… dans la mesure où nous avons tous en mémoire l’origine du Parlement en France : en 1789, le vote de l’impôt, le vote des ressources, le vote des dépenses, c'est-à-dire quelque chose qui était considéré, à l’époque, comme la première liberté formidable conquise par le peuple et exercée par l’intermédiaire de ses représentants.
Je comprends Jean Arthuis et les auteurs des autres amendements : il est vrai que c’est une discipline très stricte qui a été introduite par Guy Mollet dans le décret du 19 juin 1956 – le rapporteur de la commission des lois l’a rappelé tout à l’heure – et qui a été reprise ensuite dans la Constitution de 1958. Une discipline d’une rigueur tellement absolue qu’il a fallu que les chambres elles-mêmes apportent quelques assouplissements à son application. Je signale en particulier que si, l’on appliquait strictement l’article 40, depuis 1958, nous ne pourrions jamais, par exemple, proposer, sans la gager, une réduction des amendes pénales, pour ne rien dire de leur suppression. On a donc considéré que, dans le domaine pénal, il ne fallait pas appliquer l’article 40, bien qu’il soit applicable.
Depuis 1958, la pratique a conduit à rendre obligatoires et indispensables les gages en ce qui concerne les recettes, mais, comme l’a souligné notre collègue M. Cointat tout à l’heure, il est impossible de gager en dépenses, en raison de l’emploi du singulier et non du pluriel.
On a assisté alors au développement de pratiques très simples : en matière de recettes, des gages, mais il s’agit la plupart du temps, tous les ministres du budget qui se sont succédé le savent bien, de faux gages, la dernière invention étant les droits sur les tabacs. Quant aux dépenses, des gages assez fantaisistes ont été inventés dans les propositions de loi, puisque l’on a admis pour celles-ci – sinon, on ne pourrait jamais en déposer – la possibilité de gager en dépenses, bien que ce soit tout à fait contraire à l’article 40.
Le président Arthuis nous dit que le Gouvernement dispose des moyens de faire écarter les amendements dépensiers. Mais, moi, je ne sais pas quels sont ces moyens ! À part l’article 44, troisième alinéa, sur le vote bloqué ou l’exigence absolue de l’examen préalable des amendements avant qu’ils n’arrivent en séance publique, soit l’article 44, deuxième alinéa, je ne vois pas d’autres solutions ! Par conséquent, ce n’est pas si facile que cela.
Au-delà de ces considérations, je pense que lâcher là-dessus serait un très mauvais signal au moment où la France doit faire des efforts colossaux pour être « dans les clous » de Maastricht en 2012, étant entendu que, pour la première fois dans leur histoire, les Français vont devoir payer leurs dettes, puisqu’ils n’ont plus à leur disposition l’inflation et la dévaluation pour « voler » le livret des caisses d’épargne des grands-mères et les faire payer à leur place.
Au moment où nous devons faire un effort formidable à faire et où il faut mobiliser la nation pour que la France ne perde pas la face en 2012 et ne soit pas ravalée au rang d’État secondaire en Europe, c’est donc un très mauvais signal que de relâcher les disciplines là-dessus.