Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 19 juin 2008 à 15h00
Modernisation des institutions de la ve république — Article 4

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Le Président de la République tient de l’article 13 de la Constitution un pouvoir de nomination étendu qui participe d’ailleurs du caractère fondamentalement présidentiel de ce texte : « Il nomme aux emplois civils et militaires de l’État », et la plupart des très hauts fonctionnaires de l’État sont nommés lors du conseil des ministres qu’il préside.

La pratique institutionnelle a montré que les différents présidents qui se sont succédé, sans aucune exception, ont largement usé et abusé de ce pouvoir. Ils ont puisé dans le vivier de quelques milliers de managers publics et privés, souvent coupés des réalités vivantes du pays, formés selon les mêmes références idéologiques, sollicitant davantage leur allégeance que leur esprit de service public.

Or le clientélisme – pour ne pas dire le népotisme – gangrène trop souvent la vie publique, discrédite dangereusement les institutions et le personnel politique aux yeux de nos concitoyens.

Le projet de loi de modernisation des institutions reconnaît ces dérives et propose d’associer le Parlement à la procédure de nomination.

Les députés ont modifié le dispositif initial afin de confier le soin à la réunion des deux commissions permanentes compétentes de chaque assemblée de formuler l’avis sur ces nominations et de donner à une majorité représentant les trois cinquièmes des suffrages exprimés un pouvoir d’opposition dans le cas où la réunion de ces commissions aurait émis un avis négatif.

Cette procédure ne nous semble pas satisfaisante au regard de l’objectif affiché, qui est de renforcer les pouvoirs du Parlement. Elle ne saurait, en effet, garantir l’indépendance et la compétence des personnes auxquelles seraient attribués les postes concernés.

C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d’adopter une autre procédure.

Nous considérons tout d’abord qu’il est nécessaire d’étendre le champ d’application de la nouvelle procédure à l’ensemble des emplois auxquels nomme le Président de la République, sans faire exception de ceux qui sont mentionnés au troisième alinéa de l’article 13. En effet, au-delà des connivences politiques et du fait que, aux termes de l’article 20 de la Constitution, le Gouvernement dispose de l’administration, l’intérêt général conduit toujours à privilégier la compétence et la qualité des personnalités. D’ailleurs, contrairement à ce qui ressort des travaux du comité Balladur, il ne nous semble pas que le fait d’associer le Parlement à la nomination à ces emplois méconnaîtrait l’article 20 de la Constitution.

Ensuite, alors que le projet prévoit deux commissions permanentes et renvoie à une loi simple la détermination des commissions compétentes selon les emplois ou fonctions concernées, nous proposons que les nominations soient soumises à l’avis conforme d’une seule commission constituée de membres des deux assemblées du Parlement désignés à la proportionnelle des groupes parlementaires. Cette composition assurerait une représentation de l’ensemble des tendances politiques présentes au sein des assemblées parlementaires.

Enfin, l’avis négatif voté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, qui a pour effet d’interdire la nomination et d’obliger le Président à soumettre un autre candidat à l’examen du Parlement, constitue, selon nous, une contrainte excessive et empêche d’atteindre l’objectif recherché, c’est-à-dire le renforcement des droits du Parlement.

À ce titre, l’interprétation faite par M. le rapporteur des conditions qui doivent être réunies pour que le veto s’exerce semble encore diminuer les chances de réalisation d’une telle procédure. Ainsi, nous pouvons lire dans le rapport que « le principe d’un veto mérite d’être conservé et supposerait qu’il ait été exprimé par les trois cinquièmes des suffrages exprimés à la commission du Sénat et à celle de l’Assemblée nationale ». Est-ce à dire qu’il ne suffirait pas qu’une des deux commissions exprime son désaccord ? Nous pouvons le craindre.

Afin d’éviter de conférer un droit au Parlement dont l’exercice serait quasiment impossible, nous souhaitons que le Président ne puisse nommer une personnalité que si sa candidature recueille un avis positif de la commission statuant à la majorité des trois cinquièmes.

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