Intervention de Didier Boulaud

Réunion du 14 juin 2006 à 15h00
Conseil européen des 15 et 16 juin 2006 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Didier BoulaudDidier Boulaud :

Le résultat du référendum contenait un message d'inquiétude profonde. Or, à ce jour, aucune leçon ne semble en avoir été tirée, les questions soulevées par ce résultat ont été ignorées, aucun débat constructif n'a eu lieu pour permettre à l'Europe de continuer à se construire.

Croire que l'Europe peut sortir de la crise qu'elle traverse en décrétant une pause est une illusion : un ralentissement, voire un blocage prolongé, pourrait lui être fatal.

Il peut être facile, voire dangereux, de considérer que la crise européenne va se résoudre d'elle-même ; il faut être prudent, l'Europe est un bien qu'il faut protéger et le temps qui s'écoule peut lui être nuisible.

L'allongement de la période de réflexion proposé dans le document de travail établi par la France il y a un mois est, à nos yeux, dangereux. Les citoyens français risquent de penser qu'il y a peu de différence entre une Europe dynamique et une Europe en crise.

La profonde crise politique que connaît la France actuellement empêche certainement et paradoxalement toute discussion, et l'incompréhension du Gouvernement à l'égard des Français bloque toute tentative de proposition d'avancée européenne.

L'inertie du Président de la République, malgré ses promesses lors de la présentation de ses derniers voeux, oblige nos concitoyens, et par ricochet l'ensemble des Européens, à attendre les élections présidentielles françaises pour voir émerger de nouvelles propositions. Nous trouvons cet « enterrement » regrettable et surtout dangereux.

Un an après les résultats du 29 mai, aucune initiative politique de la part de l'exécutif français n'a eu lieu. L'Europe est en panne et n'a pas été capable de se relancer après le choc du « non ».

La pause de réflexion réaffirmée par Jacques Chirac et Angela Merkel à l'occasion du sommet informel franco-allemand du 6 juin dernier n'est qu'une preuve supplémentaire de l'immobilisme qui prévaut aujourd'hui entre partenaires européens.

La France doit apprendre à mieux travailler avec tous ses partenaires européens. Le calendrier politique de sortie de crise devra être défini et accepté par tous les États membres de l'Union.

La coopération franco-allemande sur les questions européennes est indispensable mais elle n'est pas exclusive. Elle ne suffira pas seule à résoudre les difficultés que traverse l'Union, comme vient d'ailleurs de le rappeler Jacques Delors dans la vigoureuse critique qu'il vient d'adresser aux dirigeants européens qu'il accuse d'entraîner l'Europe dans la plus grave crise de son histoire en refusant de parler des problèmes qui les divisent.

La France doit aujourd'hui renforcer ses relations avec ses autres partenaires européens, à la fois pour les convaincre de ses positions et pour être à l'écoute de leurs souhaits, de leurs préoccupations et de leurs réflexions. Il ne faut pas oublier que l'Union Européenne a vocation à être une zone d'échanges intellectuels et culturels autant que commerciaux. J'ose espérer que ce débat ne patinera pas ces jours-ci à Bruxelles.

En conclusion, je suis plutôt pessimiste quant aux résultats de ce Conseil européen. J'ose espérer que le débat que nous avons ici permettra d'éviter au Conseil européen d'avoir des conclusions convenues, vivement regrettables, sur un ordre du jour attrayant qu'il convient toutefois de ne pas vider de son contenu.

La stratégie européenne passe par un redressement national et par un plan de relance européen articulé autour de principes fondamentaux et solides.

Les Européens aspirent aujourd'hui à devenir une puissance « tranquille » qui, sans renoncer à ses ambitions politiques ou à sa défense, s'impose au reste du monde par ses valeurs. Incarner et défendre les valeurs européennes : voilà, madame, monsieur les ministres, l'objectif et la spécificité que nous souhaitons !

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