Intervention de Christian Cambon

Réunion du 11 février 2010 à 15h00
Solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Christian CambonChristian Cambon, auteur de la proposition de loi :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a pratiquement un an jour pour jour, le 18 février 2009, je déposais, sur le bureau de la Haute Assemblée, une proposition de loi que j’ai aujourd’hui l’honneur de vous présenter.

Celle-ci ne comporte qu’un article et vise à renforcer la solidarité des communes dans le domaine des services d’alimentation en eau et d’assainissement destinés aux personnes en situation de précarité.

Quelles que soient nos sensibilités au sein de cet hémicycle, nous constatons tous, sur le terrain, que l’eau est devenue une ressource coûteuse pour nombre de nos concitoyens. Cela résulte pour une bonne part de la multiplication des normes de potabilité qui visent à assurer – et c’est une très bonne chose – la meilleure qualité possible de l’eau du robinet.

Ainsi, la seule éradication des conduites en plomb en Île-de-France a, à elle seule, une incidence de près de 20 centimes d’euros par mètre cube.

Dans ces conditions, il n’est plus rare de voir des familles en difficulté parce que leur facture d’eau représente une charge annuelle de 400, voire parfois de 500 euros, ce qui rend les conditions d’accès à l’eau potable économiquement inacceptables.

Ce poids de plus en important du coût de la consommation d’eau potable devient du reste une préoccupation bien au-delà de nos frontières. C’est ainsi que l’OCDE et le Programme des Nations unies pour le développement, largement conscients de l’impératif d’assurer à tous l’accès à l’eau potable, ont déterminé une norme indicative très intéressante de 3 % des revenus comme limite maximale de ce poste de dépenses dans le budget d’un ménage.

En France, ce problème a pris une dimension nationale. Les travaux du comité national de l’eau, présidé par notre collègue André Flajolet, ont aussi largement fait avancer les réflexions et les propositions en ce domaine. Vous me permettrez, mes chers collègues, de saluer tout particulièrement les propositions de l’Observatoire des usagers des services de l’eau et de l’assainissement, l’OBUSSAS, dont les membres ont beaucoup travaillé sur ce sujet et rejoignent mes préoccupations, dans une approche certes plus préventive, mais néanmoins parfaitement complémentaire du volet curatif contenu dans ma proposition.

À cet égard, je voudrais également saluer les propositions de nos collègues du groupe CRC-SPG. Je suis persuadé que ces travaux trouveront, madame la secrétaire d’État, leur concrétisation dans le volet II du Grenelle de l’environnement, qui viendra prochainement en discussion à l’Assemblée nationale.

En présentant cette proposition de loi, mon objectif est simple. Il consiste à aider les familles qui ont des difficultés à payer leurs factures d’eau. Le dispositif proposé permet ainsi aux communes, ou à leurs groupements, de mener une politique sociale volontaire et solidaire dans le domaine de l’eau, en finançant un fonds de solidarité pour l’eau.

Le mécanisme envisagé est lui aussi très simple puisque les sommes mobilisées devront être attribuées par les communes aux personnes en difficulté, via les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale, afin de les aider à payer, en partie ou en totalité, leurs factures d’eau et d’assainissement.

Les subventions directes versées par les communes permettront ainsi aux services d’eau de facturer le même prix à tous les usagers, et de ne subventionner que le niveau de consommation correspondant au minimum vital d’accès à l’eau, principe que tous les acteurs du monde de l’eau tiennent à préserver.

Un tel dispositif permet d’écarter les effets pervers liés à l’instauration d’une tarification progressive, notamment les effets de seuil pour les familles nombreuses.

Vous l’aurez compris, l’objectif est en définitive de replacer les communes au centre du dispositif de solidarité locale tout en aidant nos concitoyens les plus démunis à accéder à l’eau.

Il s’agit donc d’un dispositif curatif qui doit permettre une première avancée sociale concrète dans un domaine où, jusqu’à présent, on s’était plutôt limité aux colloques et aux déclarations de bonnes intentions.

Cette proposition s’inscrit, en effet, dans un contexte particulier. Le 30 décembre 2006, nous votions la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, dite « LEMA », dont l’article 1er consacre un « droit d’accès à l’eau potable pour chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, dans des conditions économiquement acceptables par tous ».

Or, ce droit à l’eau, solennellement proclamé par la LEMA, a été insuffisamment précisé au niveau juridique et n’a donc pu concrètement s’exercer au profit des usagers qui en avaient le plus besoin.

Certes, il existe déjà un dispositif de solidarité dans le cadre du volet « eau » des fonds de solidarité logement. Mais l’instrument actuel du FSL trouve ses limites dans la mesure où seules les personnes qui sont abonnées directement à un service de distribution d’eau peuvent présenter leurs demandes de prise en charge de leur facture par le FSL « eau ».

Les personnes qui ne sont pas directement abonnées, notamment celles qui habitent des logements collectifs – ceux-ci représentent, je le rappelle, 43 % des logements en France selon l’INSEE – et paient donc l’eau dans leurs charges, ne peuvent pas en bénéficier.

Dans le dispositif actuel, les sommes allouées au volet « eau » du FSL ne permettent donc pas de répondre à l’objectif de solidarité ni d’aider suffisamment les personnes qui connaissent des difficultés financières. Les moyens ouverts aux services publics de l’eau et de l’assainissement par le législateur pour développer une action sociale sur la facture d’eau méritent donc d’être complétés.

Au-delà de son article 1er, la LEMA ouvre, comme principale voie d’action sociale, la possibilité de développer une tarification progressive, en proposant un prix diminué, et donc plus abordable, pour les premiers mètres cubes facturés, allégeant en cela la charge financière des plus démunis.

En dépit des apparences, cette solution n’a rien d’une approche sociale, puisqu’elle récompense en réalité les ménages économes, sans s’adresser particulièrement aux plus démunis ; d’autre part, elle est inopérante pour les ménages vivant en habitat collectif, qui paient l’eau dans leurs charges locatives et sont donc, in fine, pénalisés par une tarification progressive.

La proposition de loi que je soumets à votre examen doit donc permettre de pallier les insuffisances des dispositifs actuels en confortant le rôle des communes et de leurs groupements en matière de solidarité locale.

Dans ma proposition initiale, j’avais souhaité compléter les dispositions du code général des collectivités territoriales en offrant la possibilité aux services d’eau de participer, sur une base volontaire, et dans la limite de 1 % de leur budget, au financement des aides accordées aux personnes éprouvant des difficultés pour régler leurs factures d’eau.

Tel était, mes chers collègues, l’objet de ma proposition de loi. Toutefois, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et son rapporteur, notre collègue Michel Houel, dont je tiens à saluer le travail de qualité qu’il a accompli sur ce texte, ont souhaité remanier ce dispositif afin de mieux respecter la compétence sociale des départements. Je tiens également à remercier le président de la commission, Jean-Paul Emorine, et M. le rapporteur d’avoir bien voulu m’associer à leurs travaux. Nous sommes en effet parvenus à l’élaboration d’un dispositif consensuel qui a recueilli le vote unanime des membres de la commission, ce qui m’a personnellement beaucoup touché.

Le rôle des fonds de solidarité pour le logement, les FSL, se trouve renforcé et élargi, tout en laissant aux maires la capacité de saisine et d’avis absolument indispensable – j’étais particulièrement attaché à ce dernier point, vous l’aurez compris. Le maire n’est-il pas celui qui, en définitive, connaît le mieux la situation des familles en difficulté sur le territoire de sa commune ?

Ce nouveau dispositif, que vous présentera notre rapporteur et que j’approuve, est le fruit d’une collaboration féconde. Je souhaite, mes chers collègues, que vous exprimiez un vote identique à celui qu’a émis la commission de l’économie, afin de démontrer, une fois de plus, que le Sénat est une force de proposition de progrès social.

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