Intervention de Robert Bret

Réunion du 19 juin 2008 à 15h00
Modernisation des institutions de la ve république — Article 3 bis suite

Photo de Robert BretRobert Bret :

La création par l’article 3 bis d’un référendum d’initiative parlementaire soutenue par des électeurs me paraît peu judicieuse.

Cette disposition pourrait être examinée de manière plus pertinente à l’occasion du débat sur les articles relatifs au titre V de la Constitution, qui traite précisément des procédures législatives. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 22 du projet de loi constitutionnelle.

Par précaution, nous avons cependant souhaité donner sans attendre à l’article 3 bis un peu plus de force. En effet, si la disposition contenue dans cet article constitue, sur le fond, une avancée face à la montée des aspirations des citoyens à intervenir dans les décisions qui les concernent, celle-ci demeure bien timide, madame le garde des sceaux !

Mes chers collègues, quand on se reporte au débat qui s’est déroulé sur cet article à l’Assemblée nationale, on s’aperçoit qu’il était manifestement empreint de la crainte de donner aux citoyens des pouvoirs susceptibles de concurrencer les nôtres. Tel est d’ailleurs le sentiment qui a habité la majorité sénatoriale lors du débat qui a eu lieu ici ce matin.

Cette crainte explique la double exigence prévue pour la mise en œuvre de ce référendum : son initiative revient à 180 députés, qui doivent être soutenus par 4, 5 millions d’électeurs. Ces seuils rendront la procédure prévue extrêmement difficile – pour ne pas dire impossible – à mettre en œuvre.

Aussi strictement encadré, ce référendum tient plus de l’initiative parlementaire que de l’initiative populaire. Un tel dispositif témoigne à quel point le concept de démocratie participative ne peut être associé, aux yeux de la majorité, qu’à ce que je qualifierai de « participation sans risque des citoyens ».

Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que, dans une société hypermédiatisée où la réflexion se réduit à de petites phrases, comme l’a rappelé ce matin Mme Borvo Cohen-Seat, la démocratie d’opinion se substitue au nécessaire débat démocratique, une démocratie d’opinion légitimée en quelque sorte par la reconnaissance d’un fonctionnement lobbyiste ou communautariste de la vie publique, la substitution du contrat à la loi, bref toutes les formes de vie sociale qui organisent la domination des plus forts.

Il serait pourtant urgent que les parlementaires se posent enfin une question à nos yeux essentielle : par quelle avancée démocratique le peuple pourra-t-il intervenir de façon directe à tous les niveaux et s’approprier les règles institutionnelles, aujourd’hui éloignées de lui ?

En effet, ce n’est pas avec des compromis recherchés du côté de formes très limitées de participation des citoyens à la vie politique que nous répondrons au divorce éloignant ces derniers de leurs élus.

Dès lors, mes chers collègues, acceptez au moins de rendre l’article 3 bis applicable et donnez-lui un minimum de contenu démocratique ! Acceptez avec nous de prévoir, entre autres dispositions, que l’initiative référendaire puisse venir d’un groupe parlementaire et que le seuil des électeurs la soutenant puisse être abaissé à un million.

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