Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 20 janvier 2011 à 9h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Vote sur l'ensemble

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen en seconde lecture de ce projet de loi par notre assemblée n’aura pas permis, loin s’en faut, de lever les réelles inquiétudes de la majorité des membres du RDSE face à une politique sécuritaire toujours plus dure, inefficace et, pour tout dire, injuste.

Au gré de la navette, les dispositions de ce texte, à l’origine déjà très hétérogènes, se sont transformées en un patchwork évoluant au gré des aléas de la rubrique des faits divers des journaux. L’émotion et l’enquête d’opinion sont devenues les principales sources d’inspiration de la politique pénale de notre pays. Or, légiférer sous la coupe des médias est non seulement absurde, mais encore créateur d’insécurité juridique et d’injustice : cette façon de faire est contradictoire avec notre conception de l’intérêt général.

Cela a été largement rappelé durant nos débats : les magistrats, comme les forces de l’ordre, sont excédés par cette politique toujours plus sécuritaire, leur imposant des objectifs inatteignables au regard de la faiblesse des moyens qui leur sont accordés, de la réduction des effectifs qu’ils subissent et que nous dénonçons à chaque loi de finances.

Les statistiques montrent pourtant que, loin des incantations d’autosatisfaction, la délinquance n’a en rien reculé depuis 2002 et continue même de progresser de façon inquiétante pour nos concitoyens.

Face à ce phénomène très complexe, la seule réponse du Gouvernement est une course en avant vers toujours plus de répression et d’aggravation des peines d’enfermement. Seize lois sécuritaires en huit ans ne font pas une politique pénale performante : elles signent, au contraire, un navrant constat d’échec.

Votre politique, c’est celle des peines planchers pour les primo-délinquants, de la double peine pour les étrangers, du renforcement de la rétention de sûreté, de la privatisation du domaine public, de la vidéosurveillance érigée en solution passe-partout, du couvre-feu pour mineurs. Cette politique, nous la refusons fermement.

En revanche, nous estimons, comme l’a brillamment défendu notre collègue Jacques Mézard durant l’ensemble des débats, que la solution doit appréhender l’ensemble des facteurs de délinquance, à commencer par les inégalités sociales de plus en plus criantes, lesquelles ne cessent d’alimenter l’exclusion et la violence. Cela ne nous empêche pas d’être attachés au principe de responsabilité individuelle et d’attendre de l’État une grande fermeté en cas de nécessité. N’oubliez pas que les premières victimes de la délinquance et de la criminalité sont bien nos compatriotes les plus défavorisés !

Nous attendions également une réflexion plus aboutie sur les causes de la récidive, à commencer par le rôle qu’y joue l’état actuel de notre système carcéral, malgré la loi pénitentiaire. Malheureusement, ce projet de loi est muet sur ce point.

Le travail du Sénat et de la commission des lois a néanmoins permis de mieux répondre au souci de respect des droits fondamentaux auxquels nous sommes tous attachés. Il est vrai aussi que l’Assemblée nationale s’est largement laissée emporter dans le toujours plus sécuritaire...

Certes, monsieur le ministre, un certain nombre de nos amendements ont été adoptés, et nous nous en réjouissons. Mais la philosophie de ce projet de loi, tel qu’il ressort de cette seconde lecture, se situe fondamentalement à l’opposé de notre conception de l’intérêt général et de la justice. La majorité des membres du RDSE votera donc fermement contre.

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