Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 7 avril 2010 à 14h30
Grand paris — Article 2

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, passer sa vie dans les transports, c’est le quotidien de la plupart des Franciliens. Depuis que dans les années soixante la politique de peuplement a repoussé de plus en plus loin de la capitale la majeure partie des habitants de l’Île-de-France, jamais la création de transversales, reliant les banlieues entre elles, n’a été aussi essentielle, jamais la perspective d’une saturation des lignes existantes, qu’il s’agisse du RER ou de la SNCF, n’a été aussi proche.

Monsieur le secrétaire d’État, seriez-vous le seul à ne pas savoir que, si rien n’est fait, on ne pourra même plus, dans quinze ans, accéder aux quais, tant le nombre d’usagers aura augmenté ?

Ainsi, dans le Val-d’Oise, au cours de ces dix dernières années, on a pu enregistrer une augmentation de 25 % des usagers du RER.

C’est donc tout l’avenir de notre région et le quotidien de ses habitants qui dépend de la manière dont nous investirons dans le transport public.

Or, loin de répondre à ces enjeux, le Grand Paris les dédaigne. Pis encore, il les marginalise. Le Grand huit proposé par M. Christian Blanc va exactement à l’encontre des propos tenus par Nicolas Sarkozy, lequel évoquait la nécessité « d’un schéma des mobilités qui couvre l’ensemble du territoire, avec un maillage qui ne laisse personne au bord du chemin ». Mais ce n’est pas la première fois que, des discours aux actes, ce président sera passé de la route rectiligne au tête-à-queue.

Pourtant, cela a été dit tout à l’heure, un schéma d’aménagement répondait à ce grand principe. Je veux parler du plan de mobilisation pour les transports en commun d’Île-de-France, élaboré par la région, le Conseil de Paris et les conseils généraux. Les 18 milliards d’euros nécessaires à la réalisation de ce plan répondent aux enjeux actuels comme à ceux de demain ; ils ont été déterminés en concertation avec les territoires et les élus concernés ; ils répondent à des problématiques dûment identifiées et ouvrent des perspectives de développement économique, de relance d’emploi et de redynamisation des territoires.

Niant ainsi l’esprit de l’article 1er de notre Constitution, lequel précise que l’organisation de notre République est décentralisée, le Gouvernement a préféré substituer à un projet qui répondait réellement aux attentes des Franciliens le projet de loi relatif au Grand Paris, qu’il a mené en solo. Cette procédure dérogatoire ne se justifiait pas : le SDRIF aurait pu et dû être le lieu évident de la construction du Grand Paris.

C’est pourquoi vous vous êtes senti obligé, monsieur le secrétaire d’État, de préciser que le financement de ce nouveau réseau devait revenir à l’État, sans préjudice du financement des opérations inscrites au contrat de projets État-région. Outre le fait que nul ne sait où vous prendrez les dizaines de milliards nécessaires à votre Grand Paris, vous avez trouvé une manière originale de ne pas porter préjudice aux financements de ces contrats de projets : vous les annulez ! Vous avez ainsi accepté de supprimer d’un trait le projet Arc Express, pourtant bien avancé. Vous l’avouerez, cela augure mal du reste !

Que dire également d’un projet qui ignore des territoires entiers ? Aujourd’hui 1, 2 million de Val-d’Oisiens sont exclus de votre démarche. Or, fort d’une croissance démographique continue et doté de plusieurs pôles économiques majeurs, ce territoire ne pourra donner toute sa mesure que si des réponses sont apportées à la question des difficultés de déplacements. Il est impératif de relier et de rendre complémentaires les pôles économiques et universitaires du département, d’assurer une meilleure desserte pour les trajets effectués entre le domicile et le lieu de travail, de rapprocher les travailleurs de l’est du Val-d’Oise du pôle d’emploi de la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle. Pour ce qui concerne les besoins urgents de ce département, je partage la totalité des propos tenus par notre collègue Bernard Angels au cours de la discussion générale.

Enfin, permettez-moi de m’attarder sur l’autre grand absent de ce texte : l’usager. Il n’en est jamais question ! Pourtant, il voit bien que le Grand huit n’améliorera pas les conditions de ses déplacements quotidiens. Il perçoit en revanche que le coût de ce nouveau métro pourrait retomber sur lui, par l’augmentation des tarifs ou de la fiscalité.

L’Association des usagers des transports d’Île-de-France ne s’y trompe pas, puisqu’elle réclame la mise en œuvre immédiate du plan de mobilisation pour les transports en commun d’Île-de-France, élaboré par les collectivités de notre région, en exhortant chacun à apporter sa contribution, qu’il s’agisse de l’État, de la région, des départements, du Syndicat des transports d’Île-de-France, des exploitants ou des gestionnaires d’infrastructure !

Monsieur le secrétaire d’État, vous auriez pu choisir, pour ce futur réseau, d’appliquer le droit commun. À l’inverse, vous vous prononcez pour un régime d’exception, qui vient se heurter à tous les travaux déjà en cours, et à beaucoup de ceux qui sont en attente. Au lieu de vous pencher sur la réalité des problèmes des Franciliens, vous préférez reproduire les erreurs passées. Je fais référence aux années cinquante et soixante, qui ont vu proliférer de grands ensembles autour de ce qui n’était que des villages quasi ruraux tels que Sarcelles, Villiers-le-Bel, Garges, Goussainville, et j’en passe ! Les permis de construire ont alors été signés, au nom de l’État, par des préfets, qui ont créé ainsi des villes-dortoirs, devenus depuis des « villes-ghettos ».

En conclusion, le Grand Paris aurait pu avoir, entre autres choses, l’ambition de réparer ces dégâts, de prendre en compte les attentes légitimes de ses habitants, trop souvent oubliés de la République. Votre aveuglement, votre refus d’entendre et d’écouter ceux qui gèrent ces villes au quotidien vous amènent à préparer aujourd’hui les territoires de relégation de demain.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion