Intervention de Didier Boulaud

Réunion du 14 juin 2006 à 15h00
Conseil européen des 15 et 16 juin 2006 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Didier BoulaudDidier Boulaud :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous sommes amenés à débattre pour la quatrième fois de l'ordre du jour du Conseil européen dans cet hémicycle.

Le débat préalable au Conseil européen organisé aujourd'hui dans notre assemblée nous permet d'être mieux associés, en tant que parlementaires, aux processus de décisions européens. Je me réjouis donc que le principe d'un débat préalable à chaque Conseil européen soit désormais acquis, mais je regrette, comme nous l'avons déjà demandé lors du précédent débat, que nous ne soyons pas associés plus en amont de la préparation du sommet.

C'est dans une Europe hésitante que s'ouvre demain à Bruxelles ce nouveau Conseil européen des chefs d'États et de gouvernement ; une Europe plus que frileuse, enlisée et immobile, qui repousse ses grands enjeux et menace ainsi son avenir.

L'élargissement réalisé en mai 2004 a été une réussite et, aujourd'hui, nous pouvons nous réjouir du bilan positif que nous pouvons en tirer. L'entrée officielle de dix nouveaux États membres a eu pour eux un impact économique significatif

Malgré cette réussite, des hésitations sont plus que perceptibles quant aux prochaines étapes de l'élargissement de l'Union, hésitations qui conduisent à reporter au niveau des États membres le débat sur les frontières que nous souhaitons donner à l'Union européenne.

Je déplore ici que la France participe à ces hésitations dans un document de travail exposé il y a un mois aux ministres des affaires étrangères de l'Union. Après de premières lignes élogieuses, est avancé le concept vague de « capacité d'assimilation ou d'absorption de l'Union ». C'est la Commission européenne qui devra « à chaque fois qu'est envisagée une nouvelle étape du processus d'élargissement » évaluer la capacité du pays candidat à entrer dans l'Union.

La France renonce à ce que ce débat soit inscrit à l'ordre du jour de ce Conseil.

Ce document annonce-t-il votre intention d'éluder la question des frontières de l'Union européenne demain et après-demain à Bruxelles ? Quels éclaircissements pouvez-vous nous donner, monsieur le ministre, quant à vos positions à Bruxelles sur ce point et sur la question de l'élargissement ?

Alors que l'Europe est mal perçue par nos concitoyens, qu'elle est délaissée dans le débat politique, alors qu'il faudrait d'urgence élaborer un plan de relance européen, il serait important de valoriser les domaines de réussites européennes. Il serait également essentiel de n'envoyer ni aux pays candidats ni aux populations des pays déjà membres des messages négatifs, dont celui d'une Union indécise et frileuse.

Lorsque l'on défend une conception ambitieuse de la construction européenne, l'élargissement de l'Union européenne doit se poursuivre.

Le déroulement des négociations d'adhésion doit constituer une priorité centrale. C'est de notre responsabilité. Les pays candidats doivent respecter scrupuleusement les critères définis par le Conseil européen de Copenhague avant leur entrée. Les avancées dans ces négociations dépendront surtout des candidats eux-mêmes et de leur capacité à appliquer l'acquis communautaire. Mais, alors que l'Europe leur a ouvert ses portes, il ne serait pas judicieux de déjà les refermer.

Un projet de loi ratifiant le traité d'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne a été présenté en conseil des ministres le 23 mai et devrait nous être soumis très bientôt.

Les conditions de l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie ont été convenues dans un traité d'adhésion signé en avril 2005 par les vingt-cinq États membres et les deux pays. La Bulgarie, la Roumanie et quatorze États membres l'ont déjà ratifié. Ce traité prévoit que la Bulgarie et la Roumanie adhéreront le 1er janvier 2007. Or la dernière recommandation émise par la Commission européenne à l'égard des candidatures bulgare et roumaine, datée du 16 mai 2006, reporte tout feu vert à octobre 2006, en raison de « déficits sérieusement inquiétants ».

Il est fondamental, pour les nouveaux candidats, de respecter les critères définis lors de l'engagement dans le processus d'adhésion, en particulier dans les domaines judiciaires.

Relancer l'Europe, c'est redéfinir son projet et ses frontières, puisque l'Union européenne demeure aujourd'hui un outil majeur pour maîtriser notre avenir. Sa construction passe par des coopérations renforcées, afin d'en éviter une conception figée.

Je m'attacherai ensuite à évoquer plus particulièrement la perspective européenne offerte aux pays des Balkans occidentaux, perspective à laquelle je suis, vous le savez, monsieur le ministre, très attaché.

Le 13 mars 2006, lors de la réunion informelle des ministres des affaires étrangères de l'Union à Salzbourg, ces derniers ont réaffirmé la perspective européenne de la Croatie, de l'Albanie, de la Serbie, du Monténégro, de la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine et ont précisé que « l'objectif ultime » du processus de stabilisation et d'association en cours avec ces pays est l'adhésion pure et simple à l'Union européenne. Derrière cette affirmation de principe à laquelle je m'associe pleinement, pouvez-vous clarifier les étapes concrètes qui précéderont cette intégration ?

L'élargissement de l'Union européenne a une portée politique et morale qu'il ne faut pas oublier. En 2004, l'Union a mis fin à la coupure brutale du continent, divisé depuis 1945 entre le monde libre et le monde communiste ; de nombreux États ont pu rejoindre la famille démocratique européenne et partager le grand dessein des pères fondateurs.

Pour réussir, l'unification de la Grande Europe devra prendre en compte les préoccupations légitimes de ses populations en matière de sécurité, de droits sociaux, d'immigration et d'agriculture. L'Union devra faire en sorte que l'accroissement du nombre de ses membres ne se fasse pas au détriment de leur intégration.

C'est pourquoi, pour ma part, je souhaite qu'elle poursuive son élargissement aux Balkans occidentaux, par ailleurs garantie essentielle pour que cette zone ne soit pas de nouveau déchirée par la guerre dans quelques années.

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