Les amendements identiques n° 255 rectifié et 263 rectifié visent à supprimer l’article 3 bis, qui introduit dans notre Constitution le référendum d’initiative populaire.
Cette disposition a été introduite par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, avec l’accord du Gouvernement.
Vous redoutez, messieurs Gouteyron et Détraigne, des dérives démagogiques sur ce sujet. À mes yeux, ces craintes ne sont pas fondées, puisque le mécanisme retenu donne aux parlementaires une responsabilité qu’ils sauront exercer à bon escient.
En premier lieu, la mise en œuvre de ce référendum exige une initiative parlementaire et le soutien significatif des électeurs. L’accord d’au moins un cinquième des membres du Parlement, soit aujourd’hui 182 parlementaires, et bientôt 185, et le soutien d’environ 4, 4 millions d’électeurs seront nécessaires.
Ces seuils permettent à l’opposition d’être à l’origine d’une telle initiative. Au demeurant, il ne peut s’agir d’une idée isolée, et les modalités de mise en œuvre visent donc à éviter les dérives que vous avez évoquées, messieurs les sénateurs.
En second lieu, c’est au Parlement qu’il reviendra de se prononcer sur les suites données à une telle initiative. Si cette dernière n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un certain délai, que l’on pourrait par exemple fixer à un an, un référendum sera organisé. C’est avant tout un moyen d’obliger le Parlement à se saisir de la question qui serait posée.
En outre, nous sommes favorables à ce que la disposition prévue soit complétée pour qu’il soit clair que le Conseil constitutionnel contrôle la constitutionnalité de la proposition de loi. Ce contrôle devra d’ailleurs intervenir dès la phase de recueil des signatures. Ce sera, encore une fois, un moyen d’éviter les dérives démagogiques auxquelles vous faisiez allusion tout à l’heure.
Au total, le Gouvernement considère que cette disposition est un bon moyen d’introduire un peu plus de démocratie directe dans le fonctionnement de nos institutions. Il est donc défavorable aux amendements identiques n° 255 rectifié et 263 rectifié visant à supprimer l’article 3 bis.
Certains considèrent au contraire que le projet de loi constitutionnelle ne va pas assez loin. Je pense notamment à l’amendement n° 68 rectifié de M. Portelli, qui tend à alléger considérablement les conditions posées pour permettre l’émergence d’une telle initiative populaire. Il suffirait de réunir un million d’électeurs, au lieu des 4, 4 millions prévus. Surtout, l’initiative pourrait venir uniquement du corps électoral, sans bénéficier d’aucun soutien parlementaire.
Le Gouvernement n’est pas favorable à un tel dispositif, au regard de l’équilibre du projet. Il s’agit en effet d’un mécanisme nouveau dans notre pays. En combinant l’exigence d’un certain nombre de parlementaires, qui peuvent appartenir à l’opposition, et celle d’un certain nombre d’électeurs, il s’agit d’apporter de fortes garanties pour éviter tout risque démagogique.
L’amendement n° 170 prévoit plusieurs modifications du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, il vise à remplacer « un cinquième des membres du Parlement » et « un dixième des électeurs » par « un groupe parlementaire » et « un million d’électeurs », soit 2, 3 % du corps électoral.
Le Gouvernement n’est pas favorable à une telle modification, qui pourrait donner au référendum d’initiative populaire un caractère trop partisan. Les seuils prévus dans le projet de loi constitutionnelle qui vous est soumis sont beaucoup plus raisonnables, si je puis dire. Ils traduisent un équilibre entre l’exigence de sérieux de la démarche et le souci de faisabilité du dispositif pour que ce dernier soit réellement efficient et donc utilisé.
Ensuite, l’amendement tend à supprimer le contrôle du Conseil constitutionnel. Cela paraît dangereux : en effet, l’organisation d’une telle initiative populaire étant complexe, il faut bien qu’un organe soit chargé de son contrôle.
Enfin, l’amendement prévoit que la proposition de loi pourrait être soumise au référendum si elle n’a pas été examinée dans un délai d’un mois. C’est une condition impossible à satisfaire et totalement contradictoire avec le reste du projet de loi constitutionnelle, qui octroie un délai plus long au Parlement pour lui permettre d’effectuer un meilleur travail.
Le Gouvernement est favorable au référendum d’initiative populaire à condition que ce dernier soit raisonnablement encadré. Il ne peut donc suivre les propositions présentées par cet amendement, sur lequel il émet un avis défavorable.
L’amendement n° 98 rectifié vise à préciser et à améliorer la rédaction de l’article 3 issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Il précise l’objet de la loi organique correspondante. Le législateur organique devra prévoir les conditions de présentation de l’initiative, ce qui est extrêmement important.
Il améliore la rédaction de l’article 3 en y regroupant, par souci de cohérence, toutes les dispositions visant à modifier l’article 11 de la Constitution.
Le Gouvernement est extrêmement favorable à cet amendement, tout en estimant que le champ de la loi organique pourrait être élargi, comme nous le verrons dans les débats ultérieurs.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 79 rectifié, le Gouvernement est défavorable à la proposition d’exclure l’organisation des pouvoirs publics du champ du référendum d’initiative populaire, rien ne justifiant une telle exclusion. Un référendum d’initiative populaire pourrait être organisé, par exemple, pour consulter les Français sur une réforme administrative d’une grande ampleur.
Par ailleurs, le Gouvernement souhaite un contrôle a priori de la constitutionnalité de la proposition de loi soumise à référendum. Le référendum d’initiative populaire, y compris lorsqu’il portera sur l’organisation des pouvoirs publics, sera entouré de toutes les garanties de conformité à la Constitution.
Sur le sous-amendement n° 502 aux termes duquel, en cas d’échec d’une première initiative, aucune nouvelle proposition de référendum ne peut être présentée avant un délai de deux ans sur le sujet, à l’évidence, le Gouvernement émet un avis favorable, en précisant toutefois que le délai relève de la loi organique.
Le sous-amendement n° 79 rectifié, que M. le rapporteur a intégré dans l’amendement n° 98 rectifié, prévoyait qu’une proposition de loi soumise à référendum ne pourrait être adoptée que si 50 % au moins des électeurs inscrits participaient au vote.
La question est délicate. En effet, si une telle condition existe pour les référendums locaux, elle n’est pas prévue dans le cas des référendums nationaux mentionnés à l’article 11 de la Constitution.
Je rappelle que si la participation au référendum sur le statut de la Nouvelle-Calédonie n’a été que de 37 %, le « oui » a recueilli 80 %, et le référendum sur le quinquennat, tenu le 24 septembre 2000, avec 30 % de votants, a recueilli 73 % de « oui ». Il paraît difficile pour un gouvernement d’ignorer une telle majorité de « oui ».