Séance en hémicycle du 14 juin 2006 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité pour la période 2005-2015, en application de l'article 6 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen des 15 et 16 juin 2006.

Comme vous le savez, le Sénat a été unanime à souhaiter que les réunions du Conseil européen soient précédées d'un débat afin que nous puissions faire le point, à l'intention du Gouvernement, sur les principaux enjeux qui seront évoqués à Bruxelles.

Avant de donner la parole à M. le ministre des affaires étrangères, je tiens à vous transmettre les regrets de notre président, M. Christian Poncelet, qui ne peut présider cette séance car il reçoit en ce moment le Premier ministre israélien, M. Ehud Olmert.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les sénateurs, dès demain, avec Catherine Colonna, j'accompagnerai le Président de la République à Bruxelles pour la réunion du Conseil européen. Conformément à l'engagement pris il y a un an, je suis heureux de pouvoir évoquer en détail avec vous les différents volets de cette échéance importante pour l'Europe et pour notre pays.

Malgré les doutes et les interrogations, l'Europe fonctionne aujourd'hui et continue d'avancer, malgré aussi les critiques trop souvent injustes qui lui sont adressées. Depuis un an, la France a pleinement joué son rôle d'incitation et de proposition sur ce chemin marqué, ces derniers mois, par de nombreuses initiatives.

J'en veux pour preuve les résultats importants que nous avons obtenus : d'abord, les perspectives budgétaires européennes qui ont été adoptées pour la période 2007-2013 assureront le financement équitable de l'élargissement tout en préservant les politiques auxquelles nous tenons, en particulier la politique agricole commune ; ensuite, la proposition de directive sur les services a été entièrement révisée, permettant de préserver nos services publics et d'abandonner le principe du pays d'origine ; enfin, les premiers jalons d'une véritable politique européenne de l'énergie ont été posés.

Bien sûr, chacun d'entre nous le sait, d'autres avancées sont indispensables si nous voulons répondre de manière efficace aux préoccupations légitimes de nos concitoyens. C'est dans cet esprit que la France abordera le prochain Conseil européen, qui peut, si nous en avons la volonté, apporter de nouveaux progrès concrets et permettre le retour de la confiance auquel nous travaillons inlassablement depuis un an.

Sur la question du traité constitutionnel, les chefs d'État ou de gouvernement ont décidé, il y a un an, d'une période de réflexion pour procéder à une appréciation d'ensemble des débats nationaux et convenir de la suite à donner au processus.

Quinze États membres ont en effet procédé à la ratification du traité, dont cinq depuis le mois de juin 2005. Plusieurs pays ont parallèlement choisi de ne pas se déterminer. Tel est l'état des lieux qui s'impose aujourd'hui : il implique de tenir compte de la décision prise par quinze de nos partenaires, tout comme, évidemment, du vote des électeurs français et néerlandais.

Dans ce contexte, notre responsabilité consiste à donner à l'Union élargie les moyens d'être plus efficace, plus transparente et plus démocratique, dans le respect du vote du 29 mai. Nous attendons ainsi du Conseil européen de cette semaine qu'il décide de délais raisonnables pour la poursuite de la « période de réflexion », au terme desquels des propositions concrètes devront être faites.

Comme l'ont dit il y a quelques jours le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel, nous souhaitons que la future présidence allemande soit en mesure de présenter des propositions, au premier semestre de l'année prochaine, pour que des décisions puissent être prises ensuite, notamment pendant la présidence française au second semestre 2008.

Chacun sait en effet qu'une réforme du cadre institutionnel européen reste plus que jamais nécessaire, étant donné l'élargissement à vingt-cinq, et bientôt vingt-sept pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l'autre grand défi que nous devons relever consiste à restaurer la confiance, c'est-à-dire, avant toute chose, faire de l'Union un projet partagé et compris. La France, depuis un an, travaille à apporter des réponses concrètes aux attentes exprimées par les citoyens : c'est l'Europe des projets, une Europe pragmatique, comme l'a souhaité le Premier ministre dans son discours à l'université Humboldt de Berlin, une Europe qui fait la preuve de sa valeur ajoutée.

Le prochain Conseil européen sera l'occasion de poser de nouveaux jalons. Je pense à la dimension extérieure de la politique européenne de l'énergie, un enjeu stratégique pour l'avenir. Nous aurons l'occasion d'examiner sur ce point une contribution soumise par Javier Solana, conjointement avec la Commission.

Je pense aussi aux progrès qui peuvent être accomplis sur les questions migratoires, sujet sensible s'il en est. Depuis plusieurs semaines, les îles Canaries doivent faire face à des arrivées massives de migrants. Là aussi, nous attendons du Conseil européen de cette semaine qu'il donne les impulsions nécessaires pour permettre à la solidarité européenne de s'exprimer concrètement.

Car la question migratoire n'est évidemment pas le problème de l'Espagne, c'est celui de l'Union européenne dans son ensemble. Dans ce contexte, nous attendons beaucoup aussi de la conférence sur les migrations et le développement, qui aura lieu à Rabat les 10 et 11 juillet prochains. Cette conférence est organisée sur l'initiative de l'Espagne, du Maroc et de la France. C'est pour nous l'occasion de confronter les points de vue, en envisageant la question migratoire à travers les préoccupations des pays d'origine de l'immigration, des pays d'accueil et des pays qui voient transiter sur leur territoire un nombre de plus en plus croissant de migrants en route vers l'Europe.

Pour avancer sur l'ensemble de ces sujets, nous devons envisager avec lucidité toutes les options aujourd'hui ouvertes afin de préserver la capacité d'action et de décision de l'Union.

C'est la raison pour laquelle la France a présenté des propositions permettant d'apporter, dès à présent, des améliorations au cadre institutionnel, dans le cadre des traités existants. Catherine Colonna a pris une part active dans ces initiatives et nos idées ont reçu un accueil généralement positif. Nous disposons donc d'une base, d'un consensus, sur lequel le Conseil européen peut s'appuyer pour fixer un certain nombre d'orientations communes. J'en citerai trois.

La première orientation, et je sais que vous y êtes particulièrement attachés, concerne les Parlements nationaux qui doivent être associés de manière bien plus étroite aux processus de décision.

Debut de section - Permalien
Philippe Douste-Blazy, ministre

La seconde orientation concerne le renforcement de la cohérence de l'action extérieure : il s'agirait de confier à Javier Solana, le Haut Représentant de l'Union pour la politique étrangère et de sécurité commune, des mandats précis afin que l'Europe tienne toute la place qui lui revient sur la scène internationale - je pense en particulier au récent déplacement de Javier Solana à Téhéran, pour y représenter non seulement l'Union européenne, mais également la communauté internationale ; je pourrais également parler du Proche-Orient.

Enfin, troisième orientation : la sécurité intérieure, qui doit être renforcée et consolidée dans son efficacité, notamment dans certains domaines soigneusement choisis de la coopération policière et pénale.

La dernière question que je tiens à aborder avec vous aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, porte sur la question de l'élargissement, qui sera discutée au Conseil européen. Cette question, nous le savons, a motivé nombre des inquiétudes qui se sont exprimées le 29 mai 2005.

Trop souvent, dans le passé, les Français ont eu le sentiment d'un élargissement trop rapide, non maîtrisé, préjudiciable au projet européen lui-même.

Nous devons apporter des réponses claires et précises à cette préoccupation, que le commissaire européen Olli Rehn qualifie de « fatigue de l'élargissement ».

Les futurs élargissements doivent être vécus comme un choix. C'est là un impératif majeur, et c'est précisément pourquoi notre pays a décidé de les soumettre, dorénavant, à référendum.

Dans ces conditions, il est impératif de mieux prendre en compte la capacité de l'Union à « assimiler » de nouveaux membres. Nous le disons clairement à nos partenaires : le rythme des élargissements futurs doit intégrer la prise en compte de cette capacité d'assimilation de l'Union. Ce qui implique de répondre à des questions simples : dans une Union à trente ou plus, quelle sera la nature des politiques communes ? Quelles seront les modalités du financement futur ? Quelles seront les nouvelles institutions ? Quel sera, enfin, au vu des réponses apportées à ces questions, le soutien apporté par les citoyens, sachant qu'ils attendent d'être mieux associés aux décisions clés qui engagent leur avenir ?

Vous le voyez, il ne s'agit pas de remettre en cause les engagements que nous avons contractés, notamment la perspective européenne des Balkans occidentaux. Mais l'Europe, c'est une évidence, ne se fera pas sans les peuples de l'Union ni sans l'engagement des citoyens qui la composent. À nous de leur apporter des réponses adaptées.

Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principaux objectifs que la France entend faire valoir avec force, dès demain, à Bruxelles.

En conclusion, vous me permettrez de rendre hommage, d'un mot, à la présidence autrichienne, qui, tout au long des derniers mois, en dépit d'un contexte difficile, a su mener les travaux de l'Union avec intelligence, dynamisme et efficacité.

Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Vinçon

Le Conseil européen s'ouvrant demain doit examiner deux questions décisives pour l'Union européenne : la stratégie d'élargissement et le sort du traité constitutionnel, ou tout au moins du contenu de celui-ci, au terme de la période de réflexion ouverte par son rejet par la France et par les Pays-Bas.

Sur ces deux sujets, le débat devrait se poursuivre. Après la réunion des ministres des affaires étrangères qui s'est tenue à Vienne les 27 et 28 mai derniers, une prolongation de la période de réflexion s'est imposée.

S'agissant de l'élargissement, la Commission européenne travaille sur les critères d'adhésion, et, singulièrement, sur demande française, sur celui qui concerne la capacité de l'Union à assimiler de nouveaux membres.

Cette prolongation des débats illustre l'incertitude qui marque l'Europe aujourd'hui, mais cette réflexion est indispensable.

En effet, aucun consensus ne paraît pouvoir se dégager dans l'immédiat. Il n'est pas concevable que la France et les Pays-Bas reprennent le processus de ratification. Les sondages récents nous montrent que la position des Français n'a pas changé, et le débat dans le pays n'a pas évolué.

Faut-il, alors, faire le deuil de l'ambition portée par le traité ? Faut-il l'enterrer dignement et passer à autre chose, ainsi que le préconisent notamment les tenants d'une Europe limitée au seul marché intérieur ? Évidemment non, et pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, parce que le processus de ratification peut, théoriquement, se poursuivre. Par ailleurs, les États ayant ratifié le texte, comme nos partenaires allemands, sont attachés, ainsi que l'a rappelé Mme Merkel, au traité constitutionnel, et peinent à comprendre pourquoi le refus de deux États, fussent-ils des membres fondateurs, devrait peser davantage que leur propre engagement.

Ensuite, parce que le traité constitutionnel lui-même invite le Conseil européen à se saisir des difficultés de ratification et à rechercher une solution, dès lors qu'un nombre significatif d'États membres auront ratifié le texte, ce qui pourrait être bientôt le cas.

Enfin, le traité de Nice, conçu pour une Europe à vingt-sept, nous oblige, en tout état de cause, à une réforme institutionnelle, notamment à celle de la Commission, à l'horizon de 2009. Le statu quo n'est donc pas envisageable.

Ce constat étant posé, les réponses à apporter divergent.

Entre les tenants d'une renégociation du traité et ceux qui souhaitent son maintien en l'état, il existe un espace de compromis. Il s'agit non pas d'opérer une « ratification rampante » du traité, qui verrait la mise en application discrète de certaines de ses dispositions, ce qui serait légitimement mal perçu par les citoyens et risquerait en même temps de nuire à l'équilibre défini par le traité, mais bien d'utiliser la phase de réflexion qui se poursuit pour tenter de préserver les avancées institutionnelles qu'il prévoyait, et dont certaines sont indispensables au projet européen.

Vous nous direz, monsieur le ministre, comment la France, dans son dialogue avec ses partenaires et avec ses citoyens, entend aborder cette nouvelle période, et avec quels objectifs.

Dans cette perspective, nous devons travailler dans deux directions. On a beaucoup, et légitimement, évoqué l'Europe des projets, pour montrer ce que la construction européenne peut apporter concrètement aux citoyens, notamment dans les domaines de l'emploi et des questions sociales, où leurs attentes sont fortes.

Cela étant, nous avons aussi, et peut-être surtout, besoin d'une ambition. J'ai la conviction que nous devons également développer de tels projets dans les domaines de la politique étrangère et de la défense, qui sont notre horizon pour l'Europe et que vous avez d'ailleurs pris pour exemples à l'instant.

Dans l'esprit des citoyens, cette Europe existe déjà, c'est pourquoi ils sont prompts à regretter ses insuffisances. Faisons cependant le pari que l'Union européenne peut contribuer à la stabilité en Afrique, comme elle s'apprête à le faire au Congo, qu'elle peut mener à bien l'immense tâche entreprise dans les Balkans, qu'elle peut faire entendre une voix attendue, écoutée et respectée sur la scène internationale. Développons les échanges sur ces sujets, afin de produire l'analyse commune qui fait actuellement défaut, en esquissant peut-être la mise en place du service diplomatique européen et du ministre européen des affaires étrangères. Nous vous rejoignons sur ce point, monsieur le ministre. C'est sur ces terrains que l'Union européenne démontrera qu'elle n'a pas laissé de côté son ambition politique. C'est aussi sur ces terrains-là que la cohérence de l'action internationale de l'Union doit être améliorée.

J'ajoute que, s'agissant de la défense européenne, son articulation avec l'OTAN, en termes de concurrence ou de complémentarité, reste au coeur du débat. On peut craindre que le sommet consacré aux futures missions de l'OTAN qui se tiendra à Riga dans quelques mois n'illustre les divergences entre ceux qui sont, au sein même de l'Union, les principaux acteurs de la défense européenne.

Par ailleurs, monsieur le ministre, certains sujets de l'actualité internationale feront sûrement l'objet d'une discussion au sein du Conseil européen, comme la question du nucléaire iranien ou celle, tout aussi complexe, de l'aide européenne à la population palestinienne, et même, au-delà, d'une approche européenne spécifique de ce conflit, plus que souhaitable aujourd'hui, au moment où le chaos menace. Peut-être pourrez-vous nous dire tout à l'heure quels seront, sur ces questions, les axes de la position défendue par la France.

Quoi qu'il en soit, de même que l'Europe n'est pas la source de tous nos maux, elle n'est pas non plus la réponse systématique à tous nos besoins. C'est pourquoi il est nécessaire de renforcer une dynamique dans notre propre pays et de poursuivre nos efforts en matière de réformes. L'Europe nous y incite, et peut nous y aider. Forts d'une confiance retrouvée dans la capacité de notre pays à prendre toute sa place dans la dynamique de l'économie mondiale et à créer de la richesse et de l'emploi, nos concitoyens porteront un regard différent sur le projet européen et accepteront mieux de lui donner les moyens de progresser.

Cela m'amène au second sujet, celui de l'élargissement de l'Union européenne.

La réunification de l'Europe, en mai 2004, qui devrait être parachevée par l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, a été accueillie par nos concitoyens avec sympathie.

À l'évidence, si l'on se réfère à la teneur des débats auxquels a donné lieu le référendum, les autres élargissements annoncés sont davantage perçus comme une fuite en avant et comme une alternative à l'approfondissement. Si nous n'y prenons pas garde, pour reprendre les termes de Mme Ferrero-Waldner, commissaire européen chargé des relations extérieures, « les citoyens ne nous suivront plus », avec les conséquences que la règle constitutionnelle du recours au référendum implique dans notre pays. L'élargissement ne peut plus être seulement l'instrument idéal d'une politique étrangère européenne ; il est désormais un enjeu politique tout court, avec les exigences de pédagogie, d'explications que cela suppose pour nous tous, responsables politiques nationaux.

La réforme institutionnelle et l'élargissement sont interdépendants. L'adhésion à l'Union européenne a été et reste un réel moteur pour promouvoir les réformes démocratiques et réduire l'instabilité, mais celle-ci n'a pas disparu en Europe. Le référendum qui vient de se tenir au Monténégro a été une nouvelle étape du morcellement de l'ex-Yougoslavie, et l'avenir des négociations sur le Kosovo nous dira si ce processus risque ou non de se poursuivre encore.

Cependant, la paix et la stabilité ne découlent pas de la seule adhésion. Elles sont aussi le fruit de la dynamique d'un projet et de la volonté de travailler ensemble, que seules des institutions solides et une Europe sûre d'elle-même et de ses capacités peuvent garantir.

Que dire d'une Union dont la nature serait bouleversée par l'adhésion d'un pays candidat ? Que dire d'une Union dont les politiques de solidarité seraient remises en cause par l'arrivée d'États qui en espèrent précisément le bénéfice ? Que dire d'une institution paralysée par l'adhésion de pays qui comptent sur son action et sa dynamique ? C'est là, je crois, le sens des interrogations de nombre de nos compatriotes sur l'élargissement : le projet européen est riche de promesses, il nous appartient de les tenir.

Dans la crise que traverse actuellement l'Union européenne, toutes les options restent ouvertes. L'Allemagne et la France se sont accordées sur de nouvelles échéances et poursuivent la discussion sur la méthode. Sans apporter de réponse immédiate, le Conseil européen devrait s'efforcer de redonner un cap au navire européen : c'est ce que nous en attendons.

Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le président de la délégation pour l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le Conseil européen des 15 et 16 juin sera la conclusion de la présidence autrichienne : une présidence sans doute peu spectaculaire, mais utile, constructive, concrète, et très ouverte aux autres. Quand on songe aux procès d'intention que nous faisions à ce pays il n'y a pas si longtemps, cela devrait nous inciter à plus de prudence et de discernement dans nos jugements sur nos partenaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Comme à l'accoutumée, beaucoup de sujets - trop, peut-être - sont inscrits à l'ordre du jour du Conseil européen. Je souhaiterais centrer mon propos sur un seul : la subsidiarité.

Déjà, la présidence néerlandaise avait engagé une réflexion de fond sur le problème de la subsidiarité. La présidence autrichienne a poursuivi cette réflexion. Cela a fait apparaître un très large consensus pour estimer qu'un meilleur contrôle de la subsidiarité et de la proportionnalité constituait une des voies à suivre pour répondre au malaise actuel des opinions publiques.

Au moment de la campagne référendaire, j'ai participé à près de 120 réunions en faveur du traité constitutionnel, et j'ai constaté que beaucoup d'électrices et d'électeurs ne se retrouvaient pas dans la manière dont l'Europe fonctionnait et intervenait.

Il y a des domaines où l'on trouve que l'Europe n'en fait pas assez, par exemple la politique étrangère, la coopération judiciaire et policière, ou encore l'harmonisation des règles sociales.

En revanche, il y a des domaines où l'on trouve que l'Europe en fait trop : personne ne comprend ce qui se passe à propos de la TVA sur la restauration ; personne ne comprend pourquoi le dispositif « Natura 2000 » descend à ce point dans le détail ; et je ne parle pas du maquis réglementaire qu'est devenue la politique agricole commune ! §

L'Europe doit s'occuper des questions pour lesquelles elle représente le bon échelon pour agir, et seulement de ces questions-là ; elle doit limiter ses interventions à ce qui est nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

À cet égard, je voudrais prendre un exemple récent.

Dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, le Sénat vient d'être saisi d'un texte concernant uniquement la Suède. Il se trouve que, dans ce pays, il fait beaucoup plus froid dans le nord que dans le sud - chez nous aussi, mais à un moindre degré -, ce qui n'est pas surprenant, et que les habitants du nord consomment donc beaucoup plus d'électricité que ceux du sud. Le Gouvernement suédois, qui est très soucieux d'égalité, a eu l'idée de faire payer aux habitants du nord du pays une taxe sur l'électricité plus faible que dans le sud. Vous vous demanderez sans doute en quoi cela nous concerne, mes chers collègues. Eh bien, compte tenu de la législation européenne, pour prendre cette modeste mesure, qui ne vise que les particuliers, et pas du tout l'industrie, la Suède a besoin d'obtenir l'accord du Conseil européen, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission !

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Vingt-quatre pays doivent dire « oui » à une mesure qui ne les concerne en rien. Comment veut-on que les citoyens comprennent, et a fortiori approuvent, des règles de ce genre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Si nous voulons que les citoyens se réconcilient avec l'Europe, il faut prendre au sérieux le principe de subsidiarité, et, pour cela - c'est l'un des acquis de la Convention -, il faut s'appuyer sur les parlements nationaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

de la délégation pour l'Union européenne. En effet, si l'on s'appuie uniquement sur les acteurs du jeu communautaire, la subsidiarité finit toujours par être oubliée. Et quand je parle des acteurs du jeu communautaire, je ne vise pas seulement les institutions européennes, car ce sont souvent les administrations nationales qui poussent au non-respect de la subsidiarité, et l'administration française - je ne pense pas, à cet instant, au Quai d'Orsay ! -, d'une manière générale, n'est pas en reste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Là encore, je vais prendre un exemple récent.

La Commission européenne vient de présenter une proposition de directive sur la gestion des risques d'inondation. Une intervention européenne dans ce domaine est tout à fait justifiée pour les fleuves transnationaux et les bassins transfrontaliers, mais il n'y a pas de raison impérieuse que ce texte couvre aussi les risques purement nationaux. Le Royaume-Uni a souligné qu'il n'avait aucun fleuve en commun avec un autre État membre, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

...et qu'il venait de se doter à grands frais d'un plan national de prévention des inondations, plan qu'il serait obligé de refaire entièrement si la directive devait s'appliquer à tout le territoire de la Communauté européenne.

Cet argument paraît de bon sens. Or, quelle est la position de la France ? Dans la « fiche d'impact simplifiée » que nous avons reçue, il est indiqué, sans que la moindre explication soit fournie, que « la France est attachée à ce que cette directive s'applique à tout le territoire de la Communauté et ne soit pas limitée aux bassins transfrontaliers comme certaines délégations le demandent ».

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Ce qui est frappant, c'est que la Commission européenne, quant à elle, avait adopté une position beaucoup plus ouverte : c'est notre administration qui demande que l'on aille contre la subsidiarité. Je serais d'ailleurs très curieux de savoir s'il y a vraiment eu un débat et une décision interministériels en France qui ont conduit à l'adoption de cette position.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Ce type d'attitude est d'autant plus critiquable qu'il se retourne souvent contre nous. En effet, c'est en procédant de cette manière que nous nous trouvons, en définitive, confrontés à des textes que nous ne sommes pas capables d'appliquer nous-mêmes et qui nous valent de coûteuses condamnations par la Cour de justice des Communautés européennes. Notre ministère chargé de l'environnement, très prolixe, a poussé à l'adoption du dispositif « Natura 2000 », et, quatorze ans plus tard, nous avons encore les plus grandes difficultés à nous mettre en règle.

Il est vrai que nous ne sommes pas seuls. Aujourd'hui, il n'y a pas un seul État membre qui ne soit pas poursuivi devant la Cour de justice pour des questions d'environnement. Faute de respecter la subsidiarité, on a une législation inadaptée au « terrain » et cela débouche sur des contentieux interminables et coûteux.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Ce n'est pas la seule voie de progrès, mais c'est surtout en permettant aux parlements nationaux de se faire entendre que nous pourrons contrebalancer cette tendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Comme chacun le sait, le traité constitutionnel avait adopté cette optique. Certes, on ne peut, aujourd'hui, appliquer ce traité. Mais nous pouvons avancer sur la base des traités actuels, à droit constant.

Le président Barroso a fait, dans cet esprit, des propositions pragmatiques. Il s'est déclaré prêt à ce que la Commission adresse directement aux parlements nationaux ses propositions législatives, ses « livres verts » et ses « libres blancs » ; et il s'est déclaré prêt à recevoir les observations en retour des parlements nationaux, notamment en ce qui concerne la subsidiarité et la proportionnalité, à condition qu'elles soient, bien entendu, adressées en temps utile. Ainsi, un dialogue direct pourrait s'ouvrir, dans la transparence.

Nous pouvons donc, à traité constant, mettre en place une formule de « veille » des parlements nationaux en matière de subsidiarité et de proportionnalité.

La Commission, je l'ai déjà dit, se déclare favorable à cela. La présidence autrichienne s'est prononcée très clairement dans ce sens. Et lors de la COSAC de Vienne, les 20 et 21 mai, toutes les délégations, y compris celle du Parlement européen, ont approuvé cette idée. Au sein des parlements, il y a donc un consensus.

Il faut donc aujourd'hui que le Conseil européen consacre ce mouvement de fond en lui apportant son appui.

Ce serait là un signal positif en direction des citoyens. C'est un fait que les citoyens, malheureusement, ne connaissent généralement pas les députés européens qui les représentent. La régionalisation du mode de scrutin n'a pas changé grand-chose sur ce point. Nous le savons tous, c'est aux parlementaires de leur département que les citoyens s'adressent, même pour les questions européennes. Si demain nous pouvons leur dire que désormais leurs députés ou leurs sénateurs pourront directement relayer certaines de leurs préoccupations auprès de la Commission européenne, ils auront le sentiment qu'on cherche à rendre l'Europe moins lointaine, moins inaccessible, qu'on tient compte de certaines des inquiétudes qui se sont exprimées le 29 mai de l'an dernier.

J'espère qu'au Conseil européen la France pèsera de tout son poids dans ce sens. Selon mes informations, qui datent d'hier, trois gouvernements bloqueraient un accord : la Belgique, le Luxembourg, et l'Italie. C'est paradoxal : alors que les représentants des Parlements nationaux sont parvenus à se mettre d'accord à l'unanimité, les exécutifs n'y parviendraient pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

de la délégation pour l'Union européenne. Or, de quoi s'agit-il ? De mettre en oeuvre de façon simple, pratique, en appliquant seulement les traités existants, un dialogue permanent entre les parlements nationaux et la Commission.

Qu'il faille l'unanimité, que trois pays sur vingt-cinq puissent s'opposer à une mesure de cette nature est incompréhensible et inquiétant pour l'avenir de l'Europe.

Si le Conseil européen n'est pas capable de trouver un accord sur un sujet aussi simple, aussi pratique, qui répond aux préoccupations des Européens et associe plus étroitement les Parlements nationaux à la construction européenne, alors c'est à désespérer du rôle moteur, prospectif que peut et doit avoir le Conseil européen.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous sommes à la veille du quatrième sommet européen depuis le 29 mai 2005. Les deux qui se sont tenus sous présidence britannique n'ont pas apporté grand-chose, mais personne n'attendait de grands résultats de ces sommets et de cette présidence ; les deux suivants ont eu lieu sous présidence autrichienne. M. Hubert Haenel rappelait fort justement tout à l'heure que ces présidences ont été marquées par l'expression d'une conviction et d'une volonté d'avancer de façon pragmatique que je salue. Je salue également le travail et l'engagement personnel tout au long de ces quatre sommets de notre ministre déléguée aux affaires européennes, dont les uns et les autres ont pu constater combien elle s'investissait sur ces dossiers difficiles mais ô combien cruciaux pour l'avenir.

Je voudrais en quelques mots faire le point sur l'état de la construction européenne, sur l'état de l'Union comme on dit aux États-Unis. Depuis le 29 mai 2005, l'Union balbutie : les progrès n'ont été que mineurs et très partiels.

Sur la Turquie, on a avancé, mais est-ce vraiment un progrès ? On ne le dit pas assez, on se moque des Turcs en disant qu'on les engage dans un processus de négociation et d'adhésion, alors que l'on sait très bien qu'au terme du processus le non de tel ou tel peuple leur fermera la porte de l'Union européenne. Il faudrait avoir au moins le courage de leur dire qu'ils sont engagés dans une impasse et qu'ils pourraient légitimement négocier une autre formule que l'adhésion. C'est le thème des cercles concentriques. Nous proposons là une vraie ouverture.

À propos de la directive sur les services, dont on a parlé depuis le 29 mai 2005, les États se sont mis d'accord sur un texte qui n'est plus celui du début, ce qui réjouit beaucoup d'entre nous, mais dont le résultat n'est pas terrible. Ce texte « braque » ceux qui voulaient plus et ceux qui voulaient moins. Je ne suis pas certain que c'était le sujet sur lequel il fallait d'emblée mettre l'accent pour remettre en route l'Europe.

Sur les perspectives financières, je ne développe pas mon propos, madame la ministre déléguée : vous savez tout le mal que je pense de notre structure budgétaire. C'est dramatique que nous soyons repartis sur cette base pour sept ou huit ans. J'espère qu'il n'en sera ainsi que pour trois ans et que nous mettrons à profit le rendez-vous de 2009 pour revenir enfin sur cette structure budgétaire, qui est à un vrai budget ce que le Canada Dry est au whisky.

Quelle perception ont les Français de l'état de la progression de la construction européenne ? Silence radio ! Les Français ont le sentiment qu'il ne s'est rien passé depuis le 29 mai 2005. On ne leur a rien dit, ils n'ont rien entendu, on ne leur a surtout pas demandé leur avis, ils n'ont pas pu s'exprimer.

Prenons les sujets qui ont fait l'actualité de l'Union européenne : sur la Turquie, ils auraient préféré qu'on ne leur en parle pas ou qu'on leur en parle autrement ; sur la directive relative aux services, c'est la même chose ; quant au budget, ils ne savent pas ce que c'est. Sur les deux premiers sujets, le résultat est négatif, et sur le troisième, il est nul : il n'y a donc aucun progrès.

Avant le 29 mai, on a beaucoup dit qu'il était formidable que les Français se soient passionnés pendant cette campagne et qu'ils se soient enfin intéressés à l'Union européenne. Le 30 mai, on a arrêté de leur en parler : c'est dommage ! Il fallait continuer à faire de la pédagogie et à les associer : ils se seraient ainsi approprié le projet européen et auraient pu reprendre confiance dans une réalisation qu'ils auraient enfin comprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

de la délégation pour l'Union européenne. C'est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Qu'en est-il des moteurs de la construction européenne ? On parle beaucoup du couple franco-allemand. Le dernier sommet a montré que ce couple avait des ratés. On a aussi parlé du couple franco-britannique, qui aurait peut-être pu enrichir le débat européen, le Royaume-Uni ayant une attitude quelque peu nouvelle sur la question. Lors du dernier sommet bilatéral, les deux parties ont parlé de tout, sauf de l'Europe : il faut éviter les sujets qui fâchent ! Aujourd'hui, c'est à Romano Prodi de reprendre l'initiative quelques semaines après son élection. Je l'approuve : tous les responsables européens devraient agir ainsi !

Quant à la France, quels que soient les avis que l'on porte sur tel ou tel sujet, elle est largement muette. J'ai entendu M. le ministre dire, pendant les quelques minutes où il s'est adressé à nous, que nous attendons quelque chose du sommet européen. C'est à désespérer ! L'Europe, c'est nous ! C'est elle qui attend la France ! Allons au sommet européen avec des propositions, des initiatives et envoyons des signaux forts ; les autres nous attendent !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE. - MM. Jean-Claude Frécon et Michel Mercier applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

J'en viens à l'ordre du jour de ce sommet : il est complètement inaudible ! Si c'est avec un ordre du jour pareil que l'on veut donner le sentiment aux Français que l'Europe les concerne et qu'on la construit pour eux, on se trompe !

Qu'ai-je entendu sur la Constitution européenne ces derniers mois ? On fait une pause, puis on réfléchira pour en tire des conclusions ; ensuite, on se concertera et on verra si on peut faire des propositions. Je parle sous le contrôle de Hubert Haenel, de Bernard Frimat et de tous ceux qui ont participé avec nous à des réunions de représentants des parlements nationaux. Il faudra bien sortir un jour de cette situation. Je ne développe pas davantage, Serge Vinçon ayant très bien fait le point sur la question de la Constitution européenne.

Sur l'élargissement à la Roumanie et à la Bulgarie, je regrette, là aussi, que la France n'ait pas encore ratifié le traité. On me dit que c'est pour bientôt. J'aurais aimé qu'on soit les premiers à le faire ! Bien qu'on soit les grands défenseurs des Roumains et des Bulgares, on trouve que l'élargissement pose des problèmes et, finalement, on est les derniers à ratifier le texte. Ce n'est pas sérieux !

Passons aux questions monétaires.

La Slovénie va rejoindre l'Eurogroupe : c'est très bien ! On veut progresser sur le sujet de la gouvernance économique : il serait temps ! Je regrette qu'on ne l'ait pas fait plus tôt. On se gargarise des progrès que cela pourra entraîner. Faisons-les aujourd'hui !

Je regrette par ailleurs que la France, là encore, ne soit pas de ceux qui agissent pour que la Lituanie puisse rejoindre l'Eurogroupe. On reproche à ce pays d'avoir un taux de croissance trop élevé et, donc, une inflation trop forte. Au contraire ! C'est l'un des rares pays d'Europe à avoir un taux de croissance qui lui permet d'entraîner les autres, dans la mesure qui est la sienne puisque c'est un petit pays. Acceptons qu'elle ait une inflation qui dépasse de quelques décimales le taux admissible, sachant que, par ailleurs, nous ne sommes pas les mieux placés pour donner des leçons sur le respect du pacte de stabilité !

J'en viens à l'initiative de M. Zapatero sur les Canaries, qui souhaite que l'Europe parle enfin de l'immigration. Depuis huit jours, nous débattons, dans cet hémicycle, du projet de loi sur l'immigration. Nous constatons que la politique relative à l'immigration ne peut être définie au niveau national, mais qu'elle doit l'être au niveau européen puisqu'il n'y a plus de frontières à l'intérieur de l'Union européenne. Dire le contraire est absurde !

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Si M Zapatero le dit aujourd'hui, c'est très bien ! Je regrette que la France ne l'ait pas fait plus tôt et de manière plus forte. Comme je le disais au ministre d'État il y a huit jours, j'aimerais que la France prenne enfin une initiative sur ce sujet. Si la France propose à l'Europe de traiter des questions d'immigration, elle sera obligée d'y associer immédiatement une véritable politique de développement qui redonnerait du sens à la construction européenne. Je vais d'ailleurs y revenir dans un instant.

L'ordre du jour prévu n'est donc pas formidable. Heureusement, il y a quelques points positifs. MM. Serge Vinçon et Hubert Haenel rappelaient que les parlements nationaux commencent à voir leur rôle reconnu. Nous avons fait du très bon travail sur ce point. À partir du moment où vous mettez ensemble des parlementaires nationaux des différents États de l'Union, ils sont à la hauteur de leurs responsabilités et se rendent compte des enjeux de la construction européenne. Il faut les écouter, j'espère que cela sera le cas, d'abord sur l'article 88-5 de la Constitution française, introduit pour permettre la ratification de la Constitution européenne mais qui subsiste même sans celle-ci. Utilisons-le sans tergiverser, sans nous retrancher derrière le fait que tel ou tel gouvernement trouve que le dispositif pourrait être meilleur ! Avançons, de grâce avançons !

C'est un constat : l'Europe est en panne et la France, qui est elle-même en panne dans l'Europe, n'assume plus ses responsabilités. À l'origine de beaucoup d'initiatives, elle a été longtemps coupable d'arrogance. Aujourd'hui, on nous a « rabattu le caquet ». À Bruxelles, on est moins arrogants. Tant mieux ! Mais je ne voudrais pas que, écrasée par sa responsabilité dans l'après-29 mai, la France n'assume plus sa responsabilité historique : celle d'être ouvreur de la construction européenne. Elle a en effet toujours exercé cette responsabilité jusqu'à présent.

Il faut restaurer la confiance. Il faut parler aux Européens, et, en particulier, aux Français. Il faut retrouver le sens de l'avenir. Pour cela, il faut centrer l'action sur des projets concrets. Construire une politique scientifique, c'est très bien ; construire une politique européenne de l'énergie, c'est nécessaire ; préparer une Europe de la sécurité et de la défense, c'est indispensable ; proposer des réseaux transeuropéens, c'est essentiel. Tout cela, c'est concret. Les Européens comprennent ce que c'est et ils comprendront donc que l'Europe représente quelque chose pour leur avenir.

Il faut surtout renouer avec la formidable méthode Schuman. On en a surtout retenu qu'il fallait avancer pas à pas. Pour Robert Schuman, il s'agissait surtout de proposer à la fois un grand dessein, en 1950 la paix, et des réalisations concrètes pour y parvenir, à l'époque la mise en commun du charbon et de l'acier.

Quel est notre grand dessein, notre paix d'aujourd'hui ? Quelles sont nos réalisations concrètes, notre mise en commun du charbon et de l'acier de 2006 ? Nous attendons aujourd'hui de tels projets de ceux qui portent la responsabilité de la construction européenne, de ceux qui vont aller au sommet de Bruxelles demain.

Que représente la stratégie de Lisbonne pour les Européens ? Ils n'y comprennent rien. C'est illisible, incompréhensible. Vous devriez expliquer aux Européens que vous avez compris que leurs préoccupations portent sur l'immigration et sur les délocalisations. Pour y répondre, vous devriez proposer deux grandes politiques, qui seraient l'équivalent de la nécessité de construire la paix en 1950 : une politique d'aide au développement, pour réduire l'écart avec les pays les plus pauvres, et une politique de développement scientifique et d'innovation, pour être compétitifs par rapport aux pays les plus avancés. Les problèmes de l'immigration et des délocalisations pourraient ainsi être traités d'une façon plus ambitieuse.

Monsieur le ministre, le doute donne sens à la foi, à condition qu'il ne l'étouffe pas ! La construction européenne est devenue molle, illisible, imperceptible.

Le monde de 1950 était autrement menaçant et imprévisible. Pourtant, ceux qui, à l'époque, étaient en charge de l'avenir ont su bousculer toutes les raisons d'attendre et de ne rien faire. Ils - et c'étaient d'abord des Français - ont offert un avenir à notre continent exsangue et déchiré, à l'heure où c'était le plus difficile.

Aujourd'hui, ce sont le Président de la République, le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, qui êtes en charge de cet avenir. L'histoire vous jugera sans doute d'abord sur ce point. Avez-vous assumé vos responsabilités au regard de la construction européenne en 2006 ? C'est votre responsabilité la plus lourde et la plus éminente.

Les Français attendent, les Européens attendent - on peut même dire sans emphase, le monde attend. Et vous, vous nous dites que vous attendez le Conseil européen ! Mais avez-vous le droit d'attendre encore ? Le temps de gérer la panne est passé. Le temps de l'attentisme est révolu. Le temps est de nouveau celui de l'avenir, de l'inspiration au service d'une foi à soulever les montagnes !

C'est à vous, monsieur le ministre, qu'il appartient d'envoyer un signal très fort aux Français et aux Européens, de montrer aux Européens que la France assume de nouveau son rôle d'ouvreur, de montrer aux Français qu'il n'y a pas d'avenir pour eux hors de l'Europe !

C'est à vous, monsieur le ministre, qu'il appartient de prendre des initiatives ayant du sens et de faire des propositions pour les mettre en oeuvre. Il est déjà bien tard. Monsieur le ministre, levez-vous, prenez de la hauteur, les enjeux sont considérables ! Soyez présent au rendez-vous que vous donne l'histoire, et d'abord, demain, au sommet de Bruxelles !

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP. - M. Jean-Claude Frécon applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous sommes amenés à débattre pour la quatrième fois de l'ordre du jour du Conseil européen dans cet hémicycle.

Le débat préalable au Conseil européen organisé aujourd'hui dans notre assemblée nous permet d'être mieux associés, en tant que parlementaires, aux processus de décisions européens. Je me réjouis donc que le principe d'un débat préalable à chaque Conseil européen soit désormais acquis, mais je regrette, comme nous l'avons déjà demandé lors du précédent débat, que nous ne soyons pas associés plus en amont de la préparation du sommet.

C'est dans une Europe hésitante que s'ouvre demain à Bruxelles ce nouveau Conseil européen des chefs d'États et de gouvernement ; une Europe plus que frileuse, enlisée et immobile, qui repousse ses grands enjeux et menace ainsi son avenir.

L'élargissement réalisé en mai 2004 a été une réussite et, aujourd'hui, nous pouvons nous réjouir du bilan positif que nous pouvons en tirer. L'entrée officielle de dix nouveaux États membres a eu pour eux un impact économique significatif

Malgré cette réussite, des hésitations sont plus que perceptibles quant aux prochaines étapes de l'élargissement de l'Union, hésitations qui conduisent à reporter au niveau des États membres le débat sur les frontières que nous souhaitons donner à l'Union européenne.

Je déplore ici que la France participe à ces hésitations dans un document de travail exposé il y a un mois aux ministres des affaires étrangères de l'Union. Après de premières lignes élogieuses, est avancé le concept vague de « capacité d'assimilation ou d'absorption de l'Union ». C'est la Commission européenne qui devra « à chaque fois qu'est envisagée une nouvelle étape du processus d'élargissement » évaluer la capacité du pays candidat à entrer dans l'Union.

La France renonce à ce que ce débat soit inscrit à l'ordre du jour de ce Conseil.

Ce document annonce-t-il votre intention d'éluder la question des frontières de l'Union européenne demain et après-demain à Bruxelles ? Quels éclaircissements pouvez-vous nous donner, monsieur le ministre, quant à vos positions à Bruxelles sur ce point et sur la question de l'élargissement ?

Alors que l'Europe est mal perçue par nos concitoyens, qu'elle est délaissée dans le débat politique, alors qu'il faudrait d'urgence élaborer un plan de relance européen, il serait important de valoriser les domaines de réussites européennes. Il serait également essentiel de n'envoyer ni aux pays candidats ni aux populations des pays déjà membres des messages négatifs, dont celui d'une Union indécise et frileuse.

Lorsque l'on défend une conception ambitieuse de la construction européenne, l'élargissement de l'Union européenne doit se poursuivre.

Le déroulement des négociations d'adhésion doit constituer une priorité centrale. C'est de notre responsabilité. Les pays candidats doivent respecter scrupuleusement les critères définis par le Conseil européen de Copenhague avant leur entrée. Les avancées dans ces négociations dépendront surtout des candidats eux-mêmes et de leur capacité à appliquer l'acquis communautaire. Mais, alors que l'Europe leur a ouvert ses portes, il ne serait pas judicieux de déjà les refermer.

Un projet de loi ratifiant le traité d'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne a été présenté en conseil des ministres le 23 mai et devrait nous être soumis très bientôt.

Les conditions de l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie ont été convenues dans un traité d'adhésion signé en avril 2005 par les vingt-cinq États membres et les deux pays. La Bulgarie, la Roumanie et quatorze États membres l'ont déjà ratifié. Ce traité prévoit que la Bulgarie et la Roumanie adhéreront le 1er janvier 2007. Or la dernière recommandation émise par la Commission européenne à l'égard des candidatures bulgare et roumaine, datée du 16 mai 2006, reporte tout feu vert à octobre 2006, en raison de « déficits sérieusement inquiétants ».

Il est fondamental, pour les nouveaux candidats, de respecter les critères définis lors de l'engagement dans le processus d'adhésion, en particulier dans les domaines judiciaires.

Relancer l'Europe, c'est redéfinir son projet et ses frontières, puisque l'Union européenne demeure aujourd'hui un outil majeur pour maîtriser notre avenir. Sa construction passe par des coopérations renforcées, afin d'en éviter une conception figée.

Je m'attacherai ensuite à évoquer plus particulièrement la perspective européenne offerte aux pays des Balkans occidentaux, perspective à laquelle je suis, vous le savez, monsieur le ministre, très attaché.

Le 13 mars 2006, lors de la réunion informelle des ministres des affaires étrangères de l'Union à Salzbourg, ces derniers ont réaffirmé la perspective européenne de la Croatie, de l'Albanie, de la Serbie, du Monténégro, de la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine et ont précisé que « l'objectif ultime » du processus de stabilisation et d'association en cours avec ces pays est l'adhésion pure et simple à l'Union européenne. Derrière cette affirmation de principe à laquelle je m'associe pleinement, pouvez-vous clarifier les étapes concrètes qui précéderont cette intégration ?

L'élargissement de l'Union européenne a une portée politique et morale qu'il ne faut pas oublier. En 2004, l'Union a mis fin à la coupure brutale du continent, divisé depuis 1945 entre le monde libre et le monde communiste ; de nombreux États ont pu rejoindre la famille démocratique européenne et partager le grand dessein des pères fondateurs.

Pour réussir, l'unification de la Grande Europe devra prendre en compte les préoccupations légitimes de ses populations en matière de sécurité, de droits sociaux, d'immigration et d'agriculture. L'Union devra faire en sorte que l'accroissement du nombre de ses membres ne se fasse pas au détriment de leur intégration.

C'est pourquoi, pour ma part, je souhaite qu'elle poursuive son élargissement aux Balkans occidentaux, par ailleurs garantie essentielle pour que cette zone ne soit pas de nouveau déchirée par la guerre dans quelques années.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Face au risque d'émiettement géographique et identitaire contenu ne serait-ce qu'en ex-Yougoslavie, l'Europe doit être capable d'apporter des propositions. Mais, là encore, je rappelle que l'ouverture ne peut se faire que dans l'échange.

C'est au titre de l'exigence de paix et de justice qu'ont été suspendues les négociations régissant l'accord de stabilisation et d'association avec la Serbie. L'arrestation de Ratko Mladic ne peut être traitée comme un problème annexe.

L'objectif fondamental de l'Union européenne pour la région des Balkans occidentaux est de créer une situation dans laquelle tout conflit militaire soit inconcevable, étendant à cette région la zone de paix, de stabilité, de prospérité et de liberté établie au cours des cinquante dernières années par l'UE et ses États membres.

Ces questions soulevées dès lors que l'on aborde les possibilités d'élargissement de l'Union européenne nous mènent à nous interroger sur l'avenir et l'organisation institutionnelle de l'Union.

Un an après le référendum français et le rejet du projet de traité constitutionnel, l'Europe navigue à vue ; elle hésite. Les Vingt-cinq, divisés sur l'avenir de la Constitution, semblent incapables de s'entendre sur un « plan B »...

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

...qui n'existait pas, qui permette d'améliorer la prise de décision et le dialogue entre les institutions européennes et les citoyens.

Faute de projet fédérateur, le Conseil européen s'apprête à prolonger la « période de réflexion » jusqu'en 2008. Aucune formule pour relancer le projet ne fait l'unanimité. Les ministres des affaires étrangères européens ont décidé, en mai dernier, de reporter toute véritable prise de décision à 2009 au plus tôt, année des élections européennes et de l'évaluation à mi-parcours du budget européen.

Après la passion qui avait animé la campagne pour le référendum en France, je ne peux que m'étonner de l'indifférence qui lui a succédé pour tout ce qui relève de l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Le résultat du référendum contenait un message d'inquiétude profonde. Or, à ce jour, aucune leçon ne semble en avoir été tirée, les questions soulevées par ce résultat ont été ignorées, aucun débat constructif n'a eu lieu pour permettre à l'Europe de continuer à se construire.

Croire que l'Europe peut sortir de la crise qu'elle traverse en décrétant une pause est une illusion : un ralentissement, voire un blocage prolongé, pourrait lui être fatal.

Il peut être facile, voire dangereux, de considérer que la crise européenne va se résoudre d'elle-même ; il faut être prudent, l'Europe est un bien qu'il faut protéger et le temps qui s'écoule peut lui être nuisible.

L'allongement de la période de réflexion proposé dans le document de travail établi par la France il y a un mois est, à nos yeux, dangereux. Les citoyens français risquent de penser qu'il y a peu de différence entre une Europe dynamique et une Europe en crise.

La profonde crise politique que connaît la France actuellement empêche certainement et paradoxalement toute discussion, et l'incompréhension du Gouvernement à l'égard des Français bloque toute tentative de proposition d'avancée européenne.

L'inertie du Président de la République, malgré ses promesses lors de la présentation de ses derniers voeux, oblige nos concitoyens, et par ricochet l'ensemble des Européens, à attendre les élections présidentielles françaises pour voir émerger de nouvelles propositions. Nous trouvons cet « enterrement » regrettable et surtout dangereux.

Un an après les résultats du 29 mai, aucune initiative politique de la part de l'exécutif français n'a eu lieu. L'Europe est en panne et n'a pas été capable de se relancer après le choc du « non ».

La pause de réflexion réaffirmée par Jacques Chirac et Angela Merkel à l'occasion du sommet informel franco-allemand du 6 juin dernier n'est qu'une preuve supplémentaire de l'immobilisme qui prévaut aujourd'hui entre partenaires européens.

La France doit apprendre à mieux travailler avec tous ses partenaires européens. Le calendrier politique de sortie de crise devra être défini et accepté par tous les États membres de l'Union.

La coopération franco-allemande sur les questions européennes est indispensable mais elle n'est pas exclusive. Elle ne suffira pas seule à résoudre les difficultés que traverse l'Union, comme vient d'ailleurs de le rappeler Jacques Delors dans la vigoureuse critique qu'il vient d'adresser aux dirigeants européens qu'il accuse d'entraîner l'Europe dans la plus grave crise de son histoire en refusant de parler des problèmes qui les divisent.

La France doit aujourd'hui renforcer ses relations avec ses autres partenaires européens, à la fois pour les convaincre de ses positions et pour être à l'écoute de leurs souhaits, de leurs préoccupations et de leurs réflexions. Il ne faut pas oublier que l'Union Européenne a vocation à être une zone d'échanges intellectuels et culturels autant que commerciaux. J'ose espérer que ce débat ne patinera pas ces jours-ci à Bruxelles.

En conclusion, je suis plutôt pessimiste quant aux résultats de ce Conseil européen. J'ose espérer que le débat que nous avons ici permettra d'éviter au Conseil européen d'avoir des conclusions convenues, vivement regrettables, sur un ordre du jour attrayant qu'il convient toutefois de ne pas vider de son contenu.

La stratégie européenne passe par un redressement national et par un plan de relance européen articulé autour de principes fondamentaux et solides.

Les Européens aspirent aujourd'hui à devenir une puissance « tranquille » qui, sans renoncer à ses ambitions politiques ou à sa défense, s'impose au reste du monde par ses valeurs. Incarner et défendre les valeurs européennes : voilà, madame, monsieur les ministres, l'objectif et la spécificité que nous souhaitons !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je débuterai mon intervention par un constat : un débat préalable au Conseil européen est organisé au Parlement, conformément à sa volonté. C'était le souhait du Sénat, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, cela a été la volonté du Gouvernement, que M. le ministre en soit remercié !

C'est l'occasion pour nous de sortir du nombrilisme et des querelles internes pour aborder les vrais problèmes européens, afin d'intéresser les Français aux débats de l'Europe.

Ayons tout de même l'honnêteté intellectuelle de rappeler que, voilà un an, le « non » des Français à la constitution européenne a entraîné un choc ! Nous ne pouvons accuser le Président de la République, ni du choix que les Français ont fait contre sa volonté, ni d'avoir organisé un référendum que toutes les formations politiques souhaitaient.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

C'est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Nous ne pouvons pas non plus en accuser les ministres.

Dans ce « non », ce n'est pas violer l'analyse objective de la démocratie que de souligner que la bascule vient sans doute de ceux qui ont cru aux affirmations dangereuses de ceux qui parlaient de l'existence d'un plan « B ».

Si, aujourd'hui, la France a des difficultés à faire passer son message, c'est bien parce qu'elle a dit « non ». C'est pourquoi je tiens, pour ma part, à féliciter M. le Président de la République, M. le ministre et Mme la ministre déléguée.

Ce sont ceux qui ont trompé les Français sur l'existence d'un plan B qui sont responsables de cette situation : il ne faut tout de même pas l'oublier !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il ne manquait plus que ça ! Et puis quoi encore !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Est-ce contre les 54 % de Français qui ont voté non que vous criez ainsi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Delfau

Ce ne sont pas eux qui gouvernent ! Qui est président ? C'est invraisemblable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Pour ma part, je me réjouis de la volonté de la France et de sa capacité à se remettre de ce choc pour récupérer peu à peu son influence.

Nous ne pouvons pas accuser ceux qui veulent sortir de cet état de choc d'être responsables du choc. Il faut de temps en temps faire preuve de bon sens !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

La situation est la suivante : il n'y avait pas de plan B et il faut trouver des solutions.

La France ne pourra pas être seule à trouver les solutions. Il faudra bien que nous le fassions de concert avec ceux qui construisent l'Europe avec nous.

Or deux pays ont dit non, d'autres pays ont dit oui et d'autres encore s'interrogent. Il faudra bien trouver une solution pour concilier ces points de vue, respecter ceux qui ont dit oui, tenir compte des deux pays qui ont dit non jusqu'à présent et, surtout, éviter de tomber dans le piège de ceux qui, n'ayant pas l'ambition du Gouvernement, voudraient utiliser cette situation pour réduire l'Europe à une zone de libre-échange. À cet égard, je tiens à souligner que personne ne peut suspecter le ministre des affaires étrangères d'avoir manqué d'une grande ambition européenne, et nous sommes en phase avec lui ! Ce n'est pas parce qu'il y a eu des évolutions politiques qu'il faut oublier ces réalités. Personnellement, je ne les oublie pas.

C'est avec nos partenaires qu'une solution pourra être trouvée, et non en nous faisant plaisir. Il est donc naturel que la France attende la réponse du Conseil européen et de ses partenaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Lorsqu'on a dit non, il est plus difficile de faire des propositions que si on a porté le oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

La France a eu le mérite, malgré le non, d'avancer un certain nombre de propositions, de petits pas. Certes, nous aurions préféré, après un oui au référendum, être le grand moteur de l'Europe, son porte-flambeau. Peut-être n'avons-nous pas assez communiqué sur l'Europe ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Peut-être avons-nous trop rejeté les difficultés sur l'Europe ?

Tout à l'heure, le président de la délégation pour l'Union européenne disait, à juste titre, que le dispositif Natura 2000 avait irrité nos concitoyens. Ce n'est pas l'Europe qui a compliqué la situation - il n'est qu'à voir ce qui se passe dans les autres pays -, c'est la France, ce sont nos administrations, et notre pouvoir politique qui ne s'est pas imposé !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Allez hop, il faut dissoudre l'administration !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Certes, Natura 2000 est un exemple qui remonte à un certain temps déjà. Cependant, quels qu'aient été les gouvernements, nous sommes tous responsables de ne pas avoir mis en valeur l'Europe et d'avoir rejeté sur elle la faute de ce qui n'allait pas.

Un sommet européen va avoir lieu. Vous avez fait des propositions, monsieur le ministre, et vous nous les avez rappelées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Je souhaite m'arrêter un instant sur quelques points.

Tout d'abord, le nouveau traité est bien nécessaire.

Aujourd'hui, l'Europe fonctionne grâce au traité de Nice, qui ne méritait peut-être pas tout le mépris dont on l'a accablé, d'autant que ce traité était transitoire.

Beaucoup ont oublié que le traité de Nice a permis de répondre à l'attente angoissée des peuples victimes de Yalta, du système communiste, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

...et qui attendaient de l'Europe un signe. C'est ce signe, rappelons-le, que le traité de Nice a permis !

Pour ma part, je souhaite que nous puissions adopter le projet de loi autorisant la ratification du traité d'adhésion de la Bulgarie et la Roumanie avant la fin de la session parlementaire : ce serait un geste fort.

Je souhaite également que nous adressions un message d'espoir à la Croatie.

Quant à la Turquie, laissons se dérouler les négociations sans arrière-pensées et cessons d'agiter des épouvantails ! Chacun sait bien que les négociations seront longues, qu'elles dureront dix ou quinze ans. Ce grand peuple fait des efforts formidables en matière de réformes. Pour s'en convaincre, il n'est qu'à voir la difficulté que la France connaît pour réformer !

Les Turcs ont accepté de grandes avancées positives dans le sens des droits de l'homme - en particulier en matière de droit des femmes - et de la démocratie.

Nous avons besoin d'un grand pays qui serve de contrepoids dans cette partie du monde pour assurer la paix, car les tensions qui règnent dans la région ne sont pas faciles à gérer.

Arrêtons donc de cultiver les phobies et les craintes. La Turquie a accepté de se soumettre aux historiens en ce qui concerne le drame des Arméniens. Respectons-la. Laissons les négociations se poursuivre, et nous verrons dans dix ou quinze ans !

Ayons le courage de reconnaître que le Président de la République - n'en déplaise à certains ! - a apporté une réponse très européenne sur ce point.

Pour ma part, je ne suis pas enfermé dans une vision étriquée. Je crois vraiment qu'il nous faut regarder ce qui se passe dans le monde et en Turquie.

Monsieur le ministre, je vous ai accompagné et j'ai pu constater combien votre façon de respecter la volonté des Turcs a été parfaite.

Exclamations et sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Je dis ce que je pense ! Je l'ai vu faire !

Monsieur le ministre, vous avez bien su exprimer les sentiments des Françaises et des Français, ce qui n'était pas une tâche facile.

Nous nous trouvons aujourd'hui à la veille d'une réflexion indispensable sur les problèmes de l'élargissement. Vous n'avez pas parlé de frontières, et vous avez bien fait, mais vous avez parlé de capacités d'assimilation.

Que sera l'Europe demain ? À quelle réalité correspondra-t-elle ?

Nous devons avoir pour ambition de forger une Europe forte, capable d'avancer sur le socle des valeurs qui nous sont communes. C'est peut-être, d'ailleurs, une première réponse.

Nous devons également avoir pour ambition de forger une Europe capable de favoriser les coopérations entre ceux qui veulent aller plus loin pour répondre au difficile problème du chômage, développer l'emploi, maintenir un aménagement rural, un espace équilibré.

Si nous n'avions pas l'Europe - et ce n'est pas Denis Badré qui me contredira - que serait notre agriculture ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Sans la PAC, où en serions-nous ?

Où en serions-nous si le Président de la République et les différents gouvernements n'avaient pas eu la volonté de sauver la PAC, sans complexe, parce qu'elle est autant d'avant-garde que la nécessaire politique en faveur de la recherche et du développement ?

Oui, mes chers collègues, croyons en l'Europe. Sans l'Europe, nous le savons bien, il nous sera impossible de régler le problème des migrations.

Par ailleurs, je souhaite, madame, monsieur les ministres, que nous soyons le moteur des politiques de voisinage - le Président de la République est allé dans ce sens à Barcelone.

En effet, nous ne devons pas oublier que nous avons besoin des pays situés de l'autre côté de la méditerranée, qui ne peuvent entrer dans l'Union. Nous avons besoin d'une Euro-Méditerranée pour équilibrer le Nord et le Sud.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

À Barcelone, pour les dix ans du processus de Barcelone, le Président de la République a demandé qu'une partie des crédits pour la politique de voisinage soit consacrée au rapprochement avec les pays méditerranéens. Soyons les moteurs de cette politique.

La France a une mission historique dans cette affaire afin de concilier les intérêts du Nord avec ceux du Sud en les arrimant ensemble, via une vraie politique de voisinage.

Il s'agit d'une position de voisinage forte.

S'agissant des pays de l'Est, que se passera-t-il ? Cela dépendra des évolutions. En attendant, il faut avancer sur le problème des Balkans.

Tous ces sujets formidables, seule l'Europe peut les traiter.

Il suffit d'en parler, de nous dépouiller de nos arrière-pensées nombrilistes, pour que les Françaises et les Français s'intéressent davantage à ces sujets.

Certes, il y a eu des excès dans l'application de la politique en matière d'environnement, mais sans l'Europe, jamais nous n'arriverons à faire passer cette idée dans le monde - je dis bien : dans le monde !

Le monde, pour rester multipolaire, a besoin de l'Europe. Or si l'Europe veut jouer un rôle important, il lui faut avancer en matière de gouvernance, d'institutions - je ne parle pas de Constitution afin de ne choquer personne, mais le principe d'une Constitution européenne ne me gêne pas. L'Europe a besoin d'affirmer sa propre réalité.

La situation est donc extrêmement difficile, mais, grâce à vous, madame, monsieur les ministres, l'Europe n'est pas restée en panne sèche. Elle a avancé sur un certain nombre de sujets.

En ce qui concerne la directive « services », les demandes de la délégation du Sénat pour l'Union européenne ont été suivies. Le Parlement, en harmonie avec la Commission et soutenu par le Conseil, a proposé des solutions.

Il s'agit là d'une nouvelle façon de fonctionner, d'une nouvelle méthode de démocratie.

Dans la démocratie européenne, oui les parlements nationaux doivent jouer un rôle nouveau s'agissant du contrôle de la subsidiarité. En cela, ils pourraient être aidés - je suis le seul à en parler - par le Comité des régions d'Europe. En effet, ce Comité des régions d'Europe peut offrir le moyen de s'extraire des grands débats nationaux pour aller au plus près des problèmes que rencontrent les femmes et les hommes d'Europe. Ce n'est pas opposer l'Europe des États à l'Europe des régions, c'est apporter un supplément d'âme à l'Europe.

Mes chers amis, je souhaite que le Conseil européen réponde à une cette ambition. Je sais que le Gouvernement a la volonté de contribuer à la renaissance de l'espérance en l'Europe et qu'il est déterminé. L'UMP est à vos côtés, dans ce combat qui transcende notre petite vision habituelle, afin de nous porter tous au service de l'Europe et des femmes et des hommes du monde !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, quel avenir pour l'Europe ? Le traité constitutionnel, dont la nécessité apparaît à chaque négociation comme évidente, appartient-il au passé ?

Déjà un an s'est écoulé depuis la victoire du non aux deux référendums français et néerlandais. Nous avons sans doute absorbé le traumatisme, mais la « pause » de réflexion décidée dans la foulée ne doit pas signifier résignation, car si la panne est flagrante, l'absence de propositions ne l'est pas moins - en dehors peut-être du domaine budgétaire.

Très animée pendant la campagne référendaire, la France s'est tue : sa réflexion européenne demeure totalement asthénique depuis le 29 mai 2005.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Certes, il y a eu quelques prises de parole du chef de l'État ou de membres du Gouvernement sur « l'Europe des projets » ou « l'Europe du G6 », qui ont, hélas ! un goût de faux-semblants.

Il y a eu aussi le sommet franco-allemand, qui a permis des échanges. Mais la France, qui faisait preuve d'une grande fécondité en matière de propositions, se montre aujourd'hui trop stérile.

Il n'existe aucun véritable débat public : le Gouvernement des Pays-Bas a, lui, entre autres choses, lancé une grande enquête sur l'avenir de l'Union européenne par Internet, enquête dont il communiquera les résultats lors du Conseil.

Les yeux rivés sur l'élection présidentielle de 2007, candidats déclarés ou potentiels et journalistes semblent oublier que la France reste une des clés pour sortir de la crise.

Je note, d'ailleurs, que tous ceux qui ont justifié leur rejet du traité par un hypothétique plan B sont aujourd'hui les plus silencieux.

Face à cette sorte d'omerta française, les quinze pays qui ont déjà ratifié le traité constitutionnel veulent que leur choix soit pris en compte.

Pionnière du oui, l'Espagne entend bien que soit respectée sa décision démocratique.

Des chefs de gouvernement tels que Guy Verhofstadt ou Romano Prodi ont récemment plaidé pour une intégration de type « noyau dur » dans le cas où la crise ne pourrait se résoudre à vingt-cinq.

L'Allemagne, quant à elle, a annoncé une proposition substantielle durant sa présidence au 1er semestre 2007, sans renoncer toutefois à faire accepter le texte en l'état.

Entre ces deux camps, il y a ceux qui ne se sont pas prononcés.

Après l'Estonie, la Finlande a exprimé son intention de ratifier le traité, mais les perspectives dans les autres pays sont beaucoup moins claires. Certains semblent attendre que le destin du traité comme les intentions de la France et des Pays-Bas soient clarifiés à l'échelon européen.

Disons-le, nous sommes dans une impasse. Et, puisque personne n'est aujourd'hui capable de présenter une solution pragmatique, tout porte à croire que le Conseil européen décidera simplement de prolonger la période de réflexion.

Il est sans doute plus sage d'admettre que le traité n'entrera pas en vigueur dans les deux ou trois prochaines années.

La seule réaction aujourd'hui pour faire face à l'impasse est l'immobilisme et l'absence de propositions, en particulier après le vote français. Quel triste signal envoyons-nous à nos concitoyens !

Qu'est devenu l'enthousiasme européen qui animait la France ? Comment convaincre les Français de la nécessité d'une évolution institutionnelle lorsque l'Union européenne renvoie sine die ses décisions sur le traité ou sur l'entrée de nouveaux membres, et lorsqu'elle reste inaudible sur la crise nucléaire iranienne, malgré l'envoi de son haut représentant à Téhéran ?

L'incapacité de montrer la voie, de souligner l'intérêt national et européen risque de maintenir nos concitoyens dans une indifférence hostile.

Le vote de l'année dernière sanctionnait une manière de faire l'Europe, mais pas l'Europe ! En témoigne le sondage Eurobaromètre de mai, qui montre de fortes attentes des citoyens en matière de politique étrangère et de sécurité commune.

Il me semble que ce serait une énorme erreur de ne pas agir. De plus, pourquoi attendre ? Le Conseil européen doit appeler fermement les pays qui ont « gelé » le processus de ratification à le reprendre et, dans le même temps, faire des propositions concrètes afin d'avancer dans le cadre des traités existants. Cette stratégie à double action apparaît la meilleure tant d'un point de vue pratique que d'un point de vue politique.

En l'absence de toute solution immédiate, un mouvement favorable aux ratifications chez ceux qui ne se sont pas encore déclarés donne au moins une chance de faire jouer le dispositif prévu par la déclaration 30 annexée au traité. En effet, on peut être plutôt optimiste quant à la possibilité d'atteindre le seuil de quatre États sur cinq ayant ratifié, auquel cas le Conseil devra se saisir de la question.

Quoi qu'il en soit, les options ne seront pas nombreuses.

Renoncer à une Constitution n'est pas envisageable, en tout cas pour les européens convaincus. Chacun sait que le fonctionnement de l'Union est paralysé par les traités en vigueur, qui sont totalement inadaptés à une Europe à vingt-cinq.

Présenter un nouveau projet n'est guère plus réaliste. Non que celui qui est proposé soit parfait, mais il est le résultat d'un compromis global. Il est donc peu probable qu'une proposition quelconque recueille soudain l'unanimité. Par ailleurs, rien ne justifie de demander aux quinze peuples qui l'ont déjà ratifié de renoncer.

Enfin, faire voter les Français et les Néerlandais une seconde fois sur le même texte est difficilement imaginable.

Dès lors, que faut-il faire ? Certains proposent de faire adopter une version plus courte du traité qui exclut la partie III. Cela paraît une solution. Cette partie, qui concerne d'avantage des choix politiques évoluant au gré des différentes majorités, est en effet celle qui a cristallisé la plupart des réticences en France et aux Pays-Bas.

L'adoption des parties I, II et IV donnerait à l'Union un cadre institutionnel stable, qui permettrait un fonctionnement à vingt-cinq et un nouvel élan. Quelle est la position du Gouvernement sur cette proposition, qui pourrait d'ailleurs être évoquée utilement dès demain ou après-demain ? Sinon, quelles adaptations considère-t-il nécessaires pour rendre le traité acceptable par tous ?

J'évoquais tout à l'heure une stratégie à double action. Je crois en effet qu'au-delà du sort à réserver au projet de Constitution il est urgent de réconcilier les citoyens avec l'Europe en leur démontrant qu'elle est concernée par leurs problèmes quotidiens.

Nos concitoyens attendent une meilleure prise en compte de leurs préoccupations. Le Conseil européen doit donc élargir sa réflexion et proposer des actions concrètes.

La France débat du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, du ministre de l'intérieur. La Grande-Bretagne, le Danemark et l'Allemagne, quant à eux, durcissent à coups de quotas et de tests leurs exigences s'agissant de l'entrée d'étrangers sur leur territoire. En revanche, d'autres sont moins restrictifs. L'Union est-elle incapable de définir une approche commune ? À quoi cela sert-il que certains posent des verrous alors que d'autres laissent la porte entrouverte ?

Par ailleurs, où en est-on de la stratégie de Lisbonne pour l'emploi, qui a évoquée à plusieurs reprises ?

Sur le plan économique, l'Europe fait du surplace. Jean-Claude Juncker, européen pragmatique, propose une gouvernance économique européenne, malgré les égoïsmes nationaux. Voulez-vous rechercher un équilibre essentiel entre le pôle économique et le pôle monétaire ? Ce sera dans les deux ans à venir l'un des tests de la crédibilité de l'Europe et de sa viabilité.

Enfin, comment renforcer le rôle de l'Union dans le monde sans un ministre des affaires étrangères et un service diplomatique européens ? Pouvez-vous, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, nous faire le point sur l'état du dossier ?

Sur tous ces thèmes, des actions concrètes sont possibles dans le cadre des traités existants. J'aimerais croire que le Conseil européen ne se bornera pas uniquement à se donner bonne conscience en prolongeant la période de réflexion sur l'avenir de l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Ne réduisons pas nos ambitions à une intégration sectorielle. Parler d'une « Europe des projets concrets » sans vision politique globale, c'est enfermer le projet européen dans un court terme aléatoire et l'éloigner d'un citoyen en quête de sens.

Ceux qui prônent cette Europe citent couramment la méthode « des petits pas » conçue par Jean Monnet, et que Denis Badré a d'ailleurs rappelée voilà quelques instants. Ils oublient que la création de la CECA comportait un objectif politique clair, à savoir la préservation de la paix, et que c'est cette vision politique qui donnait du sens à la méthode.

Pour nous, membres du RDSE, l'enjeu fondamental reste donc celui de l'Union politique et, avec lui, celui d'une réforme des institutions.

Madame, monsieur les ministres, vous devez porter haut et fort cette ambition avant la simple gestion des affaires courantes et l'absence d'initiative qu'entraînera inévitablement la campagne pour l'élection présidentielle.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, pour ma part, je ne partirai pas de Suède, mais je resterai dans l'Hexagone, plus précisément dans mon département de Vendée où, lundi, Dominique Bussereau effectuait une visite de terrain. Il a alors annoncé la décision du Gouvernement de donner 1 000 euros à chaque agriculteur qui accepterait de passer à l'agriculture raisonnée.

Bonne et sage décision, mais les agriculteurs, qui sont devenus des experts en matière de réglementation bruxelloise, lui ont fait remarquer que cette décision était inapplicable en raison de la règle dite de minimis.

Cette anecdote résume à elle seule la situation dans laquelle nous sommes un an après le « non » français à la Constitution. Tout se déroule en effet comme si rien ne s'était passé. Tout se passe également comme si le Gouvernement tenait pour négligeable l'expression du peuple français.

Si vous en doutez, je vais vous donner trois exemples pris dans les quatre dernières semaines et choisis parce qu'ils portent sur les trois motifs principaux de l'inquiétude des Français et des raisons du rejet du traité : la dérive fédéraliste, la Turquie, la directive Bolkestein.

Premier exemple : la dérive fédéraliste.

Le 21 avril dernier, le Gouvernement a soumis à la présidence autrichienne des « propositions pour améliorer le fonctionnement des traités ». Parmi celles-ci figure l'abandon du vote à l'unanimité pour les affaires de police et de justice en matière pénale grâce à l'utilisation de la clause passerelle de l'article 42 du traité sur l'Union européenne.

Comme par hasard, cette disposition figurait également dans le projet de traité constitutionnel, qui a pourtant été rejeté. On tente aujourd'hui de la réintroduire par la fenêtre. Heureusement, il y avait l'Allemagne et Angela Merkel !

Deuxième exemple : la Turquie.

Voilà un pays candidat qui se moque des accords internationaux, qui ne respecte pas, en particulier, le protocole d'Ankara et qui n'a toujours pas reconnu un État membre de l'Union. Qu'à cela ne tienne ! Ce n'est pas sur ce pays que la France et d'autres États membres ont fait pression pour qu'il respecte ses accords, mais sur Chypre afin que la Turquie franchisse, avant hier, une étape décisive vers son adhésion.

Troisième exemple : la directive Bolkestein.

Cette directive à peine reformulée, la Commission a annoncé le 8 juin dernier une nouvelle directive libéralisant les services de santé pour la fin de l'année. Ces services, avec d'autres, étaient pourtant au coeur du refus de la première mouture de la directive « services ».

Madame, monsieur les ministres, avez-vous adressé la moindre protestation ? Pour le moment, je n'en ai lue aucune. C'est pourquoi vous me permettrez de douter de la loyauté du Gouvernement à l'égard de la volonté du peuple français, qui, comme le montrent tous les sondages - plusieurs orateurs l'ont reconnu -, reste fidèle à son vote du 29 mai.

En réalité, les eurocrates sont persuadés que c'est le peuple français qui s'est trompé, et surtout pas eux ! Leur objectif est bien d'organiser un contournement du verdict des urnes en utilisant différents moyens, alternatifs ou cumulatifs.

Il s'agit, tout d'abord, de la voie subreptice, par le biais du mémorandum français du 21 avril ou par le découpage du projet de Constitution européenne en tranches. J'ai même lu que l'on proposait de débaptiser purement et simplement le traité.

Il s'agit, ensuite, de la voie parlementaire. Après l'élection présidentielle en France, les élections législatives aux Pays-Bas, et sans oublier l'anniversaire du traité de Rome en mars 2007, c'est-à-dire entre la fin de la présidence allemande et celle de la présidence française en décembre 2008, gageons qu'une mouture du traité, voire la même version, sera soumise à un vote parlementaire.

Il s'agit, enfin, de la voie juridictionnelle, avec la Cour européenne de justice, complice de toujours du projet fédéral. Je veux parler de l'arrêt du 13 septembre 2005, qui est un saut important vers la communautarisation du droit pénal.

Le « non » français et néerlandais représente une formidable opportunité de poser les bases d'une nouvelle Europe, plus proche des citoyens et plus respectueuse de la souveraineté de chaque nation.

La responsabilité du Gouvernement est de respecter scrupuleusement le message des Français et de saisir cette opportunité.

Dans un premier temps, c'est à lui de proposer l'abandon définitif de la Constitution européenne, qui a été rejetée, à l'instar de ce que demandent les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou encore la Pologne.

Dans un second temps, c'est à lui de donner un contenu au concept d'« Europe des projets » tel qu'il a été ébauché à Hampton Court.

Comme vient de le dire M. de Montesquiou, l'Europe des projets ne doit pas être un faux-semblant, une nouvelle finasserie. N'employons pas des mots différents pour désigner une réalité semblable ! Il faut une autre Europe, et non une Europe où tout le monde fait la même chose au même moment, au même rythme, dans les mêmes conditions et suivant les mêmes modalités. Dans un ensemble de plus en plus hétérogène, il est totalement illusoire d'imposer à tous des convergences qui sont de plus en plus artificielles.

L'Europe qui réussira, l'Europe de la puissance sera l'Europe des réseaux, l'Europe différenciée où les piliers seront les démocraties nationales qui s'associeront librement afin de développer des projets en commun selon des formations à géométrie variable.

L'Europe nouvelle, c'est une Europe respectueuse des souverainetés nationales, c'est-à-dire, comme le disait le général de Gaulle, des démocraties !

M. Philippe Darniche et Mme Lucette Michaux-Chevry applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, il y a un an, lors du référendum du 29 mai 2005, une majorité de Français votait « non », rejetant ainsi le projet de loi de ratification du traité constitutionnel européen. Ce « non » français a été porté par une majorité de gauche.

Cette date du 29 mai ne représente pas un jour noir pour la construction européenne. Elle symbolise au contraire l'espoir d'un renouveau du projet européen.

Un an après le revers infligé par le peuple souverain aux tenants d'une Europe où règne la loi des marchés, l'Union européenne est toujours en déshérence. Les référendums français et néerlandais ont mis en lumière toutes les contradictions latentes de la construction européenne. Ils ont aussi dévoilé le fossé béant existant entre les citoyens et les dirigeants européens.

Depuis maintenant plus d'un an, on entend trop souvent que le « non » français et néerlandais aurait entraîné la crise européenne que l'on connaît aujourd'hui, alors que c'est la crise européenne qui a conduit à ce « non » !

Cette crise politique que traverse le projet européen pose avec force la question de l'avenir de l'Europe et de son sens.

Depuis un demi-siècle, la construction européenne s'est réalisée sur des politiques libérales conduisant à l'impasse.

On le constate indubitablement, l'Union européenne se trouve confrontée à un ralentissement de la croissance, de l'économie et de l'emploi. Tandis que les inégalités augmentent, les droits sociaux et les services publics se fragilisent, et cela dans le contexte de la persistance d'un niveau élevé de chômage, de pauvreté, d'exclusion sociale et de précarité de l'emploi. Ce sont autant d'éléments qui affaiblissent le « modèle social français » et européen et qui nous éloignent de l'avènement d'une prospérité accrue et partagée.

Plutôt que de proposer des solutions novatrices et d'offrir des sources d'espérance pour les peuples européens, les principes cardinaux de la construction européenne ne faisaient qu'inscrire dans le marbre les sacro-saintes lois du marché et de la libre concurrence. Dès lors, comment s'étonner du rejet d'un tel texte par le peuple français !

Le peuple souverain s'est exprimé, que cela vous fasse plaisir ou non. Mais plutôt que d'enterrer ce texte désavoué, les chefs d'État et de gouvernement s'étaient donné un an de « pause » pour réfléchir au sort du traité constitutionnel tout en laissant les États membres qui le souhaitaient libres de poursuivre leur ratification.

Le groupe communiste républicain et citoyen avait alors dénoncé cette décision allant à l'encontre de la volonté du peuple souverain et constituant une véritable hypocrisie. Or la « période de réflexion » sur l'avenir de l'Europe n'a donné lieu à aucune prise de conscience de la part des dirigeants européens et aucun enseignement n'en a été tiré.

Les ministres européens des affaires étrangères, réunis les 27 et 28 mai derniers, ont décidé à l'unanimité que le projet de Constitution devait être poursuivi en tant que projet européen. « Sa peine de mort n'a donc pas été prononcée. »

Mme Ursula Plassnik, la ministre autrichienne des affaires étrangères, a indiqué que « personne n'avait déclaré morte la constitution ».

Les ministres européens des affaires étrangères ont au contraire exprimé leur volonté commune de définir les prochaines étapes du traité constitutionnel européen. Ils se sont engagés à trouver un accord sur la future base juridique de l'Union européenne d'ici à 2009 au plus tard.

Les conclusions du sommet européen des deux prochains jours à Bruxelles devraient comprendre la décision de prolonger la « période de réflexion ». C'est tout simplement inadmissible.

Je le rappelle, le traité constitutionnel européen doit être ratifié par tous les États membres de l'Union européenne pour entrer en vigueur. Or cette condition n'est pas remplie, puisque les référendums français et néerlandais se sont soldés par une réponse négative. Le traité a donc été rejeté. Par conséquent, il doit être déclaré caduc une fois pour toutes.

Il faut nous saisir d'une telle occasion pour amorcer une relance de la construction communautaire dans le sens d'une Europe des peuples, démocratique, synonyme de progrès social, de coopération et de paix. C'est ainsi que nous concevons l'avenir de l'Europe. Et c'est dans ce cadre que l'Union européenne doit décider d'une nouvelle négociation sur ses institutions et sur les politiques économiques et sociales en y associant naturellement les peuples européens.

Le lundi 29 mai dernier, un an après la victoire du non lors du référendum sur le projet de constitution, le Conseil européen des ministres du commerce intérieur s'est mis d'accord sur l'ouverture des services à la concurrence.

Certes, les modifications adoptées par le Parlement européen au mois de février et par la Commission européenne au début du mois d'avril ont été prises en compte. Sous la pression des luttes sociales et politiques à l'échelle européenne, les parlementaires européens et la Commission ont été amenés non pas à réviser entièrement le projet de directive dite « Bolkestein », comme vous venez de l'affirmer, monsieur le ministre, mais à en retirer les points les plus controversés, notamment le « principe du pays d'origine ». En outre, ils ont exclus de son champ d'application certains des services sociaux les plus sensibles, comme la santé, le logement social ou l'audiovisuel.

Il n'en demeure pas moins que l'accord adopté le 29 mai dernier reste fondamentalement marqué par la logique de la libéralisation. Si le « principe du pays d'origine » n'est plus mentionné, la menace n'en est pas écartée pour autant.

Ainsi, le Parlement européen a refusé que la notion de « pays d'accueil », qui interdirait clairement de pratiquer des conditions sociales inférieures à celles du pays accueillant, y figure.

Surtout, l'actuel projet de directive fait explicitement référence à la jurisprudence européenne. Or celle-ci s'est systématiquement et très clairement inscrite dans la logique du principe du pays d'origine.

De même, le Parlement de Strasbourg a refusé l'exclusion explicite des services publics du champ de la directive. Dès lors, en l'absence d'une directive cadre sur les services publics et sur l'harmonisation des législations sociales, et compte tenu du flou juridique qui existe entre les notions de « services d'intérêt général » et de « services d'intérêt économique général » - ces derniers sont concernés par la directive -, la menace d'une mise en concurrence des services publics persiste.

Or, nous en sommes convaincus, l'avenir de l'Europe dépend du développement des services publics, à travers le lancement de grands travaux et le renforcement des politiques de recherche et de développement. Encore faut-il réellement en avoir la volonté et s'en donner les moyens.

Les services publics sont synonymes de croissance et de solidarité.

Pour parvenir à un tel équilibre, qui répond aux attentes des peuples, le budget de l'Union mériterait d'être accru et redistribué dans un esprit de solidarité. Malheureusement, l'accord conclu lors du Conseil européen de décembre 2005 sur les perspectives financières pour la période 2007-2013 témoigne que nous en sommes encore bien loin.

Un montant équivalant à 1, 045 % du revenu national brut, le RNB, de l'Union européenne est très insuffisant et n'est pas en mesure de permettre une relance de l'Europe.

Les objectifs d'emploi, de justice sociale et de développement humain doivent se substituer aux obsessions libérales des dirigeants de l'Union européenne, qui sont focalisés sur les aspects strictement économiques. Il convient donc de réformer tous les dispositifs qui ont démontré leur inefficacité pour la construction d'une Europe sociale. Nous pensons notamment au carcan que constitue le pacte de stabilité et de croissance et à l'impasse à laquelle conduit la politique monétaire menée librement par la Banque centrale européenne.

Par ailleurs, le groupe communiste républicain et citoyen souhaiterait clarifier sa position sur l'élargissement. Nous y sommes tout à fait favorables. Et, pour être tout à fait clairs, nous ne concevons pas cette question à travers l'image populiste et dangereuse d'une prétendue « invasion des travailleurs des pays de l'Est ».

Notre principale préoccupation est au contraire de défendre l'intérêt des travailleurs européens, quelle que soit leur nationalité. Ceux-ci se trouvent confrontés aux mêmes périls sociaux, c'est-à-dire l'exploitation et la précarisation.

À l'écoute de la volonté populaire, nous croyons à une Europe sociale et à une harmonisation de la protection sociale des États membres par le haut. Telle est notre définition de la valeur ajoutée, notion que vous avez évoquée dans votre intervention, monsieur le ministre.

La relance du projet européen ne peut plus reposer sur les formules simplistes de l'économie libérale. Le principe de solidarité doit enfin se concrétiser dans les rapports au sein de l'Union européenne.

De ce point de vue, le secteur de l'énergie pourrait effectivement offrir un cadre privilégié. En effet, il s'agit d'un secteur à la fois stratégique et vital pour l'avenir - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre -, mais également symbolique, puisque la construction communautaire a commencé en 1951 avec l'adoption du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, la CECA.

Malheureusement, comme dans d'autres domaines, la Commission européenne a donné la priorité à la libéralisation du marché intérieur du gaz et de l'électricité. Or, jusqu'à présent, une telle politique a surtout eu pour effets d'accélérer la concentration du secteur entre les mains de quelques grands groupes et de favoriser le remplacement des monopoles publics par des monopoles privés.

La libéralisation se traduit également par des augmentations de prix et remet en cause le droit à l'énergie pour tous.

De plus, nous devons continuer à promouvoir la diversité énergétique et le développement des énergies renouvelables, ce qui implique des investissements importants en faveur de la recherche.

Monsieur le ministre, de telles questions doivent se situer au coeur d'une stratégie de développement et de croissance. Elles devraient figurer au premier rang des priorités du septième programme-cadre de recherche et développement lancé par la Commission européenne.

En effet, il convient de tirer toutes les conséquences de la libéralisation. La sécurité énergétique est impossible sans la maîtrise publique de la production énergétique.

Une vision à long terme s'impose donc, car elle seule permet d'intégrer la charge des coûts externes majeurs que sont le traitement et la gestion des déchets, le démantèlement des installations, ainsi que la prise en compte des risques, notamment nucléaires.

Aussi est-il nécessaire d'instaurer une réelle transparence, une circulation effective des informations et un exercice concret de la citoyenneté.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué la question migratoire. Permettez-moi juste de dire un mot sur ce sujet. Le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, déposé par votre gouvernement, nous montre clairement votre conception de l'Europe. Vous voulez une « Europe forteresse », incapable de relever les grands défis, notamment la politique de codéveloppement entre le Nord et le Sud !

Je souhaite également exprimer un sentiment paradoxal.

Certes, nous pouvons nous réjouir de la tenue de ce débat devant la représentation nationale à la veille d'un conseil européen.

Mais nous exprimons une fois de plus un avis purement informatif. Votre gouvernement n'est absolument pas tenu de le prendre en considération. Or, comme nous le savons, le déficit démocratique qui caractérise la construction européenne est notamment lié à l'absence de contrôle parlementaire sur l'activité communautaire du Gouvernement. De fait, au sein du Conseil des ministres, en participant à l'élaboration des décisions européennes, le Gouvernement récupère des compétences nationales transférées.

Cette situation, qui entraîne mécaniquement une régression des pouvoirs législatifs et financiers du Parlement, est tout simplement inacceptable ! Elle ne peut pas durer. Peut-être certains s'en satisfont-ils, mais ce n'est pas le cas des sénateurs du groupe CRC.

Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement. Je n'ai entendu ni proposition concrète ni volonté réelle de mettre en oeuvre une véritable politique de relance de la construction communautaire qui irait dans le sens des aspirations des peuples européens.

Certes, vous pourrez toujours dire qu'il faut agir avec les peuples si l'on ne veut pas agir contre eux. Mais votre intervention démontre que vous faites le contraire.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient en effet de répondre à vos observations, M. Douste-Blazy étant retenu par un engagement diplomatique important.

Permettez-moi en préalable de vous dire combien je me réjouis de la tenue d'un tel débat, ainsi que, d'une manière générale, de tout ce qui peut contribuer à mieux associer le Parlement aux questions européennes.

Comme vous l'a indiqué M. le ministre des affaires étrangères, le Conseil européen de juin permettra aux chefs d'État et de gouvernement de faire le point sur la période de réflexion engagée voilà maintenant un an. Il leur permettra également de débattre des questions liées à l'élargissement, ainsi que de la politique européenne de l'énergie, des questions migratoires et de plusieurs sujets sur lesquels nous avions émis des propositions. Je pense notamment au projet de création d'une capacité européenne de réponse aux catastrophes naturelles et aux crises. À cet égard, des premières mesures opérationnelles ont déjà été décidées cette semaine.

Vos interventions ont porté sur la recherche des moyens pour continuer à faire avancer une Europe concrète au service des citoyens, sur les questions institutionnelles et sur la nécessité d'une réflexion quant à l'élargissement. Je vous répondrai sur ces différents points.

Tout d'abord, comme vous le savez, faire avancer une Europe concrète au service des citoyens est depuis un an la priorité de l'action européenne du Gouvernement. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il faut que l'Europe retrouve la confiance des citoyens. Vous avez d'ailleurs été nombreux à le souligner aujourd'hui. Pour atteindre un tel objectif, nous devons développer des politiques efficaces, concrètes, qui répondent aux attentes des citoyens, ainsi que le président Vinçon le soulignait.

C'est pourquoi les principaux axes de l'action de l'Union européenne depuis un an ont été la croissance et l'emploi, la sécurité, l'énergie, les investissements accrus dans la recherche et l'innovation, les actions en faveur de la jeunesse, la problématique des migrations et du développement, l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, et la politique extérieure, notamment en Iran et au Proche-Orient.

Peu importe que l'on appelle « Europe des projets » ou « Europe des résultats » l'action déterminante de l'Union européenne sur ces dossiers. En revanche, la nécessité d'une telle orientation a été reconnue comme prioritaire et essentielle par tous les gouvernements européens, et pas seulement par le nôtre, ainsi que par la Commission européenne. Dans ces conditions, l'Europe a su agir.

Je tiens à le dire ici, l'Union européenne fait son travail. Elle prend les décisions qui s'imposent. Certes, le contexte étant celui que nous connaissons, elle le fait parfois avec plus de difficulté ou plus de lenteur qu'il ne serait souhaitable. Mais, en tout état de cause, elle fait son travail.

Comme il faut parler concrètement, je mentionnerai quelques exemples pour illustrer mon propos, ainsi que Philippe Douste-Blazy l'avait fait lui-même.

J'évoquerai d'abord le budget. Voilà encore quelques mois, nombreux étaient ceux qui doutaient de la capacité des États membres à s'accorder sur un budget. Or, depuis l'accord avec le Parlement européen intervenu au printemps dernier, l'Europe dispose d'un budget et même d'un bon budget. En effet, celui-ci est conforme à ce qu'il doit être pour bâtir une Europe forte, compétitive et solidaire.

À cet égard, je ne rappellerai qu'un seul chiffre. Pour la période budgétaire 2007-2013, ce budget s'élève à 864 milliards d'euros, soit 55 milliards d'euros de plus que le budget précédent.

L'Europe peut ainsi faire monter en puissance un certain nombre de politiques qu'il convenait de développer. Je pense notamment à tout ce concerne la sécurité des citoyens, ce que l'on appelle la justice et les affaires intérieures, mais également à la politique de cohésion, à la recherche et développement, ainsi qu'à la politique étrangère et de sécurité commune, pour ne mentionner que quelques exemples.

Ensuite, MM. Badré et Bret ont évoqué la proposition de directive sur les services. Soyons clairs sur ce point. En un an, nous avons réussi à renverser totalement la situation et à convaincre nos partenaires et le Parlement européen de prendre nos préoccupations en considération.

Le premier projet n'était pas acceptable. Il a donc été réformé. L'accord politique conclu par consensus voilà deux semaines par les Vingt-cinq reprend le texte adopté par le Parlement européen, qui était très satisfaisant.

Je voudrais faire quelques rappels devant la représentation nationale. D'abord, le principe du pays d'origine a été supprimé. Par conséquent, c'est le droit du travail français qui s'appliquera en France selon le principe du pays de destination. Ensuite, les services publics seront préservés, tout comme un certain nombre de secteurs sensibles et importants, notamment la santé, le social, la culture et l'audiovisuel.

À présent, nous pouvons donc envisager un marché intérieur des services respectueux de la dimension sociale de l'Union européenne et permettant également le développement des échanges, ce qui est notre intérêt.

S'agissant de cette négociation, il est également important de souligner deux faits.

D'une part, contrairement à ce que l'on prétend parfois, la démocratie européenne a bien fonctionné.

Mme Borvo Cohen-Seat manifeste son scepticisme.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes

L'Europe concrète a avancé tout au long de cette année dans d'autres domaines.

Ainsi, dans le secteur de l'énergie, les jalons d'une véritable politique européenne, qui est nécessaire, ont été posés au mois de mars.

M. Denis Badré a rappelé, à juste titre, l'importance de la méthode Schuman et celle de mettre sur pied des politiques communes. Nous le pensons comme lui. Non seulement nous le pensons, mais nous le faisons, ce qui est mieux. C'est bien la France, monsieur le sénateur, qui a proposé à ses partenaires que l'Union se dote d'une politique européenne de l'énergie, qui n'existait pas.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Les premiers pas ont été faits.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Dans le domaine de la recherche, l'Europe concrète avance également. Les moyens budgétaires consacrés à la recherche sont en hausse de 35 %. En outre, le Conseil européen a décidé, au mois de mars, d'utiliser une facilité de financement de la Banque européenne d'investissement afin d'augmenter ces fonds d'un montant pouvant atteindre, par un effet de levier, jusqu'à 30 milliards d'euros.

Je rappelle également que, dans le domaine de la recherche et des technologies d'avenir, deux décisions importantes ont été prises cette année concernant les projets ITER et Galileo, deux investissements majeurs pour l'avenir et l'indépendance des européens.

Nous obtenons également des résultats en matière de sécurité, par exemple dans le domaine aérien. Une liste noire européenne des compagnies aériennes dangereuses a ainsi été publiée. Par ailleurs, grâce à l'introduction prochaine de la biométrie dans les visas, les titres de séjour seront mieux sécurisés sur tout le territoire de l'Union.

Des résultats sont là également en matière d'éducation. Nous pensions qu'il fallait augmenter le nombre de bourses Erasmus et Leonardo...

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

...pour les étudiants, mais aussi pour les jeunes apprentis. C'est fait et c'est une bonne chose, parce que ce sont les jeunes qui feront l'Europe de demain.

Je mentionnerai également l'Europe de la défense et la politique étrangère et de sécurité commune, qu'a notamment évoquées M. Serge Vinçon. Dans ce domaine également, des avancées ont été réalisées. Elles ont même été rapides ! Qui aurait pensé il y a encore quelques années que l'Union serait en mesure de mener en même temps onze missions dans le monde, dont deux opérations militaires - une en Bosnie-Herzégovine, l'autre, qui a été lancée avant-hier, en République démocratique du Congo - et neuf opérations civiles de gestion de crise : en Bosnie-Herzégovine, en République démocratique du Congo encore, à Aceh en Indonésie, dans l'ancienne république yougoslave de Macédoine, à Rafah et dans les territoires palestiniens, dans les Balkans et en Irak ? Voilà des résultats, comme vous l'avez dit, monsieur le président. L'Europe a donc bien une ambition politique.

Permettez-moi de rappeler à ce propos, comme Philippe Douste-Blazy, le rôle essentiel que joue actuellement l'Europe dans le dossier du nucléaire iranien, au sujet duquel vous vous êtes inquiété, monsieur de Montesquiou. Or c'est bien le Haut Représentant de l'Union européenne, et nul autre, qui a présenté à l'Iran l'offre de toute la communauté internationale : l'Europe, les États-Unis, la Chine et la Russie réunis. C'est un rôle nouveau pour l'Europe. La démocratie européenne est en avance sur les autres, monsieur le sénateur.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces exemples montrent que l'Europe agit et décide. Il reviendra au Conseil européen du mois de juin de faire avancer davantage encore cette Europe concrète en abordant deux autres sujets essentiels.

Il s'agit, tout d'abord, des questions migratoires, dont il est inutile de rappeler l'importance. Notre pays plaide depuis toujours pour une approche globale, c'est-à-dire pour le renforcement à la fois des contrôles et de la coopération et du développement, car le problème doit être également traité à sa source. C'est l'enjeu de la conférence euro-africaine qui se tiendra à Rabat les 10 et 11 juillet, comme l'a souligné M. le ministre des affaires étrangères.

Par ailleurs, j'informe de nouveau la représentation nationale, notamment M. Denis Badré, que nous n'avons pas attendu la semaine dernière pour mobiliser les Européens.

Ainsi, lors du sommet de Barcelone, à la fin du mois de novembre 2005, une importante initiative franco-espagnole a été prise. Nous avons également pu, lors du Conseil européen du mois de décembre dernier, reconstituer le Fonds européen de développement. Cela signifie 22 milliards d'euros pour le développement pour la période budgétaire 2007-2013. Nous avons également prévu, lors de ce même Conseil européen, que 3 % des fonds du programme MEDA seront réservés au traitement de la question des migrations.

Nous ne sommes donc pas restés les deux pieds dans le même sabot ! Ce n'est d'ailleurs pas le style de M. le ministre des affaires étrangères, comme vous le savez, monsieur le sénateur.

Il s'agit, ensuite, des questions énergétiques, sur lesquelles le Conseil reviendra. Il avait demandé au mois de mars dernier de définir en premier lieu une politique extérieure de l'énergie, notamment à l'égard de nos principaux fournisseurs. Le Haut Représentant de l'Union européenne, Javier Solana, et la Commission européenne ont donc proposé un plan d'action, que les chefs d'État ou de gouvernement devraient valider - il le faut - demain ou après-demain.

Lançons un dialogue ambitieux avec la Russie sur notre sécurité énergétique en utilisant les moyens existants, notamment au titre de la politique de voisinage de l'Union, pour atteindre nos objectifs. La France est attachée à la mise en place progressive, pan par pan, d'une politique énergétique européenne, pour laquelle elle oeuvre, car c'est l'une des clés de notre indépendance.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, même dans un contexte difficile, l'Europe avance. Il faut notamment en savoir gré à la présidence autrichienne, qui a bien conduit son affaire.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Je remercie aussi tous ceux d'entre vous qui l'ont souligné, car nous devons savoir mesurer à leur juste valeur les progrès accomplis, au lieu de céder à la facilité. Nous devons surtout savoir nous mobiliser pour progresser encore, car l'Europe peut et doit, bien sûr, continuer à gagner en cohérence et en efficacité.

Je veux dire aussi de la manière la plus claire, ici, au Sénat, que la France tient son rang en Europe. La plupart des décisions que j'ai évoquées ont pour origine des propositions de notre pays. Je le dis tout particulièrement à M. Badré, qui s'en inquiétait.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Sur tous ces sujets, monsieur le sénateur - l'énergie, la recherche, l'éducation, le budget européen, les migrations -, notre pays a été à l'origine d'initiatives et a su peser de tout son poids pour entraîner les autres.

Je n'ai pas besoin non plus de rappeler à la représentation nationale tout ce qui a été fait depuis un an pour mieux associer le Parlement, mais aussi les partenaires sociaux, les collectivités territoriales et tous les Français, aux questions européennes. Je rappellerai toutefois, pour ceux qui l'ignoreraient, l'adresse du site Internet que nous avons créé, sur lequel chacun peut s'exprimer : « www.touteleurope.fr » Vous le voyez, monsieur de Montesquiou, nous entendons faire au moins aussi bien que les pays voisins. J'encourage d'ailleurs chacune et chacun à se rendre sur ce site et à s'y exprimer.

J'en viens aux deux autres grands sujets que vous avez évoqués, les questions institutionnelles et l'élargissement.

Tous les orateurs l'ont souligné, les chefs d'État ou de gouvernement aborderont, bien sûr, à l'occasion de ce Conseil européen, la grande question de l'avenir du traité constitutionnel. Vous avez tous souhaité savoir où il en est.

Comme l'a rappelé M. le ministre des affaires étrangères, quinze pays l'ont ratifié. La Finlande devrait en principe se prononcer au cours du second semestre 2006 - c'est en tout cas l'intention qu'elle a fait connaître publiquement. Deux États l'ont rejeté par un vote qui s'impose. Quant à ceux qui ne se sont pas encore prononcés - ils sont huit aujourd'hui -, nous savons bien qu'il serait difficile pour certains d'entre eux de le faire. C'est d'ailleurs un fait auquel il faut donner l'importance qu'il mérite, ce qui n'est pas toujours le cas.

Disons donc les choses de la façon la plus claire et la plus simple possible : il n'y a pas aujourd'hui de solution à court terme pour l'avenir du traité. Il n'y a pas non plus de consensus, comme vous l'avez dit, monsieur le président. Dans ces conditions, les Vingt-cinq se dirigent vers la prolongation de la période de réflexion ouverte l'an dernier, et ce pour plusieurs années, car plusieurs présidences seront nécessaires pour que la question institutionnelle trouve une réponse adéquate.

Le Président de la République et la Chancelière fédérale allemande l'ont indiqué lors de leur rencontre du 6 juin, la présidence allemande devrait permettre de faire la synthèse des propositions possibles. Le premier semestre 2007 devrait ainsi être le début d'une séquence, qui se prolongera jusqu'au second semestre 2008 avec la présidence française, peut-être même au-delà.

Voilà ce que nous pouvons vous dire aujourd'hui sur l'état de la situation.

Cela étant, comme vous l'avez dit, monsieur Jacques Blanc, cette situation délicate, difficile même, ne remet pas en cause le problème de fond : le besoin d'institutions rénovées reste entier. Nous ne pourrons pas en rester durablement au traité de Nice. Un nouveau traité sera nécessaire.

La France, par la voix du Président de la République, a proposé, dans cette attente, d'améliorer déjà ce qui peut être amélioré dans le cadre des traités actuels. C'est pourquoi Philippe Douste-Blazy et moi-même avons transmis à la fin du mois d'avril à nos partenaires européens une contribution à la réflexion commune comportant plusieurs propositions précises et concrètes, que je vous présenterai brièvement parce qu'elles me semblent rejoindre nombre des préoccupations que vous avez exprimées aujourd'hui.

Nous avons ainsi proposé d'améliorer la sécurité des citoyens en rendant plus facile la prise de décision dans ce domaine grâce au passage à la majorité qualifiée dans certains cas, qui seraient décidés à l'unanimité. Il faudra d'ailleurs, comme le président Haenel l'a justement souligné, développer d'une façon générale le passage à la majorité qualifiée pour prendre des décisions.

Nous avons également fait des propositions sur la dimension sociale de l'action de l'Union, qu'il faut mieux faire prendre en compte, et sur son action extérieure, pour renforcer la cohérence, la visibilité et l'unité entre tous les acteurs concernés, qui sont nombreux - la Commission, le Conseil, les États membres, ainsi que le secrétaire général et Haut Représentant.

Cependant, je rappelle à M. de Montesquiou que pour avoir un véritable ministre des affaires étrangères européen, qu'il appelle de ses voeux, il faut un nouveau traité. C'était même prévu.

Nous avons également fait des propositions sur la coordination des politiques économiques, qui est indispensable pour renforcer notre efficacité collective, comme la France l'a toujours souhaité.

Nous en avons fait également sur le rôle des parlements nationaux. C'est une exigence démocratique fondamentale. À cet égard, je suis entièrement d'accord avec ce qu'a dit M. Haenel. Le contrôle du principe de subsidiarité et de proportionnalité par les parlements nationaux doit être renforcé. Vous avez d'ailleurs fait, monsieur le président, de très intéressantes réflexions sur la subsidiarité, étayées par l'exemple.

Il est certain qu'un meilleur équilibre doit être trouvé entre harmonisation et subsidiarité. L'une comme l'autre sont nécessaires.

Le texte du traité constitutionnel comporte d'ailleurs des dispositions précises pour assurer un meilleur respect de la subsidiarité, ce qui prouve non seulement que notre pays le préconise depuis plusieurs années - depuis que la réflexion s'est engagée sur les institutions au début des années 2000 -, mais que ses partenaires en étaient également convaincus puisque qu'ils en avaient ainsi décidé et que ce texte avait fait l'objet d'un accord.

Mais n'oublions pas non plus que l'harmonisation est, elle aussi, nécessaire. C'est même l'un des principes de base de l'Union européenne. Et c'est ce qui explique parfois que la même règle s'applique en droit à tous, même si tous ne sont pas concernés dans la même mesure.

Quant à votre remarque sur les fleuves, monsieur le sénateur, elle paraît à première vue fort pertinente. Philippe Douste-Blazy et moi-même la prendrons pleinement en compte et nous vous informerons de la façon dont a été forgée, ou non, la position interministérielle sur ce sujet.

Cela dit, monsieur le président, le Gouvernement avait agi en faveur de la subsidiarité et le traité validait cette ligne. Comme il n'est pas en vigueur, le Gouvernement continue d'oeuvrer en ce sens. La France souhaite que les parlements nationaux soient mieux associés et a proposé des mécanismes précis dans la contribution que j'ai précédemment évoquée et qu'elle a adressée à ses partenaires au mois d'avril.

Vous avez souligné, monsieur le sénateur, que le président José Manuel Barroso a repris cette idée. Nous le remercions en effet d'avoir bien voulu s'inspirer des propositions françaises, sur ce sujet comme sur quelques autres, dans l'importante contribution que la Commission européenne a rendue publique voilà quelques semaines, au mois de mai.

Pour répondre à votre question, je peux vous assurer que la France souhaite que le prochain Conseil européen marque clairement la direction : elle a pour cela le soutien de la Commission et de la présidence, ce qui est essentiel. Elle l'a redemandé lundi lors du conseil affaires générales et relations extérieures. J'observe cependant, comme vous, que les négociations se poursuivent sur les conclusions afin de lever les réticences de quelques États membres qui sont prêts, sur ce point, à aller moins loin que nous.

D'une manière plus générale, je voudrais rappeler à MM. Boulaud et de Montesquiou qu'en faisant ces propositions à traités constants dans le cadre des textes actuels, nous avons avant tout voulu être pragmatiques et efficaces et envisager très concrètement tout ce qui pouvait être amélioré dès maintenant. C'est non seulement possible, puisque les textes le permettent dans un certain nombre de cas, mais c'est nécessaire pour rendre la période de réflexion pleinement active et utile.

C'est donc tout le contraire d'une pause ou de l'inaction. Permettez-moi de redire que c'est la France, et elle seule, qui a fait ces propositions.

Le Conseil européen doit permettre d'arrêter des orientations claires pour avancer sur plusieurs de ces propositions et poser ainsi des jalons pour l'avenir.

J'en viens à présent au second sujet majeur de ce Conseil européen : l'élargissement.

La France, vous vous en souvenez, avait souhaité que la réflexion sur ce sujet occupe davantage de place dans le débat européen.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Les Français l'ont aussi clairement demandé et vous vous en êtes fait l'écho de nouveau aujourd'hui.

Je souhaite aujourd'hui, devant la représentation nationale, rappeler la position du Gouvernement sur cette question.

D'abord, n'oublions pas que l'élargissement a été une réussite, un accomplissement historique, dirai-je même, ...

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

...conforme à la vocation première de la construction européenne : bâtir sur notre continent - dont on connaît l'histoire - un espace de paix, de démocratie - nous étions encore divisés il y a quinze ans. Qui voudrait de l'alternative qui eût été de garder le continent divisé en deux ? Qui pourrait croire d'ailleurs que, dans le monde globalisé d'aujourd'hui, il y ait d'autre choix que d'unir nos forces pour réussir notre développement économique et social ?

Cela étant, et ainsi que l'ont rappelé MM. Serge Vinçon et Jacques Blanc, beaucoup de nos compatriotes ont pu avoir le sentiment que ce processus leur échappait, même si leurs représentants y ont toujours participé, comme il se doit. Ainsi, a pu se faire jour le sentiment d'une absence de contrôle politique adéquat sur ce processus. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'on ne fera pas l'Europe sans les peuples. Ce contrôle politique, il faut donc le renforcer.

C'est fort de cette conviction que le gouvernement français a demandé - et obtenu - que l'Union engage un débat de fond sur la stratégie d'élargissement avant d'accueillir de nouveaux membres.

L'élargissement concerne, bien sûr, les pays candidats mais aussi l'Union elle-même. En effet, il a des conséquences tant sur la nature, l'identité de l'Union que sur son fonctionnement. Nous devons donc veiller à ce que ce processus reste une réussite, pour les pays candidats mais aussi pour l'Union elle-même.

C'est en gardant cela à l'esprit qu'il nous faut répondre aux différentes questions concrètes qui se posent et qui se poseront lors de ce Conseil européen : quelles seront les politiques communes d'une Union élargie ? Quel sera son budget et avec quelle clé de financement ?

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Quelles seront ses institutions ? Et comment s'assurer du soutien des peuples à ce processus ?

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Ce que l'on appelle la « capacité d'absorption » ou « capacité d'assimilation », concept qui existe depuis 1993, doit être non seulement rappelée au Conseil européen mais précisée. C'est ce que la France souhaite.

Lors du Conseil européen, nous devons donc progresser sur ce point et engager immédiatement la réflexion, tout en demandant qu'elle se poursuive aussi sous les présidences suivantes.

Permettez-moi aussi de vous assurer que nous resterons d'une très grande vigilance dans le suivi au jour le jour des discussions et des négociations en cours, qu'il s'agisse des pays adhérents, des pays candidats ou bien encore des pays des Balkans auxquels a été reconnue une perspective européenne. Le récent rapport de la Commission sur la Bulgarie et la Roumanie vous montre que le processus est conduit avec sérieux.

Pour répondre à la question judicieuse posée par M. Denis Badré, mais également par MM. Didier Boulaud et Jacques Blanc, je précise que les débats sur la ratification du traité d'adhésion s'engageront à l'Assemblée nationale le 27 juin prochain.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Au total, la France se rend à ce Conseil européen en étant une force de propositions, et en incitant ses partenaires à aborder ouvertement tous les sujets concernant l'avenir de l'Europe, même ceux qui sont difficiles.

C'est en effet ce que nous demandent nos concitoyens. Les Françaises et les Français restent attachés à l'Europe comme projet politique, j'en suis convaincue. Ce projet est porteur de valeurs et profondément respectueux de l'identité des peuples. Il est également porteur d'un idéal, celui de la fraternité et de la raison, où les nations décident librement de faire prévaloir ce qui les unit sur ce qui les divisait.

Tel est le cap ; gardons-le ! L'écho de mes paroles ira jusqu'à M. le président Vinçon, par la pensée, puisqu'il s'est absenté.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Au moment de conclure cette intervention, je souhaiterais rappeler, ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont fait, afin que personne ne l'oublie, que l'Europe ne sera que ce qu'est notre volonté collective commune.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Monsieur Badré, je partage pleinement votre conviction - que vous avez exprimée avec force -, et je m'attache à le démontrer dans mes fonctions.

Debut de section - Permalien
Catherine Colonna, ministre déléguée

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée. C'est en étant guidé par cette conviction que le Gouvernement agit depuis un an, en étant une force d'initiative pour faire avancer l'Europe, et c'est ce qu'il continuera de faire, car c'est son devoir.

Applaudissementssur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Madame la ministre, je vous remercie de vos réponses.

Le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 391 et distribuée.

Mes chers collègues, avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration (nos 362, 371).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen des articles 67 à 79 relatifs à l'outre-mer, appelés en priorité.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre de l'outre-mer

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que nous abordons l'examen du titre VI du projet de loi relatif à l'immigration et l'intégration, permettez-moi de prendre brièvement la parole et de répondre aux orateurs d'outre-mer et de métropole qui ont bien voulu s'exprimer sur les mesures relatives à nos territoires ultramarins.

Je me réjouis que, comme à l'Assemblée nationale, nous examinions de jour les mesures concernant l'outre-mer. C'est un signal important - le fait est suffisamment rare pour est souligné - que nous adressons à nos compatriotes ultramarins, qui apprécieront la volonté de la Haute Assemblée de donner tout le relief nécessaire à des mesures importantes qu'ils attendent depuis fort longtemps.

La situation dramatique que nous connaissons, et que j'ai évoquée lors de la discussion générale, exige en effet des mesures spécifiques, adaptées aux particularités de ces territoires. Nous ne pouvons plus attendre, notamment à Mayotte, comme l'ont souligné ses représentants.

Je tiens également à remercier Mme Michaux-Chevry et MM. Giraud, Ibrahim et Virapoullé pour leurs interventions et leur soutien, ainsi que M. Othily pour son fort degré d'implication, ses propositions et son investissement personnel dans le cadre de la commission d'enquête.

Monsieur le sénateur, vous m'avez fait l'honneur de m'interroger, peu après M. le ministre d'État, sur le problème de l'immigration outre-mer, et je vous avais donné mon point de vue à cette occasion. Nous partageons, à bien des égards, la même analyse objective s'agissant du caractère choquant de la situation qui existe dans certains de nos territoires, en particulier en Guyane.

J'ai bien noté l'opposition du groupe communiste républicain et citoyen. Mme Assassi considère qu'il n'est pas nécessaire de prendre de mesure spécifique pour l'outre-mer. Je regrette cette prise de position. Ces propos révèlent une méconnaissance profonde de la réalité de ces territoires et surtout de l'évolution historique plus récente, qui donne toute la puissance aux mesures que le Gouvernement propose en la matière.

Pour le groupe socialiste, M. Frimat pense que la situation de l'outre-mer nécessite un traitement particulier. J'ai compris le sens de son message sur la nécessité d'un consensus autour d'un texte spécifique, détaché des mesures prises pour la métropole. Il y aura un parallélisme des formes - mais peut-être est-ce le point que vous contestez ? - et en même temps des mesures sur lesquelles nous pourrons avoir un débat utile pour aboutir à des solutions consensuelles.

Au cours de ce débat, et notamment de l'examen des amendements, nous devons être animés par une double exigence : d'abord le respect de la Constitution et de son article 73, relatif à l'adaptation de notre législation aux spécificités et aux contraintes de l'outre-mer, mais aussi de l'article 74, qui concerne plus particulièrement Mayotte, et impose l'élaboration d'une législation conforme aux intérêts propres de nos collectivités d'outre-mer, et de cette île en particulier, au sein de la République.

Notre seconde exigence est l'amélioration du dispositif présenté. Je tiens à cet égard à saluer l'important travail réalisé par la commission et son rapporteur, M. Buffet. J'étudierai avec attention tous les amendements qui seront présentés aujourd'hui et m'efforcerai d'y répondre point par point.

TITRE VI

priorité

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre de l'outre-mer

DISPOSITIONS RELATIVES À LA MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION OUTRE-MER

CHAPITRE IER

Dispositions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers outre-mer

I. - Dans l'intitulé du chapitre IV du titre Ier du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « commune de Saint-Martin (Guadeloupe) » sont remplacés par le mot : « Guadeloupe ».

II. - Après l'article L. 514-1 du même code, il est inséré un article L. 514-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 514-2. - Les dispositions de l'article L. 514-1 sont applicables dans les communes du département de la Guadeloupe autres que celle de Saint-Martin, pendant cinq ans à compter de la publication de la loi n° du relative à l'immigration et à l'intégration. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Lucette Michaux-Chevry

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dispositif que le Gouvernement a prévu de mettre en place dans les départements et les territoires d'outre-mer peut sembler plus répressif que celui qui s'applique au reste du territoire national, même si le respect du droit commun reste le principe fondamental.

Monsieur le ministre, vous avez découvert sur le terrain la réalité de la situation en outre-mer, particulièrement à Mayotte, mais aussi dans l'ensemble de ces territoires. À cette occasion, vous avez, à juste titre, fait part de vos impressions. Mais en France, lorsque l'on dit certaines vérités, on se fait vertement critiquer.

Le rapport du Sénat sur la situation des départements d'outre-mer en matière d'immigration clandestine est éloquent. Pourtant, il reste timide et ne traduit pas la totalité de la réalité. En effet, sans vouloir dramatiser les faits, on peut qualifier d'explosive cette situation, car la stabilité de nos institutions est en cause.

Quelle est l'origine de cette situation ? Pour survivre, des étrangers viennent chez nous. Ces personnes, qui sont très malheureuses, même si elles ont conservé leur dignité - et c'est souvent lorsqu'un être humain se trouve en situation de détresse que le mot « dignité » prend tout son sens -, en arrivent à accepter et à faire n'importe quoi, en travaillant au noir, ou parfois même en étant traités comme des esclaves. Elles vivent dans des conditions intolérables, se cachent durant la journée pour éviter les forces de l'ordre et ne sortent que la nuit. Elles se comportent aussi parfois de façon répréhensible, donnant de leur pays d'origine - je pense notamment à Haïti - une image qui ne correspond pas à la réalité.

Savez-vous, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nos amis de la zone hollandaise ne se plaignent pas du tout de l'immigration clandestine ? Pour leur part, ils sont sans pitié quand il s'agit de faire repartir les étrangers. N'oublions pas que l'aéroport Princess Juliana est sous leur contrôle et qu'ils ont fixé une taxe très élevée. Quand cinquante étrangers passent à raison de cinquante dollars chacun... Voilà pourquoi les étrangers viennent tranquillement se faire soigner dans nos hôpitaux, dans nos cliniques et cherchent à percevoir notre RMI.

La France n'a pas vu venir les conséquences dramatiques de l'immigration sur son sol. Elle en est restée à une conception forte de ses valeurs humanistes, qui est belle et généreuse mais ne correspond plus à la réalité. Est-il généreux d'accepter de recevoir sur son sol des êtres humains qui viennent chercher chez nous plus de bonheur et du travail mais qui, en réalité, y trouvent plus de misère ?

Nos institutions sont ébranlées par des transports organisés de clandestins, les enfants étrangers vont à l'école avec leurs propres véhicules, il existe une économie et une banque souterraines, ces personnes achètent des véhicules et font sortir beaucoup d'argent du territoire français. Vous avez surpris, vous avez choqué, mais vous avez eu raison : pour se faire entendre dans notre pays, il faut, hélas ! choquer.

Mais ce projet de loi est encore trop modéré, et nous devrons y revenir. J'évoquais tout à l'heure certains comportements dont j'ai eu connaissance ou dont mon collègue Georges Othily m'a fait part. Monsieur le ministre, je n'ai pas besoin de dire devant vos collaborateurs, qui la connaissent aussi bien que nous-mêmes, que notre région est une terre de générosité, d'accueil et de spontanéité, où on a plaisir à recevoir les gens et à discuter avec eux, même quand on ne partage pas les mêmes opinions politiques. Il y a chez nous une chaleur humaine et une qualité de vie extraordinaire. Or celle-ci est en train de se détériorer.

En effet, il arrive fréquemment qu'à l'occasion de fêtes de famille ou de mariages on se fasse agresser par des hordes de gens qui n'hésitent pas à faire irruption dans nos maisons. En conséquence, nos concitoyens se préparent à l'auto-défense. Est-ce là l'image que nous voulons donner de la France dans cette zone géographique ?

Ce texte, qui a le mérite de contenir certaines mesures draconiennes et de conférer certains pouvoirs à la justice, notamment au procureur de la République et au préfet, était nécessaire.

Est-il acceptable que sur nos routes des véhicules conduits par des étrangers dépourvus de permis de conduire et d'assurance provoquent des accidents dont les conséquences sont dramatiques ? M. Dominique Lacroix, directeur adjoint de votre cabinet, est au courant de cette réalité, que nous vous avons signalée à maintes reprises.

Je voterai ce texte sans état d'âme. Je sais très bien que la France est un pays généreux. Pour ma part, moi aussi, je suis généreuse et, je le dis haut et fort, je suis fière d'être française. Mais je souhaite aussi que nos valeurs humanistes, nos valeurs de coeur et de dignité, ne soient pas ternies par une immigration sauvage et clandestine non maîtrisée.

Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Georges Othily applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce stade de la discussion, je voudrais exprimer le sentiment que m'inspirent ces dispositions spécifiques pour l'outre-mer, mais aussi relater un certain nombre de faits qui, dans l'océan Indien, portent atteinte à l'image de la France et fragilisent les efforts déployés par la Réunion pour permettre une meilleure insertion dans son environnement régional.

La lutte contre l'immigration clandestine ne saurait justifier que l'outre-mer devienne un laboratoire d'expérimentation de mesures inhumaines, contraires au respect des droits fondamentaux et à la fraternité inscrite dans notre devise républicaine.

Le projet de loi soumis à la discussion de notre assemblée n'a pas encore été adopté mais, déjà, plusieurs exemples viennent apporter un éclairage sur les effets inhumains qu'il générera.

Ce sont tout d'abord ces deux enfants turcs que des policiers sont venus chercher à l'école maternelle où ils étaient scolarisés. Cette incursion dans un lieu où tous les enfants doivent se trouver à l'abri des querelles des hommes et faire l'objet d'une protection sans faille a, dès qu'elle a été connue de l'opinion publique, légitimement suscité une très vive émotion.

Mais ce que l'opinion publique métropolitaine ne sait pas, c'est qu'en outre-mer, dans l'océan Indien, dans l'île de Mayotte, des faits semblables se renouvellent quotidiennement, et parfois avec un déploiement de forces armées habituellement réservé aux opérations de répression du grand banditisme.

Je souhaite porter à la connaissance de notre assemblée un fait précis. Le 6 juin dernier, à cinq heures du matin, douze camions des forces de gendarmerie ont investi le village de Combani. Au terme de cette opération, soixante personnes ont été raflées et expulsées de Mayotte, l'après-midi même, en direction de l'île d'Anjouan. Du fait de ce délai très court, aucun des moyens légaux de recours n'a pu être mis en oeuvre contre ces expulsions. De ce fait, il n'est pas rare qu'au drame de ces expulsions viennent s'ajouter des situations d'une inhumanité inimaginable.

Ainsi des enfants ont-ils été raflés devant l'école où ils étaient scolarisés, parfois depuis plusieurs années. Conduits au centre de rétention à l'insu de leurs parents, ils ne peuvent échapper à une expulsion immédiate que si le chef de l'établissement d'enseignement concerné est averti à temps et accepte d'intervenir pour certifier qu'il s'agit d'enfants scolarisés.

La situation inverse, tout aussi inhumaine, s'est déjà produite. Des mamans raflées

protestations sur les travées de l'UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

De telles situations, pourtant qualifiées de « très cruelles » par le ministre de l'intérieur à cette même tribune, sont quotidiennes à Mayotte, où les autorités préfectorales s'activent pour respecter la consigne gouvernementale selon laquelle il faut « faire du chiffre ». Des dispositions ont donc été prises pour que, chaque jour, il soit procédé à une quarantaine d'expulsions.

Ces dispositions, pour être « efficaces », supposent une violation permanente des droits fondamentaux des personnes ainsi visées. Aujourd'hui, dans l'archipel des Comores, à Mayotte, la meilleure façon de se débarrasser d'un voisin dont on convoite le logis, d'un rival amoureux, voire d'un concurrent, est de le dénoncer aux autorités comme « Comorien ».

Si ces dérives sont possibles, c'est parce que l'île de Mayotte, n'étant ni la Sarthe ni le Loiret - théâtres récents d'expulsions scandaleuses -, ne se trouve pas sous les feux de l'actualité. Les faits qui s'y déroulent quotidiennement indiquent ce qui se passerait en métropole si ce projet de loi était voté. Personne dans cette assemblée ne peut se satisfaire d'une société où triompherait l'idée fausse selon laquelle la sécurité des uns dépend de l'insécurité où sont plongées, par la loi, d'autres personnes, pourtant déjà fragiles.

C'est pourquoi j'appelle au retrait de ce dispositif inhumain, qui porte atteinte aux droits humains dont la France s'est toujours voulu la patrie.

Enfin, et j'en aurai terminé, je souhaite attirer l'attention de votre gouvernement et de mes collègues sur les changements en cours dans cette région de l'océan Indien, devenu aussi centre de gravité de l'islam. L'importance et la signification de ces changements n'ont pu échapper à votre attention et vous ne pouvez donc ignorer le trouble et les interrogations que suscitent, notamment chez nos partenaires comoriens, les actions que je viens de décrire. Celles-ci sont de nature à compromettre le rôle de la Réunion dans toutes les actions de codéveloppement auxquelles nous participons en notre qualité de collectivité de la République présente dans la zone sud-ouest de l'océan Indien et qui fait de nous une frontière active de l'Union européenne dans cette région en plein devenir.

Plus encore que les faits, la géographie est têtue et je suis persuadée que, face à la carte de notre région, il paraîtra évident à chacun que l'avenir de ces îles ne peut s'envisager dans une exclusion vécue comme un véritable apartheid socio-économique.

La seule réponse durable est la mise en oeuvre d'une ambitieuse politique de coopération et de développement. En ce sens, la France se doit d'être exemplaire.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Il est regrettable, monsieur le ministre, que l'outre-mer trouve sa place dans cette législature à travers un texte répressif sur la maîtrise de l'immigration. Nous aurions pu espérer, au début de ce xxie siècle, que votre gouvernement nous propose une loi d'ensemble pour l'outre-mer et une vision prospective de l'évolution des relations entre nos territoires ultramarins et la métropole.

Alors que nous attendons en vain que vous inscriviez à l'ordre du jour des assemblées la révision constitutionnelle concernant le corps électoral de la Nouvelle-Calédonie pour une juste application des accords de 1998, c'est donc seulement sous l'angle du contrôle de l'immigration que vous abordez le sort de ces terres si liées à notre histoire et baignant dans un environnement régional très particulier.

Nous ne pouvons que reconnaître les problèmes spécifiques et difficiles que pose à nos concitoyens d'outre-mer une immigration nombreuse de proximité, dans des départements qui connaissent par ailleurs des difficultés considérables et où se manifestent encore de très grandes inégalités économiques, sociales et culturelles.

En aucun cas la spécificité du problème de l'immigration outre-mer ne peut servir d'alibi à une politique exclusivement répressive de l'immigration dans notre pays : traitez le sujet outre-mer, mais n'en faites pas un point d'entrée pour votre politique contre l'immigration, monsieur le ministre !

Faut-il le rappeler ici, les droits de l'homme, avec les garanties qui s'y attachent, doivent faire l'objet du même respect outre-mer que sur l'ensemble de notre territoire.

Enfin, monsieur le ministre, nous attendons de voir quelles initiatives votre gouvernement prendra pour mettre en oeuvre de vraies politiques de codéveloppement avec les pays des régions où se trouvent les territoires pour lesquels vous nous proposez ces nouvelles dispositions, et je pense à la Guyane, à la Guadeloupe, à Mayotte et à La Réunion.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Je tiens à répondre à ces trois interventions, d'abord par respect, puis parce qu'il s'est dit des choses importantes, avec cependant parfois, en particulier dans la bouche de Mme Hoarau, des mots qui, sans doute, dépassaient la pensée.

L'intervention de Mme Michaux-Chevry a, évidemment, été très pertinente : sa qualité d'élue locale lui donne une approche précise de la réalité de la situation de l'archipel guadeloupéen, dans lequel nous étions ensemble il y a peu.

Je ne parle pas là de Saint-Martin, mais je fais allusion au climat général lié à l'instabilité de la situation haïtienne, à l'état d'esprit et à la mentalité qui se développent en Guadeloupe, et donc, justement, à l'urgente nécessité qu'il y a d'adapter, au nom des valeurs qui nous rassemblent et qui sont celles de la République, notre dispositif juridique et législatif pour faire entendre le vrai message quant à ce que la France peut offrir.

Ce vrai message, c'est que nous ne sommes en mesure d'accueillir que celles et ceux qui pourront rester sur notre territoire dans des conditions humainement décentes, économiquement viables et permettant à chacun de s'intégrer, car nous ne sommes pas en situation, sur une île où la densité dépasse 480 habitants au kilomètre carré, d'ouvrir des perspectives heureuses à nos amis haïtiens, qui eux-mêmes s'interrogent sur leur propre destinée.

Cela me permet de rebondir sur les propos de Mme Tasca, car cela va effectivement de pair avec une politique diplomatique vigoureuse et, naturellement, avec des accords de codéveloppement. Le secrétaire général du comité interministériel de contrôle de l'immigration se rendra d'ailleurs d'ici peu sur l'archipel guadeloupéen et en Haïti pour discuter avec les autorités locales des modalités d'application de coopérations, aussi bien au niveau de l'État qu'en liaison avec les collectivités territoriales disposant des moyens nécessaires, afin de financer des échanges, des projets, des établissements scolaires ou, selon les besoins, des dispensaires.

Madame Tasca, vous avez abordé de manière un peu elliptique la question de la définition du corps électoral pouvant participer aux élections des assemblées délibérantes en Nouvelle-Calédonie. Vous le savez, le projet de loi a été présenté en conseil des ministres et approuvé, et des rapporteurs vont être désignés.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Un engagement a été pris par le Président de la République de régler cette question, importante, avant l'échéance de son mandat présidentiel ; il sera tenu : la balle sera sous peu dans le camp des parlementaires.

Par ailleurs, madame Tasca, vous nous reprochez de n'avoir abordé l'outre-mer que par le biais de ce projet de loi relatif à l'immigration. Je vous engage à considérer, avec peut-être un peu plus d'objectivité, tout ce qui a été fait depuis un an pour replacer - « replacer », c'est vrai - l'outre-mer dans les débats nationaux.

À cet égard, l'immigration est un sujet qui justifie pleinement, dans un profond respect du pacte républicain, un accompagnement de la part des pouvoirs publics de nos compatriotes ultramarins pour leur donner les moyens de vivre ensemble.

Quant à nos autres actions, elles sont conformes à la feuille de route tracée pour atteindre l'objectif, fixé par le Président de la République, de rattrapage économique : application de la loi de programmation au travers de la loi de finances de 2006, politique de continuité territoriale avec une évolution de la politique des transports, ou encore politique du logement social.

Dans ce dernier domaine, pour combler le retard de 15 000 logements sociaux en outre-mer, je souhaite proposer dans les prochaines semaines un dispositif de rattrapage prévoyant un doublement des constructions ; cet effort s'échelonnera sur les trois ans qui viennent afin d'offrir, notamment aux populations jeunes, des logements abordables.

S'agissant des « grands mots », droits de l'homme et respect des principes républicains, ce n'est pas à moi qu'il faut adresser des reproches, et certainement pas sous cette forme !

S'il y a eu une révision constitutionnelle en 2003, permettez-moi de vous le rappeler, c'est précisément pour que les adaptations nécessaires à nos départements d'outre-mer soient fonction de leurs « contraintes particulières » et pour assurer aux collectivités d'outre-mer un statut qui tienne compte « des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République ». Je vous renvoie ici aux articles 73 et 74 de notre Constitution, articles qui font pleinement partie de notre loi fondamentale et qui ne sauraient donc, que cela soit dit une fois pour toutes, contredire le Préambule dont chacun sait qu'il a lui-même intégré les droits et principes proclamés dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 !

Madame Hoarau, nous nous connaissons depuis un certain temps et j'ai de l'estime pour votre qualité d'élue locale ; je regrette que votre appartenance au groupe communiste vous amène à réciter mécaniquement - permettez-moi, sans être désobligeant à votre égard, d'utiliser cette expression, car c'est bien ce que j'ai ressenti - la logorrhée traditionnelle en ignorant la réalité du terrain.

Protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Vous parlez d'inhumanité, de rafles, d'apartheid, de censure, même.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Vous qui venez d'un département qui n'est pas si éloigné de Mayotte, dites-moi ce qui est le plus inhumain : les mesures proposées par le Gouvernement ou les corps de clandestins qui s'échouent sur les côtes mahoraises ?

Est-il plus inhumain de continuer à admettre que, sur une île grande comme l'île d'Oléron, on puisse compter 30 % ou 40 % de clandestins ou de dire, de façon ferme et définitive, à nos amis comoriens que cela ne sera plus comme avant, notamment afin d'éviter que des femmes mahoraises - françaises - ne se rassemblent devant les écoles pour dénoncer la scolarisation des enfants de femmes clandestines ?

N'est-il pas inhumain que 80 % des femmes enceintes viennent d'Anjouan, de Mohéli ou de la Grande Comore accoucher à Mayotte après avoir pris des risques insensés pour leur propre vie et en ayant comme seule perspective la clandestinité, avec la menace, en effet, de se voir dénoncées par ceux qui les ont employées, un peu à titre de revanche de l'histoire ?

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Qu'est-ce qui est inhumain, madame Hoarau ? Ne rien faire, ne rien dire, comme beaucoup d'entre vous, ou, au contraire, ouvrir les yeux, regarder la réalité en face, l'accepter et prendre, dans le cadre de notre pacte républicain, les mesures adéquates afin, par exemple, que la maternité de Mamoudzou ne soit plus la plus active de France ou qu'il n'y ait plus chaque année 8 000 personnes reconduites à la frontière entre Mayotte et les Comores, ce qui représente une reconduite à la frontière sur quatre dans les statistiques nationales présentées par le ministère de l'intérieur ?

Ce sont en effet des choix politiques qui s'opposent au « prêt-à-penser » traditionnel récité depuis cinquante ans et qui visent à l'adaptation de nos politiques, dans le cadre de notre pacte républicain et dans la logique constitutionnelle de l'article 74, pour la collectivité de Mayotte, adaptation qui permettra d'offrir un message d'espérance à ceux qui, à travers Mayotte, voient dans la France un eldorado, un pays mythique.

Mayotte n'a pas les moyens d'absorber une telle immigration clandestine et des mesures doivent être prises. Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est celles qu'aujourd'hui le Gouvernement vous propose.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 266 est présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 459 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 266.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Comme vous l'avez remarqué, monsieur le ministre, à l'instar de nos collègues socialistes à l'Assemblée nationale, notre groupe a déposé peu d'amendements sur les dispositions relatives à l'outre-mer. J'ai eu l'occasion, dans la discussion générale, d'expliquer pourquoi et de dire que nous aurions préféré une autre démarche.

Trop souvent - et ce n'est pas de votre fait, monsieur le ministre, mais c'est le fait du Gouvernement -, la loi se réfère à l'outre-mer pour justifier un certain nombre de dispositions qui, si elles peuvent se comprendre outre-mer, ne sont pas transposables en métropole, vu le caractère tout à fait spécifique des régions où elles doivent s'appliquer. La mission que nous avons conduite était est tout à fait éclairante sur ce point : la situation en Guyane et à Saint-Martin n'est en rien comparable à la situation de la métropole.

Nous avons toutefois déposé un amendement de suppression de l'article 67, qui prévoit d'étendre à l'ensemble de la Guadeloupe la règle selon laquelle les recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière n'ont pas un caractère suspensif, règle actuellement applicable en Guyane et dans l'île de Saint-Martin.

Les contacts que nous avons pu avoir avec de nombreux magistrats de l'ordre administratif nous ont en effet convaincus de l'absence de nécessité de l'extension à l'ensemble de la Guadeloupe du caractère non suspensif des recours.

C'est d'autant plus inutile que notre arsenal juridique prévoit la possibilité d'un référé-suspension, et je parle là sous le contrôle de notre collègue François-Noël Buffet, rapporteur du présent projet de loi comme de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine. Dès lors, du fait de la coexistence des deux mesures, on voit bien que la suppression du caractère suspensif du recours aura pour seul effet de permettre la publicité autour de cette procédure, ce qui nous semble relever de la même volonté de « faire du chiffre ».

Je crois que Georges Othily ne me démentirait pas si je disais que, pour le Gouvernement, obtenir des statistiques magnifiques et multiplier le nombre des reconduites à la frontière, notamment en Guyane, est relativement facile. La difficulté est de mesurer le nombre des retours, retours que l'éloignement, comme le disait hier, notre collègue Hugues Portelli, n'empêche pas.

Au surplus, et au-delà de notre désaccord de principe, nous estimons, comme nos collègues socialistes représentants de la Guadeloupe à l'Assemblée nationale, qui ont voté conte cette disposition, que la durée de cinq ans prévue est trop longue.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que la situation soit maintenue en l'état en Guadeloupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Gélita Hoarau, pour présenter l'amendement n° 459.

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

L'article 67 vise à étendre à l'ensemble de la Guadeloupe les délais dérogatoires de mise à exécution des mesures de reconduite à la frontière.

La procédure applicable en matière de contentieux des étrangers prévoit que le recours en annulation exercé contre l'arrêté de reconduite à la frontière présente un caractère suspensif. Il doit être présenté dans les quarante-huit heures suivant la notification de l'arrêté de reconduite à la frontière, le juge devant ensuite statuer dans les soixante-douze heures. Cela constitue la procédure « de droit commun ».

Je mets des guillemets, car le contentieux des étrangers déroge déjà à la procédure administrative de droit commun en matière de recours contentieux.

Le législateur a fait le choix, depuis 1993, d'appliquer une procédure dérogatoire à cette procédure « de droit commun » sur les territoires des quatre départements d'outre-mer, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion, ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Depuis 2003, seule la commune de Saint-Martin en Guadeloupe se voit soumise à ce régime dérogatoire. L'application d'un tel régime dérogatoire dans les DOM est justifiée par les gouvernements successifs du fait du nombre important d'étrangers en situation irrégulière dans ces départements.

Aujourd'hui, le Gouvernement entend étendre ce régime dérogatoire à l'ensemble du territoire guadeloupéen pour une durée de cinq ans. En prévoyant la possibilité d'une mise à exécution immédiate de l'arrêté de reconduite à la frontière et l'absence d'effet suspensif du recours en annulation contre cet arrêté, ce régime porte manifestement une atteinte grave aux droits de la défense et priverait un grand nombre d'étrangers d'un contrôle effectif d'atteintes portées à leurs droits fondamentaux.

C'est pourquoi nous contestons l'extension d'un tel régime à l'ensemble du territoire guadeloupéen, comme le prévoit l'article 67, article dont nous demandons par conséquent la suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ces deux amendements visent à supprimer l'article 67. Il est inutile de rappeler la situation que vivent nos territoires ultramarins en termes d'immigration irrégulière.

La commission d'enquête du Sénat et l'ensemble des collègues qui se sont rendus en Guyane, en Guadeloupe, à Saint-Martin, à Mayotte, ainsi qu'à Anjouan et en Grande Comore, ont pu constater la pression extrêmement forte que subissent les nationaux, et les mots sont bien faibles pour traduire la réalité.

Il est clair que la situation matérielle, y compris de ceux qui viennent sur ces territoires, n'est pas facile. Nous sommes d'accord pour l'entendre, mais ce n'est pas pour autant qu'il ne faut pas envoyer des messages clairs.

Chacun l'aura compris, il s'agit par cet article de supprimer, sur tout le territoire de la Guadeloupe, le caractère suspensif des recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière pendant une durée de cinq ans.

Je le rappelle, cette mesure a paru justifiée à la commission par l'importance de l'immigration clandestine dans le département de la Guadeloupe, où le nombre d'arrêtés exécutés a crû de plus de 15 % en un an.

Faut-il rappeler que ce dispositif est en vigueur en Guyane depuis 1993 et dans les communes de Saint-Martin ? Il a incontestablement permis de dissuader l'exercice de recours dilatoires devant la juridiction administrative.

Faut-il rappeler que l'absence d'effet suspensif ne remet pas en cause sur le plan juridique la possibilité pour le requérant de joindre à sa requête en annulation un recours en suspension d'exécution ou en référé-liberté ? Ces voies de droit sont parfaitement ouvertes. Ainsi, les droits du requérant, notamment les droits de la défense, sont parfaitement respectés.

Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques n° 266 et 459.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements. L'argumentation développée par M. le rapporteur est conforme à celle qui a nourri l'analyse du Gouvernement pour proposer la rédaction de l'article 67. L'objectif du texte est de faire en sorte qu'il y ait moins de clandestins.

Là-dessus, soit on s'en tient à une doctrine, soit on choisit ce qui marche. Nous avons expérimenté ce dispositif avec un certain succès - même si nous avons constaté une évolution inquiétante des flux migratoires en Guyane. Le parallélisme des formes nous amène à le proposer pour la Guadeloupe où, je l'évoquais tout à l'heure en répondant à Mme Michaux-Chevry, l'instabilité haïtienne pousse à un développement considérable de ces flux.

C'est la raison pour laquelle M. le ministre de l'intérieur a fixé des objectifs plus élevés en termes de reconduite à la frontière.

Dans la mesure où les amendements visent à supprimer l'article 67, le Gouvernement y est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 266 et 459.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Dire que votre réponse me surprend vous étonnerait, monsieur le ministre.

Je voudrais simplement dire à M. le rapporteur que, là encore, les choses sont claires. Nous avons fait ces constatations sur l'explosion des flux migratoires ensemble, pour moi, en Guyane, et, pour mes collègues, à Mayotte. Nous ne nions pas le caractère spécifique de l'importance des migrations de ce type pas plus que nous ne nions les difficultés qui en résultent ; nous l'avons même écrit dans la contribution publiée avec le rapport de la commission d'enquête sénatoriale.

C'est votre argumentation, mon cher collègue, qui ne peut que vous poser problème. Certes, notre collègue Jean-Claude Gaudin dit souvent qu'une argumentation peut le faire changer d'avis mais qu'elle ne peut pas faire changer son vote. Je le conçois. Je voudrais quand même, sans avoir d'illusion sur votre vote, vous mettre en garde : vous dites qu'on ne change pas un dispositif qui fonctionne. Mais précisément, s'il fonctionnait si bien que cela depuis 1993, en serions-nous encore là ? Ne pensez-vous pas qu'en treize ans le caractère bénéfique de la suppression du caractère suspensif du recours se serait traduit dans les faits ? Que cela permette d'augmenter le nombre des reconduites à la frontière et de publier des bilans chiffrés, nous n'en doutons pas un seul instant. Mais rien au-delà !

Compte tenu des caractéristiques géographiques de la Guyane, les coefficients de progression des reconduites à la frontière peuvent être tout à fait remarquables et permettre au ministre de l'intérieur de nous montrer l'efficacité dont il pense faire preuve.

Mais, monsieur le rapporteur, si l'on traverse le fleuve dans un sens, on peut le traverser de nouveau dans l'autre sens ! Voilà pourquoi la mesure a déjà montré ses limites puisqu'en treize ans, et je me fie à vos propos, on ne peut pas dire qu'elle ait réglé le problème de l'immigration.

Et ce piètre résultat est obtenu au prix d'une mesure administrative qui est juridiquement loin d'être idéale, puisqu'il s'agit de reconduire des personnes avant que leur recours ait été jugé. Sans doute cela a-t-il simplifié le problème des magistrats administratifs, mais il y a dans ce texte - nous aurons l'occasion d'en reparler à l'article 41 - une volonté de se diriger vers une justice d'abattage dans le domaine administratif qui nous prépare de véritables « Outreau administratifs ».

Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que les droits de la défense restent ouverts. Encore une chance que vous n'ayez pas pu tout supprimer ! Les procédures du référé-liberté et du référé-suspension ouvrent en effet une possibilité d'agir. Les demandeurs d'asile ont un délai de cinq jours pour déposer leur demande, mais peuvent être reconduits excessivement vite faute de caractère suspensif de la procédure. Cette discordance dans les délais est encore une raison supplémentaire pour que nous votions ces amendements, sans espérer toutefois vous avoir convaincu, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Lucette Michaux-Chevry

D'abord, la mesure qui a été appliquée à Saint-Martin a été efficace. Ce sont deux parlementaires de la Guadeloupe qui, à l'Assemblée nationale, ont demandé l'extension de ce texte à la totalité de leur département. Je m'étonne qu'une collègue de La Réunion prétende mieux apprécier que la légitime représentante du peuple guadeloupéen les mesures nécessaires pour la Guadeloupe !

Ensuite, s'agissant du codéveloppement, je suis extrêmement surprise de constater que beaucoup parlent de choses qu'ils méconnaissent.

La France est la première à intervenir financièrement en Haïti pour la défense des droits de l'homme, contre la politique américaine : elle pratique des vaccinations, des scolarisations et elle humanise les hôpitaux.

Je le dis haut et fort, il y a quatre ans que l'île de Montserrat est détruite de façon permanente par une irruption volcanique. Or le seul pays à être régulièrement présent et à apporter son soutien à ces populations abandonnées, c'est la France.

Donc, le codéveloppement, il existe. Mais il faudrait avoir le courage de dire qu'en Haïti le révérend père Jean-Bertrand Aristide, très soutenu par l'association France Libertés, a pris des mesures extrêmement graves, rétablissant le collier de l'esclave et faisant brûler des êtres humains. Alors, les populations prennent peur et se réfugient chez nous.

Je m'étonne que certains ici nous considèrent comme des mineurs, incapables de voir ce qui se passe dans nos régions. Serions-nous incapables de nous exprimer, de parler au nom des peuples que nous représentons ici légitimement ?

Je maintiens que les mesures proposées par le Gouvernement ne sont même pas suffisantes, compte tenu de la gravité de la situation dans les régions d'outre-mer, qui risquent une véritable déstabilisation.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 67 est adopté.

Dans la première phrase de l'article L. 532-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots : « à destination » sont insérés les mots : « du Venezuela, ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 460, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Cette même phrase est complétée par les mots : «, sauf s'ils demandent l'asile pour des raisons politiques ou humanitaires ».

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. J'espère que Mme Michaux-Chevry me permettra de parler des départements et territoires d'outre-mer, même si je vis en métropole. Je trouve qu'elle a tenu des propos un peu outranciers.

Mme Michaux-Chevry proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L'article 68 autorise l'éloignement d'office des membres d'équipage vénézuéliens se livrant à des activités de pêche illicite en Guyane.

La loi de novembre 2003 donne déjà la possibilité à l'administration d'éloigner d'office les membres d'équipage brésiliens, surinamiens et guyaniens se livrant à des activités de pêche illicites dans les eaux de la Guyane.

Cela constitue une autre procédure dérogatoire applicable dans les DOM, en l'espèce en Guyane. Comme la précédente mesure dérogatoire, prévue à l'article 67, il est proposé ici d'étendre la procédure d'éloignement d'office aux membres d'équipage vénézueliens.

Afin d'éviter que ceux-ci ne fassent l'objet d'une telle procédure accélérée s'ils se trouvent dans une situation de demandeurs d'asile, nous vous proposons d'ajouter au texte de l'article 68 un cas d'exclusion du dispositif si ces pêcheurs demandent l'asile pour des raisons politiques ou humanitaires.

Nous souhaitons, avec cet amendement, que soit prise en compte la dimension humaine qui pourrait pousser des pêcheurs à fuir leur pays et à venir demander l'asile en Guyane.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Défavorable. La précision est inutile, les éloignements d'office ne pouvant intervenir qu'avec le consentement des personnes concernées. À défaut, la procédure normale s'applique.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

L'avis est également défavorable. À Mme Assassi, dont je me réjouis qu'elle participe à ce débat, je rappelle néanmoins que la révision constitutionnelle de 2003 a supprimé les territoires d'outre-mer. Il n'y a plus de TOM, madame le sénateur. Cette précision vous permettra de progresser dans votre connaissance de l'outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Notre collègue a parlé de l'outre-mer ! Ne prenez pas ce ton ! Restez membre du Gouvernement ! Nous ne sommes pas des élèves !

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 68 est adopté.

L'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Art. L. 561-2. - Sont applicables sur le territoire défini à l'article L. 111-3 les mesures d'interdiction du territoire prononcées par toute juridiction siégeant à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie ainsi que les mesures de reconduite à la frontière et d'expulsion prononcées par le représentant de l'État à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. » -

Adopté.

I. - L'article L. 611-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par les mots : « ainsi que sur la route nationale 2 sur le territoire des communes de Saint-Georges et de Régina ».

II. - Après le même article L. 611-10, il est inséré un article L. 611-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 611-11. - Pendant cinq ans à compter de la publication de la loi n° du relative à l'immigration et à l'intégration, les dispositions des articles L. 611-8 et L. 611-9 sont applicables, en Guadeloupe, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, ainsi que sur les routes nationales 1 et 4. »

III. - Après l'article 10-1 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, il est inséré un article 10-2 ainsi rédigé :

« Art. 10-2. - Pendant cinq ans à compter de la publication de la loi n° du relative à l'immigration et à l'intégration, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, les officiers de police judiciaire, assistés des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés respectivement à l'article 20 et au 1° de l'article 21 du code de procédure pénale, peuvent procéder, avec l'accord du conducteur ou, à défaut, sur instructions du procureur de la République, à la visite sommaire de tout véhicule circulant sur la voie publique, à l'exclusion des voitures particulières, en vue de rechercher et constater les infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte.

« Dans l'attente des instructions du procureur de la République, le véhicule peut être immobilisé pour une durée qui ne peut excéder huit heures.

« La visite prévue au premier alinéa, dont la durée est limitée au temps strictement nécessaire à la recherche et au constat des infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte, se déroule en présence du conducteur et donne lieu à l'établissement d'un procès-verbal mentionnant les dates et heures du début et de la fin des opérations. Un exemplaire de ce procès-verbal est remis au conducteur et un autre transmis sans délai au procureur de la République. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 461, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

L'article 70 étend à de nouvelles zones de la Guyane la possibilité de procéder à des visites sommaires de véhicules.

Il est également proposé d'instituer ces contrôles pour une durée de cinq ans, en Guadeloupe et à Mayotte. Au terme de ce délai, cette mesure deviendrait caduque sauf à être pérennisée par le législateur, comme l'ensemble des mesures temporaires prises en matière de procédure pénale.

Initialement, les véhicules pouvaient être immobilisés pour une durée ne pouvant dépasser quatre heures, ce qui constituait déjà un régime dérogatoire par rapport à celui qui est prévu par le code de procédure pénale en matière de fouille de véhicules.

À titre d'exemple, en matière de prévention d'une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens, le véhicule peut être immobilisé pour une durée qui ne peut excéder trente minutes, dans l'attente des instructions du procureur de la République.

Toutefois, sur l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale, il a été décidé d'aggraver ce régime dérogatoire afin de porter la durée maximale d'immobilisation du véhicule à huit heures au lieu de quatre.

Cette durée semble exorbitante eu égard à la gravité des infractions recherchées. De fait, il est difficilement acceptable d'étendre l'application, à titre temporaire, d'un tel régime dérogatoire au droit commun en Guadeloupe et à Mayotte.

Telles sont les raisons pour lesquelles il nous paraît nécessaire de supprimer l'article 70.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 91 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Compléter le I de cet article par les mots :

«, et sur la départementale 6 et la nationale 2 sur la commune de Roura »

La parole est à M. Georges Othily

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Le territoire de la commune de Roura est un point de passage obligé vers Cayenne pour les étrangers en situation irrégulière en provenance de l'est de la Guyane, c'est-à-dire du Brésil.

La commune de Roura étant située dans bande comprise entre le littoral et vingt kilomètres en deçà, les contrôles d'identité prévus à l'article 78- 2 du code de procédure pénale sont applicables sur une partie de sont territoire. En revanche, les dispositions concernant les visites sommaires des véhicules ne lui sont pas applicables.

Le présent amendement vise à compléter le dispositif prévu à l'article 70 du projet de loi en étendant le périmètre de visite sommaire des véhicules en Guyane, tel qu'il est prévu à l'article L. 611- 10 du CESEDA, sur la départementale 6 et la nationale 2 sur la commune de Roura en direction de Cayenne.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

S'agissant de l'amendement n° 461 qui tend à supprimer l'article 70, la commission y est défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 91 rectifié, je rappelle que l'article 70 prévoit déjà d'étendre à d'autres parties du territoire de la Guyane la possibilité de procéder à des visites sommaires de véhicules. Notre ami Georges Othily connaît bien la situation qui prévaut en Guyane. Dès lors, la précision qu'il apporte à travers cet amendement est tout à fait judicieuse et la commission y est, bien entendu, favorable.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Je partage l'avis exprimé par M. le rapporteur sur ces deux amendements.

Je rappellerai simplement, en ce qui concerne l'amendement n° 461, que le Conseil constitutionnel n'a pas déclaré inconstitutionnelle l'adoption de mesures similaires pour la Guyane.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

En revanche, comme M. le rapporteur, il est favorable à l'amendement n° 91 rectifié.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 70 est adopté.

I. - Après l'article L. 622- 9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 622- 10 ainsi rédigé :

« Art. L. 622- 10. - I. - En Guyane, le procureur de la République peut ordonner la destruction des embarcations fluviales non immatriculées qui ont servi à commettre les infractions visées aux articles L. 622- 1 et L. 622- 2, constatées par procès-verbal, lorsqu'il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions.

« II. - En Guadeloupe et en Guyane, le procureur de la République peut ordonner l'immobilisation des véhicules terrestres qui ont servi à commettre les infractions visées aux articles L. 622- 1 et L. 622- 2, constatées par procès-verbal, par la neutralisation de tout moyen indispensable au fonctionnement du véhicule, lorsqu'il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions. »

II. - Après l'article 29- 2 de l'ordonnance n° 2000- 373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, il est inséré un article 29- 3 ainsi rédigé :

« Art. 29- 3. - Le procureur de la République peut ordonner l'immobilisation des véhicules terrestres qui ont servi à commettre les infractions visées au I de l'article 28, constatées par procès-verbal, par la neutralisation de tout moyen indispensable au fonctionnement du véhicule, lorsqu'il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 500, présenté par Mmes Boumediene- Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Les dispositions contenues dans cet article ne nous semblent absolument pas acceptables.

En effet, au motif de lutter efficacement contre l'immigration clandestine, elles pérennisent la volonté du Gouvernement d'étendre un régime dérogatoire au droit commun à toutes les collectivités ultramarines.

Or le régime de ces « destructions » et « neutralisations » des moyens de transport ne présente pas de garanties juridiques suffisantes, puisqu'elles s'effectuent en l'absence de tout jugement, dans des conditions qui ne sont pas clairement définies, alors que des saisies ou des immobilisations sont d'ores et déjà possibles.

À cet égard, le code de procédure pénale prévoit, depuis 1993, la possibilité de procéder à des contrôles dits frontaliers, dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les États parties à la convention de Schengen, et une ligne tracée en deçà de vingt kilomètres, ainsi que dans tous les ports, gares et aéroports ouverts au trafic international. Par conséquent, les espaces que nous visons dans cet amendement sont de fait inclus et régis par ces dispositions du code de procédure pénale.

J'ajoute que, dans ces zones, les contrôles n'ont pas besoin d'être motivés. Les agents peuvent procéder à la visite sommaire des véhicules circulant sur la voie publique et les immobiliser pendant une durée de quatre heures au plus.

Cette possibilité a, d'abord, été étendue au territoire de la Guyane, le Gouvernement envisageant de l'élargir aux « zones frontalières ». En outre, le présent projet de loi prévoit également l'application de cette mesure en Guadeloupe « dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, ainsi que sur les routes nationales 1 et 4 ».

Par ailleurs, il est prévu d'étendre les contrôles d'identité frontaliers ainsi que l'immobilisation des véhicules, selon des dispositifs analogues, au territoire de Mayotte.

Notons, au passage, qu'à Mayotte il est envisagé de porter à huit heures - au lieu de quatre heures, comme le prévoit le code de procédure pénale - le temps maximal pendant lequel une personne peut être, arbitrairement, retenue afin que son identité puisse être vérifiée, son véhicule étant dès lors immobilisé. Or rien ne justifie une telle dérogation au code de procédure pénale.

De surplus, le projet de loi prévoit une nouvelle disposition permettant au procureur de la République d'ordonner, sur le territoire de la Guyane, la destruction des embarcations fluviales non immatriculées ayant servi à commettre des infractions en matière d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers des étrangers. Ces infractions devront avoir été constatées par procès-verbal.

Quant à la destruction de ces embarcations, elle est soumise à une autre condition, à savoir qu'« il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions ». Or nous ne voyons pas très bien comment cette condition pourra être appréciée et l'on peut, dès lors, imaginer que ces embarcations seront quasi systématiquement détruites.

De la même façon, en Guadeloupe, en Guyane et à Mayotte, le procureur de la République, qui, là encore, agira sans décision du juge, pourra immobiliser les véhicules terrestres « par la neutralisation de tout moyen indispensable au fonctionnement du véhicule ». On retrouve là la condition même qui est exigée pour la destruction des embarcations. En effet, la « neutralisation » du véhicule doit être entendue comme sa destruction, si l'on s'en tient au commentaire de la disposition figurant dans le projet du 9 février. Ce qui est gênant pour un État de droit comme le nôtre, c'est que tout cela se passe sans intervention du juge, et cela n'est pas acceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 90 rectifié bis, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

I - Dans le II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 622- 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots :

« véhicules terrestres »

insérer les mots :

«, des aéronefs »

II - En conséquence, procéder à la même insertion dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article 29- 3 de l'ordonnance n° 2000- 373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte.

L'amendement n° 93 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - En Guyane, les agents des sociétés de transports non urbains de voyageurs sont habilités à demander la production d'un titre d'identité ou d'un titre de séjour régulier lors de l'embarquement des passagers du départ d'une commune frontalière. Ils peuvent refuser d'embarquer les personnes qui ne peuvent ou qui refusent de produire un tel titre. »

La parole est à M. Georges Othily, pour défendre ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

L'amendement n° 90 rectifié bis vise à permettre l'immobilisation des aéronefs en Guyane, et leur destruction.

En effet, ces appareils peuvent être utilisés par des filières clandestines, de mieux en mieux organisées et équipées pour le transport des étrangers en situation irrégulière à l'intérieur de la forêt guyanaise.

J'observe simplement - et je tiens à en vous faire part, mes chers collègues - que la destruction du matériel servant à ce transport est une nécessité, compte tenu du pillage de l'or de la Guyane, qui est notre richesse, et dont nous ne savons d'ailleurs pas précisément aujourd'hui sur combien de tonnes il porte.

S'agissant de l'amendement n° 93 rectifié, il tend à habiliter les agents des sociétés de transports non urbains de voyageurs à exiger la production de titres d'identité ou de séjour régulier, afin d'éviter l'embarquement, dans les cars partant de la zone frontalière, d'étrangers en situation irrégulière.

Ce dispositif ne soulève d'ailleurs pas de problème de nature juridique, dès lors que les compagnies aériennes peuvent procéder à de tels contrôles et que la Guyane connaît déjà des règles dérogatoires en matière de contrôle des véhicules et de l'identité des personnes dans la bande littorale ou frontalière des vingt kilomètres, dispositif validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 97- 389 du 22 avril 1997.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Sur l'amendement n° 500, qui vise à supprimer la possibilité d'immobilisation et de destruction des embarcations et des véhicules ayant servi à commettre des infractions à l'aide à l'entrée et au séjour des étrangers, la commission est évidemment défavorable. En effet, le dispositif prévu dans le projet de loi est absolument nécessaire pour lutter contre l'immigration clandestine ; il suffit pour s'en convaincre de voir comment les kwasa kwasa, dont les propriétaires font payer très cher le passage vers Mayotte, servent à alimenter les filières d'immigration ; leur destruction est évidemment nécessaire.

Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 500.

Pour ce qui est de l'amendement n° 90 rectifié bis, il ne vise que les aéronefs. La commission n'ayant pas été saisie de cette rectification, je ne puis émettre un avis favorable qu'à titre personnel, sous réserve d'une amélioration syntaxique : il serait sans doute souhaitable que M. Othily ajoute le mot « et », avant les mots « des aéronefs ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis donc saisi d'un amendement n° 90 rectifié ter, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, et ainsi libellé :

I - Dans le II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 622- 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots :

« véhicules terrestres »

insérer les mots :

« et des aéronefs »

II - En conséquence, procéder à la même insertion dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article 29- 3 de l'ordonnance n° 2000- 373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Pardonnez-moi, monsieur Othily, mais il conviendrait également de modifier l'amendement n° 93 rectifié pour remplacer les mots : « du départ » par les mots : « au départ ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis donc saisi d'un amendement n° 93 rectifié bis, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, et ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - En Guyane, les agents des sociétés de transports non urbains de voyageurs sont habilités à demander la production d'un titre d'identité ou d'un titre de séjour régulier lors de l'embarquement des passagers au départ d'une commune frontalière. Ils peuvent refuser d'embarquer les personnes qui ne peuvent ou qui refusent de produire un tel titre. »

Veuillez poursuivre et achever votre propos, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je dois à la vérité de dire que la commission s'est longuement interrogée sur ce dispositif et souhaite connaître la position du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Je dirai, tout d'abord, que le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 500 dans la mesure où la neutralisation des embarcations fluviales, dont la pertinence a été évoquée par M. le rapporteur, a pour but d'empêcher la récidive, ce qui, précisément, est notre cible.

Sans qu'il soit ici question de destruction automatique et irréversible, cette disposition est de nature, madame la sénatrice, à faciliter grandement le travail des forces de l'ordre sur le terrain.

Quant à l'amendement n° 90 rectifié ter, le Gouvernement y est favorable en ce qu'il tend à compléter le dispositif existant et à renforcer les contrôles terrestres. Il s'agit donc là d'un élément tout à fait positif qui va dans la bonne direction.

Enfin, s'agissant de l'amendement n° 93 rectifié bis, le Gouvernement y est également favorable, monsieur le rapporteur, dans la mesure où il s'agit non pas d'habiliter les conducteurs de bus à procéder à des contrôles d'identité, mais de rendre plus difficiles à un étranger en situation irrégulière la circulation et l'accès aux centres urbains en Guyane. Dans cet esprit, et dans cet esprit seulement, le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quel est maintenant l'avis de la commission sur l'amendement n° 93 rectifié bis ?

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 93 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Nous nous prononcerons contre cet amendement.

En effet, s'il convient de tenir compte de la situation particulière à la Guyane, il reste que la mesure contenue dans cet amendement nous paraît par trop extensive concernant les personnes habilitées à procéder aux contrôles d'identité.

À l'heure actuelle, ne peuvent procéder à un contrôle de titre de séjour que les officiers de contrôle judiciaire, les OPJ, ainsi que les agents de police judiciaire sur ordre ou sous le contrôle d'un OPJ, alors qu'un agent des transports publics est simplement habilité à contrôler l'identité, ce qui, en soi, n'a rien de choquant.

En revanche, cet agent des transports publics n'étant pas un fonctionnaire auxiliaire de police, il n'a pas pour mission de contrôler la validité des titres de séjour. S'il en vient à constater un flagrant délit après avoir effectué un contrôle d'identité, il a toujours la possibilité de retenir la personne et d'appeler un officier de police judiciaire.

La mesure qui nous est ici proposée nous paraît donc trop extensive.

Loin de nous l'idée de remettre en cause la nécessité de prévoir des instruments particuliers pour la Guyane. Cela étant dit, nous ne pouvons accepter que les agents des transports publics soient transformés en auxiliaires de police, en l'occurrence en auxiliaires de la police de l'immigration, car telle n'est pas leur mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Contrairement à M. Frimat, je voterai cet amendement. En effet, mes chers collègues, celui-ci tend à introduire une disposition qui est tout à fait naturelle, dans la mesure où elle trouve déjà à s'appliquer : quand vous vous rendez dans un pays qui exige l'obtention d'un visa, vous devez montrer celui-ci au personnel de l'agence de voyages, sinon vous n'obtenez pas de billet. Si vous voulez prendre l'avion, vous devez préalablement montrer votre passeport ou votre carte d'identité.

Mes chers collègues, quand vous achetez un billet d'avion, vous devez prouver que vous êtes habilité à voyager vers votre pays de destination. Cela me paraît tellement naturel que je ne vois pas pourquoi on soulève une difficulté là où il n'y en a pas, d'autant moins qu'il existe une immigration clandestine massive en Guyane et que l'on veut la combattre.

Si nous voulons affronter cette immigration clandestine, encore faut-il nous en donner les moyens. Or, mes chers collègues, il ne s'agit pas là d'une mesure d'exception, mais d'une pratique courante.

Dès lors, pourquoi ne pas appliquer cette mesure là où elle est nécessaire ? C'est pourquoi j'appuierai cet amendement, comme d'ailleurs je l'ai déjà fait en commission, avant même de connaître l'avis du Gouvernement.

L'amendement est adopté.

L'article 71 est adopté.

L'article L. 831-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 831-2. - L'autorisation de travail accordée à l'étranger sous la forme d'une des cartes mentionnées à la sous-section 6 de la section 2 du chapitre III du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou du chapitre IV du même titre est limitée au département dans lequel elle a été délivrée. Elle lui confère le droit d'exercer, sur le territoire du département, toute activité professionnelle salariée de son choix dans le cadre de la législation en vigueur. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 462, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Notre amendement vise à supprimer l'article 72 du projet de loi. En effet, celui-ci limiterait considérablement la liberté de circulation dans les départements d'outre-mer, en obligeant les détenteurs de la carte de résident et de séjour temporaire « vie privée ou familiale » à travailler uniquement dans le département où l'une de ces cartes leur aurait été délivrée.

Nous ne comprenons pas pourquoi il existerait des normes particulières pour un travailleur détenant ce type de cartes de résident ou de séjour temporaire : si celui-ci trouve un travail en dehors des départements d'outre-mer, par exemple en métropole, ces nouvelles dispositions ne lui permettront pas d'aller y exercer son activité professionnelle !

Pourquoi imposer une telle interdiction de circuler à un étranger qui possède une autorisation de travail ?

Cette disposition pose en fait un problème d'égalité. Pourtant, aux dires de nos collègues rapporteurs de la commission des lois et de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, il y a aucune raison de considérer que les cartes délivrées dans les DOM sont des « sous-titres » ouvrant des droits inférieurs à ceux qui sont alloués en métropole.

Monsieur le ministre, nous avons la fâcheuse impression que les départements d'outre-mer ne sont pas traités de la même façon que ceux de la métropole. En l'occurrence, pourquoi cet article institue-t-il un traitement différent dans les départements d'outre-mer ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cet amendement est d'abord un amendement de suppression, auquel par conséquent la commission ne peut être favorable.

Sur le fond, nous étendons - faut-il le rappeler ? - à la carte « vie privée et familiale » le dispositif qui existe déjà pour la carte de résident. Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Le Gouvernement a la même position et il émet le même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 72 est adopté.

La dernière phrase du premier alinéa de l'article 10 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 précitée est complétée par les mots : « ou qui, ayant été contrôlés à l'occasion du franchissement de la frontière, ne remplissent pas les conditions prévues à l'article 4 ». -

Adopté.

Il est créé une commission chargée d'apprécier l'application de la politique de régulation des flux migratoires, et les conditions d'immigration en Guadeloupe et à la Martinique. Cette commission, qui portera le nom : « Observatoire de l'immigration », proposera les mesures d'adaptation nécessaires.

L'observatoire comprend des parlementaires, des représentants de l'État et des collectivités territoriales ainsi que des acteurs socio-économiques de la Guadeloupe et de la Martinique.

La première réunion de cette commission est convoquée au plus tard six mois après la publication de la présente loi.

« Un décret pris dès la publication de la présente loi fixe les modalités d'organisation et de fonctionnement de cette commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 69 rectifié, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

I. Après l'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 111-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 111-11. - En Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à La Réunion, un observatoire de l'immigration évalue l'application de la politique de régulation des flux migratoires et les conditions d'immigration dans chacun de ces départements d'outre-mer.

« Chaque observatoire peut proposer au Gouvernement les mesures d'adaptation rendues nécessaires par les caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.

« Il comprend les parlementaires, des représentants de l'État et des collectivités territoriales ainsi que des acteurs socio-économiques du département d'outre-mer concerné. »

II. Les articles 93 et 94 de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité sont abrogés.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cet amendement a pour objet de donner davantage de lisibilité au dispositif prévu à l'article 72 ter du projet de loi, qui crée un observatoire de l'immigration commun à la Guadeloupe et à la Martinique.

Tout en insérant cette disposition dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers, il tend, tout d'abord, à regrouper en un même article les observatoires existant en Guyane et à la Réunion et, ensuite, à créer deux observatoires qui seraient propres respectivement à la Guadeloupe et à la Martinique. Ceux-ci permettraient à la fois de faciliter la constitution et les réunions des commissions chargées d'apprécier les conditions d'immigration et de prendre en compte les spécificités de chacun des territoires concernés au regard de la pression migratoire.

Cet amendement a été rectifié pour tenir compte de la suppression de l'article 1er bis du projet de loi, qui prévoyait d'introduire un article L. 111-11 dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 94 rectifié bis, présenté par MM. Marsin, Othily et Barbier, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les commissions chargées d'apprécier les conditions d'immigration en Guyane, en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion sont consultées pour avis par la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour sur les demandes d'admission exceptionnelle au séjour formée par les étrangers qui justifient par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans et qui résident en Guyane, en Guadeloupe, en Martinique ou à la Réunion au moment où est effectuée cette demande.

La parole est à M. Georges Othily.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Compte tenu de la nature et de l'ampleur particulières de l'immigration dans les départements français d'outre-mer, le présent projet de loi crée des commissions chargées d'apprécier les conditions d'immigration en Guadeloupe et à la Martinique. Ces instances viennent s'ajouter à celles qui ont déjà été créées pour la Guyane et La Réunion par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. Le 31 janvier dernier, le préfet de Guyane a d'ailleurs installé l'une de ces nouvelles commissions dans son département.

En outre, le projet de loi prévoit qu'une commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour se prononcera sur les demandes d'admission exceptionnelle formées par les étrangers qui justifieront par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans.

Cet amendement vise à instaurer un passage préalable des demandes d'admission exceptionnelle au séjour devant les commissions chargées en Guyane, en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion d'apprécier les conditions d'immigration. Celles-ci rendraient un avis consultatif à la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour sur les demandes qui émaneraient d'étrangers résidant dans leurs départements.

Les commissions chargées d'apprécier les conditions d'immigration en Guyane, en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion rempliraient ainsi leur mission d'appréciation et pourraient éclairer la commission nationale grâce à leur expertise et leurs connaissances relatives à la situation très spécifique en matière d'immigration de ces territoires de la France d'outre-mer, d'autant que, je l'espère, des représentants de l'outre-mer siégeront dans ces commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je le rappelle, cet amendement vise à imposer la consultation préalable des observatoires de l'immigration en Guyane, en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion par la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour relativement aux demandes d'admission émanant d'étrangers résidant dans ces départements.

Or une telle consultation obligatoire, même si elle ne débouche que sur la formulation d'un avis simple, risque bien sûr d'allonger les délais d'examen des dossiers par la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.

En outre, je rappellerai que, pour des raisons d'efficacité et de rapidité, l'intervention des commissions départementales du titre de séjour a été supprimée en Guyane. Il serait donc peu cohérent de la part de la commission des lois d'instituer une telle saisine pour avis.

Enfin, les observatoires de l'immigration déjà créés ou prévus par cet article du projet de loi ont vocation à susciter des mesures d'adaptation du droit en vigueur dans les départements d'outre-mer, et non à traiter de cas individuels.

C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion commune ?

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

S'agissant de l'amendement n° 69 rectifié, qui tend à clarifier les modalités de la création et du fonctionnement des observatoires de l'immigration en Guadeloupe et en Martinique, le Gouvernement émet un avis favorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 94 rectifié bis, le Gouvernement en demande le retrait, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

En effet, si je comprends bien les préoccupations des auteurs de cet amendement, je ne parviens pas aux mêmes conclusions qu'eux. Je souscris aux arguments développés par M. le rapporteur, qui a souligné que, dans les départements d'outre-mer, les commissions chargées d'apprécier les conditions d'immigration doivent essentiellement réfléchir, et non traiter de cas individuels. Si M. Othily retirait cet amendement, cette position pourrait être partagée par tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Compte tenu de ces explications, puisque les commissions installées en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et à La Réunion, sont chargées de réfléchir et de porter une appréciation sur les phénomènes migratoires en général, je retire mon amendement, monsieur le président.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 88 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

En Guyane, pendant une période de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, le représentant de l'État, soit d'office, soit à la demande du maire, soit à la demande de l'organe exécutif d'une autre collectivité territoriale ou de l'établissement public concerné peut faire constater, par procès-verbal, l'implantation sur le domaine public ou le domaine privé de l'État, d'une collectivité territoriale ou de leurs établissements publics ou d'un établissement public de coopération intercommunale, de toute construction, même ne comportant pas de fondation, ou la réalisation de travaux à cette fin.

Lorsque la construction est implantée sur le domaine d'une collectivité territoriale ou de l'un de ses établissements publics, ou d'un établissement public de coopération intercommunale, le procès-verbal est aussitôt transmis, pour information, au maire de la commune intéressée et, le cas échéant, à l'organe exécutif de la collectivité territoriale ou de l'établissement public dont le domaine public ou privé est concerné.

Sur le fondement de ce procès-verbal et après mise en demeure notifiée par tout moyen restée sans résultat, le représentant de l'État prescrit, par arrêté, la destruction de la construction ou des éléments de construction, ainsi que la remise en état des lieux. Cet arrêté est aussitôt transmis, pour information, aux autorités mentionnées à l'alinéa précédent.

L'arrêté du représentant de l'État est transmis, aux fins d'homologation, au juge des référés administratifs. Celui-ci se prononce dans les cinq jours de sa saisine.

Dans le cas où la construction est utilisée pour l'habitation, l'arrêté mentionne les possibilités de relogement provisoires offertes aux occupants en attendant qu'il soit statué sur la régularité de leur situation sur le territoire national.

Le représentant de l'État ne peut recourir à l'exécution forcée pour l'application des dispositions du présent article qu'après la notification de la décision du juge des référés l'homologuant.

Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice de celles de l'article L. 173-4 du code forestier.

La parole est à M. Georges Othily.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Le présent amendement a pour objet de donner à l'État les moyens de lutter efficacement contre la prolifération incontrôlée et préoccupante en Guyane des constructions illicites réalisées par les immigrés en situation irrégulière sur les domaines public et privé de l'État et des collectivités territoriales.

Ce phénomène est en pleine croissance, en raison des flux migratoires et de la géographie du département. En Guyane, 8 000 constructions de ce type ont d'ores et déjà été recensées, auxquelles viennent s'ajouter chaque année au moins mille constructions supplémentaires.

De telles constructions illégales sont sources de désordres importants, qui dépassent largement la simple illégalité. En effet, réalisées en dehors de toute autorisation conforme aux règles d'urbanisme, elles ne répondent pas aux normes d'habitabilité en vigueur. Leur occupation porte ainsi préjudice à la salubrité publique et constitue une atteinte grave au respect de l'environnement. Elles sont d'ailleurs à l'origine d'importantes zones de déforestation.

Le régime très ancien, très particulier et très rigoureux de la domanialité publique est dominé par l'idée que le domaine est inaliénable et que l'administration doit exercer des pouvoirs très étendus pour en garantir l'intégrité. L'administration a ici une véritable obligation de résultat.

Quant au domaine privé des collectivités publiques, même s'il est en théorie soumis à un régime de droit privé, il n'en constitue pas moins un élément de la propriété publique, laquelle est protégée par la Constitution au même titre que la propriété privée.

Depuis l'incorporation de la charte de l'environnement de 2004 à la Constitution, la protection de l'environnement est un objectif de valeur constitutionnelle, tout comme, depuis déjà de nombreuses années, la protection de la santé publique. La protection de l'ordre public constitue, de même, une obligation constitutionnelle pour toutes les autorités publiques. Or, la situation que connaît la Guyane étant devenue intolérable, il convient d'y mettre fin.

Cet amendement tend donc à instaurer un dispositif adapté à la situation particulière de ce département, afin de permettre au représentant de l'État d'intervenir, soit d'office, soit à la demande du maire ou de l'organe exécutif d'une autre collectivité publique concernée, dès que l'implantation d'une construction contrevenant aux règles d'occupation des domaines privé et public de l'État est constatée.

L'arrêté du représentant de l'État ne pourrait entrer en vigueur qu'après son homologation par le juge administratif des référés. Cette procédure est très étroitement inspirée de celles qui sont déjà en vigueur pour les immeubles menaçant ruine.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cet amendement tend à prendre en compte la situation effectivement intolérable de la Guyane, où le domaine public de l'État, notamment le domaine forestier, fait l'objet de nombreuses appropriations privées, dans des conditions inacceptables.

Pour autant, la commission des lois est quelque peu réservée sur la procédure proposée, au regard des modalités d'intervention du contrôle juridictionnel. Celui-ci serait en effet du ressort du juge administratif des référés, dans le cadre d'une procédure d'homologation.

C'est pourquoi la commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Sur le fond, je ne suis pas en désaccord avec l'analyse de M. Othily. J'ai d'ailleurs engagé une réflexion sur ce problème, dont nous avons déjà discuté en Guyane.

Toutefois, un autre véhicule législatif est susceptible d'accueillir ces dispositions. Il s'agit du projet de loi organique portant diverses dispositions statuaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer. Je considère que ces dispositions trouveraient davantage leur place dans ce texte que dans la partie consacrée à l'outre-mer du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration.

Je suis tout à fait prêt à en discuter et à envisager des avancées législatives, mais pas dans le cadre du texte que nous examinons aujourd'hui.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Monsieur le président, j'accepte de retirer cet amendement. J'espère que le projet de loi organique, attendu depuis si longtemps, nous sera soumis avant la fin de l'année et que nous pourrons y intégrer la présente mesure. Cela permettra de régler les difficultés rencontrées non seulement par le préfet, mais aussi par les maires de toutes les communes de Guyane dans lesquelles s'installent, d'une manière insolente, ceux qui se dirigent prétendument vers l'« eldorado » de Manoa.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 88 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune, qui sont présentés par MM. Othily, Marsin et Barbier.

L'amendement n° 97 rectifié est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. L'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de la Guyane, les parents étrangers ne peuvent bénéficier des prestations familiales que s'ils justifient d'une résidence stable et régulière depuis au moins cinq ans. »

II. L'article L. 523-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de la Guyane, lorsque le père, la mère ou la personne physique qui assume la charge effective de l'enfant sont de nationalité étrangère, il ne peut bénéficier de l'allocation de soutien familial que s'il justifie d'une situation stable et régulière depuis au moins cinq ans. »

III. Avant le dernier alinéa de l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de la Guyane, l'allocation de parent isolé ne peut être attribuée que si son bénéficiaire réside de façon stable et régulière depuis au moins cinq ans. »

IV. L'article L. 531-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de la Guyane, le bénéfice de la prestation d'accueil du jeune enfant est subordonné pour les étrangers à une résidence stable et régulière depuis au moins cinq ans. »

V. Après le premier alinéa de l'article L. 161-2-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, dans le département de la Guyane et par dérogation à l'article L. 380-1, les personnes étrangères doivent justifier d'une résidence stable et régulière depuis au moins cinq ans pour bénéficier des dispositions de l'alinéa précédent. »

VI. L'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de la Guyane, les personnes de nationalité étrangère ne peuvent bénéficier des dispositions du présent article que si elles justifient d'une résidence stable et régulière depuis au moins cinq ans. »

VII. L'article L. 816-1 du code de la sécurité sociale n'est pas applicable au département de la Guyane.

VIII. Après le 4° de l'article L. 111-2 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de la Guyane, le bénéfice pour les personnes de nationalité étrangère des prestations visées par le 1°, le 2° et le 3° est subordonné à la justification d'une résidence stable et régulière sur le territoire. »

L'amendement n° 89 rectifié est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. L'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de la Guyane, les personnes de nationalité étrangère ne peuvent bénéficier des dispositions du présent article que si elles justifient d'une résidence stable et régulière. »

II. Après le quatrième alinéa de l'article L. 111-2 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de la Guyane, le bénéfice pour les personnes de nationalité étrangère des prestations visées par les 1°, 2° et 3° est subordonné à la justification d'une résidence stable et régulière sur le territoire. »

La parole est à M. Georges Othily.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

La protection sociale des individus résidant sur le sol de la Guyane s'apparente désormais à une aide au développement aux États voisins.

Par l'amendement n° 97 rectifié, nous souhaitons encadrer l'attribution des prestations sociales aux étrangers, lesquels devront justifier de conditions de séjour stables et régulières et d'une certaine durée pour bénéficier des prestations familiales et de la couverture maladie universelle.

Déjà, en 1993, le Conseil constitutionnel avait estimé que la situation juridique des étrangers et des nationaux différait. Dans la même décision, il avait rappelé que les étrangers jouissent des mêmes droits à la protection sociale que les nationaux, dès lors qu'ils résident de façon stable et régulière sur le territoire.

Le paragraphe VII de cet amendement tend à rendre inapplicable à la Guyane l'article 42 de la loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, lequel supprime la condition de résidence régulière pour bénéficier de l'allocation adulte handicapé et du minimum vieillesse.

L'amendement n° 89 rectifié a un objet similaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L'amendement n° 97 rectifié tend à prévoir des conditions spécifiques pour permettre aux étrangers de bénéficier en Guyane des prestations sociales suivantes : allocation de soutien familial, allocation de parent isolé, prestation d'accueil du jeune enfant, prestations en nature des assurances maladie et maternité, protection complémentaire en matière de santé.

Tout en reconnaissant l'effet attractif que peuvent exercer les prestations sociales offertes aux étrangers en Guyane, la commission estime que l'institution d'un régime dérogatoire sur ce territoire se heurte aux dispositions de l'article 73 de la Constitution. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n° 89 rectifié tend à instaurer, pour le seul département de la Guyane, une condition de résidence stable et régulière sur le territoire, qui sera opposable aux étrangers souhaitant bénéficier, d'une part, de la protection complémentaire en matière de santé et, d'autre part, des prestations de l'aide médicale de l'État, de l'aide sociale à l'enfance et de l'aide sociale en cas d'admission dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale.

S'agissant de la protection complémentaire en matière de santé, la commission estime qu'une telle condition de résidence est déjà satisfaite par les textes actuels, plus particulièrement par l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale. Il est donc inutile de l'exiger de nouveau.

Sur les autres prestations, la commission est bien consciente que l'existence d'un système de santé et d'accueil très développé en Guyane, par comparaison, évidemment, à celui qui peut exister au Surinam, au Guyana ou dans l'état brésilien frontalier d'Amapa, crée incontestablement un effet d'attraction sur les populations voisines de ce département.

Pour autant, au regard de l'article 73 de la Constitution relatif aux départements d'outre-mer, la commission s'interroge sur la possibilité de modifier, pour la seule Guyane, les conditions d'octroi de ces prestations aux étrangers. C'est pourquoi, tout en étant favorable à certaines différenciations entre le droit applicable en Guyane et en métropole, la commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, pour une raison essentielle : la Guyane étant un département d'outre-mer, c'est l'analyse de la commission sur l'interprétation de l'article 73 de la Constitution qui doit prévaloir.

Je précise néanmoins que nous publierons très prochainement un décret, dans lequel nous définirons de façon rigoureuse l'ensemble des prestations de sécurité sociale et les modalités d'appréciation du critère de stabilité de résidence, ce qui nous permettra de disposer d'un cadre juridique sûr et aisément applicable.

Au demeurant, au-delà même du risque d'inconstitutionnalité par rapport à l'article 73 de la Constitution, le fait d'exclure les étrangers en situation irrégulière du bénéfice de l'aide médicale de l'État aurait des conséquences négatives sur la situation sanitaire de la Guyane, qui doit d'ores et déjà bénéficier d'un rattrapage. J'ai d'ailleurs sollicité mon collègue ministre de la santé en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Les amendements n° 97 rectifié et 89 rectifié sont retirés.

L'amendement n° 92 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article ainsi rédigé :

I. - Après l'article L. 2561-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ...  : En Guyane, le maire de la commune sur laquelle réside un étranger demandant la délivrance d'un des titres de séjour définis par l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dont la durée est supérieure à six mois, est consulté par le préfet sur cette demande. L'avis du maire est réputé donné s'il n'est pas intervenu dans un délai de trente jours. Le maire est informé des décisions prises. »

II. - Après l'article L. 3444-7 du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... : En Guyane, le président du conseil général est consulté par le préfet sur la délivrance des titres de séjour définis par l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dont la durée est supérieure à six mois. L'avis est réputé donné s'il n'est pas intervenu dans un délai de trente jours. Le président du conseil général est informé des décisions prises. »

III. - Après l'article L. 4433-3-4 du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... : En Guyane, le président du conseil régional est consulté par le préfet sur la délivrance des titres de séjour définis par l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dont la durée est supérieure à six mois. L'avis est réputé donné s'il n'est pas intervenu dans un délai de trente jours. Le président du conseil régional est informé des décisions prises. »

La parole est à M. Georges Othily.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Afin de mieux répondre à la pression migratoire en Guyane, nous souhaitons instituer par cet amendement une procédure d'association des collectivités territoriales à l'exercice des compétences de l'État en matière d'immigration. Les dispositions proposées s'inspirent de l'article 34 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

Il est ainsi prévu de recueillir l'avis des exécutifs locaux sur la délivrance des cartes de séjour temporaire et des cartes de résident, ce qui se justifie compte tenu de leurs compétences respectives : les écoles pour les maires, les collèges pour les présidents des conseils généraux, les lycées et le développement économique pour les présidents des conseils régionaux.

Les dispositions du présent amendement s'appliquent également à l'autorisation de travail, celle-ci étant délivrée lors de l'attribution de la carte de séjour temporaire sous la forme de la mention « salarié » apposée sur cette carte.

D'une façon générale, lorsque le préfet délivre la carte de séjour et la carte d'autorisation de travailler, il y a un impact extrêmement important pour les finances de la commune, du conseil général et du conseil régional concernés. En effet, la personne à qui est délivré ce document devra obligatoirement faire scolariser ses enfants. Or une telle situation n'est pas prise en compte dans la fixation des dotations complémentaires versées aux exécutifs locaux, lesquelles sont calculées per capita.

C'est la raison pour laquelle il nous semble légitime de prévoir une consultation des élus locaux sur les conditions d'entrée, de séjour et de travail des étrangers dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission demande à notre collègue Georges Othily de bien vouloir retirer cet amendement. En Guyane, comme dans les autres départements français, le maire sera saisi pour avis par le préfet sur la délivrance des cartes de résident, en application de la nouvelle rédaction de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que nous avons adoptée à l'article 5 du présent projet de loi.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 92 rectifié est retiré.

L'amendement n° 256 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article 16-11 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé:

« Dans le cadre de la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité en Guyane, le juge peut demander à l'intéressé de se soumettre à un test génétique. Celui-ci peut refuser mais ce refus constitue une présomption de fraude. »

La parole est à M. Georges Othily.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Nous reprenons ici l'une des pistes évoquées par la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine dans son récent rapport. Il s'agit de renforcer le dispositif permettant de lutter contre les reconnaissances de paternité fictives et frauduleuses en Guyane.

Si le projet de loi consacre une partie de son chapitre II aux reconnaissances d'enfants frauduleuses à Mayotte, il ne propose pas de mesures spécifiques pour la Guyane, alors que la situation sur le terrain l'impose tout autant, comme l'a d'ailleurs rappelé la commission d'enquête.

C'est pourquoi nous proposons que, en Guyane, le refus de se soumettre à un test génétique visant à lutter contre la reconnaissance frauduleuse de paternité constitue une présomption de fraude, et j'insiste bien sur l'idée qu'il s'agit d'une présomption de fraude et non pas d'une fraude.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mon cher collègue, j'aimerais comprendre : une paternité peut être frauduleuse ; mais, si elle est frauduleuse, elle ne peut être fictive !

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Certes, mais cela n'empêche pas l'exigence d'un test génétique !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. Cette incertitude juridique me dépasse !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

M. Robert Bret. La Guyane est un cas très particulier, monsieur le président !

Nouveaux sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L'institution d'une règle spécifique en matière de reconnaissance de paternité en Guyane se heurte à l'obstacle que constitue l'article 73 de la Constitution, lequel ne permet pas d'envisager un tel dispositif dérogatoire pour un département d'outre-mer.

Par ailleurs, je tiens à préciser que, dans son rapport, la commission d'enquête n'avait pas émis de recommandations particulières sur ce point, en tout cas pas de façon très claire ni très nette.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Défavorable, pour les mêmes raisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 256 rectifié est retiré.

L'amendement n° 95 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans le département de la Guyane, sous réserve de l'application et de la réciprocité des engagements internationaux de la France, la nationalité française ne peut s'acquérir que par les voies suivantes :

1° La filiation ;

2° Le mariage ;

3° Une déclaration de nationalité ;

4° Une décision de l'autorité publique.

II. - L'article 21-7 et le premier alinéa de l'article 21-11 du code civil ne sont pas applicables au département de la Guyane.

III. - Après l'article 21-7 du code civil, il est inséré ainsi rédigé :

« Art. L. ... Tout enfant né en Guyane de parents étrangers ne pourra demander l'acquisition de la nationalité française que dans les trois années qui suivent sa majorité, si, à la date de sa demande, il a en France sa résidence principale, et s'il a eu sa résidence principale en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans depuis l'âge de onze ans.

« L'alinéa précédent ne s'applique qu'à la personne dont l'un des parents au moins a été en situation régulière au regard des lois et accords internationaux relatifs au séjour des étrangers en France pendant la période durant laquelle elle a eu sa résidence habituelle en France ».

IV. - L'article 21-12 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'alinéa précédent n'est applicable dans le département de la Guyane que sous réserve que soit apportée par la personne qui a accueilli l'enfant la justification d'une résidence stable et régulière à la date à laquelle l'enfant a été accueilli. »

V. - Pour l'application de l'article 21-2 du code civil au département de la Guyane, la dernière phrase du premier alinéa est complétée par les mots « et d'une résidence régulière sur le territoire de la République ».

VI. - Le 1° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable dans le département de la Guyane.

La parole est à M. Georges Othily.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Cet amendement vise à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française dans le département de la Guyane et à lutter contre les abus constatés. En effet, certaines personnes étrangères entrent irrégulièrement sur le territoire, simplement pour accoucher et bénéficier, par ricochet, des avantages liés au fait d'avoir un enfant né sur le sol français.

L'acquisition de la nationalité par la naissance sur le territoire de la République est non pas un principe constitutionnel, mais simplement une norme de rang législatif. Dans sa décision n° 93-325 du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel a énoncé que la pression migratoire particulièrement élevée que peuvent subir les départements d'outre-mer, combinée à leur éloignement, justifie à elle seule que le législateur ait la possibilité de prendre des mesures spécifiques.

Ainsi, dans le paragraphe I de cet amendement, nous définissons les modes d'acquisition de la nationalité française sur le territoire du département de la Guyane.

Le II vise à rendre inapplicable à la Guyane l'automaticité de l'acquisition de la nationalité française par la seule naissance sur le territoire du département.

Il y est substitué, dans le III, un dispositif parallèle et non automatique d'acquisition, qui s'appuie sur un acte de volonté et une condition de résidence. Cependant, les individus dont les deux parents auront été en situation irrégulière ne pourront y prétendre.

Dans le IV, nous subordonnons la possibilité offerte à un enfant recueilli en Guyane de réclamer la nationalité française au fait que la personne qui l'a élevé aura été en situation régulière.

Dans le VI, nous levons l'obstacle juridique qui empêche aujourd'hui la reconduite à la frontière des individus en situation irrégulière, ne vivant pas en état de polygamie et parents d'un enfant né sur le sol de la Guyane.

Avec ces propositions, il s'agit non pas de satisfaire l'intérêt propre de la Guyane, mais de tenir compte des particularités de ce territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quel est l'avis de la commission sur ces problèmes juridiques assez particuliers ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement, eu égard, encore une fois, à l'article 73 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

M. Robert Bret. Eh oui, monsieur Othily, vos propositions sont anticonstitutionnelles ! Le doyen Gélard le dirait mieux que personne !

Sourires

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Monsieur Othily, comme vous le savez très bien, c'est moi-même qui ai provoqué ce débat, en prenant position et en avançant des arguments qui ont permis d'éclairer l'opinion publique française sur la réalité de la situation en matière d'immigration irrégulière dans trois de nos territoires, à savoir la Guyane, la Guadeloupe et Mayotte.

Certes, nous pouvons avoir un débat de juristes sur l'application de l'article 74 de la Constitution relatif aux collectivités d'outre-mer. C'est d'ailleurs sur cet article que je me suis fondé pour ouvrir le débat de façon quelque peu spectaculaire. Pour autant, il n'en est pas de même à l'article 73 de la Constitution relatif aux départements d'outre-mer, pour lesquels nous disposons d'un cadre contraint, parfaitement défini par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Par conséquent, le Gouvernement partage la position de la commission sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Monsieur le président, je suis très content que le Gouvernement et la commission aient pu préciser leurs positions. En effet, nous savons tous désormais que l'article 73 de la Constitution ne permet pas un développement normal et harmonieux des départements d'outre-mer !

De surcroît, l'article 74 de la Constitution ne permet pas plus aux collectivités qu'il régit de sortir des règles définies dans le quatrième alinéa de l'article 73 de la Constitution, car il s'agit de pouvoirs de l'État auxquels il ne pourra pas être dérogé, sauf à réformer de nouveau la Constitution

Cela étant, je retire également cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n ° 95 rectifié est retiré.

L'amendement n° 96 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Il est inséré après le premier alinéa de l'article 47 du code civil un alinéa ainsi rédigé :

« Les documents d'état civil mentionnés à l'alinéa précédent font l'objet d'un contrôle de régularité, d'authentification et de vérification des faits qui y sont déclarés dès lors qu'ils sont établis en vue de déposer dans le département de la Guyane une demande d'acquisition de la nationalité française ou de titre de séjour ou qu'ils sont fournis à l'appui d'une demande de mariage. »

II. - Les articles 71 et 72 du code civil ne sont pas applicables au département de la Guyane.

III. L'article 21-13 du code civil n'est pas applicable au département de la Guyane.

IV. - La reconnaissance de filiation telle que prévue par le titre VII du Livre 1er du code civil ne peut être établie par acte de notoriété dans le département de la Guyane.

La parole est à M. Georges Othily.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

En raison des doutes, légitimes, pouvant naître sur l'état civil des étrangers en situation irrégulière, cet amendement formule un nouveau cadre pour la Guyane.

Afin de lutter contre la multiplication des mariages de complaisance en Guyane, le I de cet amendement oblige l'individu qui contracte mariage à résider de façon régulière pour prétendre obtenir la nationalité française.

Les III et IV empêchent l'acquisition de la nationalité par possession d'état ou acte de notoriété de la filiation.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cet amendement paraît à la commission tout à fait incompatible avec l'article 73 de la Constitution et, par ailleurs, l'article 47 du code civil fera l'objet d'une réforme dans le cadre du projet de loi sur la validité des mariages.

À cette occasion, il me semble qu'il sera possible d'en discuter. En conséquence, j'émets un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Même avis que la commission, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Non, je le retire, en relevant, encore une fois, l'inapplicabilité de l'article 73 de la Constitution quand il s'agit de faire évoluer des institutions outre-mer et singulièrement dans le département de la Guyane.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n ° 96 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 255 rectifié bis, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les étrangers ayant leur résidence régulière et stable sur le territoire de la Guyane depuis plus de dix ans sont régularisés.

La parole est à M. Georges Othily.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Cet amendement reprend une résolution du dernier congrès des élus de la Guyane qui, réuni le 30 mai 2006, a décidé de demander la régularisation des étrangers établis régulièrement sur le territoire guyanais depuis plus de dix ans.

Ils vont à l'école, ils ont leur maison, ils sont stables, ils sont réguliers. On a supprimé récemment la régularisation automatique mais certaines personnes, en Guyane, mériteraient d'être régularisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 253 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les étrangers qui, ne vivant pas en état de polygamie, justifient par tout moyen résider habituellement en Guyane depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, ils ont séjourné en qualité d'étudiant, obtiennent de plein droit une carte de séjour « vie privée et familiale » valable sur le seul territoire de la Guyane.

Cette carte est délivrée aux étrangers qui en font la demande avant le premier jour du sixième mois qui suit la promulgation de la présente loi.

La parole est à M. Georges Othily.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Il est proposé, par le présent amendement, d'accorder de plein droit aux étrangers pouvant justifier de dix années de résidence en Guyane, une carte de séjour « vie privée et familiale » valable sur le seul territoire de la Guyane, s'ils en font la demande dans les six mois qui suivent la promulgation de la loi.

Cette proposition répond ainsi au voeu du congrès des élus départementaux et régionaux de la Guyane réuni le 30 mai 2006.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Chacun aura compris, mon cher collègue, que vous vous faites ici le porte-parole des élus guyanais, ce qui peut expliquer le caractère quelque peu contradictoire de ces amendements-là par rapport à ceux que vous avez pu défendre précédemment.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission avait émis un avis défavorable sur l'amendement n° 255 rectifié avant qu'il ne soit rectifié bis, mais elle n'a pas été saisie de la nouvelle version.

Je vais donc vous communiquer un avis personnel : le projet de loi a supprimé la régularisation de dix ans et prévoit une procédure d'admission exceptionnelle au séjour. Je pense que, si des mesures doivent être prises, elles le seront dans le cadre de ce dispositif.

C'est la raison pour laquelle j'émettrai un avis défavorable sur cet amendement n °255 rectifié bis.

S'agissant de l'amendement n °253 rectifié, la commission en demande le retrait puisqu'il a pour objet de mettre un terme à la situation spécifique des nombreux sans-papiers présents en Guyane, effectivement constatée par la commission d'enquête. Pour autant, la régularisation collective n'est pas la philosophie retenue par les auteurs du projet de loi.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements pour les raisons développées par le rapporteur : dans ce cas également, il existe un parallélisme des formes qui est incontournable.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Je les retire, monsieur le président. À la lecture du Journal officiel, chacun pourra connaître la position de la commission, celle du Gouvernement et celle du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Les amendements n° 255 rectifié bis et 253 rectifié sont retirés.

L'amendement n° 254 rectifié, présenté par MM. Othily, Marsin et Barbier, est ainsi libellé :

Après l'article 72 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

En Guyane, les personnes en situation irrégulière du fait du non-renouvellement de leurs pièces d'identité bénéficient d'une régularisation.

La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. En Guyane, certaines personnes en situation irrégulière du fait du non-renouvellement de leur pièce d'identité doivent bénéficier d'une régularisation.

Il s'agit de jeunes gens qui vivent en Guyane depuis près de quinze ans. Ils ont eu une carte nationale d'identité - notamment ceux qui vivent sur le fleuve Maroni - ; ils ont eu un passeport. Au moment de le renouveler, on leur dit qu'ils ne peuvent pas le faire au motif qu'ils n'ont pas d'état civil.

Nous demandons donc que ces personnes au moment où elles présentent leur passeport français, voire européen; soient régularisées. C'est également une volonté qui a été exprimée lors du dernier congrès des élus de la Guyane.

Il faut savoir que ces jeunes sont très nombreux qui, au moment de suivre des études en France métropolitaine, et bien qu'étant bacheliers français, ne peuvent partir faute d'avoir un passeport ou une pièce d'identité.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Le problème est réel. Pour autant, faut-il aller vers une régularisation aussi large et dans les conditions demandées ? La commission émet un avis défavorable, préférant naturellement une régularisation, si elle doit intervenir, opérée au cas par cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Si les intéressés ont une pièce d'identité en bonne et due forme, comment faites-vous, monsieur le ministre ?

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Ce sont là des cas de figure, monsieur le président, que nous constatons, malheureusement ou heureusement, régulièrement, ce qui permet d'ailleurs aux autorités administratives de procéder la plupart du temps à la régularisation. C'est bien la raison pour laquelle, d'ailleurs, tout amalgame, toute politique globale; toute inadaptation à la réalité de terrain peut aboutir à des politiques qui sont à l'opposé des principes qui rassemblent la plupart d'entre nous.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement. Cela étant, j'entends parfaitement le message du sénateur Othily et c'est dans cet esprit que des instructions seront données au préfet de Guyane en vue de réexaminer la situation des personnes concernées.

Le Gouvernement est donc globalement opposé à des régularisations massives pour des raisons de fond comme de forme : de fond, parce que cela risque de créer des injustices de traitement ; de forme, parce que, comme vous le savez - c'est d'ailleurs tout le sens de ce projet de loi - un tel message ne manquerait pas de créer un appel d'air.

A-t-on besoin d'un appel d'air ? La réponse est non et je parle sous votre contrôle, monsieur le sénateur.

A-t-on besoin d'une politique rigoureuse ? La réponse est oui.

Pouvons-nous nous doter d'outils efficaces ? La réponse est oui, et c'est ce que nous proposons.

Devons-nous aller plus loin ? Probablement, en fonction de l'adaptation à l'évolution de la situation.

Pouvons-nous « tordre le bras » à l'article 73 de la Constitution ? Le Gouvernement n'aurait pas cette audace.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mon cher collègue, pour ce qui est du Journal officiel, vous avez satisfaction ; dans ces conditions, retirez-vous cet amendement ?

M. Georges Othily. Oui, monsieur le président, parce que les propos de M. le ministre figureront au Journal officiel et parce que mes compatriotes pourront les lire et connaître ainsi la position du Gouvernement sur une situation qui est plus qu'alarmante !

Mais ma satisfaction, si je puis dire, va encore beaucoup plus loin, dans la mesure où des collectifs s'organisent actuellement en Guyane et font le travail que les forces de l'ordre et le Gouvernement ne sont pas encore en mesure de faire sur le territoire de la Guyane française !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Ce n'est pas républicain : cela s'appelle des milices !

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Cela étant, je retire l'amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n °254 rectifié est retiré.

CHAPITRE II

Dispositions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, à l'état des personnes et aux reconnaissances d'enfants frauduleuses à Mayotte

L'article 20 de l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique à Mayotte, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à l'article 19 et au premier alinéa du présent article, les frais mentionnés au premier alinéa sont personnellement et solidairement à la charge du père ayant reconnu un enfant né d'une mère étrangère et de celle-ci, lorsqu'elle ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 6 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte. Cette disposition s'applique même lorsque la reconnaissance fait l'objet de la procédure prévue aux articles 2499-2 à 2499-5 du code civil. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 463, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

L'article 73 vise à limiter l'attractivité de Mayotte en matière de santé. Les frais d'hospitalisation, de consultation et d'actes externes sont acquittés directement par les personnes qui ne sont pas affiliées au régime d'assurance-maladie de Mayotte où - c'est une particularité par rapport à la métropole - l'aide médicale de l'État n'existe pas.

Si nous sommes tout à fait d'accord pour reconnaître sa situation particulière de Mayotte, elle ne justifie pas pour autant toutes ces dispositions anticonstitutionnelles que nous allons examiner.

Pourquoi instaurer un régime d'exception pour Mayotte ? Pourquoi toujours suspecter et punir la même catégorie de la population et ne jamais inquiéter les auteurs responsables d'une telle situation ?

Avec cet article, ces frais seront solidairement à la charge du père mahorais qui reconnaîtrait un enfant naturel d'une mère étrangère sans papiers, même si la reconnaissance est contestée. L'exposé des motifs est d'ailleurs assez clair puisqu'il s'agit de mettre à la charge personnelle du père ayant reconnu un enfant naturel les frais de maternité de la femme étrangère en situation irrégulière.

Je pense que cette disposition et les raisons qui la justifient ne sont pas acceptables, puisqu'il s'agit toujours de suspicion. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Il s'agit d'un amendement de suppression de l'article 73, article dont je rappelle qu'il permet de dissuader le commerce florissant des reconnaissances de paternité à Mayotte en mettant à la charge du père ayant reconnu un enfant à Mayotte les frais médicaux liés à la naissance.

Rappelons simplement quelques chiffres : le nombre de reconnaissances de paternité à Mayotte a été multiplié par six depuis 2001, alors que, dans le même temps, le nombre des actes de naissance n'a augmenté que de 15 %.

L'article 73 est un outil de dissuasion important aux yeux de la commission, qui a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Le Gouvernement est évidemment défavorable.

Continuez, madame Hoarau, à confondre les articles 73 et 74 de la Constitution, et vous serez toujours dans l'erreur sur les politiques adaptées à Mayotte ; continuez à pratiquer la politique de l'autruche et à ne pas voir la réalité, et vous resterez sans politique pour Mayotte ; continuez à rédiger des amendements de suppression et vous ferez le lit du développement de l'immigration clandestine sur le territoire mahorais

Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Protestations sur les travées du groupe CRC.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 73 est adopté.

L'article 3 de l'ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des nom et prénoms des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'application de l'alinéa précédent, le père et la mère doivent être des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte. À défaut, la filiation ne peut être établie que dans les conditions et avec les effets prévus par le code civil. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 464, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Je trouve que l'arrogance de M. le ministre envers notre groupe devient de plus en plus déplaisante : franchement, monsieur le ministre, vous pourriez au moins entendre les propos de ma collègue !

Que vous ne soyez pas d'accord, nous le comprenons et nous vous le concédons, mais quand même

L'article 74 restreint les conditions d'application de la dation de nom qui emporte filiation dans le statut civil de droit local, en opposant que les deux parents relèvent du statut civil de droit local.

Ainsi, lorsque seul le père relève dudit statut, l'enfant naturel reconnu par le père est soumis au droit commun du droit civil qui impose l'obligation alimentaire du père.

Nous nous opposons formellement à la suspicion de reconnaissances de complaisance, ni plus ni moins, qu'induit cet article.

On peut en effet se demander si l'on ne cherche pas à dissuader les pères mahorais ou métropolitains de reconnaître un enfant de mère comorienne en situation irrégulière.

S'il existe effectivement des réseaux d'organisation de reconnaissance de paternités frauduleuses, pourquoi ne prendrait-on pas des dispositions plus en amont pour neutraliser ces prétendus réseaux ?

Nous n'avons de cesse de le répéter depuis le début de ce débat : vous vous en prenez toujours, monsieur le ministre, à des individus que vous soupçonnez à tout va de paternités frauduleuses à des fins financières ou clandestines, sans jamais vous préoccuper des causes.

Cherchons à développer Mayotte plutôt que de poursuivre des coupables présumés.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Défavorable, sans arrogance !

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 74 est adopté.

I. - L'article 2492 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 2492. - Les articles 7 à 32-5, 34 à 56, 58 à 61, 63 à 315 et 317 à 515-8 sont applicables à Mayotte. »

II. - L'article 2494 du même code est abrogé.

III. - Dans le titre Ier du livre V du même code, sont insérés cinq articles 2499-1 à 2499-5 ainsi rédigés :

« Art. 2499-1. - Les articles 57, 62 et 316 sont applicables à Mayotte sous les réserves prévues aux articles 2499-2 à 2499-5.

« Art. 2499-2. - Lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer que la reconnaissance d'un enfant est frauduleuse, l'officier de l'état civil saisit le procureur de la République et en informe l'auteur de la reconnaissance.

« Le procureur de la République est tenu de décider, dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine, soit de laisser l'officier de l'état civil enregistrer la reconnaissance ou mentionner celle-ci en marge de l'acte de naissance, soit qu'il y est sursis dans l'attente des résultats de l'enquête à laquelle il fait procéder, soit d'y faire opposition.

« La durée du sursis ainsi décidé ne peut excéder un mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée. Toutefois, lorsque l'enquête est menée, en totalité ou en partie, à l'étranger par l'autorité diplomatique ou consulaire, la durée du sursis est portée à deux mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée. Dans tous les cas, la décision de sursis et son renouvellement sont notifiés à l'officier de l'état civil et à l'auteur de la reconnaissance.

« À l'expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître à l'officier de l'état civil et aux intéressés, par décision motivée, s'il laisse procéder à l'enregistrement de la reconnaissance ou à sa mention en marge de l'acte de naissance de l'enfant.

« L'auteur de la reconnaissance peut contester la décision de sursis ou de renouvellement de celui-ci devant le tribunal de première instance, qui statue dans un délai de dix jours à compter de sa saisine. En cas d'appel, le tribunal supérieur d'appel statue dans le même délai.

« Art. 2499-3. - Tout acte d'opposition mentionne les prénoms et nom de l'auteur de la reconnaissance, ainsi que les prénoms et nom, date et lieu de naissance de l'enfant concerné.

« En cas de reconnaissance prénatale, l'acte d'opposition mentionne les prénoms et nom de l'auteur de la reconnaissance, ainsi que toute indication communiquée à l'officier de l'état civil relative à l'identification de l'enfant à naître.

« À peine de nullité, tout acte d'opposition à l'enregistrement d'une reconnaissance, ou à sa mention en marge de l'acte de naissance de l'enfant, énonce la qualité de l'auteur de l'opposition, ainsi que les motifs de celle-ci.

« L'acte d'opposition est signé, sur l'original et sur la copie, par l'opposant et notifié à l'officier de l'état civil, qui met son visa sur l'original.

« L'officier de l'état civil fait, sans délai, une mention sommaire de l'opposition sur le registre d'état civil. Il mentionne également, en marge de l'inscription de ladite opposition, les éventuelles décisions de mainlevée dont expédition lui a été remise.

« En cas d'opposition, il ne peut, sous peine de l'amende prévue à l'article 68, enregistrer la reconnaissance ou la mentionner sur l'acte de naissance de l'enfant, sauf si la mainlevée de l'opposition lui a été remise.

« Art. 2499-4. - Le tribunal de première instance se prononce, dans un délai de dix jours à compter de sa saisine, sur la demande de mainlevée de l'opposition formée par l'auteur de la reconnaissance, même mineur.

« En cas d'appel, le tribunal supérieur d'appel statue dans le même délai.

« Le jugement rendu par défaut, rejetant l'opposition à l'enregistrement de la reconnaissance ou à sa mention en marge de l'acte de naissance de l'enfant, ne peut être contesté.

« Art. 2499-5. - Lorsque la saisine du procureur de la République concerne une reconnaissance prénatale ou concomitante à la déclaration de naissance, l'acte de naissance de l'enfant est dressé sans indication de cette reconnaissance. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune ; les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 502 rectifié est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

L'amendement n° 465 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 502 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Le texte entend mettre en place une procédure de contestation des reconnaissances d'enfants tout à fait inédite en droit de la famille, au point de créer en la matière un bouleversement inacceptable.

Les dispositions de cet article permettent à l'officier d'état civil qui reçoit la reconnaissance d'un enfant de saisir le parquet s'il estime qu'il existe des indices sérieux laissant présumer que la reconnaissance est invraisemblable ou frauduleuse.

Le parquet devra alors dans un délai de quinze jours autoriser la reconnaissance ou s'y opposer. Il pourra aussi décider de surseoir pendant deux mois maximum, de faire procéder à une enquête avant de prendre une décision.

L'auteur de la reconnaissance pourra bien sûr contester la décision de sursis ou d'opposition et la reconnaissance pourra être alors sans cesse retardée d'un ou deux mois, sans parler du fameux délai de dix jours devant le tribunal de grande instance.

Actuellement, même si un officier d'état civil ne peut pas juger de la sincérité d'une reconnaissance, il pourrait signaler une reconnaissance qui lui paraîtrait mensongère. C'est donc seulement quand la reconnaissance est invraisemblable, par exemple lorsque la différence d'âge entre l'enfant et le père est inférieure à douze ans, que l'officier d'état civil peut refuser de la recevoir et saisir le parquet. Sinon, il lui suffit d'avertir l'intéressé d'un risque d'annulation.

En fait, on s'aperçoit que seuls les étrangers en situation irrégulière, auxquels on prête toujours les pires intentions, sont obligés de s'en tenir au strict droit du sang. Bien entendu, même si ce projet de réforme du code civil n'en fait pas mention, il ne fait aucun doute qu'il ne cible que les sans-papiers.

Les femmes comoriennes qui viennent accoucher à Mayotte et qui sont suspectées de rechercher un Mahorais prêt à reconnaître la paternité de leur enfant, sont explicitement visées par ce dispositif.

Si, comme nous le font croire vos récentes déclarations, monsieur le ministre, le champ d'application de cette réforme concerne tout le territoire national, force est de constater que les sans-papiers qui reconnaîtraient un enfant français pourraient être les principales personnes touchées par ladite réforme. En fait, vous avez maintenant décidé de réduire ce champ d'application, en particulier à Mayotte.

En ce qui concerne les risques réels de fraude, on peut s'interroger sur la nécessité de prévoir une procédure de contrôle a priori reposant uniquement sur des indices qui s'avèrent humiliants et injustes pour des personnes de bonne foi, alors qu'il existe déjà une procédure d'annulation a posteriori plus fiable et respectueuse des droits de la personne.

Une nouvelle fois, on s'aperçoit que ce dispositif repose entièrement sur la suspicion a priori de l'officier d'état civil. L'expérience a démontré que ce type de contrôle était source de nombreux dérapages, tels le refus systématique des maires hostiles aux étrangers, la saisine abusive des parquets effectuée sur le seul fondement du séjour irrégulier.

À ce propos, il convient de relever que des enquêtes intrusives sont déjà menées dans la vie privée des candidats au mariage. D'ailleurs, de nombreux détournements de procédure sont opérés par l'administration. Le dépôt du dossier en mairie devient un moyen d'identifier puis de reconduire à la frontière les candidats au mariage qui sont en situation irrégulière, quelle que soit la réalité des sentiments qu'éprouve chaque partie.

Le contrôle a priori des reconnaissances d'enfants risque fort d'aboutir au même résultat. Quels indices sérieux l'officier d'état civil va-t-il rechercher pour conclure à un risque de fraude, sinon la situation irrégulière de l'un des parents ?

Pour conclure, à l'instar des suspicions pesant sur le mariage, le présent projet de loi, qui réformera certaines dispositions du code civil dont le champ d'application est territorialement limité à Mayotte, pourra être destiné à dissuader tous les étrangers de faire valoir leur droit de vivre en famille. Il s'agit, encore une fois, d'une violation des droits fondamentaux, et nous ne pouvons l'accepter.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 465.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je n'ai jamais eu le plaisir de me rendre à Mayotte pour y rencontrer nos concitoyens. Cependant, j'ai quelques notions de géographie et je sais qu'il convient que nous soyons très attentifs à la situation économique, sanitaire ou scolaire des Comores, ainsi qu'aux difficultés politiques prévisibles.

La mise en place d'un plan de développement régional qui éviterait les migrations forcées de cet archipel semblerait plus efficace et respectueuse de la vie humaine que le renforcement, bien aléatoire, du contrôle des frontières ou de la reconnaissance frauduleuse de la paternité.

Dans une île où la moitié de la population est âgée de moins de vingt ans, porter une attention privilégiée aux problèmes des enfants devrait être une priorité encore plus affirmée. Mais, au lieu de cela, nous sommes amenés à légiférer sur le fantasme gouvernemental relatif à l'invasion des bébés français de mères comoriennes qui engendre la chasse à la paternité de complaisance.

La loi du 26 novembre 2003 avait consacré la suspicion : tout mariage mixte ne serait qu'un mariage blanc ou de complaisance destiné à protéger l'immigration illégale. En toute logique, après le contrôle de la validité des mariages apparaît la suspicion de fraude à la reconnaissance de paternité, ou « paternité blanche », face aux nouveau-nés de parents français et étranger.

Dans les deux cas, le dispositif repose entièrement sur la suspicion a priori de l'officier d'état civil.

À Mayotte coexistent deux états civils. L'état civil de droit commun découle du code civil, mais la majorité de la population relève d'un statut personnel de droit local, inspiré du droit coranique et prévu par l'article 75 de la Constitution. Ce statut est héréditaire sauf renonciation, cas peu fréquent. Jusqu'en 2001, le cadi tenait un registre d'état civil. Depuis cette date, le service d'état civil est censé tenir le registre de droit commun comme celui de droit local. Mais les mariages coutumiers, sans valeur juridique, semblent fréquents.

Si l'évolution administrative de l'île entraîne des adaptations, ces dernières ne doivent pas justifier des entorses aux droits de l'homme. Les écueils constatés en matière d'asile, comme le non-accès aux soins et à la scolarisation, ne sont pas acceptables sur le territoire français et ne peuvent être des moyens de lutte contre l'immigration irrégulière. Il y va non seulement de la francophonie, mais aussi de l'évolution et du rayonnement des droits de l'homme dans cette région du monde. C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous demandons d'adopter l'amendement n° 465.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 70, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le I de cet article pour l'article 2492 du code civil, après la référence :

insérer la référence :

L'amendement n° 71, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Au dernier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article 2499-3 du code civil, remplacer les mots :

la mainlevée

par les mots :

une expédition de la mainlevée

La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques n° 502 rectifié et 465 et pour présenter ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L'amendement n° 502 rectifié tend à supprimer la procédure d'opposition aux reconnaissances frauduleuses de paternité à Mayotte. Il est évident que la commission y est défavorable. Le même avis vaut pour l'amendement n° 465.

Par ailleurs, les dispositions de l'article 2492 du code civil relatives aux conditions d'accouchement sous X n'avaient pas pris en compte le cas de Mayotte, oubli auquel l'amendement n° 70 a pour objet de remédier.

L'amendement n° 71, quant à lui, est purement rédactionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quel est l'avis du Gouvernement sur les quatre amendements en discussion commune ?

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression n° 502 rectifié et 465.

Madame Assassi, je pourrais vous parler à nouveau de la politique de l'autruche, mais vous trouveriez cela arrogant !

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Je pourrais vous répéter que plaider contre une évidence n'a jamais fait un bon avocat, mais vous pourriez considérer cela comme déplaisant.

Je pourrais comparer la superficie de Mayotte à celle de l'île d'Oléron, vous rappeler sa situation géographique, démographique, le pourcentage de clandestins atteignant les 30 % à 40 %, le taux de natalité le plus élevé de France, le fait que 80 % des femmes donnant la vie sont arrivées illégalement sur le territoire, mais, mesdames les sénateurs du groupe CRC, vous pourriez estimer qu'il s'agit d'une mauvaise manière de ma part.

Alors, madame Assassi, je n'aurai qu'une chose à dire : allez-y, allez à Mayotte, et peut-être pourrons-nous reprendre le débat, si, d'aventure, vous avez changé d'avis.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Par ailleurs, le Gouvernement est naturellement favorable aux amendements n° 70 et 71 de la commission.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 75 est adopté.

Le I de l'article 29-1 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, après les mots : « contracter un mariage », sont insérés les mots : « ou de reconnaître un enfant » et, après les mots : « un titre de séjour », sont insérés les mots : « ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement » ;

2° Dans le deuxième alinéa, après le mot : « mariage », sont insérés les mots : « ou de la reconnaissance d'un enfant ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 466, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ayant demandé la suppression de l'article 75, nous demandons en toute logique celle de l'article 76.

Sur quels indices sérieux se fondera en priorité l'officier d'état civil pour conclure à un risque de fraude, sinon la situation irrégulière de l'un des parents ? Si la reconnaissance d'un enfant fait encourir le risque d'une reconduite à la frontière, rares seront les pères sans papiers qui tenteront le diable ! Or sont concernés des enfants, des individus, des êtres humains, qui ont besoin d'une reconnaissance préalable pour démarrer une vie affective équilibrée, quels que soient les liens biologiques entre les adultes qui les accueillent et eux-mêmes.

Les officiers d'état civil savent à quel point le lien biologique n'est pas la condition sine qua non de ce départ dans la vie. La société ne saurait considérer ces enfants, ces êtres humains, comme des justificatifs administratifs, bureaucratiques, et estimer a priori que leurs pères sont des délinquants.

À l'instar des dispositions relatives au mariage, ce projet de réforme du code civil territorialement limité à Mayotte est avant tout destiné à dissuader les étrangers de faire valoir leurs droits à vivre en famille.

On s'étonnera que le Gouvernement ait osé aborder un domaine sensible du droit de la famille au travers d'une énième réforme du droit des étrangers, sans avoir songé un instant à consulter les personnes compétentes en ce domaine.

Telles sont les raisons pour lesquelles les membres du groupe CRC ont déposé le présent amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

À partir du moment où cet amendement tend à supprimer la pénalisation de la reconnaissance frauduleuse de paternité à Mayotte, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Avis identique !

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 76 est adopté.

L'article 30-2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pendant une période de trois ans à compter de la publication de la loi n° du relative à l'immigration et à l'intégration, pour l'application du deuxième alinéa du présent article, les personnes majeures au 1er janvier 1994 qui établissent qu'elles sont nées à Mayotte sont réputées avoir joui de façon constante de la possession d'état de Français si elles prouvent, en outre, qu'elles ont été inscrites sur une liste électorale à Mayotte au moins dix ans avant la publication de la loi n° du précitée et qu'elles font la preuve d'une résidence habituelle à Mayotte. » -

Adopté.

Le deuxième alinéa de l'article 26 de la délibération de l'assemblée territoriale des Comores n° 61-16 du 17 mai 1961 relative à l'état civil à Mayotte est ainsi rédigé :

« La célébration du mariage est faite en mairie en présence des futurs époux et de deux témoins par l'officier d'état civil de la commune de résidence de l'un des futurs époux. » -

Adopté.

CHAPITRE III

Dispositions modifiant le code du travail de la collectivité départementale de Mayotte

I A. - Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 330-11 du code du travail applicable à Mayotte, le mot : « cent » est remplacé par le mot : « mille ».

I. - L'article L. 610-4 du même code est abrogé.

II. - Dans le deuxième alinéa de l'article L. 610-6 du même code, après les mots : « les travailleurs à domicile », sont insérés les mots : « ou les employés de maison ».

III. - L'article L. 610-11 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans le cadre des enquêtes préliminaires diligentées pour la recherche et la constatation des infractions prévues aux articles L. 312-1 et L. 330-5 du présent code, les officiers de police judiciaire assistés, le cas échéant, des agents de police judiciaire, peuvent, sur ordonnance du président du tribunal de première instance de Mayotte ou d'un juge délégué par lui, rendue sur réquisitions du procureur de la République, procéder à des visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction dans les lieux de travail des salariés visés à l'article L. 000-1 et ceux des travailleurs indépendants et des employeurs exerçant directement une activité, même lorsqu'il s'agit de locaux habités.

« Le juge doit vérifier que les réquisitions du procureur de la République mentionnées à l'alinéa précédent sont fondées sur des éléments de fait laissant présumer l'existence des infractions dont la preuve est recherchée. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 467, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L'article 77 du projet de loi vise à permettre le contrôle des employés de maison à Mayotte et l'accès, dans le cadre d'enquêtes préliminaires relatives au travail dissimulé et à l'emploi d'étrangers sans titres, aux locaux d'habitation.

Ce projet de loi renforce ainsi les moyens de contrôle de l'emploi illégal à Mayotte. Si nous sommes favorables à un tel renforcement, ...

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Ah ? Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous l'avons toujours affirmé, monsieur le ministre. Vous n'avez pas assez bien écouté mon intervention dans la discussion générale : je n'ai pas cessé de le répéter !

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Pas assez !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je répète donc, une fois de plus, que, si nous sommes favorables au renforcement des moyens de contrôle de l'emploi illégal, en revanche, nous estimons que les inspecteurs du travail n'ont pas à participer à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, ni à effectuer un contrôle de la nationalité. D'ailleurs, rien dans leurs attributions ne les y oblige. Pour cela, il existe des services spécialisés, comme la police aux frontières.

En réalité, vous prenez prétexte du renforcement des moyens de contrôle de l'emploi illégal à Mayotte pour détourner la mission des inspecteurs du travail vers un contrôle des étrangers travaillant sans autorisation. C'est une pression supplémentaire exercée sur les inspecteurs du travail, eux qui subissent déjà une forte contrainte depuis la circulaire du 27 février 2006 aux termes de laquelle ils doivent se prévaloir de leurs fonctions pour contrôler les étrangers travaillant sans autorisation.

Il s'agit d'un détournement du code du travail !

Notre pays manque d'inspecteurs du travail. Dès lors, pourquoi vouloir leur faire faire autre chose que ce pour quoi ils sont formés et employés ?

Compte tenu de leur faible effectif, ces agents connaissent déjà de grandes difficultés pour remplir leur mission première qui est de surveiller et de punir les travailleurs clandestins et surtout les employeurs de main-d'oeuvre irrégulière qui tirent profit de ces travailleurs clandestins, corvéables à merci et sous-payés.

D'ailleurs, l'intersyndicale des inspecteurs du travail n'est pas favorable à l'élargissement des missions des intéressés qui, de surcroît, va se faire sans aucune contrepartie.

Au moment où le Gouvernement prône la suppression de 15 000 postes de fonctionnaire, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

...on est en droit de se demander comment une telle mesure va pouvoir se traduire concrètement.

Que cela soit clair : les membres du groupe CRC sont favorables à un renforcement des moyens de lutte contre le travail clandestin, mais pas dans les conditions figurant à l'article 77, dont ils vous proposent, mes chers collègues, la suppression pure et simple.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Le dispositif mis en place par l'article 77 est évidemment placé sous le contrôle permanent de l'autorité judiciaire, garante des libertés individuelles. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 77 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

CHAPITRE IV

Dispositions modifiant le code de procédure pénale

I. - L'article 78-2 du code de procédure pénale est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Pendant cinq ans à compter de la publication de la loi n° du relative à l'immigration et à l'intégration, l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa du présent article, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi :

« 1° En Guadeloupe, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, ainsi que dans une zone de un kilomètre de part et d'autre, d'une part, de la route nationale 1 sur le territoire des communes de Basse-Terre, Gourbeyre et Trois-Rivières et, d'autre part, de la route nationale 4 sur le territoire des communes du Gosier et de Sainte-Anne et Saint-François ;

« 2° À Mayotte, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà. »

II. - Dans l'article 3 de la loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité, les mots : « de l'avant-dernier » sont remplacés par les mots : « du huitième ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 468, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

L'article 78 prévoit un renforcement des contrôles d'identité en Guadeloupe et à Mayotte. Ce faisant, il constitue une dérogation supplémentaire au code de procédure pénale, dérogation que nous ne pouvons accepter, même si elle est limitée dans le temps. On sait très bien que le temporaire peut durer.

Avec le titre VI du projet de loi consacré à la maîtrise de l'immigration outre-mer, on assiste à la mise en place d'un véritable régime dérogatoire au droit commun, comme si ces territoires représentaient une terre d'exception.

La situation en outre-mer, si compliquée soit-elle, ne saurait pourtant justifier l'instauration d'un régime d'exception : recours non suspensif en matière de reconduite à la frontière étendu à l'ensemble de la Guadeloupe, visites sommaires des véhicules, élargissement des possibilités de contrôle d'identité, et je ne suis pas exhaustive.

Pourquoi un tel acharnement ? Pouvons-nous disposer d'informations sur les éventuels effets positifs que vous escomptez obtenir avec de telles mesures, qui risquent tout de même de porter atteinte aux libertés individuelles ?

Les modalités de contrôle de l'identité étaient initialement très encadrées par la loi, sous le regard attentif du Conseil constitutionnel, je vous le rappelle, mais, peu à peu, au gré de l'adoption des différentes lois sécuritaires, cet encadrement a connu des modifications telles que l'on peut se demander si les libertés individuelles sont aussi bien sauvegardées aujourd'hui qu'hier.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 72, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le II de cet article :

II. L'article 3 de la loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité est abrogé.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 468.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L'article 3 de la loi du 10 août 1993 prévoit que certaines dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale sont applicables à compter de l'entrée en vigueur de la convention de Schengen.

Celle-ci étant entrée en vigueur depuis plusieurs années, cette mesure n'a plus lieu d'être.

L'amendement n° 72 tend donc à l'abroger purement et simplement.

L'amendement n° 468, quant à lui, visant à supprimer le dispositif de contrôle d'identité spécifique, la commission y est défavorable.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Sur l'amendement n° 468, le Gouvernement émet un avis défavorable et, sur l'amendement n° 72, il émet un avis favorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 78 est adopté.

Dans le troisième alinéa de l'article 78-3 du code de procédure pénale, après les mots : « quatre heures », sont insérés les mots : «, ou huit heures à Mayotte, ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 469, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

L'article 79 a pour objet d'allonger le délai de rétention des personnes soumises à un contrôle d'identité à Mayotte pour le porter de quatre heures à huit heures.

Il s'agit, là encore, d'une dérogation au code de procédure pénale à laquelle nous sommes opposés et dont nous demandons la suppression.

Le Gouvernement justifie cette mesure par le fait que « compte tenu des conditions particulières de l'immigration clandestine à Mayotte, les services de police ne sont pas en mesure dans cette collectivité de procéder dans le délai de quatre heures aux vérifications nécessaires pour établir l'identité des personnes retenues. »

Nous estimons qu'une telle dérogation au régime de droit commun ne saurait être justifiée par l'insuffisance des moyens des services de police.

Si, demain, le délai de huit heures lui paraît insuffisant...

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

... le Gouvernement va-t-il l'allonger encore, au risque de porter une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles ?

Ce n'est pas sérieux ! Si le Gouvernement veut lutter efficacement contre l'immigration clandestine à Mayotte, qu'il y mette les moyens, au lieu de rogner un peu plus chaque fois les libertés individuelles !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Il s'agit d'un amendement de suppression : la commission y est défavorable.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Même avis !

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 79 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration outre-mer.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Philippe Richert.