En effet, il nous semble opportun d’inscrire ce souhait présidentiel de transparence dans la Constitution, en permettant au Gouvernement de tenir le Parlement informé du contenu de tous les accords de défense et de coopération militaire. Bien entendu, cela n’interdit pas de prendre ensuite toutes les précautions nécessaires pour que l’information du Parlement se déroule dans des conditions respectueuses du principe de confidentialité. Là encore, je reviendrai sur le sujet en défendant un amendement.