Intervention de Jean-François Voguet

Réunion du 19 juin 2008 à 15h00
Modernisation des institutions de la ve république — Articles additionnels après l'article 14

Photo de Jean-François VoguetJean-François Voguet :

Cette discussion montre bien que personne n’est dupe, chacun s’accordant à reconnaître que l’article 40 est inefficace.

Pour ce qui nous concerne, nous pensons qu’il vise avant tout à réduire l’initiative des parlementaires dans le cadre de l’ensemble de la procédure législative. Je m’efforcerai rapidement de le démontrer, en me fondant sur des exemples concrets.

Le projet de loi pour l’égalité des chances avait donné lieu au dépôt de 900 amendements et sous-amendements, dont 160 ont été déclarés irrecevables. Sans surprise, 151 de ces amendements émanaient de parlementaires de l’opposition.

Quant au projet de loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, il a fait l’objet de 663 amendements, dont 21 ont été déclarés irrecevables et une dizaine a été « victime » de la procédure du vote bloqué.

Ces chiffres montrent que, sur des textes essentiels, structurants, déterminants quant au sens que l’on souhaite donner à une politique, l’article 40, comme les autres outils de procédure, peut être largement utilisé pour couper court à la controverse parlementaire.

Cependant, quand on veut faire autrement, on le fait ! Ainsi, lorsque le Sénat a examiné en première lecture le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, seuls 4 des 976 amendements déposés sont tombés sous le coup de l’article 40. Et aucun des 450 amendements déposés en seconde lecture n’a fait l’objet d’un tel traitement, alors qu’il est fort probable que certains tendaient à détériorer les comptes publics !

Derrière l’habillage constitutionnel, se profile clairement ce que nous supposions : l’article 40 ne sert qu’à brider, autant que faire ce peut, l’expression des parlementaires, notamment ceux de la minorité, alors même qu’il de voter contre un amendement déclaré irrecevable pour qu’il ne soit pas introduit dans la loi.

L’article 40, c’est le bâton qu’on utilise quand on veut faire sentir que l’on est fort, alors même que le débat parlementaire suffit à faire valoir la règle majoritaire.

Pourquoi, en effet, « organiser » le débat sur la réforme des retraites ou sur le texte pour l’égalité des chances en recourant massivement aux instruments de procédure, notamment à l’article 40, sinon pour brider l’expression de l’opposition, tandis qu’on laissera s’exprimer sans limite les groupes et les parlementaires de la majorité sur d’autres textes, comme ce fut le cas lors de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux ?

Rien, dans les faits, ne justifie aujourd’hui que l’article 40 soit maintenu dans notre Constitution. Cet élément de procédure est, en fait, largement détourné de son objet et dévalué au profit d’une utilisation tactique et circonstancielle, uniquement guidée par des impératifs politiques.

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