Vous avez qualifié votre projet de budget de « sincère », monsieur le ministre. Je le juge, pour ma part, « aléatoire ».
En effet, vous fondez une nouvelle fois votre projet sur une prévision de croissance - 2, 25 % - trop optimiste. Certes, nous espérerions tous un tel taux pour notre pays, et même davantage.
Mais, en l'occurrence, tabler sur une fourchette de croissance haute entraîne le risque d'une moins-value fiscale en fin d'année. C'est d'ailleurs le cas pour 2005, la perte de recettes étant estimée entre 2 et 3 milliards d'euros.
Les prévisions économiques de la Commission européenne, qui ont été rendues publiques dès le mois de février, auraient dû tempérer votre enthousiasme, puisque celle-ci pronostique un taux de croissance de 1, 75 % au maximum.
En outre, vous évaluez le déficit public à 2, 9 % du PIB, alors que Bruxelles considère que, à politique inchangée, il sera de 3, 5 %, soit largement au-dessus de la limite imposée par le pacte de stabilité et de croissance. Et ce ne sont pas vos artifices de présentation du projet de loi de finances qui stabiliseront le déficit public !
Faute d'une véritable stratégie économique, vous utilisez, pour boucher les trous, des recettes non fiscales. Ainsi, vous malmenez le fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété. De même, alors que Réseau ferré de France est déjà fortement endetté, vous préparez la cession de ses actifs immobiliers, afin d'alimenter le budget général. Les sociétés autoroutières sont également ponctionnées.
Vous avez également évoqué, monsieur le ministre, un budget « responsable ». C'est au contraire l'irresponsabilité qui le caractérise : permettez-moi de vous en fournir deux illustrations.
Est-il responsable d'organiser un allégement de charges sur les entreprises pour un montant total de 19 milliards d'euros, sans contrepartie, alors que l'on ne mesure pas l'impact de telles baisses sur le taux de chômage ?
Est-il responsable d'organiser la réforme de la taxe professionnelle, en privant les collectivités locales de leur autonomie financière, au mépris de la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales ?
La réforme que vous engagez sans simulation est en effet lourde de conséquences, et c'est un président de conseil général qui vous le dit !
Vous n'avez pas prétendu que votre budget était « juste ». Et pour cause ! Le projet de loi de finances que vous nous présentez est totalement injuste !
Ainsi, votre réforme de l'impôt sur le revenu consiste avant tout à creuser l'écart entre l'imposition des revenus du travail salarié et celle des revenus du capital.